D. LES QUESTIONS PERSISTANTES EN VUE D'UNE DÉFENSE EUROPÉENNE
1. Comment aboutir à une convergence des politiques de défense ?
Le
Conseil européen de Cologne a été l'occasion -entre autres
décisions- d'appeler les Européens à "
poursuivre
un effort de défense soutenu, (...) destiné à
améliorer l'efficacité des moyens militaires
européens(...) ".
Par ailleurs, le document adopté
à Washington sur l'"
initiative sur les capacités
de défense
", a constaté, en particulier, que les
capacités dont disposent de "
nombreux alliés
"
(européens)... pour déployer rapidement leurs forces hors de leur
territoire ou pour des opérations prolongées sont encore
"
relativement limitées
".
L'unanimité entre les deux rives de l'Atlantique est donc apparemment
faite sur cette nécessité de renforcer les
" ressources " militaires européennes disponibles et de
procéder à leur adaptation au nouveau contexte :
"
capacité de projection, soutenabilité,
interopérabilité, flexibilité,
mobilité
"
8(
*
)
.
Une partie de ce travail d'adaptation et de renforcement des capacités
militaires relèvera certes
d'aménagements et de
réformes internes,
à l'instar de l'adaptation fondamentale
réalisée dans notre pays par la professionnalisation et la
restructuration de nos armées, destinées à les
préparer à des opérations multinationales hors du
territoire. Sur ce domaine, une première
mise en
cohérence européenne s'impose.
L'ambition affichée par les Quinze nécessitera également
de prendre conjointement, entre Européens, des décisions pour la
création de capacités nouvelles, notamment dans les domaines
recensés à Cologne du renseignement, du commandement et du
contrôle ou de la capacité de projection. A cet égard, la
volonté politique devra se doubler d'un
effort financier
substantiel
.
Ainsi, se dessine progressivement, pour accompagner une volonté
politique désormais déterminée, la
nécessité d'élaborer une politique
commune en
matière de défense
, notamment dans son volet
budgétaire. L'idée -exposée devant votre commission des
Affaires étrangères, de la défense et des forces
armées par M. François Heisbourg- d'une
politique
budgétaire convergente
en matière de dépenses
militaires, reposant, à l'instar de ce qui fut fait pour préparer
la monnaie unique, sur des
critères
précis
,
mérite d'être retenue. Après une évaluation,
réalisée entre Européens, des différents domaines
qui nécessitent un effort européen et une mise à plat des
dépenses militaires réalisées par chaque Etat-membre, il
conviendrait de déterminer les principaux critères à
prendre en compte :
- déterminer une convergence dans l'accroissement de la part des budgets
de défense consacrés à la
recherche et au
développement
et à
l'acquisition de matériels
,
ces deux éléments étant orientés prioritairement
vers l'amélioration des capacités de renseignement, de la
puissance de feu et la capacité de projection ;
- déterminer une
convergence des effectifs militaires
des
armées de chaque pays membre en les rapportant par exemple à la
population totale afin d'éviter les surdimensionnements qui
" fixent " des ressources financières qui seraient plus
rationnellement utilisables au profit de certaines dépenses
d'équipement ;
- fixer un niveau minimal, en
pourcentage de chaque PIB national, pour les
budgets militaires
, afin d'enrayer la tendance à leur diminution
régulière.
Ces critères n'ont qu'une valeur d'exemple, mais, avec la monnaie
unique, la preuve a été faite qu'en se fixant des objectifs
ambitieux à long terme, l'Union européenne est en mesure de se
donner une discipline et d'en respecter les exigences. Doter l'Union d'une
politique de défense européenne crédible, compatible avec
l'OTAN mais dotée de capacités autonomes, constitue une ambition
qui doit pouvoir justifier de recourir là aussi -éventuellement
à partir d'un premier noyau d'Etats décidés- à une
discipline qui soit à la hauteur de l'ambition affichée.