La prochaine réforme de la Politique agricole commune (PAC) est-elle mal partie ?
Les commissions des Affaires européennes et des Affaires économiques du Sénat, sous la présidence de Mme Sophie Primas (Les Républicains -Yvelines) et de M. Jean Bizet (Les Républicains - Manche), ont adopté à l’unanimité, le 12 avril 2018, une proposition de résolution européenne consacrée à la réforme de la Politique agricole commune , sur le rapport de M. Daniel Gremillet (Les Républicains - Vosges), de Mme Pascale Gruny (Les Républicains - Aisne), de M. Claude Haut (La République en Marche -Vaucluse) et de M. Franck Montaugé (Socialiste et républicain - Gers).
Cette proposition de résolution ambitionne de servir de signal d’alarme et comporte, au total, 23 demandes et recommandations, visant à :
- obtenir un budget stable en euros sur la période 2021/2027 ;
- conjurer le risque d’une "vraie fausse" simplification du mode de mise en œuvre de la PAC, qui ne profiterait qu’à la seule Commission européenne, et non aux agriculteurs ;
- refuser la perspective d’un statu quo sur les modalités de gestion des crises ainsi que sur l’adaptation des règles de concurrence aux spécificités du monde agricole, dans la lignée de l’adoption du "Règlement Omnibus" en décembre 2017 ;
- rappeler les enjeux du commerce international et du soutien aux territoires et à l’innovation ;
- poser la question du desserrement du calendrier d’une négociation "à marche forcée" destinée à aboutir avant mai 2019, au risque d’"étouffer" le débat sur la PAC, en se focalisant exclusivement sur son budget.
À l’approche de l’échéance du Conseil européen des 28 et 29 juin 2018, les Sénateurs s’inquiètent, en effet, des réflexions avancées par la Commission européenne et s’interrogent sur la position à venir des pouvoirs publics français.
Pressentant, dès l’été 2017, une future négociation délicate, le Sénat avait choisi de se positionner en amont de la prochaine réforme. Ce travail avait pris la forme d’un rapport d’information intitulé "PAC : traverser le cap dangereux de 2020" et d’une première proposition, devenue résolution du Sénat le 8 septembre 2017, comportant 17 points.
Les propositions et réflexions mises en avant, depuis lors, par la Commission européenne, qui sont censées préfigurer les contours de la prochaine réforme, ne reprennent que très imparfaitement, voire contredisent, notamment sur le plan budgétaire, les recommandations de la résolution du Sénat.
Les pistes d’économies envisagées par la Commission pour la PAC se situeraient à l’intérieur d’une fourchette de ‑ 5/‑ 10%, par rapport au cadre financier pluriannuel 2014/2020, et probablement autour de 3 milliards d’euros par an.
S’y ajouterait, pour la France, l’impact défavorable, non quantifié à ce jour, des revendications des nouveaux pays de l’Union européenne, portant sur une harmonisation "rapide et complète" des montants des paiements directs. Dès lors qu’il s’agit d’un jeu à somme nulle entre les 27 pays de l’Union, cet effort ne pourrait que venir s’ajouter aux "coupes budgétaires" envisagées par le commissaire européen au Budget, M. Günther Oettinger.
Comment y consentir lorsqu’un tiers des agriculteurs français a des revenus de l’ordre de 350 euros par mois ?
Le débat sur la prochaine réforme ne doit d’ailleurs pas se focaliser sur la seule dimension budgétaire, mais intégrer les externalités positives de l’agriculture, tant à l’égard de la société que de l’environnement.
S’y ajoute une réalité tout aussi dérangeante : la perte de compétitivité de notre agriculture sur les marchés internationaux, y compris et surtout à l’intérieur de l’Union européenne, depuis le début des années 2000.
La Présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat, Mme Sophie Primas (Les Républicains-Yvelines) estime que "la France, première puissance agricole de l’Union, doit définir une stratégie offensive et pleinement assumer, comme ses partenaires, de défendre ses intérêts."
Le Président de la commission des Affaires européennes du Sénat, M. Jean Bizet (Les Républicains-Manche) considère qu’"au regard de la crainte d’un aggiornamento historique de la position française à l’égard de la PAC, il n’est pas encore trop tard pour renverser le cours des événements, à condition que s’exprime une volonté politique en ce sens."
Tian MIQUEL
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