Lors de sa réunion du 19 juillet 2017, la commission des affaires sociales a adopté, en le modifiant, le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Le président Alain Milon (Les Républicains - Vaucluse), rapporteur, a souligné la singularité des conditions d’examen du projet de loi : le Parlement doit se prononcer dans des délais resserrés sur des habilitations touchant à près d’une quarantaine d’aspects de la législation du travail, dont tous ne présentaient pas de caractère d’urgence, alors que les dispositions qu’entend arrêter le Gouvernement par ordonnances demeurent dans l’ensemble encore floues, du fait de la poursuite des concertations avec les partenaires sociaux.
Pour autant, il a approuvé l’orientation générale d’un texte qui vise à libérer les entreprises des contraintes juridiques entravant leur développement au détriment de l’emploi et qui reprend plusieurs propositions défendues par le Sénat ces deux dernières années, telles que la rationalisation des institutions représentatives du personnel, l’harmonisation juridique des accords de flexisécurité, la création du barème obligatoire prud’homal ou la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Sur sa proposition, la commission a adopté 31 amendements destinés à renforcer l’ambition du projet de loi autour de trois objectifs : développer la compétitivité et l’attractivité de l’économie ; tenir compte des spécificités des petites entreprises ; rationaliser notre droit du travail au profit des salariés et des employeurs.
À l’article 1er, relatif à l’articulation entre accords de branche et accords d’entreprise, la commission a précisé la portée des habilitations demandées par le Gouvernement afin d’ouvrir la possibilité pour les employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs directement avec les représentants du personnel et, en leur absence, directement avec le personnel. Elle a également souhaité permettre à l'employeur d'organiser une consultation des salariés pour valider un accord. Elle a prévu l’obligation, pour les accords de branche, de tenir compte des spécificités des petites entreprises dépourvues de représentants du personnel. S’agissant des règles du licenciement des salariés refusant l’application d’un accord collectif, que le Gouvernement souhaite harmoniser, elle a retenu la notion de motif spécifique, comme pour les accords de préservation et de développement de l’emploi, écartant ainsi pour les autres types d’accords la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi tout en garantissant pour les salariés concernés un dispositif d’accompagnement équivalent au contrat de sécurisation professionnelle. La commission est revenue sur la disposition adoptée par l’Assemblée nationale qui réduisait de 3 ans à 18 mois le délai prévu pour la restructuration des branches. Elle a supprimé l’habilitation demandée par le Gouvernement pour accélérer la généralisation des accords majoritaires.
À l’article 2 relatif à la simplification des instances de représentation du personnel (IRP), elle a prévu que l’instance unique aurait compétence en matière de négociation des accords d’entreprise, sauf s’il en a été décidé autrement par accord majoritaire. Elle a apporté plusieurs précisions à l’habilitation demandée par le Gouvernement pour prévoir la formation des membres de l’instance unique, limiter à trois le nombre de leurs mandats successifs et soumettre cette instance à des obligations de contrôle des comptes et de mise en concurrence de ses fournisseurs ou des prestataires sollicités pour les expertises. Elle a supprimé trois des habilitations demandées par le Gouvernement : celles visant à accroître les cas dans lesquels les décisions de l’employeur sont soumises à l’avis conforme des IRP et à renforcer la représentation des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises, et celle lui permettant de redéfinir le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) qui n’ont été mises en place que le 1er juillet dernier.
À l’article 3, relatif à la sécurisation juridique des procédures de licenciement, la commission a apporté plusieurs précisions aux habilitations demandées pour permettre à l'employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, pour réduire au moins de moitié les délais de contestation d'un licenciement économique et pour distinguer les obligations de l'employeur en matière de reclassement selon l'origine, professionnelle ou non, de l'inaptitude du salarié. S’agissant des critères d’appréciation des difficultés économiques des entreprises appartenant à un groupe international, elle a retenu un périmètre national, à savoir les entreprises appartenant au même groupe, situées en France et relevant du même secteur d’activité, tout en autorisant le Gouvernement, le cas échéant, à apporter des aménagements à cette règle. Par ailleurs, elle a précisé que les accords de branche fixant les règles d'utilisation du CDI de chantier devraient respecter un cadre fixé par la loi.
Enfin, à l’article 9, relatif au report de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, elle a adopté un amendement d’Albéric de Montgolfier (Les Républicains - Eure-et-Loir), rapporteur général de la commission des finances, visant à tester la faisabilité d’un prélèvement mensualisé et contemporain reposant non sur des tiers collecteurs mais sur l’administration fiscale et consistant en un versement d’acomptes dont le montant pourrait être ajusté par les contribuables en cas de variation de leurs revenus ou de changement de leur situation personnelle.
Le Sénat examinera le projet de loi d’habilitation en séance publique à compter du lundi 24 juillet.
Juliette Elie
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