II. LE CHOIX DE NE PAS DIMINUER LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
A. UNE VOLONTÉ PRÉTENDUE MAIS DÉMENTIE PAR LES FAITS
Le
programme pluriannuel de finances publiques pour 1999-2002, transmis par le
gouvernement français à la Commission européenne,
énonçait trois objectifs :
- assurer le financement des priorités du gouvernement tout en fixant,
en volume, le niveau de dépenses souhaitable pour l'ensemble des
administrations,
-
réduire les prélèvements obligatoires
"
pour favoriser l'emploi et la croissance
",
- et enfin,
assurer une baisse graduelle du besoin de financement des
administrations.
La réduction des prélèvements obligatoires était
donc annoncée en décembre 1998, avec des chiffres
précis : "
le deuxième objectif est la poursuite de la
baisse des prélèvements obligatoires entamée depuis
1997 : le taux des prélèvements obligatoires qui a
culminé à 46,1% en 1997 baisserait de plus d'un point au cours de
la présente législature pour atteindre 44,9% en 2002 dans le cas
où la croissance serait de 3% (45,2% dans le cas où la croissance
ne serait que de 2,5% par an d'ici 2002) ".
Le tableau récapitulant l'évolution des finances publiques depuis
1993 montrait effectivement une diminution des prélèvements
obligatoires à compter de 1997, diminution équivalant à
0,4 point de PIB sur deux ans (1997-1999). Par ailleurs, sans préciser
les étapes de la diminution de 2000 à 2002, la fourchette de
44,9 % à 45,2 % de prélèvements obligatoires en
2002 était retenue.
Votre commission estime légitime de se demander si cette annonce,
pourtant récente, est toujours d'actualité. Deux
éléments permettent en effet d'en douter.
Le premier élément qui permet de s'interroger
sérieusement sur la volonté du gouvernement d'engager une
diminution des prélèvements obligatoires est l'absence totale de
résultats en ce sens depuis juin 1997.
La première décision prise par le gouvernement fut, en effet, de
faire adopter la loi " MUFF ", qui alourdit les
prélèvements fiscaux de 23 milliards de francs dès 1997,
soit 0,28 point de PIB. Il apparaît donc que, hors effet des mesures
d'alourdissement de la pression fiscale décidées en cours
d'année, le taux de prélèvements obligatoires aurait
déjà pu atteindre 45,8 % du PIB en 1997 (au lieu de
46,1 %), alors que cet objectif est désormais repoussé
à l'an 2000, au mieux.
Il est donc inexact de laisser croire que le gouvernement aurait
stabilisé les prélèvements obligatoires depuis 1997 :
il les a augmentés, et les a ensuite maintenus à un niveau jamais
atteint.
Malgré l'absence de toute mesure réelle, le gouvernement ne s'est
pas montré avare de discours sur les prélèvements, puisque
la présentation des lois de finances pour 1998 et 1999 lui a
donné l'occasion d'annoncer des diminutions successives.
Votre commission a évidemment pris acte de ces déclarations,
appuyées par des chiffres délivrés par le ministère
de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle n'a pas instruit de
procès d'intentions. Elle juge aujourd'hui les faits.
Les explications du gouvernement sur cette absence de résultat sont
très peu convaincantes : au motif que l'inflation a
été moins élevée que prévu (0,7 % en
moyenne en 1998 contre 1,4 % envisagé), la croissance du PIB en
valeur aura été moins forte : "
Le résultat
devrait être une stabilisation du taux des prélèvements
obligatoires en 1998, et non la légère baisse qui était
envisagée. En 1999, un phénomène similaire devrait se
produire
".
Le gouvernement ne semble plus croire qu'à une stabilisation des
prélèvements obligatoires, dans le contexte pourtant très
favorable d'une croissance retrouvée.
B. UN OBJECTIF EN RÉALITÉ ABANDONNÉ
Le
deuxième élément de perplexité pour votre
commission résulte donc de la nouvelle stratégie du gouvernement,
qui semblerait désormais s'accommoder d'une " stabilisation "
des prélèvements obligatoires.
En effet, dans le document présentant les comptes prévisionnels
de la Nation pour 1999 et les principales hypothèques économiques
pour 2000, publié en avril dernier, l'objectif est nettement moins
ambitieux que celui annoncé dans le programme pluriannuel des finances
publiques "
(...) le taux de prélèvements obligatoires
devrait être stabilisé. Il commencerait même à
décroître d'ici 2000 pour s'établir entre 45,7 et 46,0
points de PIB, compte tenu des mesures fiscales déjà
engagées ".
L'évolution des prélèvements obligatoires 1997-2002
|
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2002 |
Taux de prélèvements |
Chiffres donnés dans le programme de stabilité (décembre 1998) |
46,1 |
45,9 |
45,7 |
- |
44,9-45,2 |
obligatoires (points de PIB) |
Chiffres des comptes prévisionnels de la Nation (avril 1999) |
46,1 |
46,1 |
46,1 |
45,7-46,0 |
- |
D'après cette rectification, effectuée à
peine
4 mois après l'élaboration du programme de stabilité,
la diminution des prélèvements obligatoires est
différée de deux ans au minimum.
L'objectif
déjà très modeste du programme de stabilité, compte
tenu des hypothèses de croissance retenues (de 2,5 % à
3 %) est déjà abandonné.
Un effort de 0,9 à 1,2 point de PIB devrait en effet être
réalisé, à compter de l'an 2000, pour atteindre
seulement la " fourchette " de prélèvements retenue
pour 2002.
L'abandon de toute volonté de diminution des prélèvements
est confirmé dans le rapport que le gouvernement a déposé
pour le présent débat d'orientation budgétaire : il
ne déclare plus que " viser " la réduction du poids des
prélèvements obligatoires.
Les mesures déjà adoptées lui semblent pleinement
satisfaisantes, alors même qu'elles n'ont pas permis d'abaisser le niveau
des prélèvements : "
en 2000, la poursuite des
réformes amorcées en loi de finances pour 1999 contribuera
à l'objectif de réduction des
prélèvements
". Aucune mesure concrète n'est
annoncée, et les réformes fiscales en faveur des ménages
sont très hypothétiques puisqu'elles ne seront mises en oeuvre
que "
si les prévisions de croissance et de recettes de l'Etat
réalisées à l'été mettent en évidence
des marges de manoeuvre...
".
Le signe le plus spectaculaire du renoncement du gouvernement est le projet de
création d'une " écotaxe " pour financer les
réductions des charges pesant sur le travail. Une politique de
réduction des prélèvements ne peut en effet consister
à remplacer un impôt par d'autres.
En conclusion, comme le souligne avec fatalisme la Cour des comptes dans son
rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998 "
la
hausse des recettes fiscales devrait continuer à jouer un rôle
déterminant dans la réduction du déficit au cours des
prochaines années
".