La mission commune d'information sur la tempête Xynthia présente son pré-rapport : Xynthia, les leçons d’une catastrophe
La mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, que préside M. Bruno Retailleau (NI–Vendée), et dont M. Alain Anziani (Soc–Gironde), est le rapporteur, a rendu public son rapport d'étape intitulé « Xynthia : les leçons d'une catastrophe ». Un débat en séance publique aura lieu au Sénat mercredi 16 juin 2010 à 21h30.
Dans son pré-rapport, la mission établit un certain nombre de constats, évalue les premières mesures d’urgence arrêtées par le Gouvernement et identifie les pistes de réflexion pour une meilleure gestion du risque de submersion marine en France. Elle approfondira ces pistes de réflexion dans les prochaines semaines, en tirant les enseignements des déplacements qu’elle a effectués aux Pays-Bas et en Gironde, mais aussi du débat devant le Sénat et d’auditions complémentaires. La mission rendra son rapport définitif début juillet.
1/ Les constats
La mission constate que la tempête Xynthia a résulté d’une conjonction d’évènements climatiques d’une rare violence. Mais ses conséquences ont été aggravées par de graves défaillances dans l’anticipation du risque de submersion marine. Et ce dans toute la chaîne de gestion du risque : une prévision qui n’a pas permis d’anticiper correctement les risques à terre ; une vigilance insuffisamment opérationnelle ; une prévention insuffisante du risque de submersion marine ; une occupation des sols exposant au risque d’inondation ; une gestion des digues critiquables
2/ Les mesures d’urgence annoncées par le gouvernement : quelle concrétisation ? quelle efficacité ?
● Les zones à risquesLa mission marque son accord avec le principe de la sanctuarisation des zones exposées à un risque naturel avéré et extrême, c’est-à-dire tel qu’il n’est pas souhaitable qu’elles soient habitées. Mais elle regrette la confusion dans l’expression publique qui a été un facteur d’inquiétude, le manque de transparence du processus de délimitation des zones à risque, ainsi que la précipitation de la procédure. La mission estime nécessaire que les craintes des sinistrés soient mieux prises en compte et que l’Etat intensifie son effort de pédagogie. De même, il est primordial que les délais d’indemnisation soient le plus court possible afin de permettre aux sinistrés de se reloger le plus rapidement possible.
Sur la question des zones noires, la mission se félicite que ce soit la position qu’elle a défendue le 14 avril dernier lors de son déplacement en Vendée et en Charente-Maritime qui ait été retenue. En effet, la Mission a été entendue sur deux points :
- le caractère inapproprié du terme « zones noires » : ce sont en réalité des zones de solidarité ou zones d’acquisition amiable dans lesquelles l’Etat ouvre un droit pour les propriétaires qui souhaitent vendre leur maison selon une procédure amiable et sur la base d’une juste indemnisation. Elles n’ont aucun fondement juridique.
- le caractère évolutif du périmètre retenu : comme l’avait affirmé la mission, les périmètres actuels ne seront pas ceux retenus pour la phase d’expropriation. Ils seront resserrés au terme de deux prochaines étapes : lors de la constitution du dossier d’enquête publique au moyen d’expertises complémentaires, et lors de la procédure d’enquête publique avec des expertises au cas par cas.
Les sinistrés – notamment les résidents principaux – devront pouvoir être relogés à proximité de leur ancienne habitation.
● Les indemnisationsL’importance des dégâts subis justifie une très grande diligence tant des assurances que des pouvoirs publics pour aboutir à une indemnisation effective dans des délais rapides.
A ce stade, la mission a pu constater la bonne mobilisation des assureurs sous l’impulsion des pouvoirs publics. Elle relève néanmoins trois problèmes qui doivent être résolus :
- premièrement, pour les agriculteurs, le contrôle tatillon de l’administration bruxelloise a été incompatible avec la nécessaire rapidité du versement des aides annoncées aux agriculteurs dans le cadre du FNGCA. Par ailleurs, une incertitude demeure sur l’aide de l’Union européenne au titre du fonds de solidarité qui n’est pas acquise.
- ensuite, la situation des agriculteurs qui doivent supporter un taux de vétusté forfaitaire de 10% sur leur matériel doit être aligné sur celle des professions de la mer (conchyliculteur,…) pour lesquels l’Etat a pris en charge le taux de vétusté résiduel.
- en outre, pour les PME, le plafond d’éligibilité de l’indemnisation du FISAC à 1 million d’euros paraît trop faible.
- enfin, les collectivités territoriales devront être indemnisées des conséquences de la destruction de leur bases fiscales dans les zones de solidarité.
La mission est, par ailleurs, préoccupée sur les perspectives de mobilisation du fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE). Elle souhaite approfondir sa réflexion sur une éventuelle réforme du régime d’assurance des catastrophes naturelles.
3/ Les pistes de réflexion de la mission pour une meilleure gestion du risque de submersion marine en France
Nous n’avons pas encore fini de gérer les conséquences de la tempête Xynthia et il nous faut dans le même temps préparer l’avenir pour que demain une nouvelle tempête n’ait pas les mêmes conséquences dramatiques. Préparer l’avenir, c’est évaluer précisément les enjeux pour doter la France d’une véritable culture du risque.
Les enjeux sont doubles. D’un côté, la pression démographique sur le littoral, déjà importante, va encore s’amplifier. De l’autre, le changement climatique va accroître considérablement la vulnérabilité du littoral : l’augmentation du niveau de la mer, fait scientifique avéré, va avoir des conséquences impressionnantes tant en terme de surcote que de période de retour.
La mission estime qu’il est donc indispensable de nous préparer à affronter de nouvelles tempêtes. Or, dans nos sociétés hautement technologiques, nous avons cru pouvoir éliminer tout risque. En éliminant toute conscience du risque, nous avons également éliminé toute culture du risque.
La mission a donc dégagé des axes prioritaires pour instaurer en France une véritbale culture du risque de submersion marine.
● Prendre en compte la spécificité du risque de submersion marineConcrètement, cela signifie que chaque pilier de la gestion du risque soit adapté aux phénomènes de submersion marine.
En matière de prévision :La mission recommande de mettre en place un véritable système d’avertissement destiné aux autorités et aux populations, reposant sur : une prévision de hauteur d’eau, réalisée à partir de l’intégration des informations produites par le SHOM (marée) et Météo-France (vagues, surcotes) ; un avertissement explicite et lisible du niveau de risque à l’échelle du littoral d’un département, basé sur un code couleur, un pictogramme spécifique et une appréciation des conséquences possibles ; des conseils de comportement proportionnés au niveau de risque annoncé.
Pour les secours, la mission propose de généraliser le passage des SDIS au réseau numérique ANTARES, de dédier une ou deux fréquences aéronautiques nationales aux secours, de rendre les moyens de communication compatibles entre les SDIS, les services de la Gendarmerie et les personnels militaires et de rénover le réseau national d’alerte (RNA) afin de répondre aux exigences d’alerte du XXIème siècle. Soucieuse de développer la culture du risque, elle propose que chaque élève, au cours de son année de troisième, choisisse une association de sécurité civile pour s’y former et obtenir ainsi un pré-requis qui lui serait demandé lors des journées d’appel et de préparation à la défense.
En matière de protection :La mission recommande de réparer rapidement les digues endommagées par la tempête. Elle exclut toute création de digues nouvelles ayant pour objet de créer une nouvelle urbanisation dans des zones à risques. Elle préconise d’apporter une attention particulière au cordon dunaire, qui est un ouvrage naturel de défense contre la mer, et de corréler l’aménagement et le rehaussement au niveau de risque et de protection envisagés.
La mission souhaite clarifier le régime de propriété et envisage un transfert de propriété publique qui permettra de clarifier les responsabilités. Elle se prononce pour une gestion locale de proximité de nature à assurer efficacement la surveillance et l’entretien de ces ouvrages. Elle juge indispensable d’assurer un taux de prise en charge de ces travaux par l’Etat qui ne devra pas être inférieur à 50% et devra être soutenu dans le temps.
En matière de prévention :La mission préconise d’élaborer et de mettre en œuvre des plans de prévention des risques d'inondation spécifiques au risque de submersion marine.
Elle propose que les préfectures fassent, chaque année, un « point » sur les risques naturels auprès des élus locaux qui devraient eux-mêmes prévoir une communication auprès de leur population. Elle suggère de recentrer le contrôle de légalité sur les domaines mettant en cause la sécurité des personnes et d’instaurer un contrôle de légalité systématique des actes d’urbanisme pris dans les zones couvertes par un PPR ou dans lesquelles un PPR est en cours d’élaboration.
● Adopter une approche globale de la gestion du risqueNous disposons en France de nombreux outils. Mais il se trouve que, dans le cadre de la gestion des risques, aucune coordination entre eux n’est assurée. Prévention, prévision et protection s’ignorent, ce qui rend très compliqué la gestion des cas de submersion marine.
C’est la raison pour laquelle la mission préconise notamment d’ inclure dans les plans de gestion des risques un bilan de l’existant et de l’état des éléments de protection contre la mer recensés sur cette zone (digues et cordons dunaires) ainsi qu’un document retraçant l’ensemble de la chaîne d’alerte, partant de la vigilance en allant jusqu’à l’évacuation. La mission juge nécessaire de doter le plan d’un volet stratégique sur le littoral et d’imaginer de nouvelles procédures d’information du public.
La mission juge également nécessaire de rapprocher les différents organismes en charge de la prévision par une meilleure collaboration sur des programmes communs.
La mission souhaite réaffirmer la supériorité des PPR sur les PLU en prévoyant que le PLU doit obligatoirement être révisé en cas d’approbation, de modification ou de mise en application anticipée d’un PPR, ou en prévoyant l’adoption systématique d’un PCS pour les communes situées dans un PPR.
● Associer plus étroitement la gestion du risque à l’aménagement de l’espaceOn ne peut pas, au nom du risque de submersion marine, sanctuariser de façon systématique les espaces littoraux. Cette conception serait vouée à l’échec. A l’inverse, on ne peut pas laisser non plus la pression foncière immobilière s’exercer au mépris de la sécurité ou de la préservation d’espaces naturels sensibles.
Dans notre rapport final, la mission fera des propositions pour concilier ces deux dimensions.
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Le rapport définitif prendra position sur des questions majeures :
- Comment améliorer la prévision des risques, la collecte de l’information et leur diffusion auprès des relais d’opinion et de la population ?
- Quel type de protection mettre en œuvre ? Renforcement des dunes par importation de sables, construction, rehaussement et entretien des digues, interdiction de constructions et aménagements de ces dernières ?
- Comment mettre en place une véritable gouvernance du risque de submersion marine, de l’administration des digues (normes nationales et gestion de proximité), et plus généralement de la chaîne de responsabilité prévision-prévention-protection ?
Enfin, le rapport intégrera une triple dimension :
- le partage d’expériences devant des évènements qui par définition ne se réduisent pas à un cadre franco-français ;
- une approche globale du risque « inondation », la submersion marine et les crues fluviales, distinctes dans leur phénomène, comportant également des réponses communes ;
- la nécessité de développer une meilleure culture d’un risque menacé d’oubli par son caractère centennal mais qui pourrait s’intensifier du fait de l’élévation du niveau des mers.
Lien vers le pré-rapport : http://www.senat.fr/noticerap/2009/r09-554-notice.html
Contact presse : Ali Si Mohamed 01 42 34 25 11 a.si-mohamed@senat.fr