CHAPITRE II :
RENFORCER LA PRÉVENTION
ET LES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA POLLUTION

A. LE RÔLE DÉTERMINANT DES REMORQUEURS DE HAUTE MER

La sécurité apportée par les remorqueurs de haute mer ne doit pas être victime des contraintes budgétaires

1. Le rôle remarquable joué par les remorqueurs des Abeilles

Le décret n° 78-272 du 9 mars 1978, relatif à l'organisation de l'action de l'Etat en mer, investissant les préfets maritimes " d'une responsabilité générale dans tous les domaines où s'exerce l'action de l'Etat, notamment en ce qui concerne la sauvegarde des personnes et des biens ", pour assurer ces missions, il est nécessaire de disposer de navires capables :

- d'intervenir en cas de catastrophe (sauvetage des personnes, assistance et remorquage de navires à la côte, lutte contre la pollution) ;

- de prévenir un accident possible (remorquage d'un navire présentant un risque certain, même en l'absence de danger imminent) ;

- de mener des actions préventives, de nature à éviter des accidents (respect des règles de navigation et antipollution, contrôles, police de la navigation).

Or, la Marine ne dispose pas de remorqueurs de haute mer spécialisés dans l'assistance, et seuls capables de remorquer les plus gros navires dans les conditions les plus difficiles. Le Comité interministériel de la mer, après le naufrage de l'Amoco Cadiz, en mai 1978, par relevé de décisions du 27 février 1979, a donc décidé de confier à la Marine nationale l'affrètement à temps de remorqueurs qui devaient être disponibles en permanence sur les trois façades maritimes (Manche, Atlantique et Méditerranée). Chaque préfet maritime dispose donc d'au moins un remorqueur. Cet affrètement a aujourd'hui un coût de l'ordre de 52 millions de francs par an (75 % des crédits ouverts en LF 2000 au chapitre 34.05, article 14, " assistance, sauvetage et lutte anti-pollution ") soit :

- l'" Abeille Flandre ", à Brest, et l'" Abeille Languedoc ", à Cherbourg, appartiennent à la société des Abeilles International pour un fret journalier de 54 600 F H.T.,

- " Le Mérou ", appartenant à la société " Seaward ", pour un fret de 32 500 F H.T. Cette dernière société appartient au groupe Bourbon, propriétaire des Abeilles International.

Les deux principaux remorqueurs localisés à Brest et à Cherbourg ont une puissance de traction au croc de 180 tonnes. Ce sont presque les seuls au monde à disposer d'une telle puissance. Ils sont placés dans les zones où le danger est le plus fort, à Ouessant et au large du Cotentin, où par ailleurs un dispositif de séparation du trafic a été instauré. Ces remorqueurs sont disponibles 24h sur 24, 365 jours par an. Ils peuvent appareiller en moins de 40 minutes. En outre, à Brest et Cherbourg, les remorqueurs appareillent dès que le vent atteint 25 noeuds (40 km/h). En ce qui concerne le Pas-de-Calais, la sécurité dépend d'un remorqueur affrété par la Grande-Bretagne , la France contribuant à cet affrètement de droit privé sur une base annuelle.

Activité de l'Abeille Flandre du 14 septembre 1979 au 2 mai 2000

Activités

Nombre d'opérations

Alertes
Appareillage et stand-by à proximité de navires marchands en avarie et ayant remis en route


283, dont 14 pétroliers
6  transporteurs

Escortes
Navires marchands en avarie mineure devant être escortés le long des côtes françaises


194, dont 20 pétroliers
8 transporteurs chimiques

Sauvetages

201, dont 12 pétroliers, 7 transporteurs chimiques, 2 ferries et 38 chalutiers

Opérations diverses
Récupérations de conteneurs, colis dangereux, pollutions, etc..

77 opérations

Exercices avec pétroliers

21 opérations

2. Trouver un régime adapté aux contrats d'affrètement pour ne pas porter atteinte à la sécurité

Les contrats d'affrètement passés avec ces sociétés de remorquage relèvent du code des marchés publics (CMP). Depuis 1978, ces contrats sont passés sous la forme de marchés négociés avec mise en concurrence (art. 104.1 du CMP). A compter du renouvellement des marchés, en 2000, la Marine nationale a décidé de recourir à la procédure d'appel d'offres restreint européen, de nature à susciter une plus large concurrence entre les soumissionnaires et réduire les coûts.

A la suite d'une première procédure (septembre 1999-avril 2000), déclarée infructueuse, une seconde procédure a été entamée, devant conduire à la signature de nouveaux contrats au 1 er janvier 2001. Pendant la période intermédiaire, les contrats en cours ont été prolongés.

Dans ce nouveau cadre, c'est le candidat " le mieux disant " qui sera choisi, c'est-à-dire celui qui propose les meilleures prestations pour le meilleur prix . Ce contrat prend en compte de nombreux éléments techniques, qui pourront être vérifiés, sur pièce et sur place, par un officier de la Marine, ainsi que l'expérience et les qualifications de l'équipage. Si dans le marché en cours, l'équipage doit parler français, dans celui qui suivra, la Marine ne fait qu'exiger du Capitaine, du premier, du second de port et du chef mécanicien qu'ils aient une pratique courante de la langue française.

Votre rapporteur considère que la procédure d'appel d'offres restreint européen, qui peut avoir pour conséquence de mettre fin au contrat d'affrètement avec les Abeilles est particulièrement inopportun, compte tenu du rôle remarquable joué par l'Abeille Flandre et son équipage à la suite du naufrage de L'Erika. Aucun des autres Etats côtiers de l'Union européenne ne recourt à une telle procédure lorsque la sécurité de ses côtes est en jeu. En Grande-Bretagne, c'est un organisme privé, la Maritime Coast Guards Agency qui procède à l'affrètement des remorqueurs. D'autres Etats imposent des conditions particulières avant de procéder à l'affrètement, en matière de langue et d'expérience de l'équipage notamment.

Lors des auditions auxquelles a procédé la délégation de votre mission d'information à Brest, il a été souligné que dans le feu de l'action des opérations de secours, le fait de parler la même langue et de partager la même culture maritime joue un rôle déterminant dans la réussite de ces opérations. Au surplus, le fait que les membres de l'équipage de l'Abeille Flandre défendaient également leurs côtes explique peut-être que tous se soient portés volontaires pour être hélitreuillés à bord de L'Erika, dans des conditions périlleuses.

Il est donc particulièrement regrettable que les économies budgétaires l'emportent sur la sécurité, et que la Marine recoure à une procédure à laquelle elle n'est nullement contrainte. Votre mission d'information souhaite donc que la Marine utilise une procédure plus appropriée. Elle propose, en conséquence, de recourir à une délégation de service public pour accomplir les mêmes missions. Ce type de contrat permettrait de fixer une durée plus longue, car elle serait déterminée en fonction de la durée d'amortissement des immobilisations.

Cette solution présenterait l'intérêt de pallier l'autre faiblesse du contrat actuel qui, étant financé sur le titre III du budget de la Marine, ne peut être conclu que pour une durée d'un an renouvelable trois fois, soit trois ans, et non pour cinq ans comme dans certains pays étrangers . Tel est le cas pour le contrat d'affrètement passé au Royaume-Uni pour le remorqueur précité par la Maritime Coast Guards Agency , auquel la France contribue. Cette limitation à trois ans de la durée des contrats français ne permet pas d'amortir un matériel tel qu'un navire appelé à rester en service plusieurs dizaines d'années. Elle rend donc très difficile le financement, par une entreprise privée, de la construction d'un remorqueur spécialisé supplémentaire, tout comme le remplacement de ceux qui existent, et qui ont déjà plus de 20 ans d'activité.

3. La nécessité d'un quatrième remorqueur dans le golfe de Gascogne

Tous les intervenants entendus par votre mission ont souligné la nécessité d'affréter un quatrième remorqueur susceptible d'intervenir dans le golfe de Gascogne, et permettant ainsi d'éviter de dégarnir le rail d'Ouessant.

L'efficacité de navires mixtes semble sujette à caution. Souvent, leur conception traduit un compromis qui conduit à obtenir un navire incapable de réaliser les deux tâches pour lequel il a été conçu simultanément, et de manière satisfaisante. De plus, il existe un conflit inévitable, lors d'un accident tel que L'Erika, où les deux missions du navire, récupération en mer et sauvetage maritime, doivent être menées à bien en même temps. Quelle sera la mission privilégiée dans une telle occurrence ? Si comme on peut s'y attendre, c'est le sauvetage en mer qui est retenu, il est probable qu'au moment où le navire d'intervention deviendra disponible pour les opérations de lutte en mer, le pétrole se sera trop étalé sur la surface de l'eau ou même, et c'est le plus probable, se sera échoué sur la côte.

L'ensemble de ces raisons conduisent votre mission d'information à recommander l'affrètement d'un remorqueur de haute mer du type de l'Abeille Flandre dans le golfe de Gascogne, qui constitue actuellement le " ventre mou " du dispositif français de sécurité, et non pas d'un navire mixte ou " supply " .

B. RENFORCER LES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA POLLUTION

1. Polmar-mer

a) Elargir la composition de la mission d'évaluation mise en place par le préfet maritime

Afin de porter assistance aux navires en difficulté, le préfet maritime a la faculté de dépêcher à bord une mission d'évaluation composée d'officiers de son état-major.

Il serait souhaitable d'élargir la composition de cette mission à :

- un pilote ;

- un officier du port ;

- un officier ou un ancien officier de la marine marchande ayant commandé un navire du même type que celui se trouvant en difficulté. En effet, un expert connaissant bien le navire devant faire l'objet d'une assistance pourra être utile pour proposer des recommandations au préfet maritime, et surtout, pour assurer une bonne liaison et, le cas échéant, pour rassurer le commandant du navire devant être assisté. Ainsi, serait-il souhaitable que les compagnies pétrolières dressent une liste des anciens commandants disponibles, à tout moment, à la demande du préfet maritime ;

- Météo-France, cette dernière ayant regretté de n'avoir pas été associée à la cellule de crise, alors qu'elle aurait souhaité participer à l'élaboration des plans de vol, afin de pouvoir mieux prévoir la dérive de la nappe.

b) Permettre au préfet maritime d'obliger un port à recevoir un navire en difficulté

Lorsqu'un navire en difficulté, pris ou non en remorque, se présente devant un port, les autorités portuaires peuvent lui en refuser l'accès. La mise en oeuvre du plan Polmar par le préfet maritime ne lui permet pas d'obliger le port à recevoir un navire lorsque celui-ci a été sauvé. On se demande ce qui serait ainsi survenu à L'Erika si, ayant réussi à gagner Donges, le port lui avait refusé l'accès, compte tenu de l'existence de fuites. Ainsi donc, si au vu des avis recueillis par la mission d'évaluation, le préfet maritime considère que le moindre risque est l'entrée du navire dans le port, il devrait alors pouvoir obliger le port à recevoir ce navire.

2. Polmar-terre

a) Unifier le contrôle du plan Polmar-terre sous l'égide d'une seule autorité

Il est souhaitable que, lorsqu'une pollution touche plusieurs départements, voire plusieurs régions, comme dans le cas de L'Erika, la mise en oeuvre des plans Polmar-terre soit conduite sous l'autorité d'un seul préfet qui serait l'alter ego du préfet maritime. Ce préfet, qui pourrait être le préfet de zone de défense, devrait non seulement coordonner les moyens de lutte contre la pollution, mais également affecter ces moyens aux endroits où ils sont le plus nécessaires. Il conviendrait donc de modifier la rédaction de quelques articles de la loi du 22 juillet 1987 sur la sécurité civile, afin d'indiquer que les opérations de secours seront conduites sous la direction du préfet de zone de défense dans laquelle se trouvent le ou les départements concernés.

L'article 8 de la même loi devrait être, quant à lui, supprimé. Il indique, en effet, que " lorsque plusieurs départements sont plus particulièrement exposés à certains risques, les compétences attribuées par l'article 7 au préfet de zone peuvent être confiées par le Premier ministre, en tout ou partie, au représentant de l'Etat dans l'une des régions où se trouvent l'un ou les départements concernés ". Or, les préfets de région n'ont de compétence en matière de défense non militaire que pour l'organisation économique et le ravitaillement, tandis que le préfet de zone de défense est assisté d'un état-major que ne possèdent pas les préfets de région. Celui-ci est donc bien l'interlocuteur le mieux armé pour faire face aux " crises ", ou aux catastrophes naturelles et technologiques, en liaison avec ses collègues préfets départementaux.

b) Assurer l'actualisation des plans Polmar-terre en liaison avec le CEDRE

Compte tenu du caractère obsolète des plans Polmar révélé par la catastrophe de l'Erika, il convient de prendre des dispositions pour s'assurer de l'actualisation des plans Polmar de chaque département. Cette actualisation devrait impérativement se faire en liaison avec le CEDRE, qui est l'une des organisations les plus réputées et expérimentées dans le monde. Au surplus, comme l'a fait le préfet de Vendée quelques mois avant la catastrophe de L'Erika, une expérimentation de la mise en oeuvre du plan doit être réalisée à intervalle régulier.

C. RENFORCER LE RÔLE DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA MER

Le Secrétariat général de la mer, qui ne dispose que de très faibles moyens, ne peut réellement exercer sa mission nationale pour le compte du Premier ministre, comme il devrait théoriquement le faire, en application de la circulaire du 7 décembre 1997.

Ses moyens devraient être notablement augmentés s'il veut, pour le compte du Premier ministre, conserver une véritable fonction de coordination et d'arbitrage entre les demandes de moyens de la marine (ministère de la défense) et les impératifs de cohérence logistique (terre et mer) présentés par l'administration des affaires maritimes (ministère de l'équipement) et les préfets.

En outre -mais il s'agit de problèmes budgétaires- il conviendrait de créer une ligne de crédits nouvelle dans le budget des services du Premier ministre, à disposition du Secrétaire général de la mer, pour pouvoir éviter d'imputer sur le budget de la marine les frais afférents à de telles opérations de secours, de sauvetage, et de remise en état des côtes.

D'un point de vue plus général, ce sont les modalités de coordination interministérielle de la prévention et de la lutte contre la pollution qui se trouvent en question. Actuellement, non moins de six départements ministériels sont concernés par la gestion d'une crise maritime :

- le ministère de la défense,

- le ministère de l'équipement,

- le ministère de l'intérieur,

- le ministère de l'industrie,

- le ministère des affaires étrangères,

- le ministère de la santé.

A l'évidence, la collaboration de ces entités qui, aux dires d'une personnalité entendue par votre mission d'information, sont " extrêmement jalouses de leurs compétences et refusent de les partager dans les domaines où ce serait indispensable ", est très difficile.

La multiplicité des administrations en cause rend d'autant plus importante et urgente l'organisation d'une véritable coordination au niveau central . Tel devait, en principe, être le rôle du Secrétariat général de la mer , placé sous l'autorité directe du Premier ministre. Cependant, cette administration légère, dotée de sept chargés de mission, ne dispose d'aucune autorité -autre que morale- s'agissant des moyens, ni d'aucune capacité d'arbitrage. Selon les témoignages concordants recueillis au cours de plusieurs auditions, la création du Secrétariat général de la mer a même été considérée par les services de divers ministères comme une forme d' " atteinte à leur souveraineté " , ce qui explique que bon nombre d'informations ne soient communiquées qu'avec retard au Secrétariat général... lorsqu'elles lui sont communiquées autrement que par voie de presse !

L'expérience tirée de la création d'un ministère de la mer a montré tous les avantages -notamment avec la création des CROSS- mais aussi toutes les limites d'une structure ministérielle dont l'ensemble des moyens relève d'autres départements. L'existence d'un ministère autonome rend, en outre, les moyens affectés à la mer plus vulnérables, en les exposant aux conséquences des diminutions qui résultent de " redéploiements budgétaires " successifs. En ce sens, le rattachement des services compétents en matière maritime au ministère de l'Equipement permet de limiter l'incidence négative de la réduction des crédits résultant des suppressions d'emplois budgétaires, grâce à des redéploiements internes au sein de l'ensemble de ce ministère. La constitution d'un ministère de la mer conserve, au demeurant, des partisans puisque le Conseil économique et social l'a recommandée.

Votre rapporteur s'interroge, quant à lui, sur l'opportunité d'une telle initiative. Il considère que si des réformes indispensables allant dans le sens d'un renforcement du poids administratif et décisionnel du Secrétariat général à la mer ne voient pas le jour, il conviendra d'envisager la création d'une agence de sécurité maritime , dotée de moyens propres, constituée sur le modèle de celle existant en Grande-Bretagne.

A défaut, une direction générale de la sécurité maritime pourrait être créée au sein des services du ministère de l'Equipement , qui gère d'ores et déjà les CROSS, les phares et balises, les services des Affaires maritimes, des Gens de mer, et de la Marine marchande. Cette direction générale réunirait, sous une seule autorité, l'ensemble des services précités en réorganisant les deux actuelles directions du Transport maritime, des ports et du littoral, d'une part, et des Affaires maritimes et des gens de mer, d'autre part.

D. S'ASSURER DES ÉQUIPEMENTS NÉCESSAIRES POUR LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION

Comme on l'a vu plus haut, la France ne dispose pas à l'heure actuelle des équipements nécessaires pour lutter contre une pollution majeure et limiter l'arrivée des nappes d'hydrocarbure sur les côtes, que ce soit en les dispersant ou en les pompant.

Les Britanniques utilisent de préférence des produits dispersants. Ces produits peuvent être très efficaces sur certaines catégories d'hydrocarbures. Ainsi, ils ont été utilisés avec succès lors du naufrage du Sea Empress. En revanche, ils ne sont d'aucune efficacité sur des fuels lourds, du type de celui transporté par L'Erika, beaucoup trop épais. Par ailleurs, certains pays du nord de l'Europe refusent de les utiliser, car ils sont nocifs et peuvent occasionner sur l'environnement des dégâts plus importants que le pétrole lui-même.

Pour les répandre, les Britanniques utilisent essentiellement des avions, tandis que les Français ont choisi d'avoir recours à des navires épandeurs qui transportent des quantités beaucoup plus importantes de dispersants, mais mettent plus de temps à se rendre sur zone, surtout en cas de mauvais temps. Les Français ne disposent donc d'aucun avion susceptible de répandre des dispersants.

En ce qui concerne le pompage, la France a fait le choix de se doter de navires relativement polyvalents. Les pays du nord de l'Europe, quant à eux, ont recours à des navires très spécialisés capables d'agir par mer plus forte et sur des fuels plus lourds, grâce à des pompes spécifiques et des bras récupérateurs " sweeping arms ". Leur efficacité a été démontrée lors du naufrage de L'Erika.

La coopération européenne en la matière doit être renforcée . Aucun pays européen ne peut en effet disposer à lui seul de moyens suffisants spécialisés dans chaque type de pollution . L'expérience de L'Erika a apporté la démonstration du rôle efficace joué par l'unité de protection civile de la Commission européenne. Le système d'information sur les structures existantes, la " task force " en matière de pollution et le financement de programmes de formation et de projets pilotes sont des atouts pour une coopération efficace entre les différents pays susceptibles de mettre en oeuvre sur le terrain des moyens complémentaires pour faire face à toutes les éventualités, chaque pollution étant différente.

La complémentarité entre les pays riverains doit être particulièrement encouragée dans la ligne des plans de coopération existants : " accords de Bonn " pour la mer du Nord, " Manche Plan " entre le Royaume-Uni, la Belgique et la France et " Biscaye Plan " entre la France et l'Espagne. Pourraient être mises en place des structures ad hoc permettant de développer une analyse commune des risques et une définition des moyens à mettre en oeuvre pour faire face à une pollution majeure.

Néanmoins, il apparaît indispensable que la France dispose d'une capacité à répondre elle-même en urgence à chaque cas de pollution . En Manche par exemple, une nappe d'hydrocarbures est susceptible d'arriver sur les côtes en quelques heures ; le délai de réaction doit être très court. La France ne peut pas dépendre entièrement de moyens étrangers .

Il convient donc que notre pays s'équipe, pour chacune de ses façades maritimes, d'au moins un exemplaire de chacun des moyens existants, pour que, dans chaque cas, une capacité nationale soit disponible pour protéger les côtes françaises ou pour venir en aide à nos partenaires européens.

Il serait souhaitable de disposer sur chaque littoral :

- de navires polyvalents capables de pomper et d'épandre des produits dispersants, du type des navires Alcyon et Ailette affrétés par la marine nationale ;

- d'un navire spécialisé du type des Arca néerlandais ou Neuwerk allemand, équipés de bras récupérateurs permettant de pomper ;

- d'avions épandeurs capables d'intervenir très rapidement, même par mauvais temps.

La réussite des opérations de lutte dépend cependant tout autant de l'entraînement et de la motivation des personnels que des caractéristiques techniques des matériels, comme l'ont montré, lors du pompage en mer à la suite du sinistre de L'Erika, les différences de performance enregistrées entre des bateaux équipés des mêmes moyens de récupération : l'Arca et le Neuwerk.

Par ailleurs, si la marine nationale dispose encore d'un nombre suffisant d'hélicoptères légers du type Dauphin pour assurer ses missions de service public, ces derniers ne sont pas adaptés pour porter secours à un grand nombre de naufragés. Or, les hélicoptères lourds Super Frelon, capables d'accomplir cette mission, sont à bout de souffle et en nombre très insuffisant. Il convient de souligner qu'un Super Frelon a subi une avarie lorsqu'il était en train d'hélitreuiller l'équipage de L'Erika. C'est pourquoi il semble indispensable de les remplacer, à brève échéance, par les hélicoptères NH 90. Là aussi, comme en matière de pollution, la France ne peut s'en remettre totalement à des moyens étrangers.

E. PRÉVOIR L'ÉLIMINATION DES HYDROCARBURES RÉCUPÉRÉS

Un autre point technique auquel il est important de s'intéresser pour le futur en France (et dans la majorité des autres pays du monde) est le problème de l'élimination des hydrocarbures récupérés et des autres déchets pollués. Si Total Fina Elf n'était pas intervenu sur ce dossier, il est très probable que ce problème aurait été beaucoup plus important.

Le stockage temporaire et final des déchets issus d'une marée noire est un problème croissant en Europe, en partie en raison des réglementations européennes qui traitent de la destruction des déchets, y compris les déchets dits dangereux. Des problèmes sont apparus dans la mise en place d'autorisations de décharges temporaires en situation d'urgence, même s'il semble que, dans le cas de L'Erika, cela ne se soit pas produit, en raison d'" exceptions " qui ont été apportées au processus normal d'attribution des autorisations nécessaires. Il apparaît cependant important que l'identification et l'habilitation de sites de stockages temporaires adéquats, le long de la côte, soient réalisées dans le cadre du plan Polmar et des plans d'intervention d'urgence régionaux, pour éviter des délais potentiels ou d'autres problèmes, y compris les objections du public, dans l'éventualité d'un incident.

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