CHAPITRE I
UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE PLUS
EFFICACE
Renforcer le cadre institutionnel de la décentralisation
passe d'abord une adaptation de l'Etat aux conséquences de cette grande
réforme (I).
Cet objectif nécessaire justifie, en outre, d'accompagner les mutations
de l'organisation administrative locale avec le double souci de
l'efficacité et de la simplification (II).
I. POUR UN ÉTAT TERRITORIAL ADAPTÉ À LA DÉCENTRALISATION
A. UN ÉTAT RECENTRÉ SUR SES COMPÉTENCES ESSENTIELLES
a) L'État n'a pas le monopole de l'intérêt général
L'État unitaire, dont le modèle ne saurait
être
considéré comme figé, a tardé à prendre en
compte le rôle plein et entier des collectivités locales. Lors de
son audition par la mission, M. Jean Picq, conseiller-maître
à la Cour des comptes et auteur d'un rapport sur la réforme de
l'État, estimait que l'État en France avait été
sérieusement ébranlé par la décentralisation mais
que son architecture était encore le résultat d'un
climat de
méfiance envers les collectivités locales
.
Appelant de ses voeux un changement d'attitude de l'État, la mission
plaide pour l'instauration de relations de confiance avec les
collectivités locales. Comme l'affirmait M. Christian Poncelet,
président du Sénat, devant le Congrès de
l'assemblée des départements de France, "
nous avons
besoin d'un État moderne, responsable, davantage à
l'écoute des collectivités locales et d'un État majeur,
qui tire définitivement les conséquences des lois de
décentralisation
".
Dans l'idée de donner corps à un " État contractuel
à la française " et de faire vivre la
" République territoriale ", la mission prône un
renoncement aux mesures centralisatrices qui révèlent la
défiance de l'État à l'égard des acteurs locaux.
En effet,
l'État n'a pas le monopole de l'intérêt
général
, auquel participent également les
collectivités locales. Dès lors, la recherche de
l'équité dans la diversité est plus efficace, au regard du
principe d'égalité, qu'un traitement uniforme et donc le plus
souvent inadéquat des situations sur l'ensemble du territoire.
En ce sens, la mission recommande
une meilleure association des élus
locaux aux décisions
ayant une incidence sur leurs charges ou leurs
ressources.
Aussi l'élaboration des textes réglementaires
doit-elle être organisée en concertation avec les élus
locaux.
Une modification de la conception même des textes réglementaires
ne s'impose-t-elle pas ? Il faudrait passer de la règle
précise et impersonnelle fixée par l'État à la
détermination d'un cadre juridique d'application souple et
variée, favorisant l'expérimentation.
b) L'État doit se désengager des fonctions de gestion
L'État doit accepter de concevoir son rôle en
fonction de la nouvelle donne que constitue la décentralisation et la
reconnaissance aux collectivités territoriales de compétences de
plein exercice
310(
*
)
.
En particulier, l'État doit se recentrer sur ses
fonctions
régaliennes
(justice, police, ordre public et
sécurité, diplomatie et affaires étrangères,
défense, monnaie et finances) et permettre aux collectivités
locales d'assumer leurs compétences dans les meilleures conditions, y
compris en reconnaissant une certaine diversité dans la mise en oeuvre
des politiques publiques. Son rôle réside essentiellement dans la
péréquation
, afin de réduire les
inégalités de ressources entre collectivités locales, et
dans la
solidarité nationale
.
Selon le rapport " Poursuivre la décentralisation "
311(
*
)
, réaffirmer les mission de
l'État consiste en la révision de la répartition des
compétences avec les collectivités locales, pour limiter les
compétences partagées et les financements croisés.
Comme l'indiquait M. Christian Poncelet, président du Sénat,
devant l'Académie des sciences morales et politiques,
"
l'État doit s'appliquer à lui-même le principe
de subsidiarité.
S'il doit conserver tout son pouvoir
d'orientation et de mise en cohérence, les décisions concernant
la vie des territoires doivent, elles, être systématiquement
prises au niveau local le plus proche. D'une manière
générale,
l'État moderne doit être un État
modeste recentré sur ses fonctions régaliennes, sa mission de
stratégie et ses attributions de garant de la cohésion sociale et
territoriale.
"
La mission considère que les départs massifs à la retraite
des fonctionnaires de l'État est une occasion de repenser le rôle
et les missions de l'État et de réduire le poids des
dépenses induites de fonction publique qui représentent
aujourd'hui 40 % du budget de l'État.