La mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales du Sénat a confié en janvier 2024 à Élisabeth Doineau, rapporteure générale, et Cathy Apourceau‑Poly, un rapport sur la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé. Les rapporteures ont synthétisé leurs travaux dans leur rapport. La fiscalité comportementale en santé : stop ou encore ? adopté le 29 mai 2024 par la commission.
Le rapport conclut que la fiscalité n’est pas l’instrument le plus adapté pour tous les sujets, compte tenu en particulier de son impact économique ou de la nécessité de cibler certains publics.
S’agissant des produits du tabac, il convient de renforcer plus que jamais les campagnes de prévention. La commission préconise d’en augmenter la fiscalité, afin d’accroître leur prix d’au moins 3,25 % par an hors inflation d’ici 2040, ce qui reviendrait à porter le prix du paquet de cigarettes à 20 euros[1]. En effet, comme le souligne l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la fiscalité est le moyen le plus efficace de lutter contre le tabagisme, qui cause 70 000 décès annuels prématurés en France.
Le rapport recommande également de renforcer la lutte contre le marché parallèle (soit la contrebande, la contrefaçon ainsi que le marché transfrontalier légal), dont l’ampleur n’est pas précisément connue[2]. La France devra s’efforcer d’obtenir, lors de la prochaine révision des directives européennes sur le tabac (sans cesse reportée et dont on peut espérer qu’elle pourra enfin débuter après les prochaines élections européennes), des règles imposant aux industriels de cesser le sur-approvisionnement volontaire des marchés voisins de la France (ce que Frédéric Valletoux, conformément à une position exprimée quand il était député[3], a confirmé souhaiter lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat le 21 mai 2024).
S’agissant de l’alcool, dont la France est toujours l’un des principaux consommateurs par habitant de l’OCDE et qui entraîne 40 000 décès prématurés par an, le rapport relève l’impact économique qu’aurait une augmentation significative de la fiscalité du vin, qui par ailleurs ne permettrait pas de cibler les consommations les plus pathologiques. Il préconise plutôt de lancer une concertation sur la possibilité d’instaurer un prix minimum par unité d’alcool pur, comme en Ecosse en 2018, et sur la manière de s’assurer qu’une telle mesure permette l’augmentation des marges des producteurs indépendants.
S’agissant de la nutrition, il convient de lutter contre l’obésité dès le plus jeune âge. Le rapport recommande d’augmenter la taxe sur les boissons sucrées et d’en simplifier le barème, sur le modèle de la soda tax en vigueur au Royaume-Uni. L’objectif poursuivi est d’inciter à la reformulation des compositions des boissons par les industriels (en diminuant les taux de sucres) et de provoquer un signal sur les prix plus perceptible par les consommateurs. Le rapport propose également de fixer des quantités maximales de sucres, sels et matières grasses pour certaines catégories d’aliments, et de réviser la "loi Gattolin" de 2016 pour interdire à la télévision et sur internet les publicités pour les aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés ciblant les enfants de moins de 17 ans.
Même quand elle est pertinente, la fiscalité comportementale ne peut être le seul instrument utilisé. Le rapport préconise d’orienter davantage les recettes de la fiscalité comportementale en santé vers des actions de prévention et de communiquer clairement à ce sujet. L’éducation, l’information et des actions ciblées doivent accompagner toute hausse des taxes.
[1] En euros de 2023.
[2] Les estimations publiques suggérant une ampleur bien plus faible que celles avancées par l’industrie du tabac.
[3] Cf. proposition de loi n° 1834 visant à appliquer le protocole de l’Organisation mondiale de la santé définissant des quotas de livraison de tabac pour empêcher les cigarettiers d’alimenter le commerce parallèle (7 novembre 2023).
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