Réunie hier, la mission commune d’information du Sénat sur le nouveau rôle et la nouvelle stratégie de l’Union européenne dans la gouvernance mondiale de l’Internet, présidée par M. Gaëtan GORCE (PS - Nièvre), a adopté le rapport de Mme Catherine MORIN-DESAILLY (UDI-UC - Seine-Maritime) au terme de plus de six mois de travaux.
Si l’Internet a pris racine sur les deux rives de l’Atlantique, l’Internet que nous, Européens, "consommons" en 2014 est très largement américain, le Vieux continent n’ayant pas pris la mesure des enjeux qui s’y attachent. Alors que cette technologie encore jeune s’apprête à déployer sa puissance transformatrice dans les pays en développement et à s’étendre aux objets, les révélations d’Edward Snowden en 2013 ont transformé l’Internet en un sujet politique. Promesse de liberté tout en étant instrument de puissance, Internet devient aussi support d’un monde d’hypersurveillance et de vulnérabilité.
La mission affirme que l’Union européenne a un rôle à assumer aujourd’hui : proposer un nouveau modèle de gouvernance de l’Internet, respectueux des droits de l’homme et des libertés et capable de restaurer la confiance dans l’Internet, ébranlée par l’amoindrissement volontaire de la sécurité en ligne et par les dysfonctionnements de l’ICANN. Ceci implique de :
- consigner dans un traité, ouvert à tous, les principes de gouvernance dégagés par l’ensemble des parties prenantes réunies pour la conférence NETmundial le 24 avril 2014 à São Paulo ;
- formaliser l’existence d’un réseau d’enceintes de gouvernance et mettre en place des mécanismes amenant ces instances à rendre compte de leur action - au regard de ces principes - devant l’ensemble des parties prenantes qui seraient représentées dans un Conseil mondial de l’Internet, issu de l’Internet governance forum rénové ;
- transformer l’ICANN en World ICANN (WICANN) de droit suisse, ou à défaut de droit international, en assurer la supervision par la communauté internationale, prévoir un vrai droit de recours à l’égard de ses décisions et mettre fin aux conflits d’intérêts. De telles perspectives, seules à même d’asseoir une gouvernance légitime à long terme, impliquent de rendre la parole à l’ensemble des acteurs dans le débat ouvert par l’administration Obama et confié à la seule ICANN.
Pour être crédible dans ce débat décisif, l’Europe doit parallèlement entreprendre de prendre en main son destin numérique et en faire une priorité politique à haut niveau, ce qui signifie : mieux répartir la valeur dans l’écosystème numérique européen ; finaliser un régime exigeant et réaliste de protection des données à l’ère du cloud et du big data ; construire une stratégie industrielle dans l’ensemble des secteurs clés de l’Internet pour maîtriser ses données et porter ses valeurs dans le cyberespace ; et enfin promouvoir une appropriation citoyenne de l’Internet. Le modèle européen de l’Internet doit aussi être porté par une vraie diplomatie du numérique.
L’Internet appelle à repenser la souveraineté sous une forme dynamique, non pas autour d’un territoire mais autour de communautés de valeurs. C’est un effort auquel l’Europe se doit de contribuer.
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