N° 465

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 juin 1999

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1), sur les travaux de la délégation française à l'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale au cours des deux parties de la 44ème session ordinaire (1998) de cette Assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par Mme Josette DURRIEU

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Nicolas About, Marcel Debarge, Mme Josette Durrieu, MM. Daniel Hoeffel, Jean-François Le Grand, Lucien Neuwirth, membres titulaires ; MM. James Bordas, Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Daniel Goulet, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, membres suppléants .

Union européenne .

UCTION INTRODUCTION

MESDAMES, MESSIEURS,

En 1998, année du cinquantenaire de l'UEO, les travaux de l'Assemblée de l'UEO se sont trouvés placés au coeur des interrogations sur la construction d'une Europe de la défense, c'est-à-dire d'un problème qui dépasse par bien des aspects la question toujours en débat de l'Identité européenne de Sécurité et de Défense (IESD).

Les dernières semaines de l'année ont été en effet particulièrement riches en événements, voire en rebondissements.

Alors que l'Assemblée siégeait à Paris, pour la seconde partie de sa 44 ème session ordinaire, la presse mentionnait l'existence d'un " pré-accord " franco-britannique sur les transferts des moyens opérationnels de l'UEO à l'Union européenne (UE) et en conséquence une possible disparition programmée de l'UEO (( * )1)

Le ministère français des Affaires étrangères tint cependant à relativiser ces informations en précisant que la suppression de l'UEO ne représentait qu'une des options à l'étude et en rappelant que la France conservait une préférence pour une formule organisant un " adossement de l'UEO à l'UE ".

Le 4 décembre 1998, la France et la Grande-Bretagne ont adopté, à l'issue de leur sommet de Saint-Malo, une déclaration visant à une mise en oeuvre " complète et rapide " des dispositions du Traité d'Amsterdam sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Ce texte insiste sur la responsabilité du Conseil européen de décider du développement progressif d'une politique de défense commune dans le cadre de la PESC (article J.7 du Traité d'Amsterdam). Il convient toutefois de souligner que la Déclaration de Saint-Malo constitue une affirmation politique majeure, mais non un engagement juridique et se limite à mentionner la nécessité d'une prise en compte des " ... moyens actuels de l'UEO et l'évolution de ses rapports avec l'UE. "

Les orientations de la Déclaration de Saint-Malo ont néanmoins confirmé les évolutions de la position britannique telles qu'exprimées à la fin du mois d'octobre par M. Tony BLAIR, Premier ministre, à l'occasion du Sommet européen informel de Pörtschach (Autriche) : en constatant l'absence d'engagement opérationnel de l'UEO dans la crise du Kosovo en dépit de l'accroissement sensible de ses capacités d'intervention au cours des dernières années, le Premier ministre britannique appelait en effet de ses voeux un plus fort engagement des Quinze en faveur d'actions communes en matière militaire. Pour de nombreux observateurs, cette remarque avait déjà semblé constituer un véritable revirement des positions jusqu'alors traditionnelles de la Grande-Bretagne, vis-à-vis de toute option visant à conférer un " bras armé " à l'UE, ainsi susceptible d'acquérir une certaine autonomie à l'égard de l'OTAN.

Enfin les 3 et 4 novembre, s'était tenue à Vienne, à l'initiative du Gouvernement autrichien, une première réunion informelle des Ministres de la défense des pays membres de l'UE . Cette rencontre représentait en soi " un événement et un progrès ", selon l'affirmation de M. Alain RICHARD, Ministre de la Défense, car il s'agissait d'une initiative absolument nouvelle qui, même hors du cadre institutionnel de l'UE stricto sensu , manifestait une préoccupation commune du rôle particulier de l'Europe dans la prévention et la gestion des crises, thème retenu pour cette réunion.

Un dernier événement d'importance est intervenu avec la première " réunion commune UE-OTAN " à Bruxelles, le 8 décembre, entre le Ministre autrichien des Affaires étrangères M. Wolfgang SCHÜSSEL (au titre de la présidence en exercice de l'Union) et M. Javier SOLANA, Secrétaire général de l'OTAN.

Le Forum parlementaire UEO/UE de Rome

Le 16 novembre, à Rome, l'Institut des Affaires Internationales (IAI) en collaboration avec l'Institut d'Etudes de Sécurité (IES) de l'UEO et sous les auspices des présidences italienne de l'UEO et autrichienne de l'UE, a organisé la première conférence du Forum UEO/UE sur le thème : " Les éventuelles formes de collaboration entre l'UEO et l'UE, dans le but de réaliser les objectifs fixés par le Traité d'Amsterdam en matière de défense et de sécurité européenne. "

Ouverte par MM. David W. MARTIN, vice-président du Parlement européen (PE) et Jacques BAUMEL, député (RPR), Président de la commission politique de l'Assemblée de l'UEO, cette conférence a donné lieu à des prises de position de haut niveau, dont celles de MM. Tom SPENCER, Président de la commission des affaires étrangères, de la sécurité et de la politique de défense du PE, Armand de DECKER (Belgique), Président de la commission de défense de l'Assemblée de l'UEO, qui ont présenté les vues de chaque institution sur les options d'une collaboration entre l'UEO et l'UE, et de MM. Robert ANTRETTER (Allemagne) et Léo TINDEMANS (Belgique), rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la sécurité et de la politique de défense du PE. Au cours des débats, MM. Michael COLVIN (Royaume-Uni), rapporteur de la commission de défense de l'Assemblée de l'UEO et Domenico CONTESTABILE, Président de la délégation italienne, sont également intervenus.

Enfin, MM. Lamberto DINI et Wolfgang SCHÜSSEL, respectivement Ministres des Affaires étrangères d'Italie et d'Autriche, ont prononcé des allocutions, de même que M. Nicola MANCINO, Président du Sénat de la République italienne et M. Luciano VIOLANTE, Président de la Chambre des Députés.

Après avoir souligné la nécessité de débattre des perspectives de la défense européenne au niveau parlementaire, M. DINI a souhaité que l'UEO sache " ... repenser à elle-même dans des termes aussi bien institutionnels qu'opérationnels ". Il a ajouté que tout travail de réflexion en commun devait couvrir quatre secteurs : les institutions et plus particulièrement les rapports UEO/UE, le renforcement des capacités opérationnelles, la coopération en matière d'armement et la place de la défense européenne dans le cadre atlantique.

Cette réunion de Rome témoigne de l'implication des membres de l'Assemblée de l'UEO dans les grands débats en cours. Il est d'ailleurs intéressant de relever que le Président de l'Assemblée, M. de PUIG, a été invité à s'adresser au Conseil des Ministres de l'UEO qui se tenait également à Rome le 17 novembre.

Pour la deuxième fois après le Conseil ministériel de Rhodes (Grèce) du 12 mars 1998, il lui était ainsi donné l'opportunité d'exprimer les vues de notre Assemblée à l'occasion de réunions ministérielles décisives de l'UEO.

La réunion ministérielle des 17 et 18 novembre a donné lieu à la publication d'un texte fort, la Déclaration de Rome , qui a pour objectif de marquer le point de départ d'une vaste et profonde réflexion sur les finalités et les moyens de la sécurité européenne. Cette déclaration qui ne prétend pas énoncer a priori des solutions, délimite le travail qui reste à accomplir au sein de l'UEO.

Un nécessaire resserrement des contacts et des méthodes de travail avec le Parlement européen .

Il paraît aujourd'hui encore difficile de concevoir ce que pourrait être le processus d'évolution institutionnelle de l'UEO, notamment au regard de la faiblesse des relations entre l'Assemblée de l'UEO et le Parlement européen.

Comme une large majorité de membres de l'Assemblée et tout particulièrement son Comité des Présidents, votre rapporteur regrette le petit nombre de progrès enregistrés sur cette voie. Le forum UEO/UE de Rome appelle une suite afin de rompre définitivement avec des attitudes de défiance qui entravent la construction d'une Europe de la défense, notamment sous l'effet d'un processus engagé depuis le Traité de Maastricht, signé en décembre 1991. Tous les Présidents de l'Assemblée de l'UEO ont en effet tenté d'établir un approfondissement des relations avec le Parlement européen. Force est de constater que leurs propositions en ce sens n'ont pas rencontré un écho suffisamment favorable de la part du Parlement européen. Une note préparée au terme de l'année 1998 par le Secrétariat de l'Assemblée pour le Comité des Présidents retrace l'ensemble de ces initiatives. En dépit de relations constructives entre le Président de PUIG et son homologue du PE, M. Gil ROBLES, les réticences de certaines commissions du PE à amorcer un dialogue suivi et d'un niveau convenable ont persisté. En outre, les différents Présidents de la Commission européenne et certains commissaires ont, à ce jour, décliné de façon par trop systématique les invitations à s'adresser devant l'Assemblée parlementaire de l'UEO. Tel fut encore le cas en mai 1998, pour le colloque de Madrid sur l'Identité européenne de Sécurité et de Défense (IESD) 2( * ) .

Consciente de sa mission, l'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale (UEO) n'entend pas être écartée des débats sur la défense européenne ouverts depuis le Sommet de Pörtschach et qui se poursuivent depuis l'adoption de la Déclaration franco-britannique de Saint-Malo. La disparition pure et simple de l'UEO qui résulterait d'une intégration de l'Organisation à l'UE ne saurait constituer une solution si on élude a priori les questions relatives aux liens opérationnels entre l'UEO, l'UE et l'OTAN, tout en tardant à définir ce que pourrait être une véritable politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Sur la proposition de M. Jacques BAUMEL, Président de la commission politique, l'Assemblée a décidé de constituer en son sein une task force afin d'entretenir en permanence une réflexion sur ces thèmes et avoir des contacts au plus haut niveau dans les différentes capitales. La délégation française appuiera bien évidemment cette démarche à même d'apporter un peu de clarté dans un débat devenu extrêmement confus et de faire valoir le point de vue de la seule Assemblée européenne à avoir une compétence établie sur l'ensemble des questions de sécurité et de défense, y compris en matière d'armement.

* * *

* *

*

CHAPITRE IER : LES TRAVAUX DE LA PREMIERE PARTIE DE LA 44ÈME SESSION

La première partie de la 44 ème session plénière de l'Assemblée de l'UEO s'est tenue à Paris, du lundi 18 au mercredi 20 mai 1998.

A. La séance d'ouverture :

Ont participé aux travaux :

• Au titre de l'Assemblée nationale : MM. Jacques BAUMEL (RPR), Président de la commission politique, Claude EVIN (S), Georges LEMOINE (S), Guy LENGAGNE (S), Gilbert MITTERRAND (S), Bernard SCHREINER (RPR), et Jean VALLEIX (RPR) :

• Au titre du Sénat : Mme Josette DURRIEU (S), Présidente de la délégation française, MM. James BORDAS (RI) et Daniel HOEFFEL (UC).

Dans son discours d'ouverture, le Président de PUIG a souhaité qu'une évaluation soit faite, à l'échelle européenne, des besoins en matière de sécurité afin que les pays investissent de la façon la plus avisée à partir des disponibilités budgétaires respectives. Dans le même ordre d'idées, il a instamment demandé à l'Assemblée d'approfondir sa réflexion sur les implications de la logique européenne pour les budgets de défense des Etats membres en vue de favoriser une meilleure efficacité des dépenses nationales, si possible dans le cadre d'une planification européenne des investissements.

Par ailleurs, M. de PUIG a critiqué l'absence de volonté politique des gouvernements qui paralyse l'UEO alors qu'elle a désormais à sa disposition l'essentiel des moyens militaires nécessaires pour que l'Europe poursuive une politique active de prévention et de maintien de la paix et, le cas échéant, de gestion des crises " ouvertes ". Il a également déploré le défaut de cohérence institutionnelle entre l'UEO et l'UE, en remarquant qu'une intégration de l'UEO dans l'UE paraissait exclue dès lors que les signataires du Traité d'Amsterdam refusaient encore à l'UE toute compétence de défense et de sécurité.

Puis, M. Georgios PAPANDREOU, ministre délégué pour les affaires européennes de Grèce, a résumé à la tribune les principaux aspects de la première présidence de l'UEO exercée par son pays (1 er semestre 1998) en confirmant que dans ce cadre, le premier objectif de son gouvernement avait été de poursuivre les efforts visant à renforcer le rôle central de l'UEO dans l'élaboration de la nouvelle architecture européenne de sécurité. Evoquant la réunion ministérielle de Rhodes ( 11 et 12 mai 1998 ), M. PAPANDREOU a souligné que les Etats membres avaient unanimement reconnu que les capacités institutionnelles et militaires de l'UEO devaient être étayées par une forte volonté politique. Il a ajouté que les ministres avaient, de manière générale, accepté que le rôle de l'UEO ne reste pas définitivement limité à des opérations de police, même dans des régions troublées.

Au cours du débat suivant cette allocution sont notamment intervenus : MM. Thomas COX (Royaume-Uni) Constantinos VRETTOS (Grèce), Wolfgang BEHRENDT (Allemagne), ainsi que Mme AYTAMAN et M. GUL au titre de la Turquie (membre associé).

M. Jean VALLEIX, député (RPR), a pour sa part questionné le ministre grec sur l'exacte étendue de la volonté politique des Etats membres alors que l'on traite trop facilement l'UEO de " tigre de papier " sans réellement tenir compte de ce qu'elle a fait au titre des forces de police sur le Danube, puis à Mostar et enfin en Albanie. Il s'est d'ailleurs interrogé sur le rôle politique et diplomatique de l'UEO, qui s'avère d'autant plus difficile que les interventions de police ont lieu en amont, " c'est-à-dire avant que les problèmes ne tournent au drame final, à la guerre ". M. VALLEIX a également souligné les " carences " du Traité d'Amsterdam comme les difficultés relationnelle entre l'UEO et l'UE.

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