M. CHARLES JOSSELIN, MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, CHARGE DE LA COOPERATION ET DE LA FRANCOPHONIE, COMMENTE LA SITUATION EN COTE D'IVOIRE ET PRESENTE DEVANT LES SENATEURS LES CREDITS D’AIDE AU DEVELOPPEMENT ET DE COOPERATION RELEVANT DE CE MINISTERE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES 2001
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par M. Xavier de Villepin, président, a entendu, le jeudi matin 26 octobre, M. Charles Josselin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération et de la francophonie.
M. Charles Josselin a tout d’abord indiqué aux sénateurs les derniers éléments en sa possession concernant la situation en Côte d’Ivoire. Il a rappelé que, d’après les premiers résultats disponibles, M. Laurent Gbagbo avait été élu président, avec quelque 60 % de suffrages contre 32 % à son rival, le général Robert Gueï, sachant que le taux de participation s’était élevé à 36 %. Il a émis des doutes quant à la volonté de la majorité du peuple ivoirien à voir organiser un nouveau scrutin. Le ministre délégué a estimé que l’enjeu le plus important désormais serait l’organisation des élections législatives auxquelles il souhaitait que la totalité des sensibilités politiques du pays soit admise à participer. C’est à l’issue de cette échéance que l’on pourrait s’assurer que la Côte d’Ivoire aurait renoué définitivement avec la démocratie.
Mme Paulette Brisepierre et MM. Robert Del Picchia et Guy Penne se sont alors inquiétés de la situation de nos compatriotes résidant dans le pays.
M. Charles Josselin a souligné qu’aucun incident n’avait été déploré les concernant. Les ressortissants français avaient été bien préparés par l’ambassade à une situation de crise et l’îlotage avait bien fonctionné.
M. Xavier de Villepin, président, a souhaité avoir des précisions sur l’état de l’opinion publique ivoirienne sur la tenue de nouvelles élections présidentielles et s’est demandé si, d’ici les législatives, la Côte d’Ivoire ne risquait pas de connaître une grave période de turbulences.
M. Charles Josselin a alors indiqué que l’ancien Président Conan Bédié, n’avait pas, pour sa part, demandé de nouvelles élections, souhait jusqu’à présent formulé par le seul Alassane Ouattara et ses partisans. Il a par ailleurs ajouté que la Constitution ivoirienne, qui avait été approuvée largement et démocratiquement, avec le soutien de M. Alassane Ouattara, était la cause, par son interprétation rigoureuse sur la question de l’ivoirité, de l’exclusion de ce dernier du scrutin présidentiel. Par ailleurs, a-t-il précisé, le taux de participation, de l’ordre de 36 %, était comparable à d’autres scrutins africains.
M. Charles Josselin a ensuite présenté les crédits de la coopération internationale et du développement dans le projet de loi de finances pour 2001. Il a indiqué que ce budget permettrait le maintien des moyens de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) à hauteur de 9,285 milliards de francs, soit 42 % du budget du ministère des affaires étrangères. Ces moyens permettront de faire vivre un " portefeuille " de 503 projets dans les pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) financée soit sur le fonds d’action à la coopération (FAC), soit sur le fonds de solidarité prioritaire (FSP), qui a pris sa succession depuis le 1er janvier 2000. Ce budget implique la présence sur le terrain de près de 2000 coopérants, qui fournissent une expertise technique de haut niveau et qui constituent un avantage comparatif réel de la coopération française aux yeux des bailleurs de fonds étrangers. Ces moyens financiers permettront également de conserver les 160.000 élèves des 270 établissements de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE), 22 221 étudiants étrangers boursiers en France, 150 établissements culturels, 220 alliances françaises et 27 centres de recherche.
Le ministre a indiqué que l’effort de la France en matière d’aide publique au développement, notamment en Afrique, serait en légère augmentation grâce à un accroissement des dotations en autorisations de programme du FSP, de l’AFD, en raison notamment de missions nouvelles dans les secteurs de la santé et de l’éducation, ainsi que des moyens d’intervention du titre IV.
Le projet de budget pour 2001 est en outre marqué par le souci d’améliorer l’efficacité de l’aide au développement en échappant aux récurrences et en finançant surtout des actions nouvelles, en contribuant à la réussite de l’initiative " pays pauvres très endettés " et à la lutte contre le sida. La France continuera par ailleurs de mettre l’accent sur les thématiques essentielles que sont la promotion de l’état de droit, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la décentralisation, du développement durable et de l’intégration régionale, notamment à la suite des accords de Cotonou.
Le lien entre les crédits de coopération culturelle et d’aide au développement sera renforcé afin d’intégrer l’aide au développement dans l’ensemble de la politique de promotion de la France à l’étranger par une politique culturelle dynamique. En 2001, les efforts viseront à augmenter l’offre de formation supérieure en France, à apporter une réponse appropriée aux situations de crise, en particulier dans les Balkans et en Algérie où a été entreprise la réouverture progressive du lycée d’Alger et de plusieurs établissements culturels, à améliorer la qualité de notre présence culturelle dans les grands pays développés et à accompagner la préparation des pays candidats à l’entrée dans l’Union européenne et les positions technologiques et scientifiques de la France dans les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, notamment au Brésil.
Deux ans après la réforme du dispositif français de coopération et la fusion des ministères des affaires étrangères et de la coopération, le premier bilan est positif. La réforme a permis un rapprochement des méthodes des politiques d’aide au développement et de coopération culturelle autour d’une culture de projet. L’effort de fusion des instruments de gestion et des personnels devra être poursuivi. Un progrès sensible du travail interministériel a pu être constaté grâce au comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) réunissant le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères, mais aussi presque tous les autres ministères qui, d’une manière ou d’une autre, sont concernés par des projets d’aide au développement. En outre, la réforme du FAC est entrée dans les faits, le rôle de l’AFD comme opérateur pivot de la coopération française a été consolidé, la ZSP a été mise en place et a permis au FSP d’agir au Maghreb, au Laos, au Cambodge et au Vietnam ainsi qu’au Liban ou dans les Balkans. Des accords-cadres de partenariat, fixant une stratégie de lutte contre la pauvreté, ont commencé à être signés.
M. Charles Josselin a enfin évoqué les grands chantiers qu’il souhaitait mener à bien pour améliorer notre politique de coopération. Il a cité à cet égard la généralisation de l’approche stratégique, le renforcement de la capacité d’évaluation (avec, en particulier, l’élaboration d’un tableau de bord de l’aide internationale), la réforme de l’assistance technique, une meilleure prise en compte de la dimension européenne et multilatérale de l’aide au développement (un prochain conseil des ministres européen chargé du développement devrait déterminer les nouvelles bases de la politique de l’Union dans ce domaine) ainsi que l’amélioration des procédures de concertation entre bailleurs de fonds, la poursuite de la déconcentration à travers la responsabilisation des chefs de poste, en particulier pour la gestion de certains crédits. Le ministre délégué a également appelé de ses voeux un renforcement de la formation à la coopération internationale et une valorisation du savoir-faire français dans le cadre des discussions internationales sur le développement.
A la suite de l’exposé du ministre, Mme Paulette Brisepierre a regretté le déséquilibre entre les ambitions louables affichées par le ministre et les moyens budgétaires dont il disposait. Après avoir rappelé la réduction des crédits dévolus au fonds de solidarité prioritaire (FSP), alors même que la zone couverte par notre coopération s’était étendue, elle s’est inquiétée des risques de dispersion de notre aide. Elle a souhaité savoir si l’enveloppe du FSP servirait au financement de projets dans les Balkans. Enfin, elle a demandé des précisions sur les moyens de mieux articuler l’aide française aux contributions multilatérales.
M. Guy Penne a d’abord déploré la régulation budgétaire de l’ordre de 110 millions de francs qui avait touché cette année les crédits du ministère des affaires étrangères. Il a attiré l’attention du ministre délégué sur les conséquences négatives de la hausse du dollar sur les moyens de fonctionnement de nos postes à l’étranger. Il a regretté la faiblesse des subventions de fonctionnement prévus au chapitre 36-30 du projet de budget pour le ministère des affaires étrangères. Rappelant l’exemple d’Edufrance, il s’est demandé si une formule de cofinancement avec le ministère de l’Education nationale ne devrait pas s’appliquer pour l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Il a souligné que la rigidité de certaines structures administratives constituait un frein aux évolutions souhaitables. Enfin, après avoir relevé l’augmentation de l’effort consacré aux contributions obligatoires, il s’est étonné de l’insuffisance des moyens dévolus à nos actions de coopération.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial pour les crédits de l’aide publique au développement, a d’abord souligné la lourdeur du système institutionnel constitué par la DGCID. Il a également rappelé les nombreuses difficultés liées aux disparités de statuts des personnels en poste à l’étranger. Il a en outre constaté la décrue constante de nos moyens de coopération. M. Michel Charasse a ensuite interrogé le ministre délégué sur le décompte des sommes qui avaient été allouées aux Balkans en 1999 et en 2000. Il a également observé que le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE avait récemment fait état de la réduction de l’aide publique française au développement qui était en effet passée de 10,4 milliards de dollars en 1982 à 8,4 milliards de dollars en 1998 (soit à peine 0,6 % du budget). Il est revenu de nouveau sur les dysfonctionnements de l’aide provenant de l’Union européenne dont le financement est pourtant assuré pour près du quart par la France. Il s’est inquiété de la tendance à laisser des responsabilités importantes à des organisation de caractère privé dans les actions de coopération. Il a dénoncé l’inertie dans la reconduction, d’une année sur l’autre, de certains crédits d’aide dont l’efficacité n’était pas avérée. M. Michel Charasse a par ailleurs regretté que la nouvelle organisation du fonds de solidarité prioritaire ne permette pas une réelle information sur les projets financés. Enfin, il s’est interrogé sur l’intérêt du rôle joué par le Haut Conseil pour la Coopération internationale
M. Robert Del Picchia a demandé au ministre des précisions sur l’évolution des programmes de TV5 et la couverture du continent américain par la chaîne francophone.
M. André Dulait a fait part de ses préoccupations sur la question des recrutés locaux. Il a par ailleurs demandé des informations complémentaires sur la zone de solidarité prioritaire dont les contours paraissaient quelque peu flexibles. Enfin, il a souhaité connaître la liste des postes actuellement occupés par des volontaires du service national et s’est interrogé sur la façon dont ces emplois pourraient être pourvus à l’avenir.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a estimé que les perspectives d’évolution de l’assistance technique paraissaient particulièrement sombres. Elle a souligné que la France disposait, avec ses coopérants, d’une capacité d’expertise remarquable qui constituait, aux yeux même des autres bailleurs de fonds, une garantie pour la bonne utilisation de l’aide publique. Elle a craint que les nouveaux modes d’organisation de la coopération conduisent à démotiver ces personnels. Elle a précisé à cet égard que 350 postes d’assistants techniques n’étaient pas pourvus faute de candidats. Elle a rappelé que les coopérants français représentait un appui indispensable pour développer notre présence économique dans les pays concernés. Revenant sur le mouvement de mécontentement au sein des personnels de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, elle a regretté la réduction de moitié du nombre de postes d’expatriés, destinée à préserver les rémunérations des emplois qui avaient pu être sauvegardés. Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné les difficultés liées au recrutement des enseignants résidents pour lesquels les candidatures se raréfiaient. Elle a estimé qu’un cofinancement impliquant le ministère de l’éducation nationale était devenu indispensable pour l’agence pour l’enseignement français à l’étranger.
M. Xavier de Villepin, président, a critiqué l’opacité des actions conduites par l’Union européenne en matière d’aide au développement. Il a demandé, par ailleurs, des éclaircissements sur les conditions de désignation du Haut commissaire pour les réfugiés par le secrétaire général des Nations unies. Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur la capacité d’investissement de la DGCID.
En réponse aux commissaires, M. Charles Josselin a d’abord indiqué que le nombre d’assistants techniques s’était effectivement réduit de 2 979 à 2 563 entre 1999 et 2000. Il a ajouté qu’une partie de ces postes n’avait pu être pourvue et que cette situation pouvait justifier pour le ministre de l’économie et des finances une diminution des postes budgétaires. Il a estimé que l’insuffisance du nombre de postulants pour ces emplois traduisait une crise de confiance plus générale sur l’efficacité de l’aide au développement. Il a souligné en outre les difficultés liées à une meilleure utilisation des capacités d’expertise locale.
Mmes Paulette Brisepierre et Monique Cerisier-ben Guiga, ainsi que M. Guy Penne, ont alors mis en avant le problème lié à la limitation du temps de séjour des coopérants. Le ministre délégué a reconnu que dans certains cas, des dérogations pourraient être admises. Il a ajouté que certains assistants techniques n’étaient pas réintégrés dans leur administration d’origine dans des conditions satisfaisantes. M. Michel Charasse a alors estimé qu’il convenait de montrer en la matière une certaine souplesse en distinguant les emplois de haute technicité, pour lesquels des dérogations apparaissaient opportunes, des missions de caractère purement administratif qui requéraient au contraire une rotation plus rapide des agents.
M. Charles Josselin a apporté en outre les précisions suivantes :
- les rares augmentations d’effectifs dont avait bénéficié le ministère des affaires étrangères, avaient principalement concerné les services des visas des postes consulaires ;
- le nombre des volontaires du service national (VSN) s’élève à environ 2 500 pour le ministère des affaires étrangères (parmi lesquels 250 à 300 VSN travaillent au sein des ambassades) et à 4 000 pour le ministère de l’économie et des finances ; les postes occupés par les VSN seront progressivement pourvus par des volontaires civils ; un centre d’informations rattaché au ministère des affaires étrangères, vient d’être mis en place dans cette perspective ; la question de l’encadrement de ces volontaires reste toutefois posée ;
- l’effet change est intégralement pris en compte pour les rémunérations des expatriés ainsi que pour les contributions obligatoires ; il ne l’est pas en revanche pour le fonctionnement des postes dont les moyens ont été réduits de 80 à 90 millions de francs en 2000 à la suite de la hausse du dollar ; les financements supplémentaires nécessaires seront procurés par des reports de charges sur l’année 2001 ;
- l’augmentation de la majoration familiale pour les résidents et l’accroissement de 15 % de l’indemnité d’expatriation destinée à remplacer la prime de cherté de vie seront financés par une réduction du nombre de postes d’expatriés ; cette revalorisation doit en effet être conduite à enveloppe constante ; il apparaît opportun de nouer le dialogue avec le ministère de l’éducation nationale pour favoriser un système de cofinancement de l’AEFE.
M. Guy Penne a alors réitéré la demande formulée au nom des sénateurs représentant les Français établis hors de France pour être associés à la réflexion de fond sur l’organisation de l’AEFE. M. Charles Josselin a réservé un accueil favorable à ce souhait.
Le ministre délégué à la coopération et à la francophonie a alors jugé utile de mieux évaluer les dépenses liées à la reconstruction dans les Balkans. Revenant alors sur la mesure de régulation décidée cette année sur le budget du ministère des affaires étrangères, il a indiqué qu’elle avait porté à hauteur de 80 millions de francs sur les crédits de la DGCID et à hauteur de 30 millions de francs sur la coopération en matière de défense. Il a évoqué, par ailleurs, les lourdeurs des procédures de financement de l’Union européenne en matière d’aide au développement. Il a noté à cet égard qu’il existait un reliquat d’un montant de 9,5 milliards d’euros non dépensés au titre du fonds européen de développement. Il a indiqué en outre qu’une évaluation du programme MEDA avait été demandée par la présidence française de l’Union européenne. Il a regretté enfin la rotation trop rapide des cadres de l’Union européenne chargés de la coopération.
M. Michel Charasse a souligné l’excessive concentration des décisions au niveau des instances communautaires bruxelloises. Il a déploré l’état d’esprit de certains fonctionnaires européens qui semblaient ignorer que la France était le principal contributeur du fonds européen de développement.
M. Charles Josselin a alors apporté les compléments de réponse suivants :
- la France continue de figurer au premier rang du groupe des sept pays les plus industrialisés pour l’aide publique au développement ; une connaissance approfondie de l’impact de cette aide apparaît cependant désormais indispensable ; de même l’action des ONG doit rester soumise à une évaluation vigilante ;
- l’information fournie aux représentants du Parlement au sein du comité stratégique du fonds de solidarité prioritaire pourrait être utilement complétée par des fiches projets qui permettraient une appréciation plus précise sur les actions conduites en matière d’aide au développement ;
- le budget du Haut conseil pour la coopération internationale a été simplement reconduit en 2001 ; le dialogue entre les pouvoirs publics et cette institution doit se poursuivre dans le souci de servir les objectifs de la coopération française ;
- la capacité d’investissement de la DGCID doit tenir compte du coût important que représente la construction d’un établissement scolaire (de l’ordre de 100 à 150 millions de francs) ; deux chantiers importants seront ouverts en 2001 pour les lycées français de Milan et de Moscou ; les établissements conventionnés et gérés par les parents d’élèves bénéficient pour leur part d’une subvention de l’ordre de 30 millions de francs ;
- les conditions de désignation du Haut commissaire pour les réfugiés tiennent compte de plusieurs facteurs parmi lesquels les contributions financières des différents Etats.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné à ce propos qu’il conviendrait sans doute de prendre en considération d’autres aspects tels que la participation aux opérations de maintien de la paix pour lesquelles la France fournit un effort important.
M. Charles Josselin a conclu sur la situation de TV5 dont les conditions de diffusion sur le continent américain n’apparaissaient satisfaisantes ; il a indiqué à cet égard qu’une négociation s’ouvrirait très prochainement afin de définir une nouvelle répartition des responsabilités pour la diffusion de la chaîne dans cette partie du monde.