À quelques jours du déplacement du Président de la République en Nouvelle-Calédonie, la commission des lois du Sénat a adopté à l’unanimité le rapport de sa mission d’information sur l’avenir institutionnel de cette collectivité.

Les rapporteurs François-Noël Buffet, Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur et Hervé Marseille ont mené, depuis mai 2022, des travaux qui les ont conduits à formuler leurs premières propositions dès juillet 2022[1], après avoir auditionné de nombreuses personnalités en Nouvelle‑Calédonie.

Ces recommandations ont été en grande partie suivies :

  •     Le Gouvernement a renoncé, lors d’une audition devant la commission des lois, au "référendum de projet" qu’il avait annoncé unilatéralement pour l’été 2023 et qui faisait obstacle à la reprise du dialogue entre les parties calédoniennes en raison de l’opposition des forces indépendantistes ;
  •     Il n’a pas associé Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur et présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie, aux décisions gouvernementales sur l’avenir du territoire afin de ne pas privilégier l’une des parties calédoniennes ;
  •     Il a ouvert des discussions bilatérales avec les représentants indépendantistes, s’efforçant de manifester une impartialité que celles-ci mettaient en doute depuis l’organisation de la troisième consultation d’autodétermination ;
  •     Il a mis en place des groupes de travail permettant de traiter l’ensemble des questions relatives à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, et pas seulement celles qui concernent l’organisation statutaire de cette collectivité ;
  •     Il a réalisé l’"audit de la décolonisation" et le bilan de l’accord de Nouméa, mais dans des conditions malheureusement contestables, en faisant appel à des cabinets de conseil.

Pour autant, aucune négociation tripartite entre l’État, les forces indépendantistes et les forces non indépendantistes n’a été engagée depuis la dernière consultation d’autodétermination organisée en application des accords de Nouméa en décembre 2021. Compte tenu de l’ampleur des questions à traiter afin d’organiser pour les décennies à venir le destin commun des Calédoniens justifie que le Sénat demeure vigilant sur la réunion des conditions d’un accord entre les parties calédoniennes et l’État.

La commission des lois considère que le déclenchement de négociations tripartites ne doit plus être retardé, et ce, alors que l’échéance des élections provinciales, prévues en mai 2024, approche. L’organisation de nouvelles élections provinciales selon les principes définis par l’accord de Nouméa soulèverait de sérieuses difficultés sur le plan constitutionnel. En effet, les règles actuelles de composition de la liste électorale, parce qu’elles excluent de nombreux électeurs qui sont résidents calédoniens depuis longtemps n’ont été acceptées par le Conseil constitutionnel qu’en raison de leur caractère transitoire et en vertu de dispositions constitutionnelles spécifiques.

Or, il convient à l’évidence d’organiser les prochaines élections provinciales sur des fondements incontestables. Dès lors, que ces règles soient changées ou maintenues, il apparait nécessaire que le nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie, y compris s’agissant de l’organisation des scrutins provinciaux, soit élaboré avant les prochaines échéances électorales. Ce statut ne pourra être entériné, par des dispositions législatives, organiques voire constitutionnelles, sans avoir été précédé d’un accord. Compte tenu des délais incompressibles nécessaires à l’adoption de ces textes, il reste au Gouvernement et aux parties calédoniennes quelques mois pour conclure cet accord. À défaut, le scrutin ne pourrait se dérouler dans des conditions à la fois régulières et acceptables par toutes les parties.

La mission estime qu’un accord global permettant de donner à la Nouvelle–Calédonie un cadre institutionnel assurant sa stabilité et son développement pour les décennies à venir passe notamment par l’élargissement des conditions d’accès à la citoyenneté calédonienne dès les prochaines élections provinciales, par la confirmation du droit à l’autodétermination de la Nouvelle‑Calédonie selon des modalités à définir d’un commun accord et par la rénovation des institutions locales, en particulier, en améliorant la répartition des compétences entre collectivités et en renforçant les compétences et les moyens des communes de Nouvelle‑Calédonie.

Dans l’hypothèse où cet accord global ne serait pas conclu en temps utile pour s’appliquer aux élections provinciales à la date prévue, un report de celles-ci ne pourrait être que de courte durée car la prolongation par la loi des assemblées calédoniennes actuelles au-delà d’une limite raisonnable serait contraire aux principes fondamentaux de la démocratie. Seul pourrait donc être envisagé un sursis de quelques mois si les parties étaient suffisamment avancées dans leurs négociations pour avoir arrêté les principes d’un accord. Il ne resterait plus qu’à en fixer les modalités d’application en vue de sa nécessaire approbation par le Parlement.

Les rapporteurs forment le vœu que le prochain déplacement du président de la République en Nouvelle-Calédonie permette de franchir une étape importante sur la voie d’un accord.

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