1. Un budget sans réformes
Après avoir entendu M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, le 22 novembre, la commission des lois du Sénat, réunie le 23 novembre 2016 sous la présidence de M. Philippe Bas (Les Républicains - Manche), a examiné, sur les rapports pour avis de Mme Cécile Cukierman (Communiste républicain et citoyen - Loire), M. Yves Détraigne (UDI-UC - Marne) et M. Hugues Portelli (Les Républicains - Val-d’Oise), les crédits inscrits au titre de la mission "Justice" dans le projet de loi de finances pour 2017.
Sur la proposition de ses rapporteurs, qui avaient notamment procédé à plus de 20 auditions pour examiner en profondeur les inscriptions de crédits proposés par le Gouvernement, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, dont elle a relevé l’augmentation sensible, à l’exception de ceux du programme "Administration pénitentiaire", auxquels elle a donné un avis défavorable.
M. Hugues Portelli a déploré les vacances de postes de surveillants pénitentiaires, la prise de conscience trop tardive du Gouvernement de la nécessité de créer de nouvelles places de prison, la surpopulation carcérale qui en résulte et les hésitations dans la politique gouvernementale de prise en charge des détenus radicalisés.
M. Yves Détraigne a souligné les difficultés récurrentes auxquelles sont confrontés les services judiciaires : sous-évaluation des frais de justice, marque d’insincérité budgétaire, cause de dépassements élevés en cours d’année ou d’importants retards de paiement pour les juridictions ; taux de vacance de postes élevé, tant pour les magistrats que pour les greffiers ; sous‑consommation du plafond d’emplois voté chaque année qui témoigne de déficiences graves dans l’organisation de la gestion du ministère. En dehors des créations prioritaires ciblées sur l’antiterrorisme, les créations nettes d’emplois restent modestes et ne sont pas de nature à résorber les 479 postes vacants et à rétablir la confiance dans la justice.
Il a par ailleurs estimé que les conséquences budgétaires de l’augmentation de la rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle étaient sous-évaluées par le projet de loi de finances pour 2017 et que cette revalorisation ne dispensait pas d’engager la nécessaire réforme d’ampleur de l’aide juridictionnelle. L’insincérité de ce budget en est aggravée.
Mme Cécile Cukierman s’est inquiétée des difficultés financières du secteur associatif habilité, qui permet aux magistrats de diversifier les mesures de prise en charge des mineurs. Elle a appelé de ses vœux un renforcement des partenariats entre la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les autres acteurs de la protection de l’enfance, singulièrement les conseils départementaux dont le projet de budget pour 2017 accentue encore les difficultés financières pour assumer leurs missions essentielles. Enfin, elle a souligné la montée en puissance du phénomène de radicalisation chez les mineurs et les hésitations de la PJJ sur les réponses à privilégier, entre renforcement des dispositifs de droit commun et prise en charge spécifique.
2. La nécessité d’un redressement de la justice inscrit dans la durée
Lors de l’audition du garde des sceaux, le président Philippe Bas a rendu compte de l’état d’avancement des travaux de la mission pluraliste de la commission des lois sur le redressement de la justice.
Depuis septembre, la mission a déjà organisé 26 auditions et plusieurs déplacements pour recueillir les points de vue des magistrats, des fonctionnaires et personnels du ministère de la justice, des auxiliaires de justice, des universitaires et de toutes celles et ceux qui s’intéressent à l’autorité judiciaire. Elle a usé de ses pouvoirs d’investigation pour obtenir du ministère de la justice les informations qui lui sont indispensables.
Le président Philippe Bas a souligné le sentiment de désarroi des magistrats et des agents du ministère de la justice, aggravé à chaque mise en cause émanant de celles et ceux censés les représenter ou les défendre, et la nécessité de leur prêter la plus grande attention. Les tribunaux ne réussissent trop souvent à fonctionner que grâce au fort dévouement des magistrats et des personnels, constaté à chacun des déplacements de la mission.
Il a observé que les crédits du ministère de la justice avaient augmenté de près d’un tiers de 2007 à 2016, passant de 6,2 milliards d’euros à 8,2 milliards d’euros, soit une progression deux fois supérieure à celle du budget général.
Selon le président Philippe Bas, "s’il est nécessaire que cet effort budgétaire se poursuive dans la durée - la dernière loi de programmation pluriannuelle pour la justice date de 2002 - il est aussi indispensable que cet effort s’accompagne de profondes réformes structurelles portant aussi bien sur l’organisation, la gestion et le fonctionnement du ministère de la justice et des juridictions, que sur les missions de l’autorité judiciaire et les procédures applicables".
La mission sur le redressement de la justice devrait rendre ses conclusions au mois de mars 2017.
Mathilde Dubourg
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