M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères,

évoque, devant les sénateurs, la crise nucléaire nord-coréenne,

l'évolution du dossier nucléaire iranien,

la situation dans les territoires palestiniens et la crise du Darfour

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a tout d'abord évoqué les deux dossiers d'actualité relatifs à la prolifération nucléaire. L'essai nucléaire, réalisé par la Corée du Nord, a ouvert une crise très grave pour la sécurité internationale. Même si les informations disponibles ne permettaient pas de définir exactement le caractère de l'explosion, son annonce constituait une violation des engagements internationaux de la Corée du Nord et une menace pour la paix dans la région et pour la crédibilité de la communauté internationale. Le ministre a souligné que cet événement avait été unanimement condamné, mais qu'il prenait un relief particulier au regard de la crise du nucléaire iranien.

Il a rappelé que la Corée du Nord s'était déjà livrée à des essais de missiles balistiques, ce qui avait conduit à l'adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1695 et à l'adoption de mesures contraignantes pour l'arrêt du programme balistique.

Evoquant le dossier iranien, il a précisé que le groupe des six, composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et de l'Allemagne, s'était récemment réuni à Londres afin d'engager des consultations en vue de l'adoption de sanctions, après le refus des autorités iraniennes du principe d'une double suspension, d'une part, des discussions au Conseil de sécurité, et d'autre part, des opérations d'enrichissement de l'uranium. Dès lors, la communauté internationale ne peut que s'inscrire dans la continuité de la résolution 1695 du Conseil de sécurité, qui prévoit l'adoption possible de sanctions dans le cadre du chapitre VII de la Charte. M. Philippe Douste-Blazy a précisé que la France souhaitait que ces mesures soient à la fois progressives et proportionnées et que, parallèlement, la voie du dialogue puisse être préservée, tout en veillant au maintien de l'unité de la communauté internationale.

Le ministre a ensuite évoqué la situation au Proche-Orient. Il a indiqué que devant la violence des heurts interpalestiniens, le Président Mahmoud Abbas n'excluait plus d'user de ses prérogatives constitutionnelles pour y mettre un terme. Le Gouvernement palestinien pourrait ainsi être dissous et laisser place à un gouvernement d'urgence formé de techniciens, l'hypothèse d'élections anticipées n'étant pas exclue. La formation d'un gouvernement d'union nationale n'est pas officiellement abandonnée, mais les déclarations du Premier ministre palestinien attestent du refus du Hamas de reconnaître l'Etat d'Israël.

Le ministre a souligné que sous l'effet de la crise libanaise, le Gouvernement israélien semblait réévaluer la position de son pays dans son environnement régional et s'orientait de nouveau vers un accord négocié avec les pays arabes. Il a observé que, tant en Israël que dans les territoires palestiniens, les gouvernements semblaient affaiblis et, par conséquent, peu susceptibles d'assumer les concessions douloureuses nécessaires aux négociations. Il s'est interrogé sur le rôle de la communauté internationale dans ce contexte, considérant que le premier impératif était de sortir du statu quo. Il a rappelé les efforts récents entrepris en ce sens au sein de l'Assemblée générale des Nations unies, puis du Quartet, pour soutenir le Président Mahmoud Abbas dans la formation d'un gouvernement d'union nationale. Il a également salué l'implication renouvelée, dans ce dossier, des Etats arabes modérés. Evoquant la récente visite de la Secrétaire d'Etat américaine dans la région, il a souhaité que ce déplacement marque un véritable réinvestissement des Etats-Unis dans la question israélo-palestinienne.

M. Philippe Douste-Blazy a souligné que la France se mobilisait pour le soutien économique des territoires palestiniens, via le mécanisme international d'aide et qu'elle réfléchissait à des initiatives de relance du dialogue entre les parties. Il a considéré que la libération des trois soldats israéliens enlevés demeurait un préalable à toute reprise du dialogue. Il a rappelé que le Président de la République avait proposé l'organisation d'une conférence internationale visant à faciliter la reprise d'une dynamique de paix.

Le ministre a ensuite évoqué le conflit du Darfour. Il a souligné que cette crise présentait un triple risque : un risque humanitaire de grande ampleur, un risque politique de partition du pays et de remise en cause de l'accord avec le Sud et un risque de déstabilisation régionale. Evoquant un entretien récent avec un conseiller spécial du Président soudanais, il a indiqué que le Président Béchir continuait de refuser l'arrivée sur le terrain des Nations unies, prévue par la résolution 1706 du 30 août 2006, alors que ce déploiement répond à la demande de l'Union africaine et que les autorités soudanaises ont déjà accepté la mise en place d'une opération de maintien de la paix au Sud Soudan pour soutenir la mise en œuvre de l'accord de paix. Il a salué la décision de l'Union africaine de prolonger le mandat de son contingent jusqu'à la fin de l'année 2006. Il a considéré que les moyens de l'Union africaine sur le terrain devaient être renforcés et qu'un approfondissement de l'accord politique d'Abuja devait être recherché afin d'inclure les groupes rebelles restés en dehors du processus, tout en maintenant le dialogue politique avec les autorités soudanaises dans le respect tout à la fois de la souveraineté du Soudan et du devoir de protection des populations.

Répondant aux questions des sénateurs, le ministre des affaires étrangères a apporté les précisions suivantes :

- il est possible que la nature exacte de l'explosion intervenue en Corée du Nord ne soit jamais connue avec précision. Il reste que le seul fait que la Corée du Nord ait manifesté sa volonté d'effectuer un essai nucléaire est extrêmement grave et justifie la réaction de la communauté internationale ;

- en Colombie, un dialogue s'est enfin noué entre les FARC et le président Uribe. Il suppose que des progrès soient en particulier réalisés sur le lieu de démilitarisation, les conditions d'un cessez-le-feu et la présence d'observateurs, ainsi que sur le volet humanitaire. La France entend faciliter et appuyer ce dialogue qui, à lui seul, est un élément essentiel ;

- l'assassinat en Russie de la journaliste Anna Politkovskaïa est un crime qui en soi suscite l'horreur et qui, au-delà, met en cause la liberté de la presse. Une enquête criminelle a été diligentée, placée sous le contrôle direct du procureur général de Moscou, et la France sera très attentive à son déroulement. L'OSCE et le Conseil de l'Europe, dans le cadre de leur mission spécifique concernant la liberté de la presse et les Droits de l'Homme, pourront concourir à la recherche de la vérité ;

- les menaces exercées à l'encontre  du professeur Redecker pour ses écrits ne sont pas tolérables ; cela est incompatible avec les valeurs de la société française ;

- c'est bien l'ONU qui détient la responsabilité du dossier nord-coréen. C'est d'ailleurs dans ce cadre que les Etats-Unis ont déposé un projet de résolution qui pourrait être adopté à la fin de cette semaine ;

- dans le dossier israélo-palestinien, toute négociation suppose que l'esprit des accords d'Oslo soit respecté, sur la base du principe « la paix contre les territoires ». La libération du soldat israélien enlevé à Gaza est également un préalable et la relation entre le Fatah et le Hamas doit être réglée, pour aboutir soit à un gouvernement d'Union nationale, soit à un gouvernement de « techniciens ». Cela implique que le Fatah trouve un terrain d'entente avec le Hamas concernant la reconnaissance d'Israël et la renonciation à la violence ;

- les électeurs palestiniens n'ont pas à être « punis » pour le vote qu'ils ont exprimé, mais toute négociation véritable supposera la reconnaissance d'Israël ; ce sont les électeurs du Hamas qui sont aujourd'hui en grève à Gaza. Le Hamas palestinien lui-même a évolué face à la défiance exprimée par la communauté internationale et a paru prêt à constituer un gouvernement d'union nationale qui aurait, fût-ce implicitement, abouti à la reconnaissance d'Israël. Il semblait cependant, depuis quelques jours, être revenu sur cette position ;

- les conditions de l'accueil réservé au président Abbas à New-York en septembre dernier n'ont pas aidé à renforcer son statut intérieur, ce qui constitue une priorité pour la France ;

- face à la situation dramatique de la population palestinienne, la Commission européenne s'est  largement impliquée dans le mécanisme temporaire d'aide qui lui est destinée ; elle a notamment permis d'assurer la fourniture d'aide humanitaire et sociale pour un montant de 330 millions d'euros en 2006. L'aide bilatérale française, qui vient en plus de notre part dans l'aide européenne, a atteint pour sa part 20 millions d'euros pour cette même année, recouvrant l'aide humanitaire, alimentaire et sanitaire ainsi que les infrastructures de base ;

- le fait que des parlementaires et ministres palestiniens restent détenus en Israël n'est pas acceptable ;

- la situation en Afghanistan se détériore, en particulier dans le Sud et l'Est du pays, même si les actions récentes de l'OTAN ont infligé de sérieux revers aux Talibans. Les autorités afghanes doivent s'investir davantage, en particulier pour corriger la faiblesse de leur police et de leur système judiciaire  et accroître leur action contre la drogue. La communauté internationale s'est engagée à aider les autorités afghanes pendant encore cinq années, afin de permettre la stabilisation du pays ;

- à l'égard de la Corée du Nord, la fermeté et l'unité de la communauté internationale sont nécessaires, ne serait-ce que pour ne pas donner à l'Iran un sentiment d'impunité face à la prolifération. Pour autant, la seule action de l'ONU ne suffira pas à modifier la position iranienne d'intransigeance qui s'appuie aussi sur des éléments de politique intérieure ; des sanctions ont déjà été votées le 5 juillet 2006 par le Conseil de sécurité à l'encontre de la Corée du Nord après ses tirs de missiles balistiques, décidant d'empêcher tout Etat à transférer vers ce pays une assistance liée à ce type d'armement. Après le récent essai nucléaire, l'ONU pourrait décider d'exiger le démantèlement complet et contrôlé du programme nucléaire nord-coréen, de renforcer l'interdiction de transfert à la Corée du Nord de missiles ou d'armes de destruction massives, enfin d'interdire tout transfert financier lié à ces activités. Bien évidemment, l'association de la Chine à un tel dispositif constituerait un élément clé de la politique qui sera adoptée à l'égard de la Corée du Nord ;

- s'agissant de la Côte d'Ivoire, une résolution discutée fin octobre fixera un nouveau calendrier, qui décidera de prolonger de nouveau, ou non, le mandat du président Gbagbo. La séquence désarmement/identification des électeurs et constitution des listes électorales est complexe, mais reste indispensable pour le succès du processus électoral. La Côte d'Ivoire est le sixième pays d'immigration du monde, accueillant pour l'essentiel des migrants venus des Etats voisins, qui sont ainsi très impliqués dans la situation ivoirienne ;

- après la réunion de la CEDEAO , l'Union africaine se prononcera à la mi-octobre avant de transmettre le dossier à l'ONU à la fin du mois. Une nouvelle résolution établira une feuille de route prévoyant un nouveau calendrier électoral, afin de préparer les élections et de désarmer les milices. La CEDEAO a conclu sa récente réunion en des termes très proches de la position du groupe de travail international (GTI) : il ne peut y avoir de solution militaire durable et l'objectif reste des élections ouvertes sur la base de listes électorales fiables ;

- au Tchad, les différentes formations politiques ne se sont pas accordées pour participer à la « table ronde » que la France appuie. Le rôle de la France est bien d'éviter tout risque de déstabilisation du pays ;

- au Kosovo, la France apporte tout son soutien à M. Ahtisaari, envoyé spécial des Nations unies, qui va prochainement remettre une proposition globale sur le statut final de la province. La France plaide pour une solution négociée et équitable, répondant aux aspirations d'une immense majorité de la population favorable à l'indépendance, mais qui respecterait la minorité serbe et notamment son patrimoine culturel et cultuel. Une présence civile et militaire étrangère sera donc encore longtemps indispensable, la KFOR pouvant ultérieurement être relayée par une force européenne ;

- au Mali, après plusieurs incidents survenus dans le Nord du Pays, des négociations ont permis un certain apaisement et les Touaregs ont réintégré le cadre légal. Mais de nouveaux affrontements ne peuvent être totalement écartés ;

- la résolution 1701 sur le Liban est désormais mise en œuvre. Israël a évacué le sud du pays, à l'exception du village de Ghajar, mais les survols du territoire libanais par des appareils israéliens restent source de préoccupation. Pour leur part, la FINUL et l'armée libanaise parachèvent leur déploiement. Pour autant, les conditions du dialogue politique restent à réunir et supposent la libération des deux soldats israéliens et la solution à la question des fermes de Chebaa ;

- en Haïti, un peu moins d'une centaine de gendarmes et policiers français sont présents en soutien à la force de l'ONU. Les élections ont permis la désignation du président Préval et l'impératif est aujourd'hui de rétablir la sécurité, de renforcer les institutions et de poursuivre la lutte contre la pauvreté ;

- au Sénégal, le président Abdoulaye Wade n'a pas remis en cause le calendrier électoral et ce pays reste un modèle de démocratie dans l'Afrique francophone. La France y suivra avec attention le processus électoral à venir.

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