Réunie le 2 novembre 2011, sous la présidence d’Annie David (CRC - Isère), la commission des affaires sociales a examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, inscrit en séance publique à compter du lundi 7 novembre à 15 heures.
● Elle a constaté qu’après le dérapage dramatique des déficits de l’ensemble des branches de la sécurité sociale en 2009 et 2010, la dégradation des comptes sociaux, certes moindre que prévue en 2011, reste au niveau élevé de 18,2 milliards. Elle ne croit pas à l’annonce d’un déficit ramené à 13,9 milliards l’an prochain, en raison de l’optimisme patent des hypothèses économiques sur lesquelles il est fondé.
● Si la tendance inéluctablement haussière des dépenses sociales paraît mieux maîtrisée, c’est au prix :
- pour la branche maladie, d’un respect de l’Ondam 2011 obtenu par gels de crédits, déremboursements et moindre accès aux soins ;
- pour la branche vieillesse, de l’application de la réforme des retraites qui n’empêche d’ailleurs pas que le déficit se propage, notamment à la CNRACL ;
- pour la branche famille, d’une absence d’ambition alors que le dynamisme de la démographie française constitue un atout pour notre pays.
● Yves Daudigny (Soc - Aisne), rapporteur général pour les équilibres financiers et l’assurance maladie, a fait valoir :
- la nécessité de revoir le cadrage macro-économique des lois de financement qui n’est plus crédible ;
- l’obligation morale de s’abstenir de tout nouveau transfert de dettes aux générations futures ;
- le caractère inquiétant des perspectives de moyen terme qui font apparaître un déficit de plus de 10 milliards en 2015 et, partant, la disparition de l’objectif d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux.
Il a déploré que ce PLFSS n’apporte pas de garantie à la pérennité du système de protection sociale, en se contentant de mesures comptables de courte vue, parfois injustes et sans stratégie d’ensemble. Il ne règle aucun des problèmes structurels mis notamment en lumière par la Cour des comptes : rien n’est prévu pour couvrir les déficits de 2012 (8,2 milliards pour les seules branches maladie et famille) et celui du régime des exploitants agricoles n’est que partiellement financé.
Il a préconisé la recherche de nouvelles ressources comme :
- la suppression des mesures plus coûteuses qu’efficaces, comme les exonérations de charges sur les heures supplémentaires de la loi Tepa ;
- la traque systématique des niches sociales bénéficiant notamment aux revenus du capital ou rattachées aux plus hauts salaires ;
- la révision des règles des allégements généraux de charges sociales.
● En ce qui concerne l’assurance maladie, la commission déplore la même absence de vision d’ensemble et de stratégie. Ce texte se contente de s’inscrire dans le prolongement des précédents sans aborder les problèmes structurels pourtant connus.
Le Gouvernement reste sourd aux difficultés croissantes de la population pour accéder aux soins en raison de leur coût. Le coup de pouce donné pour faciliter l’aide à la complémentaire santé serait positif s’il n’était compensé par le doublement de la taxation des contrats complémentaires santé responsables ; la création, à marche forcée, du secteur optionnel ne résoudra pas le problème des dépassements d’honoraires.
Elle propose donc de supprimer les dispositifs qui pénalisent les patients :
- doublement de la taxe « contrats responsables » ;
- franchise sur les médicaments ;
- rabotage des indemnités journalières ;
- convergence tarifaire ;
- secteur optionnel ;
- contribution à l’aide juridique pour les procédures sociales.
● Pour le volet médico-social de la branche assurance maladie (rapporteur : Ronan Kerdraon, Soc - Côtes d’Armor), la commission relaie l’immense déception qu’inspire l’abandon d’une réforme de la dépendance sur laquelle le Président de la République s’était pourtant personnellement engagé.
Elle s’interroge sur l’ampleur des gels de crédits qui affectent ce secteur et considère que les enveloppes destinées aux personnes âgées et aux personnes handicapées ne suffiront pas à financer les besoins des établissements qui les accueillent.
Elle dénonce, enfin, le déséquilibre des financements qui s’exerce de plus en plus au détriment des départements, amenés à supporter des charges sans cesse croissantes.
● Pour la branche vieillesse (rapporteure : Christiane Demontès, Soc - Rhône), la commission demeure très préoccupée par le découvert cumulé de la branche et du FSV, ainsi que par les déficits du régime des exploitants agricoles et de la CNRACL, au moment où l’entrée en vigueur de la réforme était censée porter ses premiers fruits.
L’aggravation du chômage compromet tout espoir d’un financement complémentaire en provenance de l’Unedic, évoqué par deux fois comme la solution du bouclage financier lors des deux dernières lois « retraites », mais en pure perte. La loi de 2010 pénalise un nombre croissant d’assurés : seniors sans emploi, travailleurs affectés par la pénibilité mais confrontés à des critères d’élection drastiques, femmes présentant un parcours professionnel discontinu, conjoint survivant mal traité par les règles de réversion, qui continuent d’ignorer le Pacs comme nouvelle forme de vie en couple.
Elle préconise, à tout le moins, de réorienter les dispositifs d’épargne retraite vers ceux qui en ont le plus besoin.
● Pour la branche famille (rapporteure : Isabelle Pasquet, CRC - Bouches-du-Rhône), la commission s’inquiète de sa situation financière désastreuse, longtemps excédentaire, et dont les recettes ont été ponctionnées pour masquer les difficultés de la branche vieillesse. Elle s’oppose vigoureusement aux mesures d’économies qui pénaliseront, pour un gain très faible, les familles les plus fragiles et demande un traitement plus favorable des lycéens inscrits dans les filières technologiques et professionnelles lors du versement de l’allocation de rentrée scolaire.
● Pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (rapporteur : Jean-Pierre Godefroy, Soc - Manche), la commission se réjouit de son retour à l’équilibre, ce qui fait figure d’exception culturelle. A défaut d’avoir pu affecter directement, à son propre désendettement, ces ressources supplémentaires, elle souhaite qu’elles servent à agir pour une meilleure reconnaissance des maladies professionnelles et à améliorer la connaissance et le traitement de la pénibilité du travail dont souffre un nombre croissant de travailleurs.
Sur les fonds de l’amiante, elle continuera de plaider pour le traitement équitable à réserver aux travailleurs exposés à ce produit hautement toxique et qui le paient de leur espérance de vie réduite.
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La commission entend rejeter, en séance publique, tous les articles établissant des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépenses qui ne correspondent en rien à l’idée qu’elle se fait d’un budget de la protection sociale à la fois rigoureux et véritablement dédié aux personnes qui en ont besoin.
Juliette Elie-Blondel
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