Contrôle de l'application des lois par les commissions du sénat : encore trop de carences de suivi réglementaire
Le 54e rapport annuel sur le contrôle de l'application des lois réalisé par les commissions permanentes du Sénat vient d'être publié en annexe au n° 10 du Bulletin des commissions.
Ce rapport porte sur l'année parlementaire 2001‑2002, ainsi que sur le bilan global de la XIe législature, arrêté au 6 mai 2002, date de la démission du gouvernement de M. Lionel Jospin.
Pour l'année parlementaire 2001-2002, le fait le plus notable est la poursuite du phénomène « d'embonpoint législatif » précédemment constaté : le Parlement, s'il vote plutôt de moins en moins de lois, adopte des textes de plus en plus denses, et de plus en plus riches en articles exigeant un suivi réglementaire. Ainsi, 27 lois appelant des textes d'application ont été promulguées en 2001‑2002, exactement comme en 2000‑2001 ; mais ces 27 lois appellent 617 décrets ou arrêtés, contre seulement 425 en 2000‑2001. Il s'agit surtout de textes soumis à la commission des affaires sociales, comme par exemple la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (125 mesures réglementaires prévues).
Cette évolution spectaculaire ne s'est pourtant pas traduite, comme on aurait pu le redouter, par une érosion du taux moyen de parution des dispositions réglementaires prévues par le législateur : un texte sur cinq avait été publié à la fin de l'année parlementaire écoulée, comme en 2000-2001 ; on a également assisté à une sensible accélération des délais de publication.
Un autre motif de satisfaction résulte de l'entrée en vigueur, en totalité, de 3 lois votées au cours de l'année parlementaire, dont la loi relative aux musées de France, grâce à une louable concertation entre le rapporteur de la commission des affaires culturelles et le Ministère, et la loi, très récente, portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, adoptée après l'alternance politique, pendant la session extraordinaire.
Malheureusement, on doit encore déplorer des carences persistantes :
- d'abord, la difficulté de résorber le stock des lois votées depuis 1981 qui ne sont toujours pas totalement appliquées ;
- ensuite, la faiblesse de la consolidation du suivi réglementaire des amendements issus de l'initiative du Sénat : le taux d'application est de 16 % seulement ;
- enfin, l'absence manifeste d'effet de la déclaration d'urgence : le taux d'application des dispositions figurant dans les lois adoptées selon cette procédure est même inférieur à celui des lois votées selon la procédure de droit commun ; et la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, pourtant votée après déclaration d'urgence, n'avait reçu, au 30 septembre 2002, aucune des 69 mesures prévues.
Pour la XIe législature (1997‑2002), loin de répondre aux attentes nées des progrès constatés sous la Xe législature (1993‑1997), les résultats enregistrés traduisent une sensible dégradation de l'application des lois et reviennent même à des niveaux inférieurs à ceux de la Ixe législature (1998‑1993).
On relève deux chiffres corrélés entre eux :
- moins du quart des lois votées pendant la législature ont été rendues totalement applicables (27 % sous la Xe législature) ;
- à l'autre extrémité, plus de 10 % n'avaient reçu aucune mesure d'application avant la démission du gouvernement de M. Lionel Jospin (7 % sous la Xe législature).
Les observations des commissions permanentes illustrent et corroborent les résultats de l'analyse statistique. On trouve aussi ce reproche récurrent : les rapports demandés au gouvernement par le législateur tardent trop longtemps à paraître. Or, bien souvent, il s'agit de documents relatifs à l'évaluation de la loi, très attendus par les commissions.
M. Christian Poncelet, Président du Sénat, en présentant ce rapport à la Conférence des Présidents, a salué la persévérance des rapporteurs des commissions qui, par leurs questions, aiguillonnent le gouvernement en conjurant son inertie.