Le 3 décembre 2012, s’est tenu au Sénat un colloque organisé par le groupe d’amitié France-Indonésie/Timor-Est, présidé par Mme Catherine Procaccia (Val-de-Marne), en partenariat avec l’ambassade d’Indonésie à Paris. L’objet du colloque était d’évaluer les menaces que font peser la production de pâte à papier et la culture du palmier à huile sur la forêt indonésienne, quelques semaines seulement après que le débat sur l’huile de palme a été relancé par l’amendement « Nutella » qui tendait à en accroître fortement la taxation.
Les principales ONG concernées étaient présentes, ainsi que des industriels français et européens des deux filières et des représentants du gouvernement indonésien.
· La première table ronde, animée par la sénatrice Catherine Deroche (Maine-et-Loire), a réuni Mme Sri Murniningtyas, directrice du centre de coopération internationale de Jakarta, ancienne attachée diplomatique en charge de la forêt auprès de l’ambassade d’Indonésie au Japon ; M. Jean-Marie Ballu, ingénieur général des eaux et forêts ; Mmes Marie Vallée, directrice de l’organisme de certification FSC-France ; et Eglantine Goux, chargée de mission à France Nature Environnement (FNE).
Les intervenants ont souligné les progrès réalisés en ce qui concerne la production de pâte à papier, dont une part croissante provient de forêts de plantation et non plus de l’exploitation des forêts primaires. Malgré les efforts du Président Yudhoyono et la fixation d’objectifs ambitieux, la déforestation se poursuit, quoiqu’à un rythme ralenti : 500ᅠ000 hectares de forêts auraient disparu en 2011, contre 3,5 millions d’hectares en 2000. Cette situation, qui reste préoccupante tant du point de vue de la préservation de la biodiversité que de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, a conduit le gouvernement indonésien à décréter, en 2011, un moratoire de deux ans sur l’attribution de nouvelles concessions dans les forêts primaires et à renforcer ses contrôles pour un meilleur respect de la règlementation.
Les pratiques de l’entreprise Asia Pulp and Paper (APP), principal producteur de pâte à papier, ont été particulièrement débattues : certains participants ont insisté sur le sérieux des vérifications qu’elle effectue pour s’assurer de la provenance du bois et sur son engagement à n’utiliser que du bois de plantation à partir de 2015 ; d’autres ont mis en doute la réalité de cette volonté, reprochant à APP de ne pas avoir respecté des engagements similaires par le passé et de vouloir doubler sa capacité de production.
· La deuxième table ronde, animée par le sénateur André Dulait (Deux-Sèvres), a réuni MM. Bayu Krishnamurti, vice-ministre indonésien du commerce ; Jérôme Frignet, chargé de campagne « forêts » chez Greenpeace ; Bastien Sachet, directeur à The Forest Trust (TFT) ; Hubert Omont, chercheur au Cirad ; et Jean-Manuel Bluet, directeur développement durable chez Nestlé France.
Les échanges ont mis en évidence l’importance prise par l’huile de palme dans l’économie de l’Indonésie, premier producteur mondial et deuxième exportateur derrière la Malaisie. L’extension de la culture du palmier à huile est le principal facteur de l’aggravation de la déforestation au cours des deux dernières décennies. Le succès du palmier à huile s’explique, en premier lieu, par son rendement exceptionnel, qui nécessite entre six et huit fois moins de surface que le colza ou le tournesol et préserve donc d’une certaine façon les terres arables mondiales, et, en second lieu, par la faiblesse de ses coûts de production.
Le représentant du gouvernement indonésien a rappelé que l’augmentation continue de la demande d’huile de palme est liée à la croissance démographique mondiale. Il a affirmé le droit de son pays à développer son économie pour améliorer le niveau de vie de sa population (45 % des palmiers à huile appartiennent à des petits producteurs locaux). Pour autant, les autorités indonésiennes, soucieuses des conséquences de la culture du palmier à huile sur l’environnement, encouragent les méthodes de production durables.
Greenpeace et TFT ont rappelé qu’elles n’appelaient pas au boycott de l’huile de palme durable et estimaient plus efficace de coopérer avec les grands groupes comme Golden Agri-Resources par exemple, pour développer une production plus respectueuse de l’environnement, des droits des travailleurs et des populations locales. Les grands acheteurs, comme Nestlé, en travaillant avec les ONG, favorisent par leur politique d’approvisionnement, les meilleures pratiques de production.
A la fin du colloque, le docteur Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, a été invité à donner son point de vue. Il a fait valoir que l’huile de palme ne contient pas plus d’acides gras saturés que le beurre laitier ou que le beurre de cacao et que toute consommation excessive d’un produit (graisse, sel, sucre…) peut présenter un danger pour la santé. Par ailleurs, certaines propriétés physiques de cette huile ont permis de limiter la production par l’industrie agro-alimentaire d’acides gras « trans », beaucoup plus nocifs que l’huile de palme. Il a rappelé, en tant que nutritionniste, la nécessité d’avoir une alimentation variée et a rassuré sur la non dangerosité de cette huile naturelle qui n’a pas besoin, elle, d’être hydrogénée.
La présidente du groupe d’amitié, ainsi que la centaine de participants, ont félicité les orateurs pour la qualité de leurs interventions et des échanges qu’elles ont permis.
Guillaume Gabison
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