Débat d'orientation budgétaire pour 1999
LAMBERT (Alain)
RAPPORT D'INFORMATION 506 (97-98) - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
- AVANT-PROPOS
-
CHAPITRE PREMIER
UNE CROISSANCE DURABLE ? -
CHAPITRE II
UN IMPÉRATIF : RÉDUIRE LES DÉFICITS POUR RÉSORBER LA DETTE ET SE PRÉPARER AUX CHOCS DE L'AVENIR- I. UN SURCROÎT D'INTERVENTION PUBLIQUE N'A JAMAIS MONTRÉ D'EFFICACITÉ DURABLE CONTRE LE CHÔMAGE
- II. L'AMÉLIORATION DU SOLDE PRIMAIRE NÉCESSITE UNE RÉDUCTION DES DÉPENSES
- III. L'ANNULATION DU DÉFICIT DE FONCTIONNEMENT EST URGENTE ET INDISPENSABLE
- IV. LA PRISE EN COMPTE DES GÉNÉRATIONS FUTURES EST UN DEVOIR
-
CHAPITRE III
UNE CONDITION : NE PAS TRANSFORMER LES COLLECTIVITÉS LOCALES EN VARIABLE D'AJUSTEMENT DU DÉFICIT DE L'ETAT -
CHAPITRE IV
UN PARI A HAUT RISQUE : L'EXCÉDENT DES ADMINISTRATIONS DE SECURITE SOCIALE -
CHAPITRE V
UNE NÉCESSITÉ : RÉDUIRE LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INTERVENTION- I. LE BUDGET DE 1997 A DÉMONTRÉ LA NÉCESSITÉ ET LA POSSIBILITÉ D'OPERER UNE STABILISATION DES DEPENSES
-
II. LE GOUVERNEMENT NE S'ORIENTE PAS VERS LA POURSUITE DE CE MOUVEMENT DE
STABILISATION
- A. DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998, LE GOUVERNEMENT S'EST REFUSÉ À POURSUIVRE L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉPENSES
- B. LES ORIENTATIONS RETENUES PAR LE GOUVERNEMENT POUR 1999 METTENT EN LUMIERE UNE CONTRADICTION
- III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
-
CHAPITRE VI
UN OBJECTIF : REDUIRE LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES-
I. LES RECETTES EN 1997 ET LES PERSPECTIVES POUR 1998
- A. DES RECETTES SUPÉRIEURES AUX PRÉVISIONS DE LA LOI DE FINANCES INITIALE
- B. L'EFFET BRUTAL DE LA HAUSSE DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS N'ÉTAIT PAS NÉCESSAIRE POUR CONSTATER LE REDRESSEMENT DES RECETTES FISCALES
-
II. UN SOLDE D'EXÉCUTION QUI REFLÈTE LE CHOIX D'UNE AUGMENTATION
DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES PLUTÔT QUE D'UNE CONTRAINTE
DE LA DÉPENSE
- A. LE SOLDE D'EXÉCUTION DES RECETTES : UNE ÉVOLUTION FAVORABLE
- B. LES RENTRÉES FISCALES DÉBUT 1998 : UN DYNAMISME CERTAIN PROPICE A UNE DIMINUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
I. LES RECETTES EN 1997 ET LES PERSPECTIVES POUR 1998
-
TRAVAUX DE LA COMMISSION
- I. AUDITION DE M. JEAN-PAUL BETBÈZE, DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES DU CRÉDIT LYONNAIS, DE M. MICHEL DIDIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE REXECODE, ET DE M. PHILIPPE SIGOGNE, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT ANALYSES ET PRÉVISIONS DE L'OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ÉCONOMIQUES (OFCE), SUR LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES POUR 1999
- II. AUDITION DE M. DOMINIQUE STRAUSS-KAHN, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, ET DE M. CHRISTIAN SAUTTER, SECRÉTAIRE D'ETAT CHARGÉ DU BUDGET, SUR LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 1999
- III. EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION DE M. ALAIN LAMBERT, RAPPORTEUR GÉNÉRAL, EN VUE DU DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 1999
N°
506
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le débat d'orientation budgétaire pour 1999 ,
Par M.
Alain LAMBERT,
Sénateur,
Rapporteur général.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René
Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel Hamel,
Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
Politique économique
.
AVANT-PROPOS
Le
débat d'orientation budgétaire pour 1999 est le troisième
du genre, après celui de 1997, tenu au printemps 1996 et celui de 1990,
qui avait été sans lendemain. Il est heureux de voir se tenir ce
dialogue entre le Parlement et le gouvernement juste avant que le Premier
ministre n'envoie les lettres-plafonds et ne rende ses arbitrages fiscaux, au
mois de juillet.
Si beaucoup de choses ont changé depuis deux ans (l'Assemblée
nationale et le gouvernement, le retour de la croissance, la qualification pour
l'euro), la commission des finances maintient les objectifs et propositions
qu'elle formulait alors, car ils ne dépendent pas de la
sensibilité politique du gouvernement.
Réduire les déficits publics est un impératif, parce que
le gouvernement actuel s'y est engagé à Amsterdam en juin 1997,
mais plus encore pour libérer notre pays de l'emprise de la dette
publique qui s'est, au fil des ans, imposée comme la seule
véritable priorité budgétaire de fait. Il s'agit
également d'un devoir, car la France sera confrontée d'ici
10 ans à de lourdes charges de retraites, et il est indispensable
de se préparer à y faire face.
A l'égard de cet impératif, votre commission juge imprudent le
choix du gouvernement de faire reposer l'assainissement de nos finances
publiques sur les excédents des collectivités locales et de la
sécurité sociale. La réduction de l'effort
d'équipement public, dont les collectivités locales sont le
moteur essentiel, a atteint un plancher, et elles ne sauraient servir de
variable d'ajustement des efforts que l'Etat ne consentirait pas.
Quant à la sécurité sociale, l'expérience du
passé a montré que le pire était presque toujours
sûr : parier sur un excédent sans définir les
solutions pour y parvenir est audacieux.
Pour commencer à réduire la dette publique, la
nécessité est de réduire les dépenses de
fonctionnement et d'intervention. Le niveau des prélèvements
obligatoires est en effet trop élevé pour que les recettes
puissent constituer un levier utilisable. Votre commission des finances juge
donc que le choix d'une croissance des dépenses de 1 % en termes
réels n'est pas conforme à l'objectif de réduction de la
dette publique, et qu'il serait au contraire nécessaire de viser un gel
en valeur pour obtenir, comme en 1997, une stabilisation en volume. Les
dépenses d'équipement, ainsi que les budgets régaliens
seraient préservés.
Cet assainissement réalisé, l'objectif de votre commission est
une baisse des prélèvements obligatoires. Il s'agit, en
priorité, d'alléger les charges pesant sur le travail pour
favoriser l'emploi, et de revenir au droit commun de l'impôt sur les
sociétés pour adapter notre compétitivité fiscale,
enfin de reprendre le mouvement de baisse de l'impôt sur le revenu.
Orientations budgétaires pour 1999 :
Principales recommandations de la commission des finances
Faire refluer le poids de la dette publique dans la
richesse
nationale dès 1999, par un déficit des administrations publiques
inférieur à 2,2 % du produit intérieur brut.
Fixer un objectif de déficit de l'Etat inférieur à
2,7 % du PIB
(un gel des dépenses de l'Etat en volume
permettrait d'atteindre 2,5%).
Maîtriser les dépenses sociales
pour garantir l'objectif d'excédent de 0,1 % du PIB pour la
sécurité sociale.
Faire porter l'effort de réduction du déficit de l'Etat sur
les dépenses par deux actions :
- un gel des dépenses à leur niveau de 1998 ;
- cibler l'effort sur les composantes les plus rigides : fonction
publique, interventions publiques et, indirectement, charges de la dette
publique, en préservant l'investissement et les budgets régaliens.
Cesser de faire porter l'effort d'assainissement des finances publiques
sur les investissements des collectivités locales.
Affecter tout excédent éventuel de la
sécurité sociale au remboursement de la dette logée dans
la caisse d'amortissement de la dette sociale.
Allonger la durée de la vie active afin de consolider les
régimes de retraites par répartition, publics et privés.
Mettre en place des fonds d'épargne-retraite.
Engager, sans préjudice de l'objectif de réduction de la
dette publique, une baisse des prélèvements obligatoires
favorable à l'emploi, portant prioritairement sur les charges pesant sur
le travail, les prélèvements nuisibles à la
compétitivité fiscale (entreprise, patrimoine) et l'impôt
sur le revenu.
CHAPITRE PREMIER
UNE CROISSANCE
DURABLE ?
Le
retour à un rythme de croissance en moyenne plus satisfaisant
observé en 1997, se prolongerait en 1998, l'activité
économique devant bénéficier des effets en année
pleine de l'accélération d'activité observée au
cours de l'année 1997. Mais, dès 1999, le rythme moyen de
croissance décélérerait malgré un scénario
plutôt favorable.
Préliminaires :
Bref retour sur 1997
L'année écoulée a vu la reprise
amorcée
dès 1996 s'ancrer à partir du deuxième trimestre. Entre
1996 et 1997, le produit intérieur brut aura ainsi gagné
265,2 milliards de francs, soit une croissance de 3,4 % en valeur et
de 2,3 % en volume contre une expansion limitée à 1,2 %
en 1996.
Le supplément d'activité est venu pour l'essentiel de
l'extérieur, la demande intérieure restant, quant à elle,
peu dynamique en moyenne.
Le tableau ci-dessous, qui récapitule les variations des grandes
composantes du PIB, permet de prendre la mesure de ce phénomène.
Contributions des différents déterminants du PIB à la croissance en 1997
(en milliards de francs)
|
Niveau |
En % du total |
Commerce extérieur |
+ 115 |
43,4 |
Consommation |
+ 128,4 |
48,4 |
dont consommation des ménages |
+ 93,8 |
35,4 |
FBCF |
+ 16 |
6 |
Variation des stocks |
+ 5,8 |
2,2 |
Variation du PIB |
+ 265,2 |
100 |
De ces résultats exprimés en valeur, il ressort que la croissance est venue pour un peu plus de la moitié seulement de la demande intérieure qui, pourtant, représente la composante essentielle de l'activité économique. Le commerce extérieur avec des exportations constitutives d'un quart de la valeur ajoutée a expliqué près de 45 % de la croissance en 1997. Exprimées en volume, les contributions à la croissance des différentes composantes du PIB font d'ailleurs apparaître une part encore plus importante des échanges extérieurs dans la croissance.
Contribution à la croissance du PIB marchand
Moyennes annuelles en % |
1997 |
Dépenses des ménages |
0,6 |
Investissements des entreprises |
0,1 |
Dépenses des administrations |
0,2 |
Variations de stocks |
0,2 |
Total de la demande intérieure |
1,0 |
Solde extérieur |
1,5 |
Taux de croissance du PIB marchand |
2,6 |
Source : OFCE |
La
croissance en 1997 doit donc beaucoup à l'évolution du solde des
échanges extérieurs.
Si celui-ci, qui avait
déjà atteint un niveau élevé en 1996, n'avait pas
varié, la croissance n'aurait guère excédé 1 %.
Les résultats du commerce extérieur en 1997, jugés
exceptionnels par la plupart des analystes et d'ailleurs partiellement
inexpliqués
1(
*
)
, viennent principalement
du dynamisme des exportations qui, en 1997, peut être
considéré comme peu ordinaire. Déflatées de la
variation de leurs prix entre 1996 et 1997, les exportations se sont, en effet,
accrues de 13 %. La croissance des importations elle-même rapide
ayant été moins vive avec une progression limitée à
7,9 %, le solde extérieur s'est considérablement accru.
Ces évolutions proviennent pour une part importante de la
dépréciation du franc, en particulier à l'égard du
dollar et de la livre. Celle-ci a été elle-même
favorisée par des écarts de taux d'intérêt
représentatifs pour une part de différentiels de taux de
croissance favorables aux pays anglo-saxons. Ces écarts ont
également joué un rôle dans la progression importante des
exportations qui a pu, par ailleurs, être " tirée " par
le dynamisme propre à certains pays d'Europe.
Croissance en 1997 de quelques pays
(en volume et en %)
Etats-Unis |
3,8 |
Royaume-Uni |
3,6 |
Canada |
3,8 |
France |
2,3 |
Pays-Bas |
3,3 |
Espagne |
3,4 |
Quant
aux importations, leur évolution assez heurtée en cours
d'année s'est traduite par une croissance rapide mais cependant moins
que celle des exportations.
Si le renchérissement des importations de produits
énergétiques résultant de la hausse du dollar a
constitué un facteur aisément compréhensible
d'augmentation de la valeur des importations, le dynamisme d'ensemble qui a
caractérisé celles-ci est un peu préoccupant compte tenu
du rythme de croissance moyen observé en 1997. Il démontre qu'un
faible accroissement de l'activité se traduit par un recours
proportionnellement important aux biens produits à l'étranger. Si
les résultats du commerce extérieur interdisent d'évoquer
le retour de la contrainte extérieure, au moins peut-on présumer
qu'
une accélération de la demande intérieure se
traduirait par une dégradation des performances économiques
extérieures
.
En ce qui concerne la demande intérieure, l'année 1997
présente le panorama des hésitations des comportements des agents
économiques.
La consommation finale aura progressé de 0,9 % en volume, qui est
également le taux de croissance de la consommation des seuls
ménages.
Ainsi,
malgré un rebond en fin d'année,
la consommation
des ménages s'est révélée en moyenne très
peu dynamique au regard de la progression de leur revenu qui a atteint
3,4 % en valeur et 2,3 % en pouvoir d'achat.
Revenu disponible brut des ménages entre 1995 et 1997
(évolution en %)
|
Moyennes annuelles |
||
|
1995 |
1996 |
1997 |
Salaires bruts (54 %) |
3,8 |
2,8 |
2,7 |
Prestations sociales (36 %) |
3,5 |
3,0 |
3,3 |
Excédent brut des ménages (26 %) |
4,2 |
3,1 |
3,4 |
Revenus de la propriété et de l'entreprise et Assurance (7,0 %) |
13,4 |
1,9 |
5,2 |
Prélèvements sociaux et fiscaux (- 23 %) |
4,1 |
7,1 |
2,3 |
dont : Cotisations des salariés (- 9,6 %) |
4,1 |
4,7 |
- 4,0 |
Cotisations des non-salariés (- 2,4 %) |
4,8 |
7,4 |
- 1,7 |
Impôts sur le revenu + CSG (- 11 %) |
4,0 |
9,1 |
8,6 |
Revenu disponible brut (100 %) |
4,4 |
1,9 |
3,4 |
Prix de la consommation des ménages (comptes trimestriels) |
1,5 |
1,7 |
1,1 |
Pouvoir d'achat du RDB |
2,8 |
0,2 |
2,3 |
Comme
le tableau qui précède le démontre, les gains de pouvoir
d'achat moyens enregistrés par les ménages sont moins venus de la
croissance des rémunérations salariales que de celle des
prestations sociales, particulièrement vive au second semestre, et des
revenus de la propriété.
Le tableau ci-dessous dresse le bilan des transferts sociaux reçus et
versés par les ménages entre 1995 et 1997.
Les
transferts sociaux reçus et versés par les ménages entre
1995 et 1997
Moyennes annuelles
(Evolution en %)
|
1995 |
1996 |
1997 |
Prestations sociales reçues par les ménages (100 %) |
3,5 |
3,0 |
3,3 |
Versées par les organismes de sécurité sociale (76 %) |
3,3 |
3,6 |
3,9 |
dont : régime général (42 %) |
4,6 |
3,5 |
3,1 |
Versées directement par les employeurs (13 %) |
4,2 |
3,3 |
0,1 |
Autres prestations versées par les administrations (11 %) |
3,5 |
- 1,1 |
2,7 |
Total des prélèvements sociaux |
4,8 |
4,4 |
4,3 |
Cotisations sociales effectives versées par les ménages (100 %) |
4,8 |
4,5 |
1,3 |
dont : Cotisations des employeurs (1) (59 %) |
5,1 |
3,9 |
4,7 |
Cotisations des salariés (33 %) |
4,1 |
4,7 |
- 4,0 |
Cotisations des non salariés (8 %) |
4,8 |
7,4 |
- 1,7 |
(1)
Les cotisations employeurs sont à la fois reçues et
versées par les ménages en comptabilité nationale ;
elles n'ont donc pas d'effet sur le revenu disponible brut.
Le rythme de progression des prestations sociales, après avoir
décru entre 1995 et 1996, s'accroît à nouveau en 1997 sous
l'effet en particulier de l'augmentation de l'allocation de rentrée
scolaire effective au cours du second semestre.
En toute hypothèse, un niveau de 3 % apparaît comme le bas
d'une fourchette d'accroissement des transferts sociaux dont le point haut
n'est pas, comme le montre l'évolution des dépenses de
santé depuis le début de l'année 1998, aisément
déterminable. Dans ces conditions, les problèmes de financement
de la protection sociale apparaissent dès que l'assiette des
prélèvements sociaux n'atteint pas le rythme naturellement
dynamique des prestations. Des suppléments de prélèvements
deviennent alors nécessaires faute de mesures capables de brider
l'accroissement des dépenses sociales.
En 1997, les ménages ont par ailleurs tiré parti d'une
augmentation des prélèvements obligatoires moins rapide que celle
de leurs revenus ou que celle supportée les années
précédentes
afin de redresser les comptes publics
(+ 2,3 % en 1997 contre + 7,1 et + 4,1 % en 1996 et
1995 respectivement).
Cette modération est due à la baisse de l'impôt sur le
revenu décidée par le gouvernement précédent qui
aura fait gagner environ 20 milliards de francs
aux ménages
mais aura été plus que compensée par l'accroissement de la
contribution sociale généralisée.
Enfin,
le ralentissement des prix a exercé un effet très
favorable sur le pouvoir d'achat du revenu des ménages
dont, sans
lui, les gains auraient été limités à 1,7 %.
Si la consommation n'a pas suivi le rythme de progression du revenu des
ménages, c'est parce que ceux-ci ont accru leur taux
d'épargne.
Le phénomène plusieurs fois observé ces dernières
années de flexion du taux d'épargne s'est donc à nouveau
vérifié.
Taux d'épargne des ménages entre 1995 et 1997
(en %)
|
Niveaux semestriels |
Niveaux annuels |
||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1995 |
1996 |
1997 |
||
|
1 er s. |
2 nd s. |
1 er s. |
2 nd s. |
1 er s. |
|
|
|
Taux d'épargne |
12,9 |
12,8 |
13,6 |
14,4 |
14,2 |
14,5 |
12,8 |
14,0 |
Taux d'épargne financière |
6,2 |
5,9 |
5,8 |
7,4 |
7,4 |
8,1 |
6,1 |
7,1 |
Ces oscillations seraient, selon l'INSEE, imputables à des
phénomènes de reports de consommation, en particulier de
consommation automobile, résultats des mesures ponctuelles
destinées à soutenir la demande adressée à cette
branche. Il reste que
le taux d'épargne des ménages s'est
éloigné ces dernières années des niveaux
normalement prévisibles si bien qu'il y a là une variable
importante qui échappe à la maîtrise des
prévisionnistes.
C'est toutefois l'investissement qui, une fois de plus, a
déjoué les prévisions.
Après avoir
reculé de 0,3 % en 1996, l'investissement des entreprises n'a
progressé que de 0,2 % en 1997. Pour les seules entreprises
concurrentielles, l'investissement a même diminué de 0,4 %.
Cependant, une amélioration s'est dessinée en cours
d'année puisqu'après avoir régressé au premier
semestre, l'investissement s'est repris au second semestre, s'accroissant alors
d'un peu plus de 1 %.
La reprise s'est donc soldée par un taux de croissance moyen de
2,3 % qui n'a pas permis d'éviter une progression du taux de
chômage. Celui-ci est passé de 12,3 à 12,5 % en un an,
en moyenne annuelle. Cependant, l'accélération de
l'activité en cours d'année a permis un léger recul du
taux de chômage en glissement qui, de 12,5 % en décembre
1996, s'est établi à 12,2 % en fin d'année.
En glissement annuel, l'emploi salarié s'est en effet accru de
1,1 % ce qui a correspondu à la création nette de quelque
160.000 emplois.
L'augmentation de l'emploi observée en 1997, appréciable en soi,
n'a en revanche pas emprunté les voies les plus satisfaisantes. En
effet, plus des trois quarts des emplois nouvellement créés l'ont
été grâce à un gonflement du travail
intérimaire, 120.000 emplois supplémentaires ayant
été créés dans ce secteur.
I. UNE CROISSANCE STABLE EN 1998 ET 1999 ?
Il existe, parmi les prévisionnistes, un consensus dont témoigne le tableau ci-dessous qui rappelle quelques-unes des prévisions présentées lors de la réunion de la commission des comptes et des budgets économiques de la Nation pour situer la croissance à près de 3 % en 1998 et autour de 2,7 % en 1999.
Equilibre des biens et services
Prévisions pour 1998 et 1999
Volumes
|
BUD.ECOAvril 1998 |
BIPE
|
CDC
|
COE
|
REXECODE
|
OFCE
|
||||||
|
1998 |
1999 |
1998 |
1999 |
1998 |
1999 |
1998 |
1999 |
1998 |
1999 |
1998 |
1999 |
PIB |
3.0 |
2.8 |
3.1 |
2.7 |
2.7 |
2.7 |
2.9 |
2.7 |
2.8 |
2.5 |
3.0 |
2.7 |
Importations |
6.1 |
4.5 |
7.8 |
7.2 |
5.7 |
5.9 |
7.9 |
6.5 |
7.0 |
5.7 |
7.6 |
5.9 |
Consommation des ménages |
2.4 |
2.3 |
2.8 |
2.8 |
2.8 |
2.7 |
3.0 |
2.7 |
2.7 |
2.4 |
2.8 |
2.3 |
FBCF totale
|
3.2 |
3.5 |
4.4 |
5.0 |
2.8 |
3.5 |
3.7 |
5.2 |
2.7 |
3.0 |
4.3 |
5.1 |
SQS-EI |
4.0 |
4.6 |
5.6 |
6.0 |
2.7 |
4.0 |
5.0 |
7.4 |
4.3 |
5.0 |
5.6 |
7.4 |
Ménages hors EI |
2.5 |
2.0 |
3.2 |
4.0 |
2.9 |
2.4 |
2.1 |
2.5 |
1.6 |
1.3 |
3.2 |
2.5 |
Exportations |
6.2 |
4.8 |
7.0 |
5.8 |
6.0 |
6.1 |
6.8 |
5.0 |
6.8 |
5.7 |
5.9 |
5.0 |
Variations des stocks (contributions à la croissance du PIB) |
0.3 |
0.1 |
0.3 |
0.1 |
0.0 |
0.0 |
0.3 |
0.1 |
0.2 |
0.0 |
0.5 |
0.1 |
Source : Commission des comptes et des budgets économiques de la Nation
Par
rapport au diagnostic conjoncturel établi pour le second semestre 1997
où la croissance annualisée a été
évaluée par l'INSEE à 3,5 %, la croissance cesserait
de s'accélérer en 1998 pour se stabiliser autour de 3 %. Un
ralentissement de l'activité serait observé en cours
d'année, lié à l'inflexion du rythme de croissance des
exportations consécutif à la crise asiatique et à un
ralentissement de l'activité dans les pays anglo-saxons, avant une
nouvelle accélération dans le courant de 1999.
Surtout, la composition de la croissance serait différente. La
croissance en 1998 et 1999 résulterait essentiellement du
redémarrage de la demande intérieure.
Le tableau ci-après rend compte d'un scénario de croissance
autonome tirée par la demande intérieure. Hors variations des
stocks, la contribution de la demande intérieure à la croissance
atteindrait 2,4 points en 1998 comme en 1999. La contribution du commerce
extérieur à la croissance, de 1,2 point en 1997, ne serait
plus que de 0,3 point au cours de ces deux années.
Contributions à la croissance du PIB
(en points)
|
1998 |
1999 |
Demande intérieure hors stocks |
2,4 |
2,4 |
dont : |
|
|
Consommation des ménages |
1,5 |
1,4 |
Consommation des administrations |
0,4 |
0,4 |
FBCF |
0,5 |
0,6 |
dont : |
|
|
Entreprises |
0,4 |
0,4 |
Ménages hors EI |
0,1 |
0,1 |
Administrations |
0,0 |
0,1 |
Variations de stocks |
0,3 |
0,1 |
Commerce extérieur |
0,3 |
0,3 |
Exportations |
1,6 |
1,3 |
Importations |
- 1,4 |
- 1,0 |
PIB |
3,0 |
2,8 |
Cet ancrage de la croissance serait, tout comme la reprise observée en 1997, un phénomène européen.
Croissance en volume du PIB (%)
|
1997 |
1998 |
1999 |
|
Allemagne |
2,2 |
2,6 |
2,8 |
|
Royaume-Uni |
3,6 |
2,2 |
2,0 |
|
Italie |
1,5 |
2,4 |
2,7 |
|
Belgique |
2,8 |
2,8 |
2,8 |
|
Pays-Bas |
3,3 |
3,5 |
3,3 |
|
Espagne |
3,4 |
3,5 |
3,5 |
|
UE hors France* |
2,7 |
2,7 |
2,8 |
|
France |
2,2 |
3,0 |
2,8 |
|
UE* |
2,6 |
2,8 |
2,8 |
|
Etats-Unis |
3,8 |
2,7 |
2,0 |
|
Canada |
3,8 |
3,3 |
2,6 |
|
Japon |
0,9 |
- 0,4 |
1,3 |
|
OCDE |
2,9 |
2,3 |
2,2 |
|
*
Pondération par les PIB mesurés à la parité de
pouvoir d'achat de 1994. UE : Union européenne.
|
A. UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL MOINS PORTEUR
L'environnement international serait moins porteur en 1998 et
en
1999 qu'en 1997.
Le ralentissement attendu de l'économie américaine devrait en
effet se concrétiser en 1998 (+ 2,7 % de croissance en 1998
contre + 3,8 % en 1997), en raison de la hausse du dollar et du
ralentissement de la demande étrangère, notamment asiatique. De
même, l'appréciation du taux de change réel de la livre
anglaise (de l'ordre de 30 % depuis deux ans) entraînerait un
freinage de l'activité au Royaume-Uni. Les difficultés de
l'économie japonaise se renforceraient en 1998, prolongeant la
stagnation de l'activité. Enfin, si l'économie française a
profité, en 1997, des effets favorables de la crise asiatique
(détente des taux d'intérêt et hausse des cours boursiers,
-sous l'effet du reflux des capitaux vers les pays industrialisés-,
baisse des prix des matières premières, en particulier du
pétrole), elle en subirait, en 1998, le contrecoup sur ses exportations
en raison de la chute des importations des pays d'Asie du sud-est et, dans une
moindre mesure, de la dégradation de la compétitivité des
produits français.
Inversement, l'économie européenne retrouverait un dynamisme
propre grâce au regain de confiance des agents privés
. La
croissance en Europe continentale serait ainsi de l'ordre de 2,9 % en 1998.
Au total, la demande mondiale adressée à la France progresserait
de 7,2 % en 1998, soit 1,5 point de moins qu'en 1997.
En 1999, la demande mondiale adressée à la France augmenterait de
6,3 %, soit 1 point de moins qu'en 1998. Cet environnement,
légèrement moins porteur, proviendrait de la poursuite du
ralentissement de l'économie américaine dont la croissance serait
de 2 % après 2,7 % en 1998 et de l'économie britannique.
Toutefois, les effets défavorables de la crise asiatique s'estomperaient
progressivement et la croissance demeurerait soutenue en Europe occidentale.
Ce ralentissement de la demande mondiale, conjugué à
l'appréciation du taux de change du franc, entraînerait un
freinage sensible des exportations. Celles-ci ne progresseraient que de
6,2 % en 1998 (contre 13 % en 1997). La progression des importations
serait du même ordre que celle des exportations, de sorte que la
contribution des échanges extérieurs à la croissance
serait plus faible qu'en 1997.
En 1999, le ralentissement des exportations se poursuivrait (+ 4,8 %)
et les importations évolueraient sur un rythme sensiblement
équivalent (+ 4,5 %). La contribution de échanges
extérieurs à la croissance serait donc en 1999, comme en 1998, de
l'ordre de 0,3 point.
B. UNE DEMANDE INTÉRIEURE DYNAMIQUE
La demande intérieure prendrait le relais des échanges extérieurs. Toutes ses composantes s'accéléreraient.
Croissance en volume des grandes composantes
de la demande
intérieure
(%)
|
1997 |
1998 |
1999 |
Consommation des ménages |
0,9 |
2,4 |
2,3 |
FBCF
|
0,2
|
3,2
|
3,5
|
Stocks (contribution à la croissance du PIB) |
0,1 |
0,3 |
0,1 |
Total |
0,9 |
2,7 |
2,5 |
La
consommation des ménages
, qui représente 60 % de la
demande intérieure, s'accroîtrait rapidement.
Cette prévision est dépendante d'une évolution favorable
de l'emploi et des gains de pouvoir d'achat résultant de la baisse du
prix des matières premières et des importations en provenance
d'Asie. Ces deux phénomènes contribueraient au soutien de la
progression du pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages qui
s'élèverait à 2,6 % en 1998 et à 2,5 % en
1999, selon le gouvernement.
En revanche, le bilan des transferts entre les ménages et les autres
agents économiques, et en particulier l'Etat, positif de 0,5 point
en 1997 du fait notamment de l'allégement de l'impôt sur le revenu
leur serait défavorable en 1998 et 1999.
Contributions à la croissance en termes réels* du revenu disponible des ménages
(en moyenne annuelle en %)
|
1998 |
1999 |
Revenus d'activité |
2,1 |
2,2 |
dont : |
|
|
Salaires bruts |
1,4 |
1,4 |
EBE des ménages (y compris EI) |
0,7 |
0,9 |
Transferts nets |
0,0 |
- 0,2 |
dont : |
|
|
Prestations sociales |
0,7 |
0,5 |
Impôts et cotisations |
- 0,6 |
- 0,8 |
dont : |
|
|
Cotisations sociales** |
2,5 |
- 0,1 |
Impôts y compris CSG et RDS |
- 3,1 |
- 0,6 |
Intérêts, dividendes et div. Nets |
0,5 |
0,5 |
Revenu disponible brut |
2,6 |
2,5 |
*
calculé en utilisant le déflateur de la consommation des
ménages dans les comptes aux prix de l'année
précédente.
** Le basculement d'une partie des cotisations sociales vers la CSG,
enregistrée en impôt dans la Comptabilité nationale, se
traduit par un recul du poste " cotisations sociales " et une hausse
du poste " impôts ".
Source INSEE, DP.
Un
élément important doit être souligné : la
prévision présentée ici est réalisée sous
l'hypothèse d'une stabilité -voire d'une très
légère hausse- du taux d'épargne des ménages.
S'agissant de la demande des entreprises
, il faut tout d'abord noter que,
pour l'ensemble des prévisionnistes,
la contribution des stocks
des entreprises à la croissance serait modeste en 1998
(+ 0,3 points) et en 1999 (+ 0,1 point). Cette
prévision tranche avec les observations faites lors d'épisodes
passés de reprise, notamment en 1994, où la reconstitution des
stocks avait contribué, pour moitié, à la croissance du
PIB.
L'investissement des entreprises
qui, après trois années
de stagnation, aurait redémarré, comme on l'a dit, à la
fin de l'année 1997 en raison de l'amélioration des perspectives
de demande, du redressement du taux d'utilisation des capacités de
production (qui aurait dépassé au début de 1998 sa moyenne
de long terme) et de la détente des taux d'intérêt, serait
enfin dynamique.
La reprise de l'investissement s'accentuerait d'ailleurs en 1999 où sa
croissance atteindrait 4,6 % après 4 % en 1998 selon le
gouvernement.
La diffusion de la reprise aux secteurs produisant des biens et services
destinés à la demande intérieure, dont le contenu en
emplois est plus élevé que celui des exportations, devrait
s'accompagner, en 1998, d'une accélération des créations
d'emplois. L'emploi dans le secteur marchand non agricole progresserait ainsi
de 1,5 % selon le gouvernement. Compte tenu de la création de
100.000 emplois publics,
via
le plan emploi-jeunes, l'emploi total
augmenterait de 300.000 environ. De plus, selon le gouvernement, la
réduction du temps de travail se traduirait dès 1998 par la
création de 35.000 emplois. L'emploi salarié progresserait
encore davantage l'an prochain, de 1,7 %, les effets de la
réduction du temps de travail s'amplifiant.
Il est à souligner que ces prévisions s'inscrivent dans le cadre
d'une réduction des gains de productivité apparente du travail
qui, de 1,6 % en 1998 passerait à 1,2 % en 1999.
L'enrichissement de la croissance en emplois est donc posé en
hypothèse
sous l'effet en particulier de la réduction de la
durée légale du travail supposée se traduire par la
création nette de 155.000 emplois à la fin de 1999.
II. DES ALÉAS PERSISTENT
Comme
toute prévision, celle-ci comporte des aléas qui doivent
être gardés à l'esprit.
Deux grandes catégories d'incertitudes doivent être
rappelées, les premières concernent l'environnement international
et les secondes sont d'ordre interne.
A. LES DÉSÉQUILIBRES INTERNATIONAUX
L'aggravation des déséquilibres internationaux
fait
peser une épée de Damoclès sur la croissance en Europe et
donc en France.
Au cours de ces dernières années, les taux de croissance ont
été très inégaux entre les différentes zones
de l'économie mondiale. Surtout, la croissance des zones les plus
dynamiques s'est réalisée dans des conditions qui n'ont pas
assuré sa durabilité.
Ce diagnostic est désormais avéré pour ce qui concerne
certaines économies asiatiques mais il faut redouter qu'il
s'avère aussi pour d'autres économies parmi lesquelles celle des
Etats-Unis.
Le déroulement de la crise asiatique est suffisamment connu pour qu'on
n'y revienne pas. Toutefois, les prolongements de cette crise demeurent en
discussion. Les principaux éléments d'incertitude concernent les
implications financières de la crise dont l'évaluation n'est pas
facilitée par l'opacité entretenue à ce sujet par les
institutions financières de contrôle. Les pertes des
créanciers qui, en l'espèce, sont pour l'essentiel des banques
devront être soldées même si les coûts de portage sont
allégés du fait des conditions financières actuelles et de
l'intervention du fonds monétaire international. Le stock des
créances compromises n'est pas déterminable ; il pourrait
s'accroître du fait de la récession économique qui pourrait
s'étendre en dehors des économies directement concernées
par la crise.
Car la crise a d'ores et déjà des répercussions
immédiates sur le Japon et les Etats-Unis. A un moindre degré, la
croissance en Europe est affectée, une estimation prudente chiffrant
à 0,5 point de PIB la perte de croissance pour la France.
Le Japon est entré en récession. La chute considérable du
niveau de ses exportations déprime la composante essentielle d'une
croissance que les ressorts intérieurs ne paraissent pas en mesure de
soutenir. La faiblesse des gains de productivité inhibe la distribution
des revenus et la distribution de crédits n'alimente pas la croissance.
Ces phénomènes suscitent une baisse de la valeur du yen. Ces
évolutions n'ont pas de répercussions directes significatives sur
l'Europe occidentale. En revanche, elles sont très
déstabilisantes pour la zone Asie-Pacifique et, finalement, pour les
Etats-Unis.
La situation économique des Etats-Unis est, à son tour, source
d'interrogations pesantes. Depuis quelques années, les experts attendent
dans leur majorité un atterrissage de l'économie
américaine. A mesure que celui-ci était différé, le
débat s'est centré sur la qualité de cet atterrissage. A
un scénario d'atterrissage en douceur s'est adjoint celui d'un brusque
retournement du climat économique qui n'est pas inusuel aux Etats-Unis
comme on a pu le constater au début des années 1990.
L'économie américaine est, malgré son dynamisme, ou
peut-être en partie à cause de lui, une économie de
déséquilibres. Depuis 1997, le PIB américain croît
davantage que son potentiel ne le laisserait supposer. Il en résulte une
croissance des rémunérations devenue très rapide depuis
l'année dernière et qui a pour effet d'alourdir les coûts
unitaires de main-d'oeuvre que supportent les entreprises. Si l'inflation est
jusqu'à présent restée sous contrôle, c'est à
la hausse du dollar et à la baisse du prix des matières
premières que l'économie américaine le doit.
Mais cela n'est pas sans conséquence. Le dynamisme de l'activité
aux Etats-Unis dans un contexte de récession en Asie et de hausse de la
valeur du dollar creuse le déficit extérieur américain
qu'une politique budgétaire restrictive ne parvient pas à
maîtriser.
Tout cela était sans grand inconvénient lorsque les Etats-Unis,
du fait de leur seigneuriage et des disponibilités financières du
reste du monde, se trouvaient en mesure de faire financer leur croissance par
l'extérieur.
Mais, l'année 1998 recèle des évolutions qui peuvent
être lourdes de conséquences de ce point de vue.
Tout d'abord, le déficit extérieur américain pourrait
s'aggraver du fait de la conjonction de la hausse du dollar, de l'amplification
de la récession asiatique et de la dégradation de la
compétitivité-coût des entreprises américaines. Les
Etats-Unis devraient alors compter davantage sur l'extérieur pour
financer leur activité.
Or, celui-ci pourrait être plus réticent à financer la
croissance américaine. La reprise en Europe devrait attirer les
investisseurs. Les perspectives d'inflation aux Etats-Unis pourraient les
dissuader de poursuivre leurs achats d'obligations américaines.
L'accroissement des taux d'intérêt dans les pays asiatiques en
crise pourrait attirer des capitaux, ce qui est d'ailleurs l'objectif
recherché. Enfin, la création de l'euro devrait elle aussi se
traduire par un supplément de demande de la nouvelle monnaie
européenne qui serait défavorable au dollar.
La question qui se pose alors est de savoir quels enchaînements
monétaires et de change pourraient découler de cet environnement
instable. Une dépréciation du dollar et (ou) des tensions sur les
taux d'intérêt américains pourraient être
inéluctables. De l'ampleur de ces deux éventualités
dépendront non seulement la croissance aux Etats-Unis mais aussi le sort
de la reprise européenne.
On rappelle ici qu'une dépréciation du dollar de 10 %
provoque une baisse du rythme de croissance de l'ordre de 0,4 point en
France. A tout prendre, une augmentation des taux américains serait donc
un moindre mal. Mais, alors, beaucoup dépendrait des réactions de
la Banque centrale européenne et de celle des marchés. On se
souvient que la reprise de 1994 a avorté du fait des variations des taux
d'intérêt américain et de leur impact sur les conditions
monétaires en Europe.
Un dernier élément d'incertitude internationale doit être
évoqué avec la situation de la Russie. Les finances publiques
russes sont en proie à des déséquilibres majeurs :
80 % des recettes publiques seraient affectées au paiement des
charges de la dette publique. L'économie est quant à elle
très fragilisée par l'évolution du prix des
matières premières dont la production constitue le socle de la
richesse du pays.
Du fait de l'intégration économique régionale, les pays
d'Europe centrale et orientale sont dépendants de la marche de
l'économie russe. Indirectement, les investisseurs occidentaux
pourraient pâtir d'un ralentissement de la croissance de ces pays qui
affecterait en outre la croissance de la demande adressée à
l'Europe occidentale.
B. LES ALEAS INTERIEURS
Les
prévisions économiques pour 1998 et 1999 reposent sur l'ancrage
de comportements des agents économiques domestiques favorables à
une croissance équilibrée. En outre, le dosage des politiques
budgétaire et monétaire sous-jacent à la prévision
apparaît lui-même modérément restrictif ce qui compte
tenu de divers aléas et contraintes paraît plutôt
favorable.
Le comportement des agents domestiques revêt une particulière
importance dans le cadre d'une prévision qui, a-t-on dit, repose
essentiellement sur le dynamisme de la demande intérieure.
L'investissement des entreprises décrit par la prévision serait
certes marqué par une reprise mais celle-ci resterait finalement assez
limitée au vu de l'expérience des phases de croissance
passées.
La reprise puis l'accélération de l'investissement des
entreprises est, en soi, une hypothèse forte de la prévision
puisqu'aussi bien l'investissement ne paraît plus aisément
prévisible à partir des déterminants traditionnels.
La vitesse de la reprise de l'investissement est elle-même
hypothétique. Celle que décrit la prévision du
gouvernement est moyenne
2(
*
)
. Elle est suffisante
pour " détendre " les taux d'utilisation des capacités
de production et, ainsi, écarter la perspective d'insuffisances de
capacités de production génératrices d'inflation et de
pertes de parts de marché mais elle est suffisamment lente pour ne pas
générer de déséquilibres extérieurs ou
d'effets de substitution entre le capital et le travail. Une croissance plus
rapide de l'investissement pourrait entraîner une dégradation plus
nette des échanges extérieurs et être associée
à des réorganisations productives défavorables à
l'emploi.
La situation des ménages en serait affectée. Il est d'ailleurs
à remarquer que la prévision du gouvernement retient
également de ce point de vue des enchaînements plutôt
favorables.
Malgré une dégradation du bilan des transferts entre les
ménages et les administrations publiques révélatrice d'une
perspective d'une croissance plus rapide des prélèvements sur les
ménages que des versements dont ils bénéficient, le revenu
des ménages enregistrerait des gains de pouvoir d'achat continus.
Ceux-ci viendraient à presque égalité d'une hausse du
salaire par tête et de l'emploi salarié. La part revenant aux
créations d'emplois s'accentuerait en 1999. La variation du taux de
salaire horaire resterait limitée malgré le dynamisme des
créations d'emplois. Les gains de pouvoir d'achat du salaire par
tête seraient quant à eux encore inférieurs à ceux
du salaire horaire (1,2 % contre 1,4 % en 1999). Cet écart
s'expliquerait par la réduction du temps de travail effectif qui
permettrait la création de 115.000 emplois en fin d'année 1999.
Ainsi, la baisse des gains de productivité par tête
supposée dans le compte du gouvernement (+ 1,6 % en
1998 ; + 1,2 % en 1999) ne poserait aucun problème, les
salariés acceptant un limitation de leurs gains de pouvoir d'achat
à due concurrence. Au terme de ce scénario, la situation
financière des entreprises est préservée, le taux de marge
des sociétés oscillant autour de 32 %.
Ce scénario favorable écarte implicitement tout risque de
résurgence des revendications salariales. Le pouvoir d'achat du salaire
moyen par tête a augmenté sur un rythme annuel de 0,5 % ces
dernières années. La prévision du gouvernement traduit
donc une accélération des gains de pouvoir d'achat mais celle-ci
reste limitée dans un contexte de nombreuses créations d'emplois.
La dernière expérience similaire rencontrée en 1990
suggère que des tensions salariales plus vives pourraient advenir. En ce
cas, l'arbitrage entre les salaires et l'emploi décrits par la
prévision pourrait être moins favorable à ce dernier, ce
qui pourrait peser sur le rythme de croissance.
Bien que la prévision du gouvernement ne comporte pas d'indications sur
le niveau des taux d'intérêt futurs, une hypothèse
implicite de stabilité des taux d'intérêt est posée.
Celle-ci permet de maintenir des conditions monétaires qui, à
défaut d'être accommodantes puisque les taux
d'intérêt à court terme prennent une valeur réelle
proche de 2,5 %, resteraient cependant beaucoup moins défavorables
que celles observées pendant la première moitié des
années 90 comme résultat d'une politique monétaire
inadaptée à la situation propre de l'économie
réelle en France.
Il est à souhaiter que la future banque centrale européenne (BCE)
s'abstienne de prendre le chemin d'une politique monétaire trop
restrictive dont l'impact économique pourrait être très
défavorable comme l'expérience française a pu le
démontrer au cours de cette décennie.
Mais, des incertitudes existent à ce sujet. En effet, des écarts
de croissance économique et de variation des prix existent en Europe.
Les conditions de la croissance en Europe en 1997
(Variations en volume en %)
|
PIB en 1997 |
Allemagne |
2,3 |
Autriche |
1,9 |
Belgique |
2,4 |
France |
2,4 |
Pays-Bas |
3,3 |
Danemark |
2,8 |
Finlande |
5,9 |
Suède |
2,0 |
Royaume-Uni |
3,5 |
Irlande |
8,6 |
Espagne |
3,4 |
Italie |
1,0 |
Prix
à la consommation
Pourcentages de variation par rapport à la période
précédente
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Allemagne |
2,7 |
1,8 |
1,5 |
1,8 |
France |
1,7 |
1,7 |
2,0 |
1,2 |
Italie |
3,9 |
5,4 |
3,8 |
1,8 |
Royaume-Uni |
2,5 |
3,4 |
2,4 |
3,1 |
Autriche |
3,0 |
2,2 |
1,9 |
1,3 |
Belgique |
2,4 |
1,5 |
2,1 |
1,6 |
Danemark |
2,0 |
2,1 |
2,1 |
2,2 |
Finlande |
1,1 |
1,0 |
0,6 |
1,2 |
Grèce |
10,9 |
8,9 |
8,2 |
5,5 |
Irlande |
2,3 |
2,5 |
1,7 |
1,4 |
Luxembourg |
2,2 |
1,9 |
1,4 |
1,4 |
Pays-Bas |
2,8 |
1,9 |
2,0 |
2,2 |
Portugal |
5,2 |
4,1 |
3,1 |
2,2 |
Espagne |
4,7 |
4,7 |
3,6 |
2,0 |
Suède |
2,4 |
2,9 |
0,8 |
0,9 |
Pour
mémoire
|
2,4
|
2,5
|
2,3
|
2,1
|
Ces écarts se reflètent dans la dispersion des taux d'intérêt à court terme en Europe dont la convergence est beaucoup moins achevée que celle des taux d'intérêt à long terme.
Dispersion des taux d'intérêt à court terme en 1997
Allemagne
|
3,3
|
Source : OCDE
Ces
différents facteurs laissent penser que la politique monétaire de
la BCE pourrait se traduire par une hausse des taux d'intérêt pour
les pays qui, en l'état, connaissent les taux d'intérêt les
plus bas et les taux de croissance les moins dynamiques. Comme ces pays sont en
outre ceux où l'inflation est la moins tangible, ce resserrement des
conditions monétaires pourrait les pénaliser à
l'excès. C'est pourquoi,
il est urgent de vérifier que la
politique monétaire de la future BCE s'inscrira bien dans sa mission qui
est de conduire une politique monétaire pour l'ensemble de l'Europe
.
L'objectif de stabilité des prix
3(
*
)
qui
doit être poursuivi doit être un objectif de stabilité des
prix en Europe et non dans tel ou tel des Etats qui auront adopté l'euro.
Les craintes d'un resserrement inadéquat de la politique
monétaire ne doivent donc pas être dissimulées. Par
contraste, la politique budgétaire entreprise par le gouvernement peut
être jugée trop laxiste.
Cette orientation n'est pas " a
priori " défavorable à la croissance à court terme.
Mais, elle contrevient aux nécessité du moyen et du long terme.
Notre politique budgétaire s'inscrivant désormais dans le cadre
du "pacte de stabilité et de croissance" qui constitue l'un des piliers
de la troisième phase de réalisation de l'Union économique
et monétaire, il est intéressant de la mettre en perspective avec
les politiques budgétaires de nos partenaires.
Il faudra attendre de connaître les objectifs retenus dans le cadre des
programmes de stabilité dont la notification aux institutions
européennes est désormais obligatoire. Votre rapporteur
général rappelle que ceux-ci doivent viser
un objectif
d'équilibre voire d'excédent du solde de financement des
administrations publiques.
C'est en tout cas l'objectif qui doit être
retenu lorsque la conjoncture économique est favorable afin qu'en cas de
ralentissement, la politique budgétaire puisse joue son rôle
d'amortisseur.
La politique budgétaire française échappe à
cette logique.
La réduction du déficit budgétaire de
l'Etat ne dépassant pas 0,6 point de PIB, le déficit serait
encore de 2,7 % du PIB en 1999. Les capacités de financement des
autres administrations publiques permettraient de réduire le besoin de
financement de l'ensemble des administrations publiques de 0,7 point. Il
atteindrait ainsi 2,3 points de PIB en 1999.
Nous obtiendrions ainsi la moins bonne performance d'entre les pays
européens comme le montre le tableau suivant qui rend compte des
prévisions de la Commission européenne en la matière.
Capacité de financement des administrations publiques pour 1999
(en % du PIB)
Belgique
|
- 1,4
|
Source : Commission européenne
Cette sous-performance pourrait d'ailleurs être aggravée puisque la gestion des finances publiques choisie par le gouvernement fait fond sur un redressement des comptes sociaux et des finances locales beaucoup moins maîtrisable que celui du budget de l'Etat.
CHAPITRE II
UN IMPÉRATIF : RÉDUIRE LES
DÉFICITS POUR RÉSORBER LA DETTE ET SE PRÉPARER AUX CHOCS
DE L'AVENIR
Dans sa
résolution n° 120 du 23 avril 1998, relative à
l'adoption de la monnaie unique, le Sénat, sur proposition de votre
commission, a indiqué que : "le bon fonctionnement de la zone euro
(..) suppose que tous les Etats membres s'attachent à retrouver la
marge de manoeuvre
indispensable pour que chaque politique
budgétaire nationale puisse jouer son rôle d'ajustement
conjoncturel dans le cadre d'une politique monétaire unique".
Dans son rapport préparatoire au débat d'orientation
budgétaire, le gouvernement partage cet objectif, intitulant ainsi la
première partie de ce rapport : "Tirer parti de la croissance pour
retrouver des
marges de manoeuvre
budgétaires".
De telles marges de manoeuvre ne se reconstitueront que lorsqu'une tendance
durable de baisse de la part de la dette dans le PIB sera apparue.
Or, le gouvernement ne propose rien qui permette de prendre ce chemin
aujourd'hui. Ses choix budgétaires pour 1999 résultent des
décisions prises fin 1997 en matière sociale (emplois-jeunes,
exclusions, trente-cinq heures) et de gestion de la fonction publique (accord
salarial). Ces choix ne permettront pas d'entamer une décrue
significative de la dette publique, alors que les prélèvements
obligatoires atteignent un niveau de saturation et que des charges lourdes
pèsent à terme sur les finances publiques.
I. UN SURCROÎT D'INTERVENTION PUBLIQUE N'A JAMAIS MONTRÉ D'EFFICACITÉ DURABLE CONTRE LE CHÔMAGE
Dans son
point de presse du 9 avril 1998, au cours duquel furent annoncées
les orientations budgétaires du gouvernement pour 1999, le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé que la
priorité du gouvernement était
"la création d'emplois
et la réduction du chômage"
. Cet objectif est également
celui de votre commission et du Sénat.
Le recul est désormais suffisant pour faire litière de
l'idée fausse selon laquelle un surcroît d'intervention publique
permettrait de lutter efficacement contre le chômage.
A. LES DÉSÉQUILIBRES DES FINANCES PUBLIQUES SONT ALLÉS DE PAIR AVEC UNE DÉTÉRIORATION DE LA SITUATION DE L'EMPLOI
L'idée selon laquelle le déficit
budgétaire
serait bénéfique à l'emploi a la vie dure. Les efforts
réalisés par tous les pays de l'Union européenne pour
satisfaire les critères d'adoption de l'euro ont contribué
à la nourrir : ces efforts se seraient payés d'une moindre
croissance et de pertes d'emplois.
Mais s'il est vrai qu'à court terme, l'emprunt public peut pallier
l'essoufflement de la croissance pour soutenir la demande (jeu des
"stabilisateurs automatiques"), force est de constater qu'en France, la
dégradation de nos comptes publics est allée de pair avec une
croissance continue du chômage.
De la même
façon, l'augmentation quasi-continue depuis 1970 de la part de richesse
nationale redistribuée par la sphère publique s'est
accompagnée d'une augmentation permanente du chômage.
Par ailleurs, une comparaison de la France avec celle des autres pays du G7
(groupe des sept pays les plus industrialisés), montre qu'il n'y a pas
de lien bénéfique entre le niveau des dépenses publiques
et celui du chômage.
Votre rapporteur général ne peut que constater que le gouvernement prolonge aujourd'hui une tendance qui n'a jamais fait durablement preuve de son efficacité : la lutte pour l'emploi par la dépense publique.
B. LA QUALIFICATION POUR L'EURO NE SUFFIT PAS A RESTAURER DES MARGES DE MANOEUVRE
Le fait
que la France soit qualifiée pour adopter la monnaie unique
européenne pourrait laisser croire qu'elle est désormais
dégagée de la contrainte de satisfaire les critères de
finances publiques : dette publique inférieure à 60 %
du PIB, déficit public inférieur à 3 %.
C'est ce que pourrait laisser penser le communiqué à la presse du
9 avril précité :
"
Nous sortons de l'obsession du 3 % qui a dominé la politique
budgétaire depuis des années. Pour 1999, nous retrouvons un
espace de choix. La question n'est plus "comment nous qualifier pour
l'euro ?", mais quelle politique budgétaire faut-il à
l'économie française ?
".
En réalité, la France devra aller plus loin que le
critère de 3 % et se rapprocher durablement de l'équilibre
budgétaire (soit 0 %).
En effet, la qualification pour la monnaie unique n'affranchit pas la France de
la discipline commune. Bien au contraire, elle la renforce, car en monnaie
unique, aucun Etat participant ne devra laisser dériver ses comptes
publics. C'est l'objet du pacte de stabilité et de croissance auquel la
France a adhéré à Amsterdam en juin 1997. Celui-ci
prévoit que
les Etats membres doivent adopter des programmes dont
l'objectif est "l'équilibre ou l'excédent à moyen
terme
".
Et si la France est, quant aux critères de finances publiques,
plutôt bien placée par rapport à ses partenaires (elle
satisfait le critère de dette publique, seule avec le Luxembourg,
l'Irlande et la Finlande), elle reste parmi les plus mal situés quant
aux tendances de ses comptes : parmi les pays qualifiés pour
l'Euro, elle est le seul à avoir tout juste satisfait le critère
de déficit public, et elle fait partie des rares à
connaître une dérive positive de sa dette.
Dérive de la dette publique dans l'Euro 11
(97/96 en %)
France |
+ 2,4 |
Allemagne |
+ 0,8 |
Luxembourg |
+ 0,1 |
Espagne |
- 1,3 |
Finlande |
- 1,8 |
Italie |
- 2,4 |
Portugal |
- 3,0 |
Autriche |
- 3,4 |
Belgique |
- 4,7 |
Pays-Bas |
- 5,0 |
Irlande |
- 6,4 |
La seule
marge de manoeuvre que la France ait vu restaurée par sa qualification
pour la monnaie unique est relative aux taux d'intérêt. Notre pays
est désormais affranchi de la défense du franc et du
surcroît de taux d'intérêt que cette défense a
occasionné durant les années 80 et 90. Ce surcroît a
renchéri le coût de notre dette publique, et donc provoqué
un déficit budgétaire supplémentaire, dont la France est
maintenant débarrassée.
A l'instar des Etats-Unis, la zone Euro ne devrait pas avoir d'objectif de taux
de change. Ses taux d'intérêt pourraient rester bas.
Le gouvernement a, pour ce qui le concerne, décidé d'utiliser
cette marge de manoeuvre en réduisant les taux d'intérêt de
l'épargne administrée, et en proposant d'instaurer un
mécanisme évitant que ces taux ne demeurent à l'avenir
exagérément coûteux pour l'économie, selon une
méthode inspirée par les propositions que votre commission avance
depuis 1994.
Mais il reste encore un long chemin avant que des marges de manoeuvre
budgétaires ne soient restaurées. Ce chemin comporte encore deux
étapes :
inverser la dérive de la dette publique,
puis atteindre l'équilibre budgétaire à moyen
terme.
C. LA RÉDUCTION DU DÉFICIT STRUCTUREL EST DONC UN IMPÉRATIF
Le
déficit budgétaire, le surcroît de dépenses et de
dettes publiques ayant démontré leur totale inefficacité
pour favoriser la croissance et l'emploi à moyen terme, votre rapporteur
général partage l'objectif du gouvernement
4(
*
)
d'une suppression du déficit structurel des
administrations publiques, déficit que l'accélération de
la croissance n'est pas susceptible de combler, et que seule une action
volontaire sur les dépenses ou les recettes peut réduire.
L'annulation de ce déficit structurel serait de nature à
atteindre l'objectif visé par la résolution que le Sénat a
votée, rappelée au début du présent chapitre.
Mais la satisfaction de cet objectif suppose, dès lors, qu'on renonce
à augmenter les prélèvements, que le gouvernement agisse
sur les dépenses, et en particulier qu'il n'affecte pas le surplus de
recettes conjoncturelles à des dépenses nouvelles, ce qui ne
ferait qu'entraver la réduction du déficit structurel.
Bien qu'il s'en défende, c'est malheureusement bien ce que le
gouvernement fait. Que ces dépenses aient été
décidées fin 1997 n'empêche en rien qu'elles soient
nouvelles au titre du budget 1999.
Votre commission doit constater que les actes du gouvernement sont en
contradiction avec ses objectifs.
II. L'AMÉLIORATION DU SOLDE PRIMAIRE NÉCESSITE UNE RÉDUCTION DES DÉPENSES
Le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a
déclaré à plusieurs reprises qu'il était
nécessaire d'alléger le poids de la dette publique dans le
produit intérieur brut. Cette intention fait l'objet de
développements substantiels et intéressants dans le rapport
gouvernemental
5(
*
)
.
Votre commission ne peut que lui donner raison. Toutefois, elle doit une fois
encore déplorer que le gouvernement n'adopte pas une politique
budgétaire de nature à infléchir sensiblement la tendance
de la dette.
A. L'EFFORT PROPOSÉ SUR LE DÉFICIT PRIMAIRE EST INSUFFISANT
1. La nécessité d'un excédent primaire
Le solde
primaire des administrations publiques est la différence entre les
recettes et les dépenses hors charges de la dette publique
(essentiellement les intérêts).
Pour réduire le poids de la dette publique dans le PIB, il est
nécessaire que le poids des déficits publics dans la croissance
lui soit inférieur. Ceci peut s'écrire simplement :
déficits publics
n
/croissance
n
< dette
publique
n - 1
/PIB
n - 1
Or, le premier ratio comprend deux composantes : le déficit
primaire et les charges de la dette publique.
déficits publics/croissance = déficit primaire/croissance + charges de la dette/croissance
Si le
taux d'intérêt de la dette est supérieur au taux de
croissance nominal, ce qui est le cas continûment depuis le milieu des
années 80, la deuxième composante de ce ratio aura tendance
à être supérieure au ratio dette n/PIB n et donc à
alourdir le poids de la dette publique dans le PIB.
Dans ce cas, il est nécessaire que le premier ratio compense et
au-delà, le second, pour réduire ce poids. C'est ce qu'on appelle
un excédent primaire, c'est-à-dire un excédent des
recettes courantes sur les dépenses courantes hors charges de la dette.
Aujourd'hui, l'écart entre le taux d'intérêt moyen de la
dette (6,4 % en 1998) et la croissance nominale du PIB (4,3 %
prévus en 1998) nécessite bien de dégager un
excédent primaire des administrations publiques.
D'après les calculs de la direction de la prévision,
l'excédent primaire des administrations publiques nécessaire pour
stabiliser la dette publique dans le PIB en 1999 serait de + 1,3 % du
PIB, ce qui équivaut à un déficit global de
- 2,2 % du PIB (compte tenu des charges de la dette).
2. Le gouvernement ne propose pas d'améliorer suffisamment la situation du budget de l'Etat
D'après la direction de la prévision, les
administrations publiques françaises sont en excédent primaire
depuis 1997.
Toutefois, la Cour des comptes relève de son côté que
l'Etat lui-même demeure en situation de déficit primaire,
l'ajustement reposant sur les autres administrations publiques, en particulier
des collectivités locales.
Déficit primaire (% du PIB)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Solde des administrations publiques |
|
|
|
|
|
|
Solde de l'Etat seul |
- 2,6 |
- 2,1 |
- 1,5 |
- 1,0 |
- 0,6 |
- 0,3 |
En
outre, l'objectif de solde des administrations publiques que s'est fixé
le gouvernement pour 1999 ne comporte pas un solde primaire stabilisant la
dette publique.
L'effort qui est proposé pour l'Etat est donc insuffisant,
insuffisance d'autant moins admissible que les autres administrations publiques
sont prévues en excédent. A l'insuffisance de l'effort de l'Etat
s'ajoute donc un aléa sur lequel il aura peu de prise.
Objectifs de solde des administrations publiques en 1999 (% du PIB)
Solde des administrations publiques (total) |
- 2,3 % |
Etat |
- 2,7 % |
Collectivités locales |
+ 0,15 % |
Sécurité sociale |
+ 0,1 % |
Organismes divers d'administrations centrales |
+ 0,15 % |
Solde requis pour stabiliser la dette publique |
- 2,2 % |
Effort supplémentaire restant à la charge de l'Etat pour commencer à stabiliser la dette publique |
+ 0,1 % |
3. Des incertitudes demeurent
Une
action franche est d'autant plus nécessaire que les circonstances
favorables sur lesquelles compte le gouvernement pour améliorer la
situation des finances publiques demeurent incertaines.
Les différents instituts de conjoncture consultés
régulièrement par certains organes du Sénat
(délégation pour la planification ou commission des finances)
divergent en effet sur ce point. Tout en demeurant légères, ces
divergences laissent percevoir les aléas de la prévision.
Ainsi, l'OFCE considère qu'un excédent primaire (des
administrations publiques) de 0,6 % devrait suffire pour stabiliser la
dette publique (à 60 % du PIB), et qu'il serait atteint dès
1999, la dette commençant à refluer en 2002
6(
*
)
, à condition que les recettes fiscales
supplémentaires ne soient affectées ni à des
dépenses nouvelles, ni à des réductions d'impôt.
L'observatoire prévoit toutefois un déficit public global de
2,5 % du PIB en 1999, soit une performance plus mauvaise que ce que
prévoit le gouvernement (- 2,3 %). La tendance à la
stabilisation de la dette ne peut donc être confirmée dans toutes
les hypothèses.
De son côté, Rexecode prévoit un solde négatif de
2,4 % du PIB en 1999. Dans cette hypothèse également, la
stabilisation de la dette ne serait pas obtenue cette année là.
L'établissement financier Goldman Sachs évalue, quant à
lui, ce solde à 2,7 %.
Il apparaît donc clairement que le gouvernement doit s'orienter avec
détermination vers un excédent primaire de l'Etat suffisant pour
commencer, dès 1999, à réduire la dette publique. Or, bien
qu'il présente la réduction de cette dette comme un objectif
principal, il s'oriente juste vers l'équilibre primaire pour l'Etat, ce
qui est insuffisant pour amorcer une inversion de tendance
. En outre, il ne
prend pas la précaution de se ménager une marge d'erreur au cas
où les circonstances ne seraient pas aussi favorables qu'il le souhaite,
ou si les autres administrations ne connaissaient pas l'excédent
escompté.
On ne peut que déplorer l'imprudence du gouvernement, qui table sur les
excédents de la sécurité sociale et des
collectivités locales pour améliorer le déficit des
administrations publiques, et qui ne s'efforce pas d'affecter l'ensemble des
plus-values de recettes espérées (mais incertaines) à
l'amélioration du solde budgétaire de l'Etat.
B. LES RECETTES PUBLIQUES NE SONT PAS UN LEVIER UTILISABLE
Pour
améliorer le solde primaire de l'Etat, le gouvernement a deux
options : augmenter les recettes ou diminuer les dépenses.
Il a clairement décidé d'utiliser la première option, en
tablant sur un surcroît de recettes fiscales en 1999 (50 à
55 milliards de francs), sans augmenter toutefois le taux des
prélèvements obligatoires. Il a renoncé à la
seconde option, puisqu'il propose une augmentation des dépenses de
1 % en termes réels.
Pourtant, l'expérience a montré que les recettes publiques
n'étaient pas un levier utilisable, essentiellement pour deux
raisons :
- d'une part, les aménagements de droits ont un effet incertain sur
le niveau des recettes du fait des aléas de la conjoncture ;
- d'autre part, le niveau des prélèvements obligatoires peut
être considéré comme étant à
saturation.
1. Augmentation de la pression fiscale et "déflation des recettes"
L'expérience des sept derniers exercices a
montré que
la matière fiscale avait tendance à fuir au fur et à
mesure qu'on la comprimait. C'est ce que le gouvernement
précédent avait nommé la "déflation des recettes".
On a ainsi observé une corrélation de plus en plus imparfaite
entre la hausse des prélèvements obligatoires et
l'évolution des recettes, démontrant l'inefficacité
croissante du levier fiscal.
Le graphique précédent montre que tous les cas de figures ont pu
être observés dans le passé récent : une baisse
des prélèvements accompagnée d'un fort surcroît de
recettes (1986/1985 ou 1988/1987) ; une forte hausse des
prélèvements (en 1995/1996) accompagnée d'un faible
surcroît de recettes ; une hausse des prélèvements
accompagnée d'une baisse de recettes (1993/1992) etc...
L'évolution des recettes dépend de facteurs multiples, dont le
caractère déterminant est de plus en plus mouvant. Ainsi
l'élasticité des recettes par rapport à la croissance est
devenue très instable. L'évolution du droit fiscal voit ses
effets de plus en plus contrariés.
Il n'est pas vraiment possible de conclure qu'on assiste en France à un
phénomène de type "courbe de Laffer", à savoir qu'un
surcroît de pression fiscale entraînerait une baisse des recettes
par perte de matière imposable. On doit toutefois constater la
maniabilité de plus en plus réduite du levier fiscal.
2. Le niveau absolu des prélèvements obligatoires a dépassé la saturation
Même si on pouvait être certain de l'effet sur les
recettes d'un relèvement des cotisations et des impôts, cette
option ne devrait pas être utilisée.
Le taux des prélèvements obligatoires a atteint récemment
en France un niveau record. La France est en outre mal placée par
rapport à ses partenaires européens. Ce constat suffit à
interdire l'utilisation d'une hausse des impôts pour assainir les
finances publiques. Votre commission l'avait déjà établi
lors du débat sur le projet de loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier, et lors du précédent
débat d'orientation budgétaire, tenu il y a deux ans sous le
précédent gouvernement.
Votre rapporteur général écrivait alors
7(
*
)
:
"
Le poids atteint par les prélèvements obligatoires dans
l'économie, 45 % du PIB en prévision pour 1996, ne permet
pas d'envisager une augmentation de la pression fiscale (même si la part
des prélèvements effectués pour l'Etat a nettement
diminué au profit de celle des prélèvements sociaux) et
tout élargissement d'assiette ou suppression de dépense fiscale
significatifs se heurte au préalable de la réforme de
l'impôt sur le revenu."
Le taux des prélèvements obligatoires a, depuis, continué
d'augmenter : 46,1 % en 1997. Au sein de l'Euro 11, seules la Finlande et
la Belgique ont des taux analogues à celui de la France. Ce constat est
donc plus que jamais d'actualité.
C. L'ACTION SUR LA DEPENSE PUBLIQUE EST LA SEULE POSSIBLE
En
récapitulant les différents déterminants du solde primaire
stabilisant la dette publique tel qu'il est expliqué par la direction de
la prévision dans son rapport du 14 avril 1998
8(
*
)
, on observe que le gouvernement ne peut agir que sur
la dépense publique.
Ce solde dépend en effet de cinq facteurs :
- le
niveau de la dette publique de l'année n-1
, qui
conditionne pour partie le montant des charges de la dette de l'année n.
Plus le poids initial de la dette publique est élevé, plus
l'excédent primaire nécessaire.
Il s'agit d'une donnée pour le gouvernement.
- le
taux d'intérêt moyen de la dette
, qui conditionne
également le montant des charges. Il s'agit aussi pour l'essentiel d'une
donnée, dépendante des situations passées et
présentes des marchés financiers. La direction du Trésor
ne peut guère qu'influer marginalement sur ce coût en modulant la
durée moyenne de la dette.
- la
croissance nominale du produit intérieur brut
. Plus le PIB
nominal croît, et plus la part relative de la dette a tendance à
diminuer, toutes choses égales par ailleurs
.
La croissance
nominale dépend du
taux de croissance
et du
taux
d'inflation
. Or, le gouvernement n'a quasiment aucune prise sur la
croissance économique, bien que la plupart des gouvernements tentent de
le laisser croire. Petite et très ouverte sur l'extérieur, la
France n'est pas en mesure de se créer les facteurs d'une croissance
autonome significative. Le gouvernement n'a pas non plus de prise sur
l'inflation. Lorsque celle-ci est forte, il est certes plus aisé
d'effacer la dette. Mais, la politique monétaire est
décidée par la banque centrale, aujourd'hui française,
demain européenne. Le développement de l'inflation serait en tout
état de cause un leurre, car un Etat endetté ne peut imposer
à ses créanciers de les payer en monnaie de singe : une
tentative de cette nature se heurterait à une hausse des taux
d'intérêt.
-
les recettes publiques
. Celles-ci déterminent les soldes
budgétaires, primaire et global. Votre rapporteur général
a déjà expliqué pourquoi cet instrument ne présente
plus aucune maniabilité.
- Restent
les dépenses publiques
. Celle-ci déterminent
également les soldes budgétaires. Elles sont aussi de plus en
plus difficiles à manier. La part prise par les dépenses sociales
rend le pilotage des dépenses publiques plus aléatoire. La part
prise par les dépenses les plus rigides dans le budget de l'Etat rend ce
pilotage plus difficile
9(
*
)
. Les dépenses
publiques restent néanmoins le seul instrument dépendant
entièrement de la volonté de l'Etat, c'est-à-dire de la
volonté politique. Il convient d'agir sur ce levier dans le calme, dans
les périodes de croissance, plutôt que d'attendre d'y être
acculé par une impasse financière.
Cette action doit être menée dès aujourd'hui,
essentiellement pour deux raisons.
D'une part, il s'agit de s'attaquer aux
composantes les plus rigides de la dépense publique : fonction
publique, assurance-vieillesse, assurance-maladie et, indirectement, charges de
la dette publique. Ces postes lourds ne peuvent être réduits
brutalement. Il y faut une intervention longue et opiniâtre. D'autre
part, des charges futures s'accumulent pour l'Etat, dans un avenir qui se
rapproche : pensions de la fonction publique, vieillissement de la
population, entretien et rénovation du patrimoine national.
III. L'ANNULATION DU DÉFICIT DE FONCTIONNEMENT EST URGENTE ET INDISPENSABLE
Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 1998, votre commission avait dégagé des principes de méthode budgétaire, que votre rapporteur général avait intitulés les " sept piliers de la sagesse budgétaire " 10( * ) . Le pilier n° 2 consiste à institutionnaliser la présentation du budget de l'Etat en sections de fonctionnement et d'investissement de façon à faire apparaître le solde de fonctionnement et de n'autoriser l'emprunt que pour l'investissement.
A. L'ENDETTEMENT N'EST ADMISSIBLE QUE S'IL EST PORTEUR D'AVENIR
Le
critère du traité sur l'Union européenne en matière
de dette publique, ne pas dépasser 60 % du PIB, est purement
quantitatif
11(
*
)
. Il vise un montant de dette
soutenable,
c'est-à-dire qui permette de ne pas dépasser
3 % de déficit public, et qui ne génère pas d'effet
" boule de neige " (celui-ci étant défini comme le
financement des intérêts de la dette par emprunt
supplémentaire).
La dette doit toutefois être également jugée de
façon qualitative. On retrouve ce jugement dans la dette des
collectivités locales : on ne peut financer par emprunt que ce qui
est durable, à savoir l'investissement. Une dette, même
importante, est admissible lorsqu'il s'agit de financer des équipements,
d'une durée au moins égale à celle des emprunts, et qui
généreront à terme un surcroît d'activité
susceptible d'entraîner des recettes fiscales permettant de les amortir.
Dans cette optique, le niveau de dette importe moins que sa nature : ce
qui est financé par la dette générera-t-il, ou non, un
surcroît de recettes à l'avenir ?
Il serait du plus haut intérêt de pouvoir distinguer dans les
4.022 milliards de francs (1996) de dette publique, la part imputable
à l'investissement de celle qui a financé des dépenses
courantes.
C'est la démarche qu'avait en partie suivie le précédent
gouvernement en isolant la dette sociale (300 milliards de francs en 1998)
dans un compte particulier, la caisse d'amortissement de la dette sociale, afin
de faire prendre conscience aux français qu'ils financent en partie leur
protection sociale à crédit.
La généralisation de cette démarche est indispensable.
N'importe quel ménage sait qu'il ne peut s'endetter sur un an pour
financier des biens qui ne durent qu'une journée, car cette attitude le
conduirait à une impasse financière.
L'Etat semble, quant à lui, l'ignorer.
Pour résorber la dette, la première urgence est donc de
s'attaquer au déficit de fonctionnement, qui est injustifiable, et le
plus porteur de risques financiers pour l'avenir.
B. LA SECTION DE FONCTIONNEMENT RESTE DÉFICITAIRE
Pour la préparation de la loi de finances 1998, le gouvernement avait bien voulu actualiser pour votre commission la présentation du budget en fonctionnement et en investissement, comme cela avait été fait en 1997.
Projet
de loi de finances pour 1998
Section de fonctionnement
(en milliards de francs)
Dépenses |
LFI 1997 |
PLF 1998 |
Variation |
Recettes |
LFI 1997 |
PLF 1998 |
Variation |
1.
Charges à caractère général
|
|
|
|
1. Produits de gestion courante (recettes non fiscales) |
|
|
|
2.
Charges de personnel
|
591,35
|
610,72
|
+ 19,37 |
2. Impôts et taxes (recettes fiscales) |
|
|
|
3.
Autres charges de gestion courante
|
|
|
|
3.
Produits financiers
|
25
|
20
|
+ 5 |
4.
Charges
financières
|
250,58
|
248,65
|
- 1,93 |
4. Produits exceptionnels |
0 |
0 |
|
5. Charges exceptionnelles |
0,00 |
0,00 |
|
5. Reprises sur amortis-sements et provisions |
|
|
|
6. Dotations aux amortis-sements et provisions |
|
|
|
|
|
|
|
7.
Reversements sur recettes
|
|
|
|
Déficit section de fonctionnement |
|
|
|
TOTAL |
1.665,60* |
1.701,18* |
+ 35 |
|
1.666 |
1.701,71* |
+ 35 |
* aux approximations et arrondis près |
Section d'investissement
(en milliards de francs)
Dépenses |
1997 |
1998 |
Recettes |
1997 |
1998 |
1.
Dépenses d'investissement
|
169,56
|
158,05
|
Déficit section de fonctionnement |
- 115 |
- 100 |
2.
Dépenses opérations financières
|
399
|
392
|
Cessions
d'immobilisations financières
|
|
|
TOTAL |
569 |
550 |
|
569 |
550 |
Deux
enseignements importants peuvent être tirés de cette
présentation pour la problématique des dépenses publiques
et du déficit :
- bien qu'en réduction de 115 à 100 milliards de
francs,
un important déficit de fonctionnement demeure
. Sa
résorption suffirait à parvenir à un solde primaire
engageant un processus de diminution de la dette publique.
-
la section de fonctionnement progresse par rapport à la
section d'investissement
. Elle représentait 74,5 % des
dépenses en 1997, elle atteint 75,6 % en 1998.
En effet, ainsi que l'observe la Cour des Comptes dans son rapport
préliminaire
12(
*
)
, l'effort
d'assainissement des finances publiques produit dans les années
passées a essentiellement porté, en dépenses, sur les
dépenses d'investissement. En 1997, les dépenses d'investissement
ont baissé de 6 % (titres V et VI), tandis que les dépenses
ordinaires (titres I à IV) progressaient de 1,7 %.
Les efforts de réduction de dépenses à venir seront donc
plus difficiles que les efforts passés, car ils portent sur un budget
dont la fraction de dépenses rigides, voire inflexibles (les charges de
la dette), est croissante. Ce constat rend d'autant plus urgent une action
vigoureuse sur les dépenses de fonctionnement.
C. LES OPTIONS BUDGETAIRES DU GOUVERNEMENT ACCENTUENT LA RIGIDITE ET LA FONCTIONNARISATION DES FINANCES PUBLIQUES
La
tendance naturelle des dépenses de l'Etat, comme de celles de l'ensemble
des administrations, est celle d'une rigidification croissante, et en grande
partie inéluctable
. Des dépenses sur lesquelles le
gouvernement aura une prise de plus en plus réduite devront être
assumées en tout état de cause. Il en est ainsi de la charge de
la dette publique. Il en va de même des rémunérations dans
la fonction publique : la Cour des Comptes observe que, de 1993 à 1997,
la masse des salaires des agents a progressé de 13,2 % ; mais que
celle des pensions et allocations, partie sur laquelle le gouvernement ne peut
quasiment rien, a progressé de 17,8 %. Et cette tendance va
s'accélérer à l'avenir. De la même façon,
s'agissant des régimes sociaux, les charges les moins
maîtrisables, à savoir les pensions de retraites, sont celles qui
progresseront le plus vite (doublement en termes réels entre 1995 et
2015). Le problème se pose aussi pour les charges de retraites des
collectivités locales.
Il est donc très urgent de prendre des mesures radicales pour lutter
contre ces effets.
Or, bien que déplorant la rigidité croissante du budget et
souhaitant ardemment la résorption de la dette publique, le gouvernement
accentue ce phénomène, de nature à entraver fortement sa
progression vers l'objectif qu'il s'est lui-même fixé.
En effet, prévoyant d'hypothétiques plus-values fiscales de 50
à 55 milliards de francs en 1999, le gouvernement ne prévoit
de les affecter que pour une part minime à la réduction du
déficit (18 milliards de francs), et pour une part majeure à la
section de fonctionnement du budget : 20 milliards de francs pour la
fonction publique, 13 milliards de francs au titre des charges de la dette
publique. En outre, en partie par redéploiement, 7 milliards de
francs devraient servir à subventionner les entreprises au titre de la
réduction du travail à 35 heures. De la même
façon, les emplois jeunes pourraient coûter 10 à
14 milliards de francs (qu'on le veuille ou non, il s'agit d'emplois
publics), et les interventions au titre de la loi sur les exclusions
coûteraient, selon les calculs de votre commission, 5,4 milliards de
francs.
L'ensemble de ces dépenses nouvelles forme une contribution
significative à l'accroissement des dépenses publiques (1% en
termes réels), ainsi qu'à leur rigidité, par leur nature
de dépenses de fonctionnement et d'intervention.
Le gouvernement peut faire ce choix, qui lui appartient, ainsi qu'à sa
majorité.
Mais il ne peut, dans le même souffle, prétendre réduire
les déficits pour combattre la dette publique, se préparer aux
charges de retraites de l'avenir, se conformer à nos engagements
européens, et se placer en vue d'une prochaine réduction des
prélèvements obligatoires.
Votre commission préconise pour sa part que soit renouvelée en
1999 l'opération de gel des dépenses publiques en valeur
effectuée en 1997, et qui a abouti, pour l'Etat tout au moins, à
une stabilité de ces dépenses en termes réels. A
défaut, la constitution de droits nouveaux empêchera l'endiguement
des dépenses, et la période favorable que la France
s'apprête à traverser n'aura pas été mise à
profit pour réduire la dette publique et préparer l'affrontement
les charges de l'avenir.
IV. LA PRISE EN COMPTE DES GÉNÉRATIONS FUTURES EST UN DEVOIR
La
concentration des richesses au sein des franges les plus âgées de
la population française
13(
*
)
conduit
à s'interroger sur la mise en oeuvre de politiques
générationnelles. Dans le domaine budgétaire, une analyse
générationnelle des bénéficiaires des
dépenses publiques pourrait s'avérer instructive.
Les ambitions du gouvernement sont plus modestes. Il propose
d'"
élargir l'horizon temporel
" de l'action publique.
A cet effet, il envisage d'engager une programmation pluriannuelle des
dépenses et d'anticiper les conséquences du choc
démographique de 2005. Sans pour autant aller au bout de ses
raisonnements. Sur ce sujet comme sur d'autre, la justesse de son diagnostic
contraste avec son inaction.
A. RENFORCER LES OUTILS DE CONTROLE DE L'ÉVOLUTION DE LA DEPENSE PUBLIQUE
Dans sa
contribution au débat d'orientation budgétaire pour 1997, votre
rapporteur général écrivait :
"
Afin de mieux évaluer les conséquences des choix
arrêtés, le Parlement devrait pouvoir disposer d'une programmation
pluriannuelle des grandes catégories de dépenses, le vote du
budget ne pouvant plus se situer dans la perspective stricte de l'
" exercice budgétaire ", et ce d'autant plus que le Parlement
est amené à se prononcer sur des lois quinquennales.
"
Cette proposition est aujourd'hui reprise à son compte par le
gouvernement. Elle est dans la logique du pacte de stabilité et de
croissance signé à Amsterdam en juin 1997, qui prévoit
pour chaque membre de l'Euro 11 des programmes budgétaires à
moyen terme.
Elle rejoint la volonté du gouvernement britannique de mettre en oeuvre
une programmation à trois ans des dépenses de chaque
département ministériel.
Toutefois, les britanniques situent cette disposition dans le cadre d'un
programme de maîtrise des dépenses publiques, destiné
à limiter le montant des charges transmises aux
générations futures.
Les orientations retenues par le Royaume-Uni en matière
budgétaire ont notamment pour objectif de dégager un
excédent primaire du budget de l'Etat, de ramener le montant de la dette
publique en dessous de 40% du produit intérieur brut et de conditionner
l'augmentation des dépenses publiques à l'efficacité de la
dépense. De plus, il est proposé de limiter le recours à
l'emprunt au financement des dépenses d'investissement. Cette
préoccupation rejoint les réflexions relatives à la mise
en place d'une comptabilité patrimoniale de l'Etat, engagées par
le ministre de l'économie et des finances Jean Arthuis, et aujourd'hui
en sommeil.
Pour mémoire, votre commission des finances préconisait en 1997
la mise en place "
d'indicateurs simples d'évaluation pour
chaque dotation importante
", notamment les aides à l'emploi et
au logement. Elle estimait que l'absence d'outils permettant d'apprécier
le coût moyen des mesures et leur efficacité rendait
"
l'examen des crédits peu réaliste
"
.
B. TIRER LES CONSÉQUENCES DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
Le vieillissement de la population française est illustré par la dégradation du rapport démographique des régimes de protection sociale 13( * ) . Aujourd'hui, à chaque retraité correspondent deux actifs cotisant aux différents régimes. Ce rapport ne cessera de se dégrader à partir de 2005. En 2040, il sera de pratiquement égal à 1 pour 1.
Cette
évolution est particulièrement inquiétante en
matière de régimes de retraites, même si elle aura
également des conséquences en matière d'assurance maladie,
les populations âgées consommant singulièrement plus de
soins médicaux que les plus jeunes.
L'ampleur limitée des réformes entreprises en France contraste
avec certaines expériences étrangères
. A titre de
référence, le Président des Etats-Unis, pays où le
régime public de retraite par répartition sera
excédentaire jusqu'en 2019, a annoncé que les éventuels
excédents du budget de l'Etat lui seront affectés afin de se
préparer à la dégradation du rapport cotisant sur
bénéficiaires, dans 25 ans.
1. Financer la " dette publique invisible "
La
" dette invisible " correspond à l'ensemble des engagements
des administrations publiques qui n'ont pas été
provisionnés
13(
*
)
. Il s'agit pour
l'essentiel des engagements relatifs aux retraites par répartition, qui
correspondent à la somme des droits acquis à la retraite,
desquels sont soustraits les actifs financiers éventuellement
détenus par ces régimes.
L'OCDE a chiffré en 1993 le
montant de la dette invisible de la France à 216 % du PIB de
1990
13(
*
)
, contre 157 pour l'Allemagne, 242
pour l'Italie, 156 pour le Royaume-Uni et 89 pour les Etats-Unis.
Ce pourcentage élevé, largement supérieur à la
dette " visible ", témoigne de la
générosité des pensions versées en France, mais
surtout de l'absence d'actifs financiers constituant la
" contrepartie " des droits acquis. Compte tenu de l'ampleur des
charges différées pesant sur les régimes de retraites
français, notre commission ne peut que regretter l'abrogation
annoncée de la loi sur les fonds d'épargne retraite.
Le gouvernement propose, à l'instar d'autres pays industrialisés,
de constituer des réserves pour "
lisser l'impact
prévisible
" du choc démographique.
Mais il ne dit
pas avec quelles ressources il les alimenterait
.
2. Agir sur les déséquilibres des régimes par répartition
La création de fonds de pensions ne permettra toutefois pas de résoudre les déséquilibres des régimes par répartition, l'écart entre les ressources et les dépenses ne se résorbant pas en longue période.
Source : OCDE
Il
existe trois leviers permettant d'agir sur l'équilibre financier des
régimes par répartition, mais deux sont inutilisables. Une
réduction du niveau des pensions, suffisante pour rétablir
l'équilibre, conduirait à rendre précaire la situation
d'un grand nombre de retraités alors que, comme le montre le rapport du
gouvernement, le montant total des pensions est mécaniquement
appelé à s'accroître.
Par ailleurs, augmenter le montant des cotisations, qui s'élèvent
déjà à près de 25 % à l'AGIRC, n'est
pas souhaitable car l'accroissement des prélèvements
obligatoires, compte tenu de leur niveau actuel, est contraire à
l'équité et à l'efficacité économique. Pour
maintenir le taux de remplacement de 1994 en 2040, le taux de cotisations
sociales pour la retraite devrait passer de 20 % à 35 %. La
solution est donc ailleurs.
Reste la durée de cotisation.
La question de l'âge de la
retraite mérite d'être posée
. En effet, comme
l'écrit notre collègue Jean-Pierre Raffarin, "
si l'on
est jeune biologiquement de plus en plus tard, on est professionnellement vieux
de plus en plus tôt
". En France, l'âge d'ouverture des
droits est de 60 ans. Il s'élève à 65 ans en
Allemagne, au Canada, en Espagne, aux Etats-Unis ou encore aux Pays-Bas et en
Suède. Il est de 67 dans les social-démocraties que sont le
Danemark et la Norvège.
Au Etats-Unis, une loi prévoit déjà que l'âge de la
retraite augmentera de deux mois par an entre 2000 et 2005, et autant entre
2017 et 2022, pour passer progressivement à 67 ans. Certains proposent
aujourd'hui de prolonger l'effort jusqu'à 70 ans.
En France, un éventuel allongement de l'âge de la retraite devrait
s'accompagner du renoncement au recours aux cessations anticipées
d'activité dans le cadre de la politique de l'emploi, qui annuleraient
une partie des effets de la réforme. En outre, les salariés les
plus âgés sont également les plus vulnérables en cas
de plans sociaux et de restructurations. Il importe donc de bien gérer
ce " quatrième pilier de la retraite " et de veiller à
l'employabilité des travailleurs âgés afin que
l'accroissement de la durée potentielle d'activité ne se traduise
pas par un allongement des périodes de chômage.
3. Isoler le compte des retraites de la fonction publique
Le
rapport présenté par le Gouvernement dans le cadre du
débat d'orientation budgétaire évalue à 30
milliards de francs, au terme des dix prochaines années et à
réglementation et effectifs constants, la charge supplémentaire
sur le budget de l'Etat des évolutions démographiques
combinées à la croissance de la retraite moyenne.
Entre 1995 et 2015, les pensions à la charge de l'Etat seraient
multipliées par 2,1 et celles à la charge de la CNRACL par 3,2.
Le financement des pensions des fonctionnaires, qui sont assimilées
à des traitements différés, est réalisé
intégralement dans le budget de l'Etat. Aussi, même s'il est
possible de connaître le montant des charges de pensions versées
par l'Etat et de calculer le taux de cotisation " implicite "
acquitté par l'Etat employeur, il n'en demeure pas moins que
l'importance des enjeux financiers est masquée par leur incorporation
dans la masse des recettes et des dépenses de l'Etat.
Le taux de cotisation " implicite " de l'Etat s'élève
à 39,6 % en 1998, contre environ 20 % pour les employeurs du
secteur privé. Dans le secteur privé, le financement des
retraites est partagé entre l'employeur et les salariés à
hauteur de 60-40 %. Dans la fonction publique d'Etat, cette
répartition est de 82-18.
A la lumière de ces chiffres, il apparaît que la disposition du
plan Juppé qui prévoyait "
la création d'une
caisse autonome des fonctionnaires afin que soit isolé l'effort de
l'Etat et des fonctionnaires en matière de retraite
"
mériterait d'être réexaminée.
La question des retraites pénalise doublement les
générations futures. D'une part, la dégradation du rapport
démographique soulève des interrogations quant au financement des
retraites des générations futures mais également des
jeunes actifs d'aujourd'hui. D'autre part, le poids croissant des pensions de
retraites dans les dépenses publiques risque de provoquer
l'éviction de dépenses d'investissement, mettant ainsi en
péril la croissance à long terme de
l'économie.
CHAPITRE III
UNE CONDITION : NE PAS TRANSFORMER
LES COLLECTIVITÉS LOCALES EN VARIABLE D'AJUSTEMENT DU DÉFICIT DE
L'ETAT
Dans le
domaine des collectivités locales, la période 1997-1998
était très nettement marquée par son caractère
transitoire. Il s'agissait en effet de la troisième et dernière
année d'application du " pacte de stabilité "
résultant de l'article 32 de la loi de finances pour 1996. La
période 1998-1999 semble devoir être marquée, non par des
bouleversements, mais par un certain nombre de réformes touchant la
plupart " des compartiments du jeu " des finances locales.
Dans le cadre du présent débat d'orientation budgétaire,
votre commission a concentré sa réflexion sur trois sujets
essentiels relatifs, en premier lieu, à la sortie du pacte de
stabilité financière, en deuxième lieu aux risques que
pourraient comporter une réforme de la taxe professionnelle pour les
ressources des collectivités locales et enfin au discours ambigu du
gouvernement sur l'état des finances locales.
La présentation de ces réflexions est d'autant plus
nécessaire, que la présentation faite par le gouvernement de la
situation financière des collectivités locales est de nature
à susciter quelques inquiétudes.
I. LA SORTIE DU PACTE DE STABILITÉ FINANCIERE
A. RAPPEL DU CONTEXTE
Respecté dans le cadre de la loi de finances pour 1998 par le nouveau
gouvernement, le " pacte " résultant de l'article 32 de la loi
de finances pour 1996 connaît en 1998 sa dernière année
d'application.
Il convient de rappeler que ce dispositif avait pour objet d'indexer la
progression de l'ensemble des dotations financières en provenance de
l'Etat sur l'évolution prévisionnelle du niveau
général des prix à la consommation hors tabac
13(
*
)
, ce qui a notamment eu pour effet
" d'absorber " l'effet de l'indexation partielle de la dotation
globale de fonctionnement sur la croissance.
Il convient en effet de
rappeler que depuis 1994, cette dotation croît en fonction d'un indice
résultant de l'indice des prix et de la moitié de la croissance.
Le gouvernement avait annoncé qu'il ouvrirait une large consultation
des associations d'élus locaux pour envisager avec elles les
différentes pistes d'action pour prendre le relais du
" pacte ". A la date du présent débat d'orientation
budgétaire, ces discussions n'ont pas encore été
officiellement engagées, le gouvernement faisant savoir qu'il lui
était difficile de définir les critères d'évolution
d'une enveloppe financière d'environ 150 milliards de francs, avant que
ne soit défini le cadrage global de la loi de finances pour
1999.
B. L'ÉVOLUTION DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ETAT ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES : POUR UN CADRE PLURIANNUEL DE CROISSANCE
Sans
préjuger du contenu des conclusions éventuelles de la discussion
qui pourrait s'engager dans les prochaines semaines entre le gouvernement et
les différentes associations d'élus locaux, votre commission
considère nécessaire, d'une part, de porter un regard
rétrospectif sur le " pacte " ayant régi les relations
financières entre l'Etat et les collectivités locales depuis 1996
et, d'autre part, de formuler des recommandations sur le dispositif qui serait
destiné à en prendre le relais.
L'évolution des relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales
appelle en effet une attention toute
particulière de la commission des finances, ce qui la conduit à
la fois à porter un jugement sur le principe du pacte qui vient à
extinction en 1998 et à déterminer les principes dont devrait
s'inspirer le dispositif qui pourrait en prendre le relais à partir de
1999.
1. Pour le maintien du principe d'un cadre pluri-annuel
A cet
égard,
il semble tout d'abord qu'il ne faille pas remettre en cause
le principe du pacte ayant couvert la période 1996-1998
. Votre
rapporteur général reconnaît l'intérêt qu'il y
a pour les collectivités locales à pouvoir disposer
d'un
instrument de lisibilité et, surtout, de prévisibilité
du montant des dotations financières en provenance de l'Etat. Un tel
système possède en effet l'avantage d'éviter,
a
priori
, un débat annuel sur les règles d'évolution du
montant de ces dotations et, par conséquent, les incertitudes et les
risques qu'un tel débat comporterait pour les collectivités
locales.
La conclusion d'un nouveau pacte pluri-annuel dans ce domaine est donc
souhaitable, la durée de ce dernier de trois ans retenue pour le pacte
précédent paraissant à la fois nécessaire et
suffisante).
En revanche, il semble nécessaire à la fois de tirer les
enseignements de cette expérience et de tenir compte de la
différence de contexte budgétaire et politique.
2. Pour une meilleure prise en compte de la croissance
Il
convient de rappeler que le " pacte " qui a couvert les années
1996-1998, aboutissait globalement à supprimer le lien avec la
croissance pour l'évolution du montant des dotations qu'il recouvrait,
puisque cette " enveloppe " dite " normée "
était indexée sur l'évolution des prix ; le montant
de la dotation de compensation de la taxe professionnelle jouant le rôle
de variable d'ajustement en tant que de besoin pour
contenir
l'évolution de l'enveloppe dans la limite de celle des prix
.
Le mode d'indexation retenu en 1996 doit aujourd'hui être
modifié de telle sorte que les collectivités locales soient
associées aux fruits de la croissance.
Cette modification est d'autant plus légitime que les circonstances
générales qui entourent la conclusion d'un nouveau
" pacte " diffèrent sensiblement de celles qui
prévalaient à l'époque de la définition des
règles du pacte de 1996-1998.
Le contexte économique et budgétaire était alors
placé sous le double signe d'une très faible croissance et d'une
contribution des collectivités locales à l'effort de redressement
des finances publiques. Ces circonstances légitimait l'acceptation par
les collectivités locales d'un instrument de régulation
relativement strict du montant des dotations financières de l'Etat.
Aujourd'hui, sans qu'il soit question de renoncer à l'objectif de
maîtrise de la dépense publique, il convient de tirer certaines
conséquences de l'évolution de la conjoncture économique
qui s'est dessinée depuis lors.
Aussi, votre commission plaide-t-elle en faveur d'une
meilleure prise en
compte de la croissance
dans les critères qui seront retenus pour
définir l'évolution du montant des dotations versées par
l'Etat aux collectivités locales. La prise en compte de la croissance
se justifie
, d'une part, au regard de
l'évolution de certaines
dépenses dont les collectivités locales n'ont pas la
maîtrise
et, d'autre part, par la volonté de
conserver aux
collectivités locales leur rôle déterminant en termes
d'investissement public
.
En premier lieu, il convient de rappeler que les collectivités locales
doivent, en tant qu'employeurs, assumer la hausse des traitements de la
fonction publique territoriale qui résultera de l'accord salarial
intervenu pour l'ensemble de la fonction publique
14(
*
)
.
Avec près de
1,4 million de fonctionnaires territoriaux
(soit un peu plus de 30 % de l'ensemble des fonctions publiques nationale,
locale et hospitalière), les collectivités locales sont en effet
des employeurs qui possèdent la caractéristique de ne pas avoir
la maîtrise de l'évolution du niveau des salaires qu'ils versent.
Or, cet accord salarial de février 1998 impliquera un surcoût
de 1,5 milliard de francs dès 1998, qui s'élèvera à
3,9 milliards de francs en 1999 et à 5,9 milliards de francs en 2000.
En second lieu, il s'agit de préserver la capacité
d'investissement des collectivités locales. En effet, avec un flux
annuel d'investissement s'élevant à près de
170 milliards de francs, contre moins de 30 milliards de francs pour
l'Etat, soit près de
72 % de l'investissement public
et
12,5 % de l'investissement de la Nation, les collectivités locales
constituent
un puissant relais de la croissance
.
Préserver cette capacité d'investissement implique de lier
l'évolution du montant des dotations financières en provenance de
l'Etat au niveau de la
croissance
, qui
devrait être prise en
compte à hauteur de 50 %.
Ainsi, le " critère
PIB " de la dotation globale de fonctionnement retrouverait toute sa
portée.
II. LA TAXE PROFESSIONNELLE : UNE RÉFORME IMPOSSIBLE ?
Impôt " triangulaire ", perçu par les
collectivités locales, acquitté par les entreprises et
compensé -dans une proportion croissante- par l'Etat, la taxe
professionnelle et sa réforme, toujours annoncée, constitue un
véritable "casse-tête".
Il s'agit en effet, tout à la fois, d'alléger son poids pour les
entreprises et de réduire la facture de l'Etat, tout en maintenant le
produit perçu par les collectivités locales.
Votre commission a conduit au début de l'année 1998 un large
cycle d'audition consacré à la taxe professionnelle. Sans qu'il
soit ici question de définir les principes d'une réforme de cet
impôt, votre commission doit cependant présenter ses observations
sur deux points dans la mesure où le gouvernement semble envisager de
faire de cet impôt un des premiers sujets de sa réforme de la
fiscalité locale.
A. LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE NE DOIT PAS DÉBOUCHER SUR UN " DÉLESTAGE BUDGÉTAIRE " AUX DÉPENS DES COLLECTIVITÉS
La
commission des finances n'est pas opposée au principe d'une
réforme de la taxe professionnelle dont l'objet serait d'alléger
les charges pesant sur les entreprises, elle averti toutefois le gouvernement
qu'une telle réforme ne saurait être le " vecteur "
d'une réduction des compensations versées par le budget de l'Etat
aux collectivités locales en contrepartie des diverses mesures
d'allégement de taxe professionnelle.
Au fil des années, les inconvénients de la taxe professionnelle
ont en effet été largement atténués au moyen
d'allégement multiples qui ont permis de réduire le poids de cet
impôt sur les entreprises. Ces différentes mesures
d'allégement qui viennent réduire le montant de la principale
ressource fiscale des collectivités locales, sont compensées par
l'Etat qui assume ainsi les conséquences financières pour les
collectivités locales des réformes décidées par la
loi.
LA TAXE PROFESSIONNELLE : QUI PAIE QUOI ?
15( * )
|
|
|
|
(en millions de francs) |
|
Produit perçu
|
charge
supportée
|
Coût
des
|
Part de la TP prise en charge par l'Etat (*) |
1986 |
79.566 |
67.104 |
16.929 |
22,41 % |
1987 |
86.689 |
68.149 |
22.665 |
27,53 % |
1988 |
93.923 |
73.482 |
24.825 |
27,81 % |
1989 |
101.620 |
80.581 |
25.690 |
26,58 % |
1990 |
113.696 |
91.160 |
27.749 |
25,60 % |
1991 |
125.738 |
98.521 |
33.552 |
27,92 % |
1992 |
135.492 |
102.879 |
39.448 |
30,44 % |
1993 |
146.836 |
109.484 |
44.799 |
31,87 % |
1994 |
153.033 |
112.484 |
48.637 |
33,20 % |
1995 |
160.032 |
115.026 |
53.488 |
34,91 % |
1996 |
168.966 |
123.853 |
53.990 |
33,34 % |
1997
|
176.572 |
122.750 |
57.212 |
33,79 % |
1997/1996 |
|
|
|
+ 5,97 % |
(*)
En proportion des produits toutes collectivités confondues
(produits : taxes principales + compensations)
Dans cet ensemble, il faut noter que le
principal facteur
d'allégement
de la taxe professionnelle pour les entreprises et
donc de coût pour l'Etat
résulte du
plafonnement de la
cotisation de taxe professionnelle par rapport à la valeur
ajoutée
. Fixé à 5 % de la valeur ajoutée
en 1985, ce plafonnement est passé à 4,4 % en 1989, 4 %
en 1990 puis à 3,5 % en 1991.
Il en résulte une forte progression de la charge supportée par
l'Etat qui, de moins de 3 milliards de francs en 1987, est passée
à 4,5 milliards de francs en 1990, puis à peu près de
15 milliards de francs en 1992, 31 milliards de francs en 1995 et
atteindrait 35,6 milliards de francs en 1998.
Votre commission des finances se montrera donc très vigilante quant au
maintien du niveau de ces compensations en cas réforme de la taxe
professionnelle. Sans qu'il s'agisse d'un procès d'intention à
l'encontre du gouvernement, la commission des finances s'opposera en effet
à toute forme de
" délestage budgétaire "
aux dépens des collectivités locales
, si l'Etat venait
à trouver dans une réforme de la taxe professionnelle un moyen de
limiter le montant des compensations versées au titre des
différents allégements liés à cette taxe.
B. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME
En dehors d'une réforme profonde de l'assiette de cette taxe, dont le risque pour les collectivités locales vient d'être souligné, les deux points qui sont susceptibles de connaître une évolution dans le domaine de la taxe professionnelle concernent, d'une part, la cotisation minimum et, d'autre part, le développement de la mise en commun de la taxe professionnelle dans le cadre intercommunal.
1. La cotisation minimum de taxe professionnelle
S'agissant de
la cotisation minimum
, votre commission des finances a
procédé à l'analyse des initiatives
présentées à l'occasion de la discussion de la loi de
finances pour 1998 tendant à relever le taux de cette imposition,
actuellement fixé à 0,35 % de la valeur ajoutée. A
cet égard, il convient de signaler que pour 1999,
ce
relèvement coïnciderait avec
l'extinction du mécanisme de
plafonnement
(qui, sauf reconduction,
joue pour la dernière fois
en 1998
) du montant de cette imposition
. Cette conjonction serait de
nature à favoriser une forte croissance du produit de la cotisation
minimum, qui s'élève actuellement à 50 millions de francs
(en 1996, le rapport prospectif de la direction générale des
impôts estimait
le rendement d'une cotisation minimum, non
plafonnée, à 1,86 milliards de francs pour un taux de
0,5 %
et à 4,66 milliards de francs pour un taux de
1 %).
A cet égard, il convient de rappeler que cette ressource, qui constitue
une
recette du budget de l'Etat
, bénéficie au fonds
national de péréquation de la taxe professionnelle.
En cas de
progression du produit de la cotisation minimum, il est à craindre que
l'Etat ne trouve là l'occasion de réduire sa contribution directe
à ce fonds.
Il conviendrait donc de rester circonspect sur la
perspective d'une telle réforme
16(
*
)
.
2. L'intercommunalité
S'agissant de la réforme annoncée de
l'intercommunalité
, il convient de souligner que celle-ci semble
devoir comporter des dispositions destinées à
promouvoir les
formes de " mise en commun " de la taxe professionnelle
, dites
taxe professionnelle de zone et, surtout, taxe professionnelle
d'agglomération.
La formule dite de la taxe professionnelle d'agglomération, dans
laquelle
les communes membres d'un groupement à fiscalité
propre renoncent à la perception de la taxe professionnelle au profit de
ce groupement
comporte en effet d'importants avantages.
Elle permet, d'une part,
d'unifier le taux de la taxe professionnelle sur
l'ensemble du territoire d'un groupement
-favorisant ainsi une
péréquation des ressources
- et, d'autre part, du point de
vue du contribuable, d'identifier le " responsable " de la taxe
professionnelle,
spécialisant en quelque sorte la taxe
professionnelle au niveau intercommunal
, les communes membres ne percevant
plus que les taxes sur les ménages.
Seul " remède " véritable à la dispersion des
taux de la taxe professionnelle au sein d'un territoire donné, le
développement du recours à la taxe professionnelle
d'agglomération, serait en outre de nature à favoriser une
tendance à la baisse de la pression fiscale due à la taxe
professionnelle.
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une véritable réforme de la taxe
professionnelle elle-même, cette adaptation apparaît cependant
comme étant la plus réaliste et la plus
réalisable.
III. LE DISCOURS AMBIGU SUR " L'EXCEDENT " DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES
A. UN CONSTAT COMPTABLE NON RÉFUTABLE ...
Dans le
cadre de l'audit sur l'état des finances publiques effectué,
à la demande du gouvernement, par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse
et dont les conclusions ont été rendues publiques le 21 juillet
1997, il est constaté que le secteur des administrations publiques
locales (secteur de la comptabilité nationale qui regroupe les communes,
les départements, les régions ainsi que leurs satellites) est
devenu
" globalement excédentaire en 1996 et [que] cet
excédent devrait s'accroître encore en 1997 ".
Ce constat est en quelque sorte confirmé par le rapport
déposé par le gouvernement en vue du présent débat
d'orientation budgétaire.
A cet égard, comme le relevait notre collègue Michel Mercier dans
son rapport sur les crédits de la décentralisation de la loi de
finances pour 1998, s'il ne s'agit pas de contester ce constat, il est en
revanche indispensable de réagir contre certaines interprétations
" constructives " qui pourraient en découler. Il s'agit en
particulier d'indiquer que
ce constat ne signifie pas que les
collectivités locales puissent être considérées
comme un variable d'ajustement sur lesquels l'Etat pourrait exercer un droit de
tirage
pour venir régulièrement compléter le
financement de politiques qui relèvent de sa seule responsabilité.
Il faut rappeler à cet égard les propos du président
Christian Poncelet, à l'occasion du débat sur les
collectivités locales organisé en avril 1997 au Sénat, et
selon lesquels
" trop de faux et mauvais procès sont encore
instruits, dans certaines sphères de l'Etat, à l'encontre des
collectivités locales qui sont accusées, à tort,
d'être des ilôts de prospérité et de laxisme dans un
océan de pénurie et de rigueur ".
B. ... DONT LA SIGNIFICATION DOIT ÊTRE PRÉCISÉE
L'analyse de la signification de l'excédent des administrations publiques locales doit en conséquence être précisé sur deux points puisque, d'une part, il s'agit d'une moyenne et que, d'autre part, cet excédent résulte notamment d'une réduction des investissements.
1. La relativisation résultant de l'audit des finances publiques de 1997
En
premier lieu il faut mesurer, comme le notent eux-mêmes MM. Jacques
Bonnet et Philippe Nasse dans leur rapport du 21 juillet 1997 sur l'état
des finances publiques, que
cet excédent
" n'est qu'une
moyenne "
qui recouvre des situations très
différentes puisque
" de nombreuses collectivités
territoriales continuent de connaître des problèmes financiers et
restent lourdement endettées ".
En second lieu, le même rapport note, en ce qui concerne les
dépenses des collectivités locales, l'action de
" deux
facteurs de modération [puisque] les
dépenses courantes
évoluent lentement
en raison du calme qui prévaut sur leurs
deux principales composantes (achats intermédiaires et masse salariale)
[et que]
les investissements ont fortement baissé
".
Cette analyse, dont les principes sont confirmés par le rapport de notre
collègue Joël Bourdin sur " L'état des lieux des
finances locales en 1997 ", traduit la
conjonction d'une saine
gestion
, et notamment d'une gestion active de la dette permettant la
diminution de la proportion des intérêts de la dette dans les
dépenses de fonctionnement, et d'un
relâchement de l'effort
d'investissement
.
2. L'explication de l'Insee : une reprise de l'investissement insuffisante
L'Insee conforte cette réflexion dans son
étude
d'avril 1998
consacrée aux comptes des administrations
publiques
17(
*
)
. L'Insee note en effet que la
capacité de financement des administrations publiques locales est
passée de 3,4 milliards de francs en 1996 à
17,6 milliards de francs en 1997. L'analyse des données fournies
par l'Insee met en évidence les raisons de cette amélioration qui
traduisent clairement les saines orientations de la gestion locale, qu'il
s'agisse des dépenses ou des recettes.
S'agissant des
dépenses
, les budgets locaux sont
caractérisés par un facteur de diminution lié à la
baisse des charges d'intérêts
qui ont continué
à diminuer en 1997 de 10 %
" en liaison avec
l'amélioration de la situation financière des administrations
publiques locales mais également en raison des opérations de
réaménagement de la dette initiées par les
collectivités locales à la faveur de la baisse des taux
d'intérêt ".
A ce facteur, s'ajoute la faiblesse tendancielle des investissements qui, s'ils
se sont redressés de 0,6 % en 1997 après une baisse de
8,2 % en 1996, sont loin de retrouver le niveau atteint en 1993. L'Insee
note en effet que les
investissements des administrations publiques locales
en 1997
" sont restés
inférieurs de
13,5 milliards de francs
à leur niveau de
1993
".
Ce recul de 13,5 milliards de francs du niveau de
l'investissement explique donc très largement
" l'excédent " de 17,6 milliards de francs des administrations
publiques locales.
Si le niveau de l'investissement des collectivités locales avait
atteint en 1997 celui de 1993, " l'excédent " des
administrations publiques locales ne dépasserait pas 4,1 milliards
de francs, soit un niveau à peine supérieur à celui de
1996. Ce surplus doit donc être d'autant plus relativisé, qu'il
s'explique par une faiblesse de l'investissement des collectivités
locales
. A cet égard, votre commission réitère
l'avertissement déjà adressé au gouvernement de veiller
à ne pas fragiliser la capacité d'investissement des
collectivités locales, dont le " redémarrage "
constitue une composante essentielle de la croissance à venir.
S'agissant des
recettes
, l'Insee relève que plusieurs facteurs
distincts ont contribué à une évolution globale des
ressources des administrations publiques locales de + 5,1 % en 1997.
A cet égard, l'institut constate tout d'abord que si la
fiscalité directe locale a progressé de 5 % en 1997
,
cette augmentation résulte
" d'une augmentation moyenne de
3,1 % des bases et de
1,9 % des taux
".
L'augmentation des recettes de la fiscalité directe locale traduit donc
pour plus de 60 % l'évolution spontanée des bases fiscales.
L'Insee note par ailleurs que si la progression des recettes fiscales globales
des administrations publiques locales a atteint 5,8 %, c'est en raison de
la hausse de 8 % de la fiscalité indirecte locale
"
essentiellement sous l'effet du retour à taux pleins des
droits d'enregistrement
"
18(
*
)
.
En ce qui concerne les dotations en provenance de l'Etat, l'Insee
précise enfin que la progression limitée de leur montant
marqué par le pacte de stabilité financière, est
portée globalement à 2,2 %, compte tenu d'une
" dotation de compensation de 2,8 milliards de francs [au profit
des régions] liée au transfert de compétence en
matière de transport régionaux de voyageurs ".
" La situation excédentaire " des administrations publiques
locales, décrite dans le rapport déposé par le
gouvernement à l'appui du présent débat d'orientation
budgétaire, ne constitue donc en aucun cas une accumulation de
" trésoreries dormantes ", dont l'Etat pourrait tirer
prétexte pour opérer des ponctions nouvelles sur les budgets
locaux au moyen de " co-financements " divers ou de réduction
des compensations versées aux collectivités locales en
contrepartie des allégements d'impôts locaux.
CHAPITRE IV
UN PARI A HAUT RISQUE :
L'EXCÉDENT DES ADMINISTRATIONS DE SECURITE SOCIALE
I. UN DEFICIT DIFFICILEMENT CONTENU EN 1998
A. UNE REDUCTION DU DÉFICIT SOCIAL EN 1998 FONDEE PRINCIPALEMENT SUR DES PRÉLÈVEMENTS NOUVEAUX
A
l'automne 1997, le déficit prévisionnel de la
sécurité sociale pour l'année suivante était
estimé à 33 milliards de francs. La loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998 s'est fixé pour objectif de
ramener ce déficit à 12 milliards de francs.
Toutefois, ainsi que votre commission des finances l'a déjà
souligné, cet effort de redressement financier de 21 milliards de francs
repose essentiellement sur des prélèvements nouveaux, pour un
montant de 12 milliards de francs.
Les trois principaux apports de recettes résultent de la substitution de
la contribution sociale généralisée aux cotisations
d'assurance maladie (4,9 milliards de francs) ; de l'extension-fusion des
prélèvements sociaux sur les revenus de l'épargne et du
patrimoine (4,5 milliards de francs) ; et du relèvement de la fraction
des droits de consommation sur les tabacs affectée à la caisse
nationale d'assurance maladie ( 1,3 milliard de francs).
Face à ces prélèvements nouveaux,
les mesures
d'économie ne portent que sur 4,9 milliards de francs.
Il s'agit de
la mise sous condition de ressources des allocations familiales (4 milliards de
francs) et de la réduction du taux de l'allocation de garde d'enfant
à domicile (900 millions de francs).
La première de ces mesures d'économie est d'ailleurs si
contestable au regard du principe d'universalité de la
sécurité sociale que le Premier ministre vient d'annoncer, dans
le cadre de la conférence nationale de la famille, qu'elle sera
abrogée en 1999.
Enfin, l'équilibre de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998 est bouclé par un certain nombre de mesures de
trésorerie,
par nature non reconductibles,
pour un montant de 5,5
milliards de francs.
Les deux principales mesures de trésorerie sont l'affectation de 2,2
milliards de francs d'excédents de contribution sociale de
solidarité des sociétés (C3S) au régime
général de sécurité sociale, en contradiction avec
la nature même d'une contribution par définition affectée
aux régimes des non salariés ; et la reprise par la caisse
d'amortissement de la dette sociale (CADES) du déficit de 87 milliards
de francs cumulé en 1997 et 1998 par le régime
général, qui permet une économie de 3 milliards de francs
sur les charges d'intérêt.
La réouverture de la CADES, qui a pour corollaire la prolongation de
cinq années de sa durée d'existence, est une facilité
dangereuse dans un système fondé sur la répartition. Elle
constitue un précédent fâcheux.
B. DES PREVISIONS GLOBALEMENT CONFIRMÉES PAR LA COMMISSION DES COMPTES DE LA SECURITE SOCIALE
Le
rapport de printemps de la commission des comptes de la sécurité
sociale, qui s'est réunie le 11 mai dernier, ne concerne que le seul
régime général. Il a donc un champ plus restreint que la
loi de financement de la sécurité sociale, qui porte sur tous les
régimes de base.
Toutefois, compte tenu du rôle central du régime
général au sein du système de sécurité
sociale, la nouvelle prévision pour 1998 présentée dans ce
rapport permet de confirmer globalement le niveau du déficit de la
sécurité sociale prévu par la loi de financement.
Cette fiabilité de la prévision s'explique d'abord par le fait
que l'hypothèse-clef d'une progression de 4,1% de la masse salariale du
secteur privé en 1998 n'est pour l'instant pas démentie. Par
ailleurs, des plus-values de cotisations d'environ 2 milliards de francs sont
attendues d'une réévaluation de la base 1997, ainsi que de la
revalorisation de la masse salariale de la fonction publique.
Elle s'explique également par le fait que le rendement net de
l'opération de basculement des cotisations d'assurance maladie sur la
CSG semble conforme aux prévisions. Le produit supplémentaire de
CSG attendu s'élève à 161,8 milliards de francs, soit 2,2
milliards de francs de plus que prévu, mais les pertes de cotisations
afférentes s'élèvent à 156,8 milliards de francs,
soit 2,1 milliards de francs de plus que prévu.
Ainsi, le solde de l'opération dégagerait en 1998 un solde net de
5 milliards de francs, très légèrement supérieur
aux 4,9 milliards de francs initialement prévus.
S'agissant des dépenses, les prestations de la branche maladie du
régime général seraient en 1998 supérieures aux
prévisions de 500 millions de francs, tandis que celles de la branche
vieillesse seraient supérieures aux prévisions de 1,8 milliard de
francs.
Au total, ainsi révisé, le besoin de trésorerie du
régime général s'établirait à - 13 milliards
de francs en 1998, contre - 12 milliards de francs prévus en loi de
financement de la sécurité sociale.
Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité
sociale - mai 1998
II. UN HYPOTHETIQUE EXCEDENT POUR 1999
A. UN EXCEDENT PRÉVISIONNEL PUREMENT TENDANCIEL
Le
rapport de la commission des comptes de la Nation du mois d'avril 1998 fait
état d'un excédent prévisionnel des administrations de
sécurité sociale de 0,1% du PIB pour 1999, soit environ 8
milliards de francs.
Il convient de signaler que la notion d'administrations de
sécurité sociale, au sens des comptes de la Nation, ne recouvre
pas exactement le champ des lois de financement de la sécurité
sociale, puisqu'elle inclut les régimes complémentaires, le
régime d'assurance chômage et l'ensemble des établissements
hospitaliers.
L'amélioration de la situation financière des organismes de
sécurité sociale, au sens large, résulterait en 1999 des
facteurs suivants :
-
le
dynamisme des recettes
des organismes de
sécurité sociale (cotisations sociales et CSG sur assiette
élargie) ;
-
l'effet des réformes structurelles
engagées
(assurance-maladie et allongement de la durée de cotisation des
retraites du régime général) ;
-
l'amélioration de la situation de l'emploi
(directement pour
l'assurance chômage, indirectement pour les autres risques).
Il s'agit d'une prévision très globale, et le détail de la
situation financière des différentes branches et organismes n'est
pas précisée.
Ce retour à l'équilibre des administrations de
sécurité sociale en 1999 semble plus optimiste que la projection
triennale présentée en annexe de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998 (annexe C).
Cette projection,
fondée sur une convention de progression des recettes de 4% par an, fait
certes état d'un solde positif de 500 millions de francs en 1999 pour le
régime général. Mais elle confirme la dégradation
financière à moyen terme des autres régimes de base, et
notamment de la caisse nationale de retraite des agents des
collectivités locales (CNRACL), qui serait déficitaire de plus de
3 milliards de francs en 1999.
Toutefois, les prévisions relatives aux comptes sociaux sont par
nature moins fiables que les prévisions budgétaires. En effet, en
matière de sécurité sociale, l'incertitude porte autant
sur les recettes que sur les dépenses futures.
Ces dernières
ne sont évaluées que par l'extrapolation des tendances
passées et, à la différence des crédits
budgétaires limitatifs, ne peuvent pas être ajustées en
cours d'exécution, du moins sans modification des droits
afférents.
Or, en ce domaine, l'expérience prouve que les mauvaises surprises sont
beaucoup plus fréquentes que les bonnes.
B. DES DEPENSES TOUJOURS NON MAÎTRISEES
Certains
éléments conduisent à rester prudent sur la perspective
d'un retour des comptes sociaux à l'excédent en 1999, et
même sur la limitation du déficit au niveau prévu pour 1998.
Tout d'abord, le ralentissement des dépenses d'assurance maladie
observé en 1997 n'est pas acquis.
Les tergiversations du
gouvernement, qui a repris à son compte sans oser le dire la
réforme de 1996, semblent avoir favorisé le retour à une
hausse rapide des dépenses de santé depuis le début de
cette année. La progression des honoraires des médecins
libéraux a été de 3,8 % sur les quatre premiers mois
de 1998. A défaut de mesures nouvelles en cours d'exercice, le
mécanisme de reversement des honoraires des médecins risque
même de devoir être mis en oeuvre pour la première fois.
En matière de prestations familiales, le gouvernement a annoncé
pour l'an prochain un certain nombre de mesures dont le coût devrait
dépasser 3 milliards de francs (déplafonnement des allocations
familiales, extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles
modestes d'un seul enfant, versement des allocations familiales jusqu'à
vingt ans).
Ces dépenses supplémentaires devraient être
financées par l'abaissement du plafond du quotient familial,
présenté comme une mesure alternative au plafonnement des
allocations familiales par ailleurs abandonné.
Toutefois, cet
aménagement fiscal se traduira mécaniquement par une hausse de
l'impôt sur le revenu, à hauteur de 3 à 4 milliards de
francs, tandis que les modalités du transfert de ce surcroît de
recettes du budget de l'Etat vers la branche famille ne sont pas encore
connues.
D'autre part,
les gestionnaires de l'assurance chômage sont
d'ores et déjà invités à engager des
négociations pour utiliser l'excédent prévisionnel de
l'UNEDIC, de manière à financer soit l'extension de l'allocation
de remplacement pour l'emploi (ARPE), soit une amélioration des
conditions d'ouverture des droits relatives à la durée de travail
antérieure.
Enfin, rien n'est décidé pour les retraites
. Non
seulement les régimes spéciaux poursuivent leur dérive
financière, hypothéquant les comptes de l'Etat et des
collectivités locales, mais
le déficit de la branche
vieillesse du régime général semble se creuser de
manière inexpliquée en 1998, avec un surcroît de
dépenses de 1,8 milliard de francs par rapport aux prévisions
initiales.
A moyen terme, le rapport présenté par le gouvernement à
l'appui du débat d'orientation budgétaire confirme la
gravité du problème financier posé par le ressaut
démographique de 2005. Toutes choses égales par ailleurs, le
montant des prestations de retraite va augmenter de 251 milliards de francs
entre 1995 et 2005, et de 413 milliards de francs entre 2005 et 2015.
Pourtant, face à l'urgence reconnue de mesures structurelles
d'ajustement, le Premier ministre s'est contenté de confier au
Commissariat général du plan
"la tâche d'animer une
mission destinée à élaborer un diagnostic précis et
concerté de la situation".
C. L'IMPÉRATIF DE REMBOURSEMENT DE LA DETTE SOCIALE
Le
gouvernement semble donc tenté de mettre à profit
l'amélioration conjoncturelle des recettes de la sécurité
sociale pour repousser les réformes structurelles, tout en colmatant
quelques brèches par des expédients en loi de financement.
Plus généralement, dès qu'un excédent
apparaît dans une branche ou un organisme quelconque de
sécurité sociale, le réflexe semble toujours être
soit de le ponctionner au profit d'autres branches ou organismes en situation
déficitaire, soit de créer des dépenses nouvelles pour
utiliser cette marge de manoeuvre.
Or, une priorité absolue doit être donnée au
remboursement de la dette de 227 milliards de francs cantonnée dans la
CADES
19(
*
)
.
Ce recours à
l'endettement, que votre commission des finances n'a jamais admis que comme un
pis aller, reste une aberration au regard de la logique même d'un
système de sécurité sociale fondé sur la
répartition.
Dès lors, si l'excédent financier du régime
général de sécurité sociale annoncé pour
1999 se confirmait, il devrait être aussitôt affecté
à la CADES pour accélérer le remboursement de la dette
sociale.
CHAPITRE V
UNE NÉCESSITÉ :
RÉDUIRE LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET
D'INTERVENTION
Lors
du débat d'orientation budgétaire pour 1997, votre rapporteur
général avait formulé la préconisation
suivante :
" le poids des prélèvements
obligatoires exclut de solliciter à nouveau les recettes, et c'est une
diminution sans précédent de la dépense publique qui devra
s'opérer à partir de 1997 ".
La stabilisation en francs constants des dépenses de l'Etat,
pour en
réduire le poids dans la richesse nationale
, reste plus que jamais un
impératif de saine gestion des finances publiques
.
En effet, ainsi que votre rapporteur général l'a
déjà rappelé, afin d'inverser la dérive de la dette
publique, il est indispensable d'améliorer le solde primaire du budget
de l'Etat et, partant, d'opérer une action forte sur les dépenses.
Une tentative en ce sens avait réussi en 1997 conformément aux
engagements pris par le gouvernement d'Alain Juppé lors du débat
d'orientation budgétaire pour 1997.
Elle n'avait toutefois pas suffi
à amorcer une baisse du poids de la dette, ce qui démontre
l'ampleur de l'effort à réaliser. Et elle n'a malheureusement pas
été reconduite en 1998 et ne le sera pas pour 1999, puisque le
gouvernement affiche un objectif de "
progression
maîtrisée des dépenses de l'Etat de 1 % en volume
".
Cette progression représente 2,2 % en valeur soit
prés de deux fois le rythme de l'inflation.
Cet objectif quantitatif doit désormais également se doubler
d'une action qualitative sur les dépenses de l'Etat,
compte tenu de
l'accroissement des dépenses de fonctionnement, aux dépens des
dépenses d'investissement, qui ne représentent qu'un peu plus de
10 % des dépenses totales
20(
*
)
.
I. LE BUDGET DE 1997 A DÉMONTRÉ LA NÉCESSITÉ ET LA POSSIBILITÉ D'OPERER UNE STABILISATION DES DEPENSES
A. UN OBJECTIF AMBITIEUX ET COURAGEUX PRÉSENTÉ EN LOI DE FINANCES POUR 1997
1. Une priorité affichée par le gouvernement d'Alain Juppé dès le débat d'orientation budgétaire pour 1997
Dans le
rapport déposé pour le débat d'orientation
budgétaire, le gouvernement d'Alain Juppé avait tenu à
souligner que le "
le redressement des comptes de l'Etat passe
prioritairement par une action forte sur les dépenses
".
En conséquence, il avait fait de la réduction significative
et durable du poids de la dépense publique une priorité,
souhaitant à ce titre une "
stabilisation des charges en francs
courants, c'est-à-dire sans tenir compte de l`inflation
".
Cette volonté courageuse et ambitieuse, compte tenu de l'ampleur de
l'effort à fournir, votre rapporteur général l'avait
pleinement et sans réserve soutenue, estimant indispensable une
"
action forte sur les dépenses
".
2. Une traduction concrète en loi de finances pour 1997
A
l'issue de l'examen du projet de loi de finances pour 1997, le taux de
progression globale des dépenses du budget général avait
été fixé à 1,3 %, contre 5,4 % dans la
précédente loi de finances et 5,5 % en moyenne annuelle
entre 1988 et 1995. Il s'établissait même, hors remboursements et
dégrèvements à 0,9 %, soit un montant
inférieur tant à la progression prévue du PIB en volume
(+2,3 %) qu'à celle de l'indice des prix à la consommation
(+1,5 %).
Votre commission des finances avait pleinement adhéré à
cette volonté de maîtrise des finances publiques. Elle estimait en
effet qu'elle constituait la "
traduction financière de choix
politiques courageux
" puisqu'elle concernait l'ensemble du budget,
permettait d'infléchir la réduction des charges liées
à la dette et au personnel, tout en opérant un recentrage des
dépenses d'intervention les plus lourdes sur les priorités
définies par le gouvernement.
B. DES RÉSULTATS CONFIRMÉS EN EXÉCUTION
1. Une légère diminution en volume des dépenses de l'Etat
En
1997, les dépenses du budget général ont, dans leur
ensemble, augmenté de 1 %
21(
*
)
contre 4,6 % en 1996, passant de 1.902,06 milliards à
1.921,03 milliards de francs, soit, ainsi que cela avait été
prévu en loi de finances initiale, une progression inférieure
à celle des prix du PIB (+ 1,1 %).
On a ainsi pu constater une légère diminution en volume
(- 0,1 %) des dépenses de l'Etat.
Néanmoins cette diminution s'est opérée de façon
dissymétrique : les dépenses ordinaires ont progressé
globalement de 1,7 % et les dépenses d'investissement ont
diminué au total de 5,9 %.
Il convient toutefois de préciser que l'évolution globale des
dépenses, en y intégrant les opérations définitives
des comptes d'affectation spéciale s'élève en 1997
à 2.008,31 milliards contre 1.936,20 milliards de francs soit une hausse
effective de 3,7 %. L'augmentation importante des dépenses à
caractère définitif des comptes d'affectation spéciale qui
sont passées de 34,14 milliards en 1996 à 87,28 milliards de
francs en 1997 n'a cependant pas affecté le solde excédentaire
qui est passé de 1,88 milliard en 1996 à 1,99 milliard de
francs en 1997. L'augmentation des recettes et, partant, des dépenses
provient principalement de l'ouverture du capital de France Telecom (42,85
milliards de francs) ainsi que de la cession de titres pour un montant de
prés de 13,1 milliards de francs qui ont été
affectés pour 59,15 milliards de francs à des versements aux
entreprises publiques, dont 16,9 milliards au profit des
établissements intervenant dans la restructuration du Crédit
Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.
Cette situation emporte une double conséquence. D'une part, elle conduit
à nuancer le jugement concluant à une diminution en volume des
dépenses du budget général. D'autre part, elle tend
à réduire les effets de la baisse des dépenses
d'investissement du budget général.
2. Cette diminution a été concentrée sur les dépenses d'équipement et les dépenses de fonctionnement (hors dépenses en personnel)
Les dépenses civiles en capital (titres V et VI), ont diminué en 1997 de 8,3 % connaissant au total une baisse de 9,4 % en valeur et de 17,3 % en volume sur la période 1993-1997. De même, en raison notamment du nouveau contexte international, les dépenses militaires d'équipement s'établissaient à 76 milliards de francs (-2,6%), contre 88,7 milliards de francs prévus par la loi de programmation militaire 1997-2002. Comme le relève la Cour des Comptes, les " dépenses d'équipement militaire ont contribué pour une part importante à l'amélioration de la situation budgétaire pendant cette période ".
Les dépenses civiles de fonctionnement (parties 4 à 7 du titre III), c'est-à-dire hors dépenses de personnel, ont diminué de 0,5 % en 1997 aux dépens de l'état général du patrimoine de l'Etat.
3. Les dépenses de personnel, la charge de la dette et les dépenses d'intervention ont continué de progresser
Les dépenses civiles de personnel (parties 1 à 3 du titre III) ont connu en 1997 un rythme de progression (+2 ,8 % soit 14,5 milliards) supérieur à celui de l'ensemble des dépenses du budget général (+1 %) et de l'indice des prix du PIB (+1,1 %). Cette progression est par ailleurs particulièrement marquée pour les charges de pension (+3,5 %) et les charges sociales (+4,3 %), compte tenu de la limitation pour la période 1996-1997 de la progression des rémunérations d'activité (+2 %).
La
diminution de la charge nette de la dette, dont la progression est
passée de 14,2 % en 1994 à 1,2 % en 1997, accompagnant
le mouvement d'ensemble du titre I (+ 2 % en 1997),
résulte principalement de l'effet bénéfique de la baisse
du niveau général des taux d'intérêt. Elle ne peut
cependant masquer l'augmentation de l'encours de celle-ci et les risques
entraînés par l'effet " boule de neige "
22(
*
)
. Ainsi en 1980 le paiement des intérêts
de la dette représentait 5 % des recettes fiscales nettes. Ce
pourcentage était de 10% en 1986 et devrait s'élever en 1998
à 19,7%.
Enfin, les dépenses d'intervention du titre IV ont connu une
augmentation limitée à 1,3 %, mais qui reste
supérieure à l'ensemble du budget général.
Au
sein de celles-ci, votre rapporteur général tient à
souligner que les dépenses en faveur de l'emploi connaissent à
nouveau une progression importante (+ 6,3 %) pour s'établir
à 149,7 milliards de francs, soit une
augmentation de
56 % en quatre ans, tandis que les crédits consacrés au
revenu minimum d'insertion (RMI) augmentent de 6,1 % (24,4 milliards
de francs) et ceux destinés à l'allocation adulte
handicapé (AAH) de 3,9 % (22,4 milliards de francs).
II. LE GOUVERNEMENT NE S'ORIENTE PAS VERS LA POURSUITE DE CE MOUVEMENT DE STABILISATION
Eu
égard à la nécessité d'améliorer le solde
primaire du budget de l'Etat et au fait que les recettes publiques ne
constituent pas un levier utilisable, seule une action forte sur la
dépense publique est possible.
Cette action, qui doit être impérativement menée, ne
constitue cependant pas la priorité du gouvernement de Lionel
Jospin.
Que ce soit lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 ou
dans le cadre des orientations présentées pour 1999, les options
budgétaires du gouvernement s'écartent en effet de cet objectif
de stabilisation.
A. DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998, LE GOUVERNEMENT S'EST REFUSÉ À POURSUIVRE L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉPENSES
1. Un choix doublement préoccupant : dans son principe et dans ses modalités
a) Le gouvernement a choisi de stabiliser le solde budgétaire au prix d'un accroissement des prélèvements et non d'une maîtrise des dépenses
Ainsi
que votre rapporteur général l'avait solennellement
rappelé au gouvernement à l'occasion de la présentation de
la loi de finances pour 1998, "
une politique ambitieuse de
réduction de la dépense pour permettre un allégement des
prélèvements obligatoires est pourtant possible. Elle
recréerait les conditions d'un dynamisme de l'économie
française
".
Le gouvernement avait alors cependant décidé d'opérer un
choix inverse au prix d'une maîtrise des dépenses inexistante.
En effet, ainsi que votre commission l'avait déjà
relevé pour le dénoncer, les charges réelles de l'Etat
devraient s'accroître, en 1998, plus vite que l'inflation, d'un montant
que l'on pouvait estimer à 1,87 %, alors même que la
présentation faite par le gouvernement laissait entendre un financement
des actions nouvelles opéré par redéploiement
budgétaire
23(
*
)
.
Sans remettre en cause la qualification de la France pour la
" première vague " de l'Euro cette situation a
contribué à la marginaliser au sein des pays de l'OCDE et
à poser la question de la soutenabilité à long terme d'une
telle politique budgétaire.
Les dépenses publiques françaises se placent à un
niveau élevé : elles se situent au quatrième rang des
pays du monde développé et sont supérieures de 5,5 points
de PIB à celles de l'Allemagne
.
b) Des priorités budgétaires lourdes de conséquences
Tant les
économies préconisées par le gouvernement que les
priorités budgétaires affichées, ont suscité les
réserves de votre rapporteur général.
Ainsi au titre de la révision des services votés,
16,6 milliards de francs de crédits ont été
supprimés: la politique d'allégement des charges sur les bas
salaires a été ralentie, l'accès à la
propriété restreint et des mesures ciblées en faveur de
l'emploi supprimées. Par ailleurs 7,7 milliards de francs de
dépenses en capital du budget de la défense n'ont pas
été inscrits, nonobstant les prescriptions en ce sens de la loi
de programmation militaire 1997-2002.
A l'inverse les priorités budgétaires sectorielles
définies alors par le gouvernement se sont traduites par des moyens
supplémentaires en personnel et par une priorité
inquiétante donnée à l'emploi public, qu'il s'agisse
de l'arrêt du mouvement de réduction des effectifs de la fonction
publique, de la création d'emplois dans les établissements
publics, de la mise en place des emplois-jeunes dans le secteur public ou des
mesures de revalorisation salariale.
Ces mesures ont eu pour conséquence d'aggraver le
déséquilibre existant déjà au sein du budget de
l'Etat entre des dépenses de fonctionnement en progression et des
dépenses d'équipement notamment en matière militaire
soumises à des restrictions budgétaires de plus en plus
importantes, ainsi que l'a déjà relevé pour le regretter
la Cour des Comptes
24(
*
)
.
C'est également contre cette dérive qualitative des
dépenses de l'Etat que votre rapporteur général entend
s'élever.
c) Des résultats d'exécution encore imprécis
Selon
les informations communiquées à votre rapporteur
général, il apparaît qu' "
aucune
dérive significative n'affecte le profil mensuel de l'exécution
budgétaire qui apparaît cohérente avec les
prévisions affichées en loi de finances initiale
".
Au 30 avril 1998, les dépenses du budget général
s'établissaient à 580,2 milliards de francs contre
577,7 milliards de francs à la même période en 1997.
Le niveau des dépenses militaires en capital reste toujours faible
(7,5 milliards contre 28,1 milliards de francs en 1997) compte tenu
de "
la mise en place de nouvelles procédures d'ordonnancement et de
comptabilisation induisant des retards dans l'exécution mais sans
incidence sur le niveau final de la dépense
".
Votre rapporteur général tient également à relever
que les dépenses concernant la dette brute ont augmenté à
la fin avril 1998 de 17 % par rapport au niveau d'avril 1997.
De même, il souhaite revenir sur les conditions dans lesquelles a
été mis en place au début de l'année 1998, le fonds
d'urgence social doté de 1 milliard de francs gagés par des
économies forfaitaires sur 120 chapitres, n'épargnant que trois
budgets (emploi, santé et solidarité).
En effet, ainsi que Mme Joint-Lambert l'a elle-même souligné
dans son rapport au Premier Ministre
25(
*
)
, ces
crédits publics ont été dépensés, de
façon très rapide, sans critères d'examen défini et
sans examen sérieux des cas individuels au risque de destabiliser le
travail de terrain accompli depuis des années par les intervenants
sociaux.
Par ailleurs, selon les informations obtenues par votre rapporteur
général, au moins 6,8 milliards de francs de dépenses
nouvelles n'ont pas encore été budgétés.
Il s'agit, non seulement de l'accord signé entre Eramet et la
Société Minière du Pacifique-Sud (1,570 milliard de
francs), mais également du coût de l'accord salarial dans la
fonction publique. Celui-ci est estimé à 5,3 milliards de
francs pour 1998, or 3 milliards seulement ont été inscrits
en loi de finances pour 1998. Il reste donc à financer
2,3 milliards de francs de surcoût.
Par ailleurs, au titre des mesures sociales annoncées ou prises depuis
le début de cette année, 2,95 milliards de francs doivent
être dégagés. La loi instaurant une allocation
spécifique d'attente coûte en effet 375 millions de francs en
année pleine, la revalorisation des minima sociaux au
1
er
janvier 1998 est estimée à 1,7 milliard
de francs tandis que le coût budgétaire du projet de loi
d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, estimé
à 1,1 milliard pour 1998 n'a été financé,
à ce jour, qu'à hauteur de 225 millions de francs.
2. La volonté de la commission des finances d'aller plus loin dans la maîtrise des dépenses publiques lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998
Compte
tenu de ces éléments, votre rapporteur général
avait alors souhaité lutter contre cette dérive tant quantitative
que qualitative.
Pour cela, il souhaitait ramener en francs courants le montant des
dépenses du budget général à celui de la loi de
finances initiale pour 1997, et ainsi stopper cette progression proposant pour
cela des réductions ciblées et forfaitaires portant exclusivement
sur les dépenses ordinaires, les dépenses en capital devant
être préservées pour l'avenir et subissant
déjà une diminution sérieuse en 1998.
Cette démarche s'inscrivait dans la continuité des
réflexions et des prises de position prises par votre commission des
finances depuis plusieurs années
26(
*
)
. A
ce titre, il ne peut que regretter que le gouvernement ne se soit pas astreint
à la même rigueur dans la démarche, en contribuant au
contraire à rigidifier la structure des finances publiques et en se
refusant à endiguer la progression de la dépense
publique.
B. LES ORIENTATIONS RETENUES PAR LE GOUVERNEMENT POUR 1999 METTENT EN LUMIERE UNE CONTRADICTION
1. Le gouvernement affiche comme impératif la réduction du déficit structurel des administrations publiques et la lutte contre la rigidité des dépenses publiques
Votre
rapporteur général partage ces objectifs.
Ils supposent néanmoins, puisque la croissance ne pourra à elle
seule combler le déficit structurel que, de façon
préalable et indispensable, le gouvernement réduise les
dépenses et n'affecte donc pas le surplus de recettes conjoncturelles
à des dépenses nouvelles.
Or le gouvernement affiche pour 1999 un objectif de "
progression
maîtrisée des dépenses de l'Etat de 1 % en volume "
soit 2,2 % en valeur et près de deux fois le rythme de
l'inflation.
De même il est indispensable que soit révisée la tendance
à privilégier les dépenses de fonctionnement au
détriment des dépenses d'investissement et qu'ainsi évolue
la structure de la dépense publique.
2. Mais le gouvernement ne se donne pas les moyens d'atteindre cet objectif
En
effet, les orientations tracées par le gouvernement au titre de la
préparation de la loi de finances pour 1999 montrent que le
supplément de recettes fiscales attendu qui est évalué
à 55 milliards de francs ne sera affecté à la
réduction du déficit qu'à hauteur du tiers seulement. Plus
des deux tiers restant, soit 35 milliards de francs seront alors
consacrés au financement de dépenses nouvelles.
Votre rapporteur général ne peut être favorable à
cette situation.
Il n'est d'ailleurs pas le seul à partager cet avis.
Ainsi M. Didier Migaud, rapporteur général du budget à
l'Assemblée nationale relève à ce sujet
27(
*
)
que " ce choix pourrait être
présenté comme signe d'un laxisme de mauvais aloi " sans
toutefois y apporter de véritable et ferme démenti dans la suite
de ses propos...
Par ailleurs, votre commission estime que les actes du gouvernement sont
d'autant plus en contradiction avec l'objectif ainsi défini que de
nombreuses mesures déjà annoncées ou
décidées en 1997 notamment en matière sociale, devront
également être financées au titre du budget de 1999, qu'il
s'agisse de la réduction du temps de travail à 35 heures (7
milliards de francs), des emplois-jeunes (13,8 milliards de francs) ou de la
lutte contre les exclusions (5,4 milliards de francs) pour un montant total de
26,2 milliards de francs.
Le financement du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.
Dans
l'avis n°478 (1997-1998) présenté au nom de la Commission
des finances, notre collègue Jacques Oudin a rappelé qu'en
dépit du consensus existant sur la nécessité d'agir plus
efficacement contre les exclusions, la contrainte financière s'imposait
dans ce domaine comme ailleurs.
A ce titre il a tenu à procéder à un chiffrage
précis et détaillé de ce texte :
son coût
budgétaire est de 15,9 milliards de francs sur trois ans
pour
l'Etat et se caractérise par une montée en charge fortement
progressive :
1,1 milliard en 1998, 5,4 milliards en 1999 et
9,4 milliards en 2000 ;
soit un coût en année pleine
de prés de 10 milliards de francs.
Il a également relevé les incertitudes tenant à son mode
de financement
qui doit en principe, d'après la ministre de
l'emploi et de la solidarité, s'effectuer dans le cadre d'un
redéploiement général sur l'ensemble du budget de l'Etat.
Compte tenu cependant, du coût en année pleine de ce texte, ainsi
que du caractère potentiellement inflationniste d'un certains nombre de
ses dispositions, il a été conduit à douter
sérieusement de la réalité ainsi que du caractère
effectif de ces redéploiements :
"
ce raisonnement
repose sur un pari dont on ne peut que souhaiter le succès mais qui
reste, à nos yeux assez audacieux
".
En outre, la liste des secteurs déclarés budgétairement
prioritaires ne semble pas encore avoir été encore
déterminée de façon complète
28(
*
)
et devrait être étendue au gré
des " nécessités " au risque, ainsi que le
relève fort justement M. Didier Migaud "
d'être synonyme
de saupoudrage plus que d'efficacité
".
Il est donc surprenant de voir le gouvernement regretter que
" la
structure des dépenses de l'Etat se soit rigidifiée au fil des
ans
" et ne rien faire pour lutter contre ce phénomène.
Les trois premiers postes de dépenses de l'Etat cités par le
gouvernement dans le document préparatoire au débat d'orientation
budgétaire (fonction publique, intérêts de la dette et
interventions pour l'emploi) qui représentent en 1998 88 % des
recettes fiscales nettes, contre 57 % en 1990 ne sont, en aucune
façon, concernés par une éventuelle limitation de la
progression des dépenses publiques !
Les dépenses pour la fonction publique (+20 milliards en 1999, dont
9,5 milliards au titre de l'accord salarial) ainsi que l'augmentation
prévue de la charge de la dette (+13 milliards en 1999) absorbent
déjà à elles seules 33 des 37 milliards de francs que
le gouvernement entend affecter, au total au financement de mesures nouvelles.
Il y a là une coûteuse et étonnante arithmétique
budgétaire de la part du gouvernement, d'autant plus que la commission
des finances de l'Assemblée nationale chiffre même ces coûts
respectivement, à 23 et 15 milliards, soit un total de
38 milliards de francs !
Affectation pour 1999 du supplément de recettes fiscales
attendu par le gouvernement
Supplément de recettes fiscales en 1999
55 milliards de francs
Financement des actions prioritaires Réduction du
déficit
37 milliards de francs 18 milliards de francs
Dépenses de fonction publique Charge nette de la dette
Priorités du gouvernement pour 1999
+20 milliards de francs +13 milliards de francs (emploi, justice,
éducation, ...)
Restent à financer les nouvelles mesures
sociales :
26,2 milliards de francs
(exclusions, 35 heures, emplois-jeunes)
Les priorités annoncées par le gouvernement, dont la liste reste à déterminer, outre les mesures lourdes en matière sociale ne pourront donc être financées selon des modalités qui restent à définir que par des redéploiements et la réduction des dépenses d'autres départements ministériels. Leur montant est estimé à 20 milliards de francs par le gouvernement mais un simple calcul de cohérence permet de les évaluer à au moins 26 milliards. En conséquence, votre rapporteur général s'interroge sur le nombre, l'ampleur ainsi que sur la réalité de ce financement par " redéploiement ".
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
Dans la
continuité des observations formulées depuis 1996, votre
commission fixe un objectif et formule trois propositions.
L'objectif est de réduire la part de la charge de la dette publique dans
les finances publiques, que ce soit la dette de l'Etat
stricto sensu
ou
la dette sociale.
Lorsque votre commission dit souhaiter réduire les
dépenses publiques, c'est d'abord cette charge qui est visée, et
c'est en vue de la réduire qu'il est nécessaire de diminuer
d'autres dépenses
.
Les trois propositions sont les suivantes :
- limiter la progression globale des crédits budgétaires
,
en gelant ceux-ci en valeur à leur niveau de 1998
, de façon
à obtenir au moins une stabilisation en volume.
- faire porter l'effort prioritairement sur les composantes les plus
rigides du budget,
en agissant de façon vigoureuse sur les
dépenses de personnel (arrêt de tout recrutement net dans la
fonction publique) et d'intervention (notamment les aides à l'emploi
dont l'efficacité réelle doit être améliorée
ainsi que le gouvernement en est d'ailleurs convenu). En revanche, il est
nécessaire de préserver les dépenses d'équipement
et les missions régaliennes de l'Etat : intérieur, justice,
affaires étrangères et défense.
-
prendre rapidement les mesures nécessaires pour faire face au
choc démographique des années à venir
,
c'est-à-dire réformer les régimes de retraite, en
particulier les régimes publics. Plus l'action à entreprendre
sera réalisée tôt plus elle sera efficace et moins elle
sera douloureuse.
CHAPITRE VI
UN OBJECTIF : REDUIRE LES
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
L'assainissement des finances publiques ne peut plus reposer
sur un
relèvement des recettes.
Accompagnées d'une politique active de réduction des
dépenses, les circonstances favorables d'aujourd'hui doivent permettre
une baisse des prélèvements obligatoires.
I. LES RECETTES EN 1997 ET LES PERSPECTIVES POUR 1998
A. DES RECETTES SUPÉRIEURES AUX PRÉVISIONS DE LA LOI DE FINANCES INITIALE
Les recettes du budget général excèdent de 88,7 milliards de francs le montant des recettes inscrit dans la loi de finances pour 1997. Les recettes se sont élevées à 1.385,2 milliards de francs en exécution contre 1296,5 milliards de francs dans la loi de finances.
L'écart entre les prévisions de la loi de
finances
initiale pour 1997
et la réalisation
(en milliards de francs)
|
Exécution |
LFI |
Ecart |
Recettes fiscales nettes |
1416,6 |
1395,3 |
21,3 |
Recettes non fiscales |
156,9 |
155,1 |
1,8 |
Prélèvements sur recettes de l'Etat |
-252,8 |
-253,9 |
1,1 |
ressources nettes du budget général |
1320,7 |
1296,5 |
24,2 |
fonds de concours |
64,5 |
- |
64,5 |
Recettes du budget général |
1385,2 |
1296,5 |
88,7 |
L'essentiel de cet écart s'explique par l'intégration des
fonds de concours
, qui ne sont pas évalués dans la loi de
finances (article 5 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959) mais ont
représenté 64,5 milliards de francs.
Le montant des fonds de concours a toutefois été sensiblement
inférieur aux années précédentes en raison de
l'intégration des pensions civiles de France Télécom (8
milliards de francs en 1996) dans les recettes non fiscales.
(en milliards de francs)
|
1995 |
1996 |
1997 |
fonds de concours |
61,3 |
69,3 |
64,5 |
L'excédent de recettes par rapport aux
prévisions,
hors fonds de concours, s'élève donc à 24,2 milliards de
francs et provient presque exclusivement des plus-values de recettes fiscales :
- les recettes non fiscales
ont seulement progressé de 1,8 milliard
de francs par rapport aux prévisions. Sans le transfert des charges de
pension des personnels fonctionnaires de France Télécom (8,7
milliards de francs) auparavant retracées en fonds de concours, ces
recettes auraient été en forte diminution par rapport à
1996, en raison notamment de la diminution du produit des participations de
l'Etat dans les entreprises (privatisations), et de la réduction des
recettes diverses. Hors modifications de comptabilisation, les recettes non
fiscales auraient diminué de 5,8 milliards de francs soit -4,2%.
-
les prélèvements sur recettes
ont diminué de 1,1
milliard de francs par rapport aux prévisions. Ce sont surtout les
prélèvements au profit des collectivités locales qui ont
été moins élevés que prévus (de 2 milliards
de francs) alors que les prélèvements au profit de l'Union
européenne ont été plus élevés de 0,8
milliard de francs.
-
les recettes fiscales
ont connu un écart de
21,3 milliards de francs
, dont l'essentiel provient de l'augmentation
de l'impôt sur les sociétés décidée dans la
loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier.
Alors que pour chaque type de recette fiscale, l'écart entre la
réalisation et la prévision de la loi de finances initiale est
inférieur à 10 %, le produit net de l'impôt sur les
sociétés s'est élevé à 172,1 milliards de
francs, soit une hausse de 18,8 % par rapport aux prévisions.
B. L'EFFET BRUTAL DE LA HAUSSE DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS N'ÉTAIT PAS NÉCESSAIRE POUR CONSTATER LE REDRESSEMENT DES RECETTES FISCALES
Les recettes fiscales nettes ont progressé de 4,2 % en 1997 (51,7 milliards de francs), soit une progression soutenue, dans la ligne de l'évolution constatée depuis 1994, bien que légèrement inférieure à la progression constatée en 1996.
(en milliards de francs) |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Recettes fiscales nettes |
1209,1 |
1254,4 |
1301,7 |
1359,6 |
1416,6 |
variation n/n-1 |
-1,70% |
3,75% |
3,77% |
4,45% |
4,19% |
variation PIB en valeur |
+1,1% |
+4,4% |
+3,9% |
+2,4% |
+3,5% |
Cependant, l'accroissement des recettes fiscales en 1997
(+4,2 %) est, comme l'année précédente, très
nettement supérieur à l'augmentation du PIB en valeur
(+3,5 %) et très sensiblement supérieur aux
prévisions (+2,6 %).
En 1997, les recettes fiscales ont apparemment été
marquées par une forte élasticité par rapport à la
croissance (1,2). Cependant, il faut tenir compte de l'évolution de la
législation fiscale (allégement de l'impôt sur le revenu,
alourdissement de l'impôt sur les sociétés). De plus, en
mettant de côté les recettes de caractère exceptionnel
issues de contrôles fiscaux et celles liées au mode de gestion
administratif des impôts, la progression des recettes fiscales nettes
totales en 1997 peut être évaluée, selon le
ministère de l'économie et des finances, à 3 %.
L'élasticité des recettes à la croissance serait donc
inférieure à 0,7.
1. Deux évolutions contrastées : l'allégement de l'impôt sur le revenu et l'alourdissement de l'impôt sur les sociétés
a) L'impôt sur le revenu : une variation des droits de 20 milliards de francs, bien évaluée en loi de finances initiale.
L'année 1997 a été marquée par un très fort déficit en produit d'impôt sur le revenu constaté dès février et lié directement à l'allégement décidé en loi de finances initiale pour 1997. Au total, la perte de recette fiscale, dont les effets se sont fait ressentir très fortement sur l'exécution budgétaire à partir du mois de septembre seulement, s'élève à un peu plus de 20 milliards de francs (20,6 milliards de francs, soit 6,6 %).
Le
produit de l'impôt sur le revenu s'est donc élevé à
293,5 milliards de francs en 1997 soit un niveau légèrement
supérieur à l'estimation en loi de finances (291,8 milliards
de francs en LFI) contre 314,1 milliards de francs en 1996.
L'effet des mesures d'allégement d'impôt sur le revenu avait
donc été convenablement mesuré en loi de finances
initiale,
quoique très légèrement
surestimé.
b) L'effet de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier: un très fort l'alourdissement de l'impôt sur les sociétés constaté en fin d'année
A partir
du mois d'avril, les rentrées d'impôt sur les
sociétés sont supérieures à celles
constatées l'année précédente. Mais c'est surtout
en fin d'année que l'écart se creuse entre les recettes de 1997
et celles de 1996, pour atteindre près de 30 milliards de francs.
L'effet de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal
et financier (taxation au taux normal des plus-values à long terme,
contribution complémentaire de 15 % et assujettissement d'EDF) a
donc été brutal, alors même que les prévisions de
recettes étaient déjà favorables, en raison notamment de
la progression des résultats imposables.
Toutefois, comme en 1996, et malgré la croissance des
bénéfices imposables, le montant des remboursements
d'excédents de versements d'impôts sur les sociétés
avait été sous-évalué : les remboursements
d'impôt sur les sociétés ont été de
29,8 milliards de francs contre 26 milliards de francs en
prévision.
Les deux impositions supplémentaires, la nouvelle majoration de
l'impôt sur les sociétés (15 % en 1997 et 1998,
10 % en 1999) et la fin de l'application du régime des plus-values
à long terme aux cessions d'éléments d'actif autres que
les titres de participation,
ont en effet fait l'objet d'un versement
d'acompte le 15 décembre 1997
, ce qui explique la très forte
poussée des recettes en fin d'année.
Le produit net de l'impôt sur les sociétés s'est
élevé à 172,1 milliards de francs en 1997 (144,8
milliards de francs en loi de finances initiale) soit 29 milliards de
francs de plus qu'en 1996.
La progression des recettes nettes de 29 milliards de francs est due
pour 22,8 milliards de francs aux dispositions adoptées dans la loi du
10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et
financier
et pour le reste (6,2 milliards de francs) à la
progression des résultats imposables et au solde de versement de France
Télécom (4 milliards de francs).
2. Les autres recettes fiscales : une légère moins-value par rapport aux prévisions
a) La taxe intérieure sur les produits pétroliers : un certain ralentissement
En
début d'année (janvier-avril), les rentrées de TIPP
étaient inférieures au volume constaté à la
même période en 1996, mais dès le mois de mai, le solde est
redevenu positif pour atteindre 2,5 milliards de francs fin 1997.
Le produit de la TIPP s'est élevé à 150,8 milliards de
francs, soit un niveau très légèrement inférieur
aux prévisions (151,9 milliards de francs en loi de finances initiale)
mais supérieur au rendement en 1996 (148,4 milliards de francs).
La progression constatée par rapport à 1996 est
entièrement due au relèvement des tarifs effectué en loi
de finances initiale, ce qui montre une certaine atonie de la consommation des
produits pétroliers.
b) La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : un
redressement malgré une moins-value par rapport aux prévisions
Les
rentrées de TVA ont été très uniformes dans le
temps et très régulièrement supérieures au volume
constaté l'année précédente, mais sensiblement
inférieures aux prévisions.
Les rentrées de TVA se sont en effet élevées à
626 milliards de francs, soit un niveau inférieur à celui
attendu (635,2 milliards de francs en loi de finances initiale) mais tout
de même nettement supérieur à l'exécution de 1996
(600,5 milliards de francs).
Les recettes nettes de TVA, c'est-à-dire après remboursements,
ont excédé de 25,6 milliards de francs les recettes de 1996
mais ont été inférieures de 9 milliards de francs aux
prévisions de la loi de finances initiale. La consommation et les
investissements des ménages ont connu en cours d'année des
évolutions inférieures aux prévisions qui ont conduit
à revoir à la baisse les estimations de recettes de TVA en loi de
finances rectificative.
La moins-value a toutefois été beaucoup moins importante que
l'estimation en loi de finances rectificative (15,2 milliards de moins-values
prévues) en raison d'une forte progression des recettes de TVA en fin
d'année.
Les évolutions de la TVA en 1997 : une tentative d'explication
La
raison de l'évolution des recettes de TVA nette est toujours difficile
à préciser. D'après les informations du ministère
de l'économie et des finances, il semble que l'accroissement de la TVA
brute par rapport à 1996 s'explique en partie par des mesures
exceptionnelles :
- le renforcement du contrôle aurait produit un gain net de
trésorerie pour l'Etat de 2 milliards de francs ;
- l'incidence résiduelle du relèvement du taux normal de TVA sur
les redevables déclarant selon le régime simplifié
d'imposition procure une recette de 7,1 milliards de francs en 1997, soit 5,3
milliards de francs de plus qu'en 1996 ;
- les autres mesures nouvelles auraient eu un coût de 1,3 milliard de
francs.
Concernant les remboursements et dégrèvements, la mise en place
d'un mécanisme de contrôle des ordonnancements des crédits
de la comptabilité publique, en décembre 1997, aurait
occasionné un retard dans les remboursements alors même que les
recettes nettes de TVA en 1996 seraient sous-évaluées du fait
d'un report de dégrèvements de 1995 sur 1996.
Compte tenu de tous ces éléments, la TVA nette à
législation constante n'aurait progressé que de 2,3% pour
atteindre 620 milliards de francs en 1997, soit sensiblement
l'évolution des emplois taxables.
c) Les autres recettes fiscales
Les
autres recettes fiscales
(175 milliards de francs) ont progressé
fortement en 1997 (+21,6 milliards de francs) alors qu'elles avaient
diminué en 1996.
Les "autres impôts directs perçus par voie d'émission de
rôles" connaissent la plus forte augmentation en particulier en raison de
la montée en charge de la nouvelle répartition des impôts
sur rôles entre l'Etat et les collectivités territoriales et des
résultats du contrôle fiscal.
Concernant les autres impôts, l'impôt de solidarité sur la
fortune progresse de 1 milliard de francs soit 12,8%, la taxe sur les salaires
de 1,7 milliard de francs et les droits d'enregistrement de
8,7 milliards de francs. La revalorisation importante des patrimoines
mobiliers et immobiliers en 1996 et 1997 explique largement ces
évolutions.
II. UN SOLDE D'EXÉCUTION QUI REFLÈTE LE CHOIX D'UNE AUGMENTATION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES PLUTÔT QUE D'UNE CONTRAINTE DE LA DÉPENSE
Le retour de la croissance en 1997 a, semble-t-il, mis un terme à la "déflation" de recettes fiscales observables depuis quelques années. Dans ces conditions, la hausse des prélèvements observable ne se justifie que par la non-maîtrise des dépenses.
A. LE SOLDE D'EXÉCUTION DES RECETTES : UNE ÉVOLUTION FAVORABLE
1. Des rentrés fiscales globalement conformes aux
prévisions
Mis
à part le tout début d'année, les rentrées fiscales
ont été constamment supérieures à
l'exécution de 1996
. Le différentiel d'exécution s'est
réduit en septembre en raison des moins-values enregistrées sur
l'impôt sur le revenu, qui n'étaient que partiellement
compensées par les produits des autres impôts.
Près de la moitié de l'accroissement des recettes fiscales a
été enregistrée en décembre en raison des
rentrées très importantes d'impôt sur les
sociétés.
Il faut constater qu'en l'absence de relèvement de l'impôt sur les
sociétés, le solde d'exécution des recettes aurait
également été satisfaisant, car très
supérieur à l'exécution de 1996 et très proche des
prévisions de la loi de finances initiale.
Ecart entre le rendement attendu des impôts et leur rendement réel
Impôts |
Exécution |
LFI |
Ecart |
TIPP |
150,8 |
151,9 |
-1,1 |
Divers |
174,1 |
171,6 |
2,5 |
Impôt sur les sociétés |
172,1 |
144,8 |
27,3 |
Impôt sur le revenu |
293,5 |
291,8 |
1,7 |
TVA |
626,1 |
635,2 |
-9,1 |
Recettes fiscales nettes |
1416,6 |
1395,3 |
21,3 |
(en milliards de francs)
L'effet de la loi du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier s'élève à
22,8 milliards de francs
sur les 27,3 milliards de francs de
produit fiscal supplémentaire pour l'impôt sur les
sociétés.
Sans cette loi, les recettes fiscales auraient
été très légèrement inférieures aux
prévisions de la loi de finances (-1,5 milliard de francs).
Ce constat est bien différent de celui fait par l'audit des finances
publiques remis le 21 juillet 1997, qui chiffrait à 17 milliards de
francs les pertes de recettes fiscales nettes pour l'Etat.
Il n'est donc pas exact d'affirmer que l'effet des mesures de redressement
fiscal et financier prises à la suite de l'audit des finances publiques
a permis de rétablir une situation en matière de recettes
compromise par la faiblesse des encaissements de TVA.
La hausse de l'impôt sur les sociétés n'était pas
nécessaire pour obtenir un bon résultat en matière de
recettes mais pour compenser la progression plus importante que prévue
des dépenses sociales
. L'augmentation des prélèvements
obligatoires a donc été choisie, de préférence
à de plus fortes annulations de crédits, pour améliorer le
solde budgétaire.
L'exécution de 1997 confirme le diagnostic posé par votre
rapporteur général lors de l'examen de la loi de finances pour
1998 puis de la loi de finances rectificative pour 1997, selon lequel les
prélèvements supplémentaires décidés par le
gouvernement ont été, de loin, supérieurs aux moins-values
de recettes
.
2. Une déformation de la structure fiscale
L'augmentation de l'impôt sur les
sociétés a
donc eu pour véritable conséquence de déformer la
structure fiscale :
la part relative de l'impôt sur les
sociétés a fortement progressé alors que celle de la TVA a
diminué.
Part relative du produit net des différents
impôts
|
LFI |
Exécution |
TIPP |
11% |
11% |
Divers |
12% |
12% |
Impôt sur les sociétés |
10% |
12% |
Impôt sur le revenu |
21% |
21% |
TVA |
46% |
44% |
Recettes fiscales nettes |
100% |
100% |
B. LES RENTRÉES FISCALES DÉBUT 1998 : UN DYNAMISME CERTAIN PROPICE A UNE DIMINUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
1. Le dynamisme des recettes fiscales début 1998
Le
premier trimestre 1998 est plus dynamique que celui de 1997, les recettes
progressant de 5,8% contre seulement 2,2% en cible annuelle.
Les recettes nettes du budget général s'élèvent
à 450,6 milliards de francs au 30 avril 1998 contre 425,7 milliards de
francs en 1997.
Cette progression résulte en grande partie des meilleurs recouvrements
de taxe sur la valeur ajoutée. Sur les quatre premiers mois de
l'année 1998, on constate en effet de fortes plus-values de TVA.
Concernant l'impôt sur les sociétés, les versements
importants effectués sous formes d'acomptes en décembre 1997 ont
provoqué une augmentation notable des remboursements sur l'exercice
1998, qui se sont traduits par des moins-values provisoires de janvier à
mars.
Au premier trimestre 1998, les recettes non fiscales s'inscrivent en nette
hausse par rapport à leur niveau de 1997 (46,2 milliards de francs
contre 35,8 milliards) mais cette augmentation tiendrait en partie de
versements plus précoces.
Quoiqu'il en soit, le solde budgétaire s'établit à -197
milliards de francs à la fin avril 1998, soit une amélioration de
11,8 milliards de francs par rapport à celui enregistré
l'année dernière à la même date (-208,8 milliards de
francs). Mais cette amélioration n'est due qu'au surcroît de
recettes par rapport à 1997 car les dépenses du budget
général s'établissent à un niveau plus
élevé qu'en 1997.
2. Un alourdissement significatif de la pression fiscale en 1997 et 1998
En 1997,
le solde du budget général s'est amélioré de 27,4
milliards de francs, pour s'établir à 269,2 milliards de francs
de déficit budgétaire.
Cette amélioration s'est faite au prix d'une forte croissance des
recettes (+ 40,7 milliards de francs) qui a plus que compensé la
croissance des dépenses (+13,3 milliards de francs).
Ainsi,
l'amélioration du solde budgétaire n'est pas due à une
contraction des dépenses mais à un alourdissement significatif
des recettes alimentant le budget général
, comme cela a
été montré par les effets de la loi portant mesures
d'urgence à caractère fiscal et financier.
La loi de finances pour 1997 prévoyait un déficit de 284,4
milliards de francs : le déficit a donc été moins
élevé de 15,2 milliards de francs. Cette amélioration est
bienvenue, mais elle a été réalisée grâce
à un alourdissement des impôts de près de 23 milliards de
francs.
L'évolution du solde budgétaire entre 1996 et 1997
(en milliards de francs)
Budget général |
1996 |
1997 |
1997/1996 |
Dépenses nettes |
1641,1 |
1654,4 |
13,3 |
Recettes nettes |
1344,5 |
1385,2 |
40,7 |
Solde du budget général |
-296,6 |
-269,2 |
27,4 |
Solde des comptes spéciaux du Trésor |
1,2 |
1,5 |
0,3 |
Solde général d'exécution |
-295,4 |
-267,7 |
27,7 |
L'alourdissement des prélèvements obligatoires s'est confirmée dans la loi de finances pour 1998.
Tableau des recettes fiscales et sociales nouvelles (LFI pour 1998) 29( * )
1997 |
Mesures d'urgences à caractère fiscal et financier (MUFF) |
+ 24 milliards de francs |
1998 |
1°) P.L.F.I.
|
+ 17
milliards de francs
|
|
Total IS |
+ 23,7 milliards de francs |
|
Impôt sur le revenu |
+ 17,37 milliards de francs |
|
TIPP |
+ 3,89 milliards de francs |
|
TVA nette |
- 1,76 milliard de francs |
|
Assurance-vie |
+ 0,2 milliard de francs |
|
Contribution logements sociaux |
+ 0,2 milliard de francs |
|
ISF (modification du barème) |
- 0,09 milliard de francs |
|
Taxe aux liaisons radio-électriques |
+ 0,02 milliard de francs |
|
TOTAUX 1998 A |
+ 43,53 milliards de francs |
|
Totaux des nouveaux prélèvements fiscaux (1997+1998) |
67,53 milliards de francs |
|
2°) PLFSS |
|
|
CSG nette |
+ 4,6 milliards de francs |
|
1 % CNAF et CNAV |
+ 4,5 milliards de francs |
|
Divers |
+ 0,8 milliard de francs |
|
AGED |
+ 0,9 milliard de francs |
|
Diverses taxes (tabac, médicaments) |
+ 1,9 milliard de francs |
|
TOTAL |
+ 12,7 milliards de francs |
|
Totaux des nouveaux prélèvements |
|
|
1998 |
+ 56,23 milliards de francs |
|
1997 + 1998 |
+ 80,23 milliards de francs |
Dans le
projet de loi de finances pour 1998, les recettes fiscales nettes devaient
s'accroître de 3,1 %, soit passer de 1403,7 milliards de francs
à 1446,7 milliards de francs (+43 milliards de francs).
L'exécution de 1997 a déjà montré que les recettes
se sont élevées à 1416,6 milliards de francs, soit
13 milliards de francs supplémentaires.
De plus, le premier trimestre 1998 place les recettes à un niveau
supérieur de 25 milliards de francs à l'exécution de
1997.
3. Dans un contexte de reprise économique, la diminution des prélèvements obligatoires est possible
La France connaît l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de l'Union européenne (46,1 % du PIB en 1997). Des actions volontaristes doivent donc être entreprises :
a) Reprendre la réforme de l'impôt sur le revenu
Le
gouvernement a choisi d'abandonner la réforme de l'impôt sur le
revenu engagée par la loi de finances pour 1997. Cet abandon lui a
permis de conserver un supplément de produit de 16,14 milliards de
francs.
En 1997, l'impôt sur le revenu a rapporté 293,5 milliards de
francs, soit un niveau légèrement supérieur à celui
attendu. Pour 1998, la prévision du gouvernement est une croissance
spontanée de l'impôt de l'ordre de 1,85 %, soit un peu
inférieure à l'évolution en volume du revenu des
ménages.
Il n'est pas encore possible de savoir si la bonne orientation des indicateurs
économiques permettra de dégager des recettes
supplémentaires. Mais il est certain que la combinaison des
relèvements d'impôt sur le revenu et du taux de la CSG pour 1998 a
conduit à aggraver les prélèvements directs sur les
revenus des ménages de plus de 11 milliards de francs.
b) Rétablir le régime normal de l'impôt sur les sociétés
La loi
portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF) a
considérablement accru les charges fiscales directes des entreprises.
Elle a porté le taux de l'impôt sur les sociétés
à 41,66 %, plaçant la France au troisième rang
européen derrière l'Italie et l'Allemagne.
Cet alourdissement a rompu avec la réforme engagée depuis 1985 et
qui avait conduit à diminuer l'impôt pesant sur les
bénéfices des sociétés de 50 % à
33,1/3 % en 1993.
Il crée un désavantage compétitif pour les entreprises
françaises alors que dans le même temps, la fiscalité des
bénéfices distribués et non distribués est
allégée en Allemagne et le taux marginal d'imposition est
diminué en Grande-Bretagne.
De même, la taxation au taux de droit commun des plus-values à
long terme va à contre-courant des législations fiscales de nos
principaux partenaires économiques.
c) Alléger l'imposition du patrimoine et favoriser l'épargne
L'imposition du patrimoine nuit à la
compétitivité de notre pays.
L'ensemble des mesures fiscales présentées dans le projet de loi
de finances et le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998 (élargissement de l'assiette des
prélèvements sociaux, augmentation de la CSG, imposition de
l'assurance-vie, plafonnement envisagé de l'avoir fiscal)
correspondaient à 23 milliards de francs supplémentaires
pesant sur les épargnants.
Cette politique de surtaxation de l'épargne méconnaît ses
caractéristiques, et notamment le risque de freiner l'investissement et
d'assister à des délocalisations de capitaux.
Enfin, le patrimoine lui-même, et notamment le patrimoine "productif",
subit une fiscalité déstabilisante : à titre d'exemple, la
fiscalité des transmissions d'entreprises est quatre fois plus
élevée en France qu'en Allemagne ou en Italie et
particulièrement pénalisante, en raison de la
progressivité du barème des droits de mutation.
d) Diminuer le coût du travail en allégeant les charges sur les bas salaires
Le poids
des prélèvements obligatoires sur l'économie
française ne se limite pas à la seule pression fiscale.
Ainsi, les prélèvements sociaux ont augmenté de
manière significative depuis 20 ans (21,6 % du PIB en 1997
contre 18,1 % en 1980) et pèsent particulièrement sur la
masse salariale.
Selon une enquête Eurostat
30(
*
)
sur les
coûts du travail dans l'industrie, le coût du travail est nettement
plus élevé en France qu'aux Etats-Unis et dans les autres pays
européens : pour une base 100 en France, le coût est de 61,5 en
Grande-Bretagne, 76,3 aux Etats-Unis et 76,8 en Italie. Grâce à la
diminution de leur pression fiscale et sociale, des pays dont le coût du
travail était plus élevé que celui de la France en 1980,
comme les Pays-Bas, sont désormais plus compétitifs.
De plus, les charges patronales sont particulièrement
élevées et non dégressives en France. L'effet
dégressif des cotisations patronales n'est pertinent que pour les
salaires très élevés, proches de 100.000 francs par mois.
La situation des salariés les moins qualifiés s'est
aggravée, puisque dans la loi de finances pour 1998, le gouvernement a
choisi de restreindre le dispositif d'allégement de charges pour les bas
salaires en limitant le mécanisme de la ristourne dégressive aux
salaires inférieurs à 1,3 smic et en plafonnant son montant
à 1.213 francs.
Il est parfois objecté que les diverses mesures d'allégement
prises ces dernières années n'ont pas eu d'effet sur l'emploi.
Mais il faut se placer sur moyenne période et d'un point de vue global :
les arbrisseaux d'allégements ponctuels ne doivent pas cacher la
forêt d'une tendance à l'alourdissement des
prélèvements sur le travail depuis un quart de siècle.
Il est donc urgent de revenir à une politique volontariste
d'allégement du coût du travail en diminuant les charges pesant
sur les bas salaires
.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE M. JEAN-PAUL BETBÈZE, DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES DU CRÉDIT LYONNAIS, DE M. MICHEL DIDIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE REXECODE, ET DE M. PHILIPPE SIGOGNE, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT ANALYSES ET PRÉVISIONS DE L'OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ÉCONOMIQUES (OFCE), SUR LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES POUR 1999
Réunie le mercredi 3 juin 1998 sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président, puis de
M. Roland du Luart, vice-président, la commission a
procédé à
l'audition
de
M. Jean-Paul
Betbèze
, directeur des études économiques et
financières du Crédit Lyonnais, de
M. Michel Didier
,
directeur général de Rexecode, et de
M. Philippe
Sigogne
, directeur du département analyses et prévisions de
l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sur
les
perspectives économiques et budgétaires
pour
1999
.
M. Jean-Paul Betbèze
a tout d'abord mis en évidence
les incertitudes de la conjoncture internationale du fait de la situation en
Asie, en Amérique latine et dans la partie orientale de l'Europe.
S'agissant de l'Asie, il a considéré qu'il s'agissait en fait
d'une crise de surinvestissement. Il a toutefois estimé que la sortie de
la crise se ferait difficilement, à un horizon indéterminable.
S'agissant de l'Amérique latine, il a évoqué la situation
du Brésil et de l'Argentine pour remarquer que ces pays étaient
jusqu'à présent parvenus à défendre leur monnaie
afin d'éviter des crises semblables à la crise asiatique.
S'agissant de la partie orientale de l'Europe, il a insisté sur la
gravité des difficultés rencontrées par la Russie. Il a
estimé que celle-ci était confrontée à une
véritable crise budgétaire et il a précisé que
cette crise se traduisait par un déficit budgétaire
considérable, 80 % des ressources publiques étant
consacrées au service de la dette. Il a remarqué que cette crise
budgétaire se doublait d'une crise monétaire, l'évolution
des taux d'intérêt à court terme, d'un niveau proche de
150 % aujourd'hui, en fournissant une illustration exemplaire. Il a
jugé que cette crise était accentuée par la baisse des
prix des matières premières, auxquels l'économie russe est
particulièrement sensible.
Il s'est interrogé sur les capacités du Fonds monétaire
international à intervenir efficacement en Russie. Il a alors
évoqué la situation des pays limitrophes, en estimant que les
tensions qu'ils subissaient étaient certes réelles, mais beaucoup
moins graves qu'en Russie, sauf sans doute en Slovaquie. Il s'est alors
demandé quelles pourraient être les répercussions de
l'approfondissement de la crise sur les établissements de crédit
européens.
Revenant sur ces déséquilibres régionaux,
M. Jean-Paul Betbèze
a indiqué qu'ils relevaient de
trois types d'explications : la survenance accidentelle d'une succession
de difficultés ponctuelles ; la mise en oeuvre d'un jeu
d'interdépendances où les responsabilités de la
remontée du dollar, de la crise financière en Asie et de la
baisse des prix des matières premières sont souvent
citées ; enfin, l'apparition d'une crise de surproduction mondiale.
Il a alors observé que, dans ces conditions, l'Europe apparaissait comme
la zone économique la plus solide au monde mais aussi comme une zone
particulièrement dynamique, où le passage à l'euro
était en train de produire un véritable changement de la donne
économique, avec la multiplication des restructurations et une course
aux économies d'échelle.
Ayant estimé que ce dynamisme attirait de nombreux capitaux, il a
jugé naturel le mouvement d'appréciation des bourses en cours en
Europe. Il a cependant observé que la croissance européenne se
développait davantage à la périphérie qu'au centre
de l'Europe, le passage à l'euro permettant aux pays de la
périphérie de bénéficier d'une diminution des taux
d'intérêt relativement plus importante.
Evoquant la situation des taux d'intérêt, il a
considéré que, le rythme d'inflation en Europe étant sous
contrôle et les coûts salariaux unitaires étant
maîtrisés, il était peu probable de les voir
s'accroître à court terme.
Il a alors indiqué que la France bénéficiait, depuis une
année, d'une reprise de la distribution de crédits. Il a
souligné l'importance de ce phénomène, rappelant que la
baisse des crédits observée après la crise de 1993 avait
considérablement pénalisé la croissance. Ayant jugé
que le désendettement n'apparaissait plus comme une obsession pour les
agents économiques, il a cependant précisé que le retour
à l'endettement concernait jusqu'alors surtout les petites et moyennes
entreprises, les grandes entreprises y recourant surtout pour financer des
opérations exceptionnelles de croissance externe.
Ayant mis en évidence l'importance de l'écart entre le taux de
profit des entreprises et les taux d'intérêt, de l'ordre de 10
à 15 points, il a jugé cette situation peu rationnelle,
estimant que les entreprises se privaient par là des
bénéfices de l'effet dit de levier.
M. Michel Didier
a, quant à lui, fait observer que les
"fondamentaux" de l'économie française étaient stables
depuis 1996, soulignant que le seul changement notable était la reprise
de la croissance économique et en particulier de l'activité
industrielle. Il a observé que celle-ci se produisait, fait inhabituel,
dans un contexte de grande stabilité des prix. Il a remarqué que
cette reprise n'était toutefois pas subite puisque la consommation avait
rebondi dès 1996 mais il a souligné que l'indicateur de confiance
des ménages ne s'était pourtant amélioré
significativement que depuis un an. Il en a conclu que la conjoncture actuelle
était le produit d'une lente amélioration du climat
économique.
Dans cet environnement favorable, il s'est inquiété de la
sensible remontée du taux d'utilisation des capacités de
production, rappelant que la reprise de 1989 avait précisément
buté sur l'insuffisance des capacités de production
installées. Il a alors souligné une similitude avec la situation
rencontrée à la fin des années 80 : la survenance de
goulots d'étranglement sectoriels.
Evoquant la situation extérieure, il a fait part des incertitudes
concernant l'économie des Etats-Unis. Il a rappelé que la
croissance y était certes vive, les importations américaines
s'accroissant sur un rythme, d'ailleurs peu supportable, de 12 % l'an, et
que l'inflation y apparaissait jusqu'à présent sous
contrôle. Mais, il a souligné que ce dernier
phénomène était dû pour beaucoup à la baisse
des prix des importations, elle-même résultat de
l'appréciation du dollar.
Ayant indiqué que la situation des profits des entreprises
américaines apparaissait moins favorable depuis un semestre, il s'est
inquiété des conséquences que pourrait avoir ce dernier
phénomène, combiné avec une augmentation éventuelle
des taux d'intérêt, sur la Bourse américaine.
M. Michel Didier
a alors estimé que l'on ne devait pas
oublier l'ensemble des aléas internationaux, si bien que, pour 1999, une
gamme assez large de scénarios économiques était
susceptible de se réaliser.
Ayant estimé qu'en France l'investissement industriel semblait de
nouveau dynamique et que la demande intérieure paraissait bien
orientée, il s'est interrogé sur notre capacité à
nous inscrire dans un cycle de croissance durable tel que celui qu'avait connu,
pendant sept ans, les Etats-Unis. Il a, à ce propos, rappelé les
retards pris, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies, et il
a déploré la persistance de facteurs de rigidité
économique peu propices à une croissance soutenue dans la
durée.
M. Philippe Sigogne
a alors admis que la question centrale qui se
posait à l'économie française, comme aux autres
économies européennes, était celle de sa capacité
à poursuivre sur un rythme de croissance durablement dynamique.
Ayant jugé que, sous cet angle, la situation de l'Europe était
plutôt favorable et que les économies européennes avaient
entamé une phase de rattrapage de l'économie américaine,
où le PIB par tête est supérieur de 25 % par rapport
au même indicateur pour l'Europe, il a considéré que la
croissance européenne ne se heurtait à aucun butoir naturel. Il a
estimé qu'en conséquence une croissance de 3 % l'an pouvait
y être durablement atteinte. Il a alors souligné les contraintes
résultant de l'adoption du pacte de stabilité et de croissance
dans le cadre de la troisième phase de réalisation de l'Union
économique et monétaire pour préciser que celles-ci
étaient susceptibles de coûter un tiers de point de croissance par
an, si bien que la croissance effective en Europe serait non pas de 3 %,
mais plus probablement autour de 2,6 ou 2,7 %.
Il en a conclu qu'il n'y aurait donc pas, dans ces conditions, de baisse
décisive du chômage en Europe. Il a toutefois ajouté que
ces perspectives de croissance étaient compatibles avec une
réduction du déficit public qui, en 1998, serait, selon l'OFCE,
de 2,6 % et, en 1999, de 2,2 %.
Evoquant les déficits sociaux, il a rappelé que ceux-ci
n'étaient pas maîtrisables au même degré que les
déficits du budget de l'Etat. A ce sujet, il a souligné que, si
les résultats obtenus en 1997 pour la branche maladie avaient
été "grosso modo" conformes aux objectifs, la tendance
récemment observée paraissait moins favorable. Il a alors
observé que tout se passait comme si l'adoption de plans de
maîtrise des dépenses sociales permettait, avec quelque retard,
d'engranger des économies simplement transitoires, la tendance naturelle
d'augmentation de ces dépenses reprenant dès leurs effets
épuisés. A ce propos, il a considéré que
l'élasticité des dépenses de santé par rapport au
revenu des ménages était probablement constante sur moyenne
période.
Evoquant la situation des retraites, il a indiqué que celle-ci
était susceptible de déboucher sur des hausses de
prélèvements obligatoires, mais qu'en la matière l'horizon
de prévision étant très éloigné, nul
diagnostic incontestable ne pouvait être porté.
Ayant rappelé que la croissance des dépenses sociales serait,
selon toute vraisemblance, supérieure à 2 % en volume et que
les intentions du Gouvernement, difficiles à mettre en oeuvre,
étaient d'accepter une croissance de 1 % des dépenses de
l'Etat, il a estimé que l'augmentation de l'ensemble des dépenses
publiques pourrait finalement être elle-même assez proche de
2 %, soit un rythme très voisin des 2,5 % de croissance du
produit intérieur brut attendu à moyen terme. Il en a conclu que
la maîtrise des dépenses publiques continait de s'imposer comme
l'un des éléments essentiels de la bonne gestion des finances
publiques.
Revenant sur le thème de la croissance,
M. Alain Lambert,
rapporteur général,
a demandé quelle était la
part de la volonté politique dans le processus de la croissance
économique et quels en étaient les moteurs. Concernant le solde
budgétaire, il a souhaité recueillir l'opinion des intervenants
sur la valeur de l'objectif qui devrait être poursuivi. Abordant ensuite
la situation de l'emploi, il s'est interrogé sur l'impact des mesures
gouvernementales telles que les emplois-jeunes ou les 35 heures et a
demandé si une érosion du chômage structurel était
prévisible. Enfin, au sujet des finances sociales, il s'est
interrogé sur l'affectation de l'excédent prévu pour les
régimes sociaux.
En réponse à M. Alain Lambert, rapporteur
général,
M. Michel Didier
a affirmé que si la
croissance ne pouvait être créée par le politique, celui-ci
pouvait toutefois la faciliter ou la conforter. Il a indiqué que
l'objectif à poursuivre devait être la reprise durable de
l'investissement sur notre territoire et à ce titre, il lui a
semblé que la loi sur les 35 heures constituait un signal peu
susceptible d'attirer les investisseurs. Au sujet des marges de manoeuvre
budgétaires et économiques dégagées par une
croissance soutenue en 1998 et 1999, il a rappelé qu'il ne fallait pas
oublier les facteurs supplémentaires de production qui devront
être rémunérés avec ce surplus de richesse. Par
ailleurs, une partie de ce surplus devrait également permettre
d'améliorer l'équilibre budgétaire avant de songer
à le distribuer en pouvoir d'achat supplémentaire. Sur la
question du solde budgétaire, il a également souligné que
les années 1990-1997 avaient été marquées non par
une insuffisance de recettes mais par une croissance très soutenue des
dépenses des administrations publiques : c'est donc par la
réduction de ces dépenses que devrait s'opérer une
réduction du déficit public.
A ce propos,
M. Philippe Sigogne
a rappelé que la politique
monétaire menée entre 1990 et 1997 était la responsable au
premier chef de l'évolution des dépenses publiques et par suite,
de l'augmentation du taux de prélèvements obligatoires. Il a
ensuite évalué le solde budgétaire optimal à - 1,5
% du Produit intérieur brut (PIB) sur moyenne période.
M. Jean-Paul Betbèze
a rappelé l'importance d'une
baisse des taux d'intérêt, qui pourrait encore aujourd'hui se
poursuivre, pour conforter la reprise économique actuelle, à
condition que des mesures soient prises dans le domaine de l'épargne
administrée.
Revenant sur la situation économique des Etats-Unis,
M. Bernard
Angels
s'est interrogé sur les conséquences de l'apparition
de risques inflationnistes qui nécessiteraient une remontée des
taux d'intérêt, susceptible de se propager en Europe par effet de
contagion. Il a également évoqué la réduction de
l'endettement public américain qui masquerait un accroissement de
l'endettement privé.
M. Jacques Chaumont
est revenu sur la question de la pénurie
de main d'oeuvre et sur les moyens d'y faire face, évoquant la formation
et le recours à l'immigration. Il s'est également
interrogé sur l'évolution de la situation financière en
Russie et dans les pays d'Asie, et sur ses conséquences pour les bourses
occidentales qui semblent proches d'une situation d'éclatement de bulle
financière.
Puis,
M. Roland du Luart
s'est inquiété de
l'évolution économique de l'Argentine et du Brésil.
Concernant la situation japonaise, il a relevé que la baisse du yen
japonais était préoccupante car susceptible d'entraîner une
liquidation des créances japonaises aux Etats-Unis, et par suite, une
baisse du dollar.
M. Auguste Cazalet
a tenu à souligner sa grande
préoccupation concernant la situation actuelle de la Russie.
Ensuite,
M. Emmanuel Hamel
s'est dit très
préoccupé du découplage croissant entre l'évolution
de la bourse française et un malaise social grandissant.
M. Christian Poncelet, président
, s'est interrogé sur
la situation de la Chine. Par ailleurs, il a évoqué les
possibilités d'alourdissement de la fiscalité qui lui semblent
autant de "mauvais signaux" adressés aux investisseurs français
et étrangers et qui sont de nature à réduire
l'attractivité fiscale de la France. Il a par ailleurs souligné
l'importance qu'il fallait accorder aux dépenses d'investissement par
rapport aux dépenses de fonctionnement qui semblent aujourd'hui
privilégiées.
En réponse aux différentes questions de conjoncture
internationale qui lui étaient adressées,
M. Jean-Paul
Betbèze
a tout d'abord évoqué la situation des
Etats-Unis où une remontée de l'inflation est à
prévoir. Il a ensuite rappelé que la crise asiatique était
une crise complexe qui n'avait pas les mêmes caractéristiques dans
le monde chinois, dans le monde japonais, et dans le reste de l'Asie. Il a
enfin évoqué la situation spécifique du Brésil et
de l'Argentine et est revenu sur la très grave crise fiscale que
connaît la Russie en insistant sur le fait que cette dernière
était une crise politique, de nature différente de la crise
asiatique qui est industrielle.
M. Michel Didier
, en réponse à M. Emmanuel Hamel, a
indiqué que le moyen de désamorcer une crise sociale latente ne
se trouvait pas du côté de la bourse dont l'évolution
était globalement favorable à l'investissement et à
l'emploi, mais du côté de la réduction des
prélèvements obligatoires.
Concernant l'excédent budgétaire des Etats-Unis,
M. Philippe Sigogne
a indiqué que la réduction de
l'endettement public aux Etats-Unis ne devait pas masquer une augmentation
globale de l'endettement américain due au secteur privé. Au sujet
de l'emploi, il a souligné le succès prévisible des
emplois-jeunes, évoquant quelques 600.000 créations
d'emplois sur 1998-1999, mais il a admis que l'impact sur le chômage
serait très réduit. Pour les 35 heures, aucune prévision
n'a encore pu être effectuée car toutes les données
n'étaient pas encore connues. Il a enfin indiqué que le taux de
chômage structurel s'établissait en France à 9 % de la
population active et qu'une baisse de ce taux n'était pas à
écarter.
II. AUDITION DE M. DOMINIQUE STRAUSS-KAHN, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, ET DE M. CHRISTIAN SAUTTER, SECRÉTAIRE D'ETAT CHARGÉ DU BUDGET, SUR LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 1999
Réunie le mardi 16 juin, sous la
présidence
de M. Christian Poncelet, président, la commission a
procédé à
l'audition
de
MM. Dominique
Strauss-Kahn
, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, et de
M. Christian Sautter
, secrétaire d'Etat
chargé du budget, sur les
orientations budgétaires
pour
1999
.
Le ministre de l'économie et des finances a tout d'abord
évoqué l'évolution des recettes. Il a indiqué que
la prévision de croissance de 3 % du produit intérieur brut (PIB)
sur laquelle avait été construit le budget pour 1998, bien
qu'ayant suscité un certain scepticisme lors de son annonce, se
confirmait aujourd'hui.
Il a ajouté que les services du ministère de l'économie et
des finances ne constataient pas d'excédent de recettes par rapport aux
prévisions de la loi de finances, même si les recettes de taxe sur
la valeur ajoutée (TVA) suivaient une pente favorable. Il a
proposé d'attendre encore quelques mois pour savoir si ce surcroît
de recettes de TVA était dû à un décalage en cours
d'année, ou à une croissance plus forte que prévue. Il a
fait valoir que certaines dépenses de nature exceptionnelle, telles des
dépenses liées à des opérations militaires,
pouvaient apparaître en cours d'année.
M. Dominique Strauss-Kahn
a alors déclaré que le budget
pour 1999 reposerait sur une prévision de croissance égale
à 2,8 % du PIB, soit une évaluation prudente par rapport à
la croissance annoncée pour 1998. Il a expliqué que les suites de
la crise asiatique, et notamment son élargissement au Japon,
étaient très inquiétantes et empêchaient de
prévoir dans quelle mesure la croissance de l'économie mondiale
pourrait soutenir la croissance française en 1999, ce qui justifiait une
prévision de croissance modérée.
Le ministre de l'économie et des finances a indiqué que les
recettes de privatisation ne pouvaient pas encore être connues, mais que
l'opération réalisée sur le Crédit industriel et
commercial (CIC) avait apporté des recettes plus élevées
que prévues.
Concernant les engagements de la France vis-à-vis de la Commission
européenne, il a rappelé que le Gouvernement s'était
engagé à privatiser le Crédit lyonnais avant la fin de
1999, mais qu'il était encore trop tôt pour savoir quel montant de
recettes cette privatisation pourrait rapporter à l'Etat.
S'agissant de l'hypothèse d'un futur prélèvement sur la
trésorerie des caisses d'épargne,
M. Dominique
Strauss-Kahn
a fait savoir qu'il s'agirait en fait d'un remboursement de la
somme de 3 milliards de francs prêtée par l'Etat en 1983.
Même s'il n'est pas possible de connaître le montant exact de ce
remboursement, en raison des différences d'appréciation dans
l'actualisation des sommes dues, il a émis le souhait que la loi portant
réforme des caisses d'épargne, qui sera vraisemblablement
présentée au Parlement à l'automne, puisse régler
cette question.
Puis, le ministre de l'économie et des finances a évoqué
la question des dépenses budgétaires. Il a d'emblée
indiqué qu'elles étaient marquées par une forte
rigidité, qui rendait difficile la mise en oeuvre d'une politique
ambitieuse. Il a rappelé que les textes déjà votés
concernant la création des emplois-jeunes, la réduction du temps
de travail, et bientôt la lutte contre les exclusions, pèseraient
sur les orientations budgétaires pour 1999. Cependant, il a
indiqué que la croissance attendue permettrait de financer la
progression des dépenses budgétaires, que le Gouvernement
souhaite fixer à 1 % en volume.
Puis,
M. Dominique Strauss-Kahn
a évoqué la question de
l'équilibre budgétaire. Il a déclaré que le
Gouvernement ramènerait à 2,3 % du PIB le montant du
déficit des administrations publiques pour 1999. Il a ajouté
qu'il s'agissait d'un effort important par rapport à celui
réalisé en 1998, le plus important de l'Union européenne,
mais qu'il se justifiait par le retard de la France par rapport à ses
principaux partenaires européens.
Il a ensuite déclaré que l'objectif du Gouvernement était
de ramener le déficit public en-dessous de 2 % du PIB en l'an 2000, ce
qui permettrait de dégager un excédent primaire, et, pour la
première fois, de faire décroître la part de la dette
publique dans le produit intérieur brut.
Le ministre de l'économie et des finances a indiqué que le
programme de stabilité élaboré par le Gouvernement ne
serait transmis à la Commission européenne qu'à la fin de
l'année 1998 mais qu'il serait alors communiqué au Sénat.
Il a ajouté que la production de ce document sera l'occasion d'un
débat sur la monnaie unique au début de 1999, préfigurant
un débat annuel au Parlement sur ce thème.
En réponse à
M. Jean Cluzel
, le ministre de
l'économie et des finances a indiqué que le principe de
précaution en matière de finances publiques sera respecté
par le Gouvernement en 1999 comme il l'avait été lors de
l'élaboration de la loi de finances pour 1998. En effet, le taux de
croissance de 3 % pour 1998 résultait d'une estimation de croissance de
la demande intérieure de 3,5 % du PIB minorée des effets du choc
asiatique évalués à 0,5 % du PIB.
Concernant la perspective d'une programmation pluriannuelle des dépenses
de l'Etat, il a reconnu que les principaux partenaires de la France disposaient
déjà de tels dispositifs, et indiqué que la France serait
en mesure à la fin de l'année 1998 d'avoir des projections
pluriannuelles qui permettent la comparaison avec les autres pays.
M. Dominique Strauss-Kahn
a déclaré que les
économies réalisées sur la gestion de la dette ne
pouvaient être évaluées à ce jour, en raison du
caractère très fluctuant du niveau de la dette en cours
d'année.
Il a déclaré que l'avenir des retraites était un sujet
difficile, dont le Gouvernement avait saisi le commissariat
général au plan. Il a distingué deux problèmes
différents en matière de retraite. Le premier problème
tient à l'équilibre des régimes par répartition :
cet équilibre devrait être fragilisé à partir de
2005, en raison de l'évolution démographique de la France. Si
dans les années 1950 et 1960, le déséquilibre
démographique avait pu être compensé par une croissance
favorable, la conjonction d'une situation démographique difficile et
d'un faible taux de croissance pourrait créer une situation critique. Le
deuxième problème tient à l'organisation de
l'épargne des ménages souhaitant compléter le financement
de leur retraite. Il a indiqué que ces ménages ne disposaient pas
actuellement d'outils suffisants pour placer leur épargne et a fait
savoir que des solutions seraient proposées en loi de finances,
notamment une réforme des fonds de pensions.
Evoquant les lacunes des organismes internationaux dans l'appréciation
de la crise asiatique,
M. Yvon Collin
s'est interrogé sur
l'efficacité du système de surveillance des banques, et s'est
inquiété du coût des sinistres bancaires de ces
dernières années.
M. Dominique Strauss-Kahn
a
répondu que les banques françaises avaient fait des provisions
pour faire face aux éventuels conséquences de la crise asiatique
et que le futur projet de loi portant réforme des caisses
d'épargne devrait permettre d'organiser un système d'assurance
pour pallier les conséquences des éventuelles défaillances
de certains établissements bancaires. Au sujet de la future politique
monétaire de la banque centrale européenne, il a indiqué
que l'objectif devrait être une stabilité des prix, soit une
inflation comprise entre 1 et 2 %, permettant de contenir d'éventuelles
tensions inflationnistes, qui pourraient bientôt apparaître dans
certains pays comme l'Espagne ou les Pays-Bas.
En réponse à
M. François Trucy
, il a indiqué
que le problème des retraites avait été résolu
à La Poste, mais pas dans les autres secteurs. Lorsque les conclusions
du rapport du Commissariat général au plan seraient connues, il a
déclaré que des décisions seraient prises. Il a par
ailleurs expliqué que le produit des cessions de parts du secteur public
ne pouvait être évalué à ce jour. Il a
affirmé que la Commission européenne n'avait pas fait valoir
d'exigences pour la privatisation d'Air France, qui n'était d'ailleurs
pas à l'ordre du jour, et que l'ouverture du capital qui avait
été décidée récemment visait simplement
à nouer des alliances entre la compagnie et d'autres partenaires.
En réponse à
M. Jacques Chaumont
,
M. Dominique
Strauss-Kahn
a indiqué que l'idée de capital-risque à
la française correspondait à la volonté de relayer par
l'apport de fonds publics, un effort privé insuffisant en matière
d'innovation. Au-delà des efforts réalisés en
matière de recherche-développement, il a fait savoir que la
France avait convaincu ses partenaires pour que la banque européenne
d'investissement consacre une partie de ses ressources au capital-risque pour
un montant de 6 milliards de francs. Il a ajouté qu'il ne fallait pas
avoir d'inquiétudes particulières sur le budget du
ministère des affaires étrangères pour 1999.
En réponse à
M. Guy Cabanel
, le ministre de
l'économie et des finances a précisé que le déficit
des comptes publics au sens de Maastricht serait fixé à 2,3 % du
PIB en 1999, alors que le déficit du budget de l'Etat devrait être
de 2,7 % du PIB. Concernant l'hypothèse de prélever les sommes
correspondant à un point de TVA pour les affecter au financement des
retraites, il a précisé que le coût d'une diminution d'un
point de la TVA serait de 30 milliards de francs, et n'aurait pas
l'efficacité d'une baisse ciblée sur certains produits. M.
Christian Sautter, secrétaire d'état chargé du budget, a
ajouté que cette somme de 30 milliards de francs finançait
déjà d'autres dépenses et qu'il n'était donc pas
possible de la consacrer au financement des retraites.
En réponse à
Mme Bergé-Lavigne, M. Dominique
Strauss-Kahn
a indiqué que la constitution d'un pôle
aéronautique autour d'Aérospatiale était en train
d'être réalisée, avec la transformation d'Airbus en
société anonyme, pour permettre des échanges de
participation avec les partenaires britannique et allemand.
Concernant l'hypothèse d'une diminution du taux de la TVA,
M. Christian Sautter
, secrétaire d'état chargé
du budget, a rappelé qu'un effort spécifique avait
été réalisé en direction de l'artisanat du
bâtiment dans la loi de finances pour 1998, notamment en ce qui concerne
le logement social, et a indiqué que, dans le cadre du programme
national pour l'emploi, la France avait soumis à la Commission
européenne une proposition de baisse du taux de TVA sur les services
rendus au domicile des particuliers.
Au sujet d'une éventuelle réforme de la fiscalité locale,
il a précisé que la réflexion du Gouvernement s'organisait
autour de deux orientations : la création d'une taxe professionnelle
d'agglomération, de caractère incitatif, afin d'éviter la
concurrence entre communes voisines, et la prise en compte du fait que les
entreprises créant des emplois voyaient leur taxe professionnelle
s'alourdir.
En réponse à
Mme Marie-Claude Beaudeau
, le ministre de
l'économie et des finances a indiqué que le rapport du Conseil
des impôts sur l'imposition du patrimoine avait une logique d'ensemble
qu'il convenait de retenir dans son entier ou de refuser. Or, celui-ci propose,
parallèlement à un élargissement de l'assiette de
l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) aux biens
professionnels, une réduction des taux de façon à laisser
le rendement de l'ISF inchangé. Par ailleurs, il propose une diminution
des droits de succession afin de réduire l'imposition globale du
patrimoine. M. Dominique Strauss-Kahn a conclu que ces propositions devaient
être débattues dans le cadre de la concertation que va engager le
Gouvernement et qu'il fallait également s'efforcer de limiter les
phénomènes d'évasion qui caractérisent l'ISF.
En réponse à
M. Joël Bourdin
qui l'avait
interrogé sur l'efficience de la dépense publique,
M.
Christian Sautter
a précisé que le supplément de
recettes fiscales qui est évalué pour 1999 entre 50 et 60
milliards de francs serait affecté à hauteur de 20 milliards de
francs à la réduction du déficit, le reliquat, soit entre
30 et 40 milliards de francs, étant consacré aux dépenses
publiques. Il a par ailleurs indiqué que le financement des 6 secteurs
déclarés prioritaires par le Gouvernement se ferait grâce
à un effort de redéploiement et de réorientation de la
dépense publique qu'il chiffrait à 20 milliards de francs. Il a
tenu à souligner que ce mouvement était d'un montant comparable
à celui déjà opéré en 1998 sur les budgets
civils.
S'agissant de l'emploi public, le secrétaire d'état chargé
du budget, a fait part à M. Jean-Philippe Lachenaud et à M.
Gérard Miquel de la volonté du Gouvernement de stabiliser le
nombre des emplois civils. De ce fait, il a confirmé que toute
création de poste au sein de la fonction publique d'Etat serait
compensée par un ajustement des effectifs, soit au sein du même
ministère, soit entre les différents départements
ministériels. Il a néanmoins tenu à rappeler que la
professionnalisation des armées entraînerait la création
d'un peu plus de 5.000 emplois militaires en 1999.
Il a précisé à M. Joël Bourdin que, compte tenu d'une
progression des prix fixée à 1,2 % en 1999, l'augmentation de 1 %
en volume des dépenses de l'Etat se traduirait par une hausse de
celles-ci de 2,2 % en valeur. Cette hausse moyenne serait cependant
modulée entre les différents ministères en fonction des
priorités budgétaires définies par le Gouvernement.
S'agissant des aides à l'emploi, il a par ailleurs tenu à
indiquer à M. Jean-Philippe Lachenaud que le financement en 1999 des
dépenses nouvelles liées aux emplois-jeunes et à la mise
en place des 35 heures se ferait en particulier grâce à un
redéploiement au sein des dépenses déjà
consacrées à l'emploi.
Suite à l'intervention de
M. Christian Poncelet,
président
, lui ayant fait remarquer que le coût des
emplois-jeunes avait été fixé par le Gouvernement à
35 milliards de francs pour 1999,
M. Christian Sautter
,
secrétaire d'état chargé du budget, a
précisé que le financement de la montée en puissance des
emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail à
35 heures s'effectuerait dans le cadre d'un budget de l'emploi
"maîtrisé" et ne porterait pas atteinte aux mesures
générales d'exonérations de cotisations sociales.
S'agissant de la réforme de la fiscalité, de son contenu ainsi
que de son calendrier, qui avait été évoquée par
M. Jean-Philippe Lachenaud
,
M. Christian Sautter
a
informé les membres de la commission des finances que les
réflexions actuellement menées en ce domaine par le Gouvernement
se poursuivaient et que, d'ici la fin du mois de juillet, seraient
arrêtées les premières décisions en matière
fiscale. Il a par ailleurs confirmé que le Gouvernement avait, en cette
matière, deux priorités : l'emploi et la justice sociale.
En réponse à
MM. Jacques Oudin
et
Henri Collard
, le
secrétaire d'état chargé du budget, tout en constatant
l'augmentation rapide des dépenses d'assurance maladie, a fait part de
la volonté du Gouvernement de maintenir celles-ci dans l'enveloppe
fixée par l'objectif national des dépenses d'assurance maladie
(ONDAM). Il a par ailleurs indiqué que le régime
général devrait être équilibré en 1999,
après avoir connu en 1998 un déficit de 12 milliards de francs.
Cet équilibre devrait être obtenu sans accroître le taux des
cotisations sociales, en raison d'un effort de maîtrise des
dépenses et des effets bénéfiques sur les cotisations
sociales de la croissance économique.
Il a également confirmé à
M. Jacques Oudin
, qui
l'interrogeait sur la politique de l'Etat dans le secteur public, ainsi que sur
les difficultés rencontrées au Pérou par le Bureau de
recherche géologique et minière (BRGM), que la logique du
Gouvernement en matière d'entreprises publiques était tout
à la fois économique et sociale. Celles-ci ne devaient pas
quitter le secteur public mais elles pourraient néanmoins conclure des
alliances au plan international et il était par ailleurs indispensable
d'associer le personnel à tout mouvement en ce sens.
En réponse à
M. Gérard Miquel
, il a rappelé
que la stabilisation du nombre des fonctionnaires civils n'empêchait pas
des compensations entre ministères et notamment au profit du
ministère de la justice. Il lui a par ailleurs précisé,
s'agissant de la réforme des bases de la fiscalité locale, que
les discussions actuellement menées tant avec les commissions
parlementaires qu'avec le comité des finances locales devraient lui
permettre, à l'occasion de la discussion du prochain projet de la loi de
finances, de faire un certain nombre de propositions en ce domaine. Il est
cependant convenu de la difficulté de procéder à une telle
réforme, compte tenu du vieillissement des bases locales d'imposition.
Après avoir évoqué l'accroissement important de l'encours
de la dette publique depuis 1992, il a déclaré partager la
volonté de M. Christian Poncelet, président, d'améliorer
la gestion du patrimoine de l'Etat et notamment de son patrimoine immobilier.
Après que
M. Christian Poncelet, président
, a
rappelé que le pacte de stabilité des finances locales provenait
à l'origine d'une initiative de la Commission des finances du
Sénat, et qu'il était nécessaire que son évolution
soit déterminée non seulement en fonction du niveau de
l'inflation mais également du taux de croissance,
M. Christian
Sautter
a déclaré souhaiter en accroître le
caractère contractuel et pour cela développer les discussions en
ce sens avec les partenaires intéressés. Il lui a
également précisé vouloir renforcer la
péréquation entre collectivités locales et a
souligné que celles-ci devraient bénéficier en 1999, sous
la forme d'un accroissement de recettes fiscales, du redémarrage de
l'économie.
M. Christian Sautter
, secrétaire d'état chargé du
budget, a également pris acte de la volonté de M. Christian
Poncelet, président, de mieux intégrer la croissance comme
élément de référence dans ce pacte et lui a fait
part de son souhait de trouver en ce domaine une "bonne solution".
III. EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION DE M. ALAIN LAMBERT, RAPPORTEUR GÉNÉRAL, EN VUE DU DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 1999
Réunie le mercredi 17 juin 1998 sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président, la
commission a procédé à l'examen du
rapport
d'information
de
M. Alain Lambert, rapporteur
général
, en vue du
débat d'orientation
budgétaire
pour
1999
.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a tout d'abord
noté que le Gouvernement avait opportunément poursuivi la
démarche engagée par son prédécesseur en
mai 1996 pour préparer le budget de 1997, rappelant que le
président Poncelet avait, à plusieurs reprises, appelé de
ses voeux la tenue d'un tel débat. Il a estimé utile qu'un
dialogue se noue entre le Gouvernement, qui conserve l'initiative
constitutionnelle d'établir le projet de loi de finances et le projet de
loi de financement de la sécurité sociale, et le Parlement, ce
dernier devant débattre des orientations budgétaires avant
l'envoi par le premier ministre des lettres-plafonds et avant les arbitrages
fiscaux intervenant traditionnellement pendant l'été.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a rappelé
que, lors du précédent débat d'orientation, la
méthode budgétaire avait été au coeur du dialogue
engagé avec un Gouvernement dont la majorité sénatoriale
soutenait les options ; en revanche, cette année, la politique
budgétaire elle-même serait au centre du débat du fait du
changement de majorité et de Gouvernement, de la nette
amélioration de la conjoncture économique, et de la qualification
de la France pour l'euro. En revanche, la commission des finances du
Sénat, et surtout la constance de son discours, n'ont pas changé.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a ensuite
souligné, sur un mode ironique, les éminents mérites du
Gouvernement actuel. Il a noté que depuis l'avènement de la
gauche plurielle, la situation économique s'était
améliorée : la croissance a atteint 2,5 % en 1997,
après 1,2 % en 1996, tandis que les prévisions officielles
retiennent un niveau de 3 % pour 1998 ; l'emploi dans les secteurs marchands a
progressé de 0,7 % sur un an en mars, soit
237.000 créations nettes d'emplois, ce qui permet au chômage
de commencer à refluer. Entre octobre et avril 1998, on compte
150.000 chômeurs de moins, ce qui ramène le taux de
chômage de 12,5 % de la population active en juillet 1997 à
11,9 % en avril 1998.
Il a estimé que ces mérites étaient d'autant plus grands
que les gouvernements avaient obtenu des résultats similaires dans
quasiment toute l'Union européenne, où le taux de chômage
avait atteint un pic à 10,7 % de la population active au
troisième trimestre 1997, pour descendre à 10,3 % en
février dernier.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a toutefois
jugé que le Gouvernement n'avait en fait aucune responsabilité
dans l'amélioration de la situation économique de notre pays dont
le destin était lié à celui du reste de l'Union
économique européenne, ajoutant qu'une situation mauvaise
était attribuée à l'héritage du Gouvernement
précédent, tandis qu'une amélioration de la conjoncture
était portée au bénéfice du Gouvernement en place.
Il a en effet expliqué qu'il était fallacieux de faire croire aux
Français que la politique économique nationale pouvait
infléchir sensiblement la conjoncture, cette assertion entraînant
de profondes désillusions.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a ainsi
relevé que le Gouvernement ne témoignait pas d'une prudence
exemplaire. En effet, il continue, malgré ses dénégations,
de négliger les effets de la crise financière asiatique, pourtant
d'une particulière gravité comme l'illustre la récession
japonaise : les conséquences de cette crise devraient donc
être prises en considération dans les prévisions de
croissance et de plus-values fiscales pour 1999. Au lieu de cela, le
Gouvernement distribue les fruits d'une croissance qui n'est pas encore
parfaitement établie, prenant ainsi le risque de se trouver devant une
impasse financière comme ce fut le cas en 1992 et 1993.
Souhaitant que l'avènement de l'euro ouvre en Europe et donc en France
une longue période de prospérité,
il a
estimé que les incertitudes conjoncturelles -qui demeurent- exigeaient
une gestion précautionneuse des finances publiques, qui restaient sous
forte contrainte malgré la qualification pour la monnaie unique. Il a
énuméré ces contraintes sous la forme de trois
propositions :
- un impératif : réduire les déficits publics ;
- une nécessité : réduire les dépenses
publiques ;
- un objectif : réduire les prélèvements
obligatoires.
Il a en effet noté que la réduction de la place de l'Etat dans
l'économie était aujourd'hui devenue nécessaire en France
du fait de son hypertrophie : plus de 58 % de dette publique dans le
produit intérieur brut, des dépenses à 55 % et des
prélèvements obligatoires à plus de 46 % du PIB. Il a
ajouté que le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée
nationale n'étaient pas très éloignés de cette
analyse, mais que, pourtant, les propositions du Gouvernement
s'éloignaient des recommandations du Sénat.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a expliqué
que l'impératif de réduction des déficits publics
était imposé, non pas tant par les engagements européens
de la France, que par sa situation interne. En effet, la qualification pour
l'euro ne rend pas à notre pays toute latitude dans ses choix
budgétaires. Le Gouvernement, en ayant librement adhéré au
pacte de stabilité et de croissance à Amsterdam en juin 1997,
s'est rendu à la nécessité d'aboutir, d'ici quelques
années, à un équilibre, voire un excédent, du
budget.
Il a du reste relevé que le niveau atteint par la dette publique
"dévorait" chaque année en intérêts 20 % des
recettes fiscales et que le reflux de cette dette en proportion du PIB exigeait
de dégager un excédent primaire des administrations publiques,
c'est-à-dire un excédent hors charges de la dette.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a cependant
constaté que le Gouvernement n'ambitionnait pas de faire reculer la
dette publique dès 1999, son objectif de déficit des
administrations publiques de 2,3 % de PIB étant insuffisant pour
stabiliser la dette, d'autant moins que cet objectif reposait sur les
excédents dégagés par les administrations publiques autres
que l'Etat, en particulier les collectivités locales et la
sécurité sociale. En outre, le Gouvernement ne fixe à
l'Etat qu'un objectif de 2,7 % de déficit : il n'entreprend
donc pas une politique volontariste de réduction de déficit.
D'ailleurs, la France affiche l'objectif le plus mauvais parmi les onze pays de
la zone euro. Il est vrai, a-t-il ajouté, qu'un tel objectif
résulte des décisions gouvernementales prises en matière
sociale depuis l'année dernière : l'accord salarial dans la
fonction publique, les emplois-jeunes, les 35 heures, ou encore la loi sur
les exclusions.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a noté que
la réduction des déficits résultait d'une augmentation des
recettes, le Gouvernement escomptant bénéficier, pour boucler le
budget 1999, d'un surcroît de recettes de 50 à
60 milliards de francs. Cependant, si cette tendance était
poursuivie, les prélèvements atteindraient selon l'Observatoire
français des conjonctures économiques (OFCE) 47 % du PIB en
2005. Il a ainsi recommandé à la commission de continuer à
préconiser une réduction des dépenses publiques, seule
option possible pour faire refluer la dette publique de façon
significative.
M. Alain Lambert, rapporteur génral,
s'est déclaré
partisan d'une méthode reposant sur le gel des dépenses, le
Gouvernement précédent l'ayant appliquée dans le budget
pour 1997, ce qui a permis, pour la première fois, de stabiliser, en
termes réels, les dépenses de l'Etat.
Il a ensuite exprimé son souhait de commencer à s'attaquer aux
composantes les plus rigides de la dépense publique, en particulier les
dépenses de la fonction publique ou encore les dépenses
d'intervention en faveur de l'emploi. Telle n'est cependant pas l'orientation
retenue par le Gouvernement qui a augmenté sensiblement les charges de
personnel et qui a décidé la création d'emplois publics.
En revanche, il est nécessaire d'interrompre le reflux des
dépenses d'équipements publics.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a enfin
estimé que la réduction des prélèvements
obligatoires était absolument indispensable. Il a à cet
égard souligné le manque de cohérence du discours de la
majorité parlementaire, qui préconise la réduction des
impôts et des cotisations, sans effort corrélatif sur les
dépenses. Il a estimé que l'allégement des
prélèvements obligatoires était une résultante de
la réduction des dépenses, des déficits et de la dette
publique. Or, il a constaté que le Gouvernement avait alourdi les
prélèvements obligatoires par la loi portant mesures urgentes
à caractère fiscal et financier alors même que
l'exécution du budget 1997 montrait que l'augmentation de l'impôt
sur les sociétés n'était pas nécessaire pour que
les recouvrements de recettes soient conformes aux prévisions. Il a
noté que la réduction des prélèvements obligatoires
devait concerner trois priorités : la réduction des charges
sociales reposant sur le travail, sur les bas salaires notamment ; la
reprise du processus de réforme de l'impôt sur le revenu
engagé par le Gouvernement précédent ;
l'allègement de la fiscalité de l'épargne et du
patrimoine, des ménages comme des entreprises.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a conclu que seule
une politique affirmée de maîtrise des dépenses publiques
permettrait de diminuer les déficits et les prélèvements
obligatoires.
M. Christian Poncelet, président,
a souligné la
permanence de la démarche du Sénat consistant à
recommander la sagesse budgétaire, mais effectuant également des
contrôles réguliers de l'utilisation des crédits publics.
Il a appelé de ses voeux la redénomination du pacte de
stabilité des collectivités locales en pacte de croissance et il
a estimé que le contexte européen imposait une harmonisation
fiscale.
M. Jacques Oudin
a fait part de son souci permanent d'adopter une
vision globale des prélèvements fiscaux et sociaux. Il a à
cet égard noté une divergence d'approche entre la commission des
finances et la commission des affaires sociales, cette dernière
n'étant pas, par principe, défavorable à la mise en oeuvre
de taxes sociales nouvelles.
Il a rappelé que la commission des comptes de la sécurité
sociale, qui s'est réunie le 11 mai dernier, a fait état
d'une tendance à l'équilibre des comptes sociaux grâce au
retour de la croissance et à la maîtrise des dépenses,
ajoutant toutefois que de telles prévisions, qui figurent dans le
rapport gouvernemental sur le débat d'orientation budgétaire,
n'étaient plus d'actualité. En effet, l'objectif du Gouvernement
consistant à parvenir à un excédent de 0,1 % du PIB
en 1999 était contrecarré par une dynamique des dépenses
plus vive que celle des recettes. Il a regretté que les réformes
structurelles prévues par le plan de réforme de la
sécurité sociale du précédent Gouvernement ne
soient guère mises en oeuvre, estimant que les perspectives du
régime maladie et l'équilibre des régimes de retraite
étaient les deux principaux défis que le pays devait relever en
matière sociale.
M. Philippe Adnot
s'est inquiété de l'attitude de l'Etat
consistant à s'imposer des charges de structure croissantes, à
l'exemple des emplois-jeunes, ajoutant qu'une dégaradation de la
conjoncture économique dans quelques années réduirait les
recettes fiscales mais ne modifierait en rien le niveau de charges existantes.
Il a souhaité que l'Etat ne procède plus à des transferts
directs ou indirects de compétences aux collectivités
territoriales, ces transferts générant des charges plus ou moins
bien compensées.
M. Marc Massion
a rappelé que la commission, lors de l'examen du
projet de loi de finances pour 1998, avait estimé trop optimiste la
prévision gouvernementale faisant état d'une croissance de
3 % ; il a néamoins constaté la pertinence de cette
prévision. Il a également jugé satisfaisante l'attitude du
Gouvernement face aux effets de la crise asiatique, notant que la prudence dans
la gestion de l'économie ne devait pas s'assimiler à la
frilosité. Il a ensuite estimé que la baisse des charges sociales
sur les bas salaires n'était pas une mesure nouvelle : elle avait
au contraire engendré des dépenses considérables sans
incidence importante sur l'emploi. Il a ajouté que l'impôt sur le
revenu n'étant payé que par la moitié des ménages
français, la réforme décidée par le
précédent Gouvernement n'aurait réduit la pression fiscale
que des plus hauts revenus. Enfin, il a noté que la volonté de
réduire le nombre de fonctionnaires devait s'accompagner, pour
être crédible, d'un chiffrage précis des catégories
de fonctionnaires concernées.
M. Jean-Philippe Lachenaud
s'est interrogé sur
l'utilité effective du débat d'orientation budgétaire,
ajoutant qu'il fallait éviter de confondre débat
budgétaire et débat d'oreintation budgétaire, ce dernier
ayant un contenu purement politique. Il a noté que le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie avait une vision
néo-keynésienne de la politique budgétaire consistant
à accompagner le cycle conjoncturel, cette perspective étant,
selon lui, inquiétante car révélatrice d'une vision
dépensière et déficitaire de la politique
budgétaire. Il a également déploré la
rigidité des dépenses publiques, notamment les aides à
l'emploi et les dépenses liées à la fonction publique. Il
a aussi regretté que le débat à venir ne traite pas des
orientations budgétaires, mais se contente de ne présenter que
des faits et, plus encore, soit muet en matière fiscale.
M. Henri Collard
a observé que le budget social
était plus élevé que le budget de l'Etat, et qu'il devait
donc être pris en considération par le débat d'orientation
budgétaire, l'avenir du régime des retraites étant
particulièrement sombre. Il a également noté que les
collectivités territoriales devront supporter des charges
croissantes : les communes, du fait de l'augmentation des
prélèvements destinés à la Caisse nationale de
retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), les conseils
généraux, en raison des récentes mesures en matière
de logement. Ces sollicitations financières croissantes ne pourront que
réduire les capacités d'investissement des collectivités
territoriales.
Mme Marie-Claude Beaudeau
a reconnu la cohérence et la
continuité de la démarche de la commission, mais elle a
estimé que cette politique avait conduit à une situation
extrêmement difficile en termes de chômage et de
précarité. Elle a regretté que la majorité de la
commission reste insensible aux changements politiques intervenus au
printemps 1997. Elle a enfin expliqué que la dette publique ne
constituait pas, par nature, un obstacle à la croissance, et qu'elle
pouvait au contraire dynamiser l'activité économique.
M. Denis Badré
a estimé que le débat d'orientation
budgétaire devait porter sur le moyen terme. Il a relevé que la
situation budgétaire française était
étouffée, ne laissant aucune marge de manoeuvre. Il a
regretté cependant que le Gouvernement adopte une solution de
facilité consistant à profiter du redémarrage de la
croissance, et qu'il se dispense d'effectuer des choix préparant
l'avenir. Il a déploré que la dette publique soit portée
par les générations futures, illustrant son propos par la
nécessité de rembourser aujourd'hui une dette apparue entre 1989
et 1993. Il a également estimé dommageable l'abandon, par le
Gouvernement, du programme pluriannuel de réduction des charges fiscales
décidé par le précédent Gouvernement. Il a enfin
noté que l'harmonisation fiscale ne pourrait se réaliser qu'avec
prudence, se devant de concilier l'attachement des opinions publiques
nationales à la construction européenne et la préservation
des rentrées fiscales de chaque Etat.
M. Philippe Marini
a incité la commission à aller
plus avant dans son effort de réduction des dépenses publiques.
Il a reconnu que tous les indicateurs économiques étaient
favorables et que, par conséquent, l'opinion publique ne serait
guère sensible au discours de la majorité sénatoriale.
Dans ces conditions, il a expliqué qu'il fallait préciser les
dépenses qui devaient être réduites, reprenant ainsi la
logique adoptée par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de
finances pour 1998 : celle du "contre-budget".
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a constaté des distorsions entre
les discours prononcés au Parlement et les réalités
vécues sur le terrain. Elle a relevé que la population
française devenait de plus en plus urbaine, ce qui engendrait des
besoins croissants en services publics, ainsi que de nouveaux besoins que le
secteur privé n'était pas encore prêt à
assurer ; dans le même temps, les zones rurales réclament le
maintien des services publics. Par conséquent, la réduction du
nombre des fonctionnaires ne peut, selon elle, constituer une priorité.
M. René Ballayer
a observé que chaque année
55.000 entreprises et 250.000 salariés étaient
touchés par des défaillances d'entreprises en raison du niveau
trop élevé des impôts. Il a également
constaté que les Français commençaient à
s'interroger sur l'avenir de leur retraite.
M. Roland du Luart
s'est inquiété de la similitude
du contexte actuel avec la situation prévalant en 1988, lorsque les
arbitrages du Gouvernement de l'époque avaient incité à la
croissance des dépenses, alors même que la conjoncture
économique était extrêmement favorable. Il a
regretté que le fonctionnement de l'Etat continue d'être
financé par l'emprunt, ce dernier n'étant justifié que
pour le financement des investissements. Il a, enfin, expliqué que
l'harmonisation fiscale en Europe était indispensable, et qu'elle
nécessiterait une révision profonde de la fiscalité du
patrimoine en France, l'impôt de solidarité sur la fortune, par
exemple, n'existant pas dans la plupart des pays européens.
M. Christian Poncelet, président,
a regretté que le
Gouvernement ait sous-estimé les conséquences sur
l'économie française et européenne de la crise asiatique,
une autre crise pouvant même intervenir en raison de la faillite
financière possible de la Russie. S'agissant du pacte de
stabilité, il a exprimé son souhait de clarifier les
compétences de chacun des niveaux d'administration et de voir
l'enveloppe normée des concours indexée non seulement sur les
prix, mais également sur la croissance. Enfin, il s'est
inquiété de la possibilité actuellement
évoquée d'intégrer l'outil de travail à l'assiette
de l'impôt de solidarité sur la fortune, en raison des
conséquences économiques néfastes sur l'emploi que ne
manquerait pas d'engendrer une telle décision.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, s'est
félicité de la qualité du débat, puis a fait les
observations suivantes :
- la vision globale des finances publiques intégrant leur
dimension sociale sera intégrée dans le rapport ;
- la croissance actuelle génère une grande illusion, aucun
enseignement budgétaire n'ayant été tiré du laxisme
observé au cours de la période 1988-1993 ;
- de 1970 à 1995, le chômage est passé de 4 à
12 % de la population active, tandis que dans le même temps, les
dépenses publiques passaient de 40 à 55 % du PIB ;
- la diminution du nombre de fonctionnaires est légitime,
notamment lorsque la situation locale l'impose, par exemple la forte diminution
du nombre d'élèves dans certaines classes ou le manque de
fréquentation d'une perception ;
- la CNRACL connaît certes un équilibre en 1998, mais sera
en déficit dès l'année prochaine, la stabilisation de sa
situation financière exigeant une révision du mécanisme de
surcompensation ;
- l'importante dérive des dépenses de fonctionnement a
engendré un niveau de chômage sans précédent :
à cet égard, la dette ne peut être justifiée que
pour financer les investissements ; or, les crédits
consacrés à des investissements dans le domaine des transports
ont été récemment réduits de manière
significative ;
- la commission a demandé à l'Observatoire français
des conjonctures économiques (OFCE) de réaliser une étude
sur la compétitivité fiscale ;
- en 1998, le déficit de fonctionnement est encore financé
par l'emprunt à hauteur de 100 milliards de francs ;
- en matière de taxe d'habitation, les éventuelles
réformes ne sont pas encore arrêtées ; leur coût
sera compensé s'il s'agit de dégrever de nouveaux
contribuables ; dans le cas d'une révision des évaluations
cadastrales, la réforme devrait être conduite de telle sorte que
soit assurée la neutralité financière pour les
collectivités locales ; enfin, une reprise de la taxe
départementale sur le revenu (TDR) est parfois
évoquée ;
- l'intégration de l'outil de travail dans l'assiette de
l'impôt de solidarité sur la fortune serait très
néfaste, l'ISF étant déjà un mauvais impôt,
au regard de son rendement et de ses conséquences pour les entrepreneurs
qui font fonctionner l'économie.
A l'issue de ce débat, la commission a donné acte au
rapporteur général de sa communication et décidé
d'en publier les conclusions sous la forme d'un rapport
d'information.
1
La fiabilité des statistiques du
commerce extérieur laisse probablement à désirer depuis
que les échanges intra-européens ne font plus l'objet d'un
dénombrement physique au passage aux frontières.
2
C'est le point sur lequel les prévisions des
différents instituts représentés à la Commission
des comptes et des budgets économiques de la Nation diffèrent le
plus.
3
Il reste d'ailleurs à déterminer
concrètement cet objectif, objet de débats entre les
autorités monétaires. A cet égard, il faut souligner qu'un
objectif trop restrictif pourrait être contre-productif.
4
Rapport gouvernemental "Débat d'orientation
budgétaire" p. 39-40.
5
Rapport gouvernemental p. 41-45.
6
Perspectives à moyen terme de l'économie
mondiale. René Régnault - Sénat n° 443
(1997-1998)), p. 162.
7
"Le débat d'orientation budgétaire pour
1997 : de la nécessité aux choix". Sénat
n° 369 - 1995/1996. Alain Lambert, p. 28.
8
"Comptes prévisionnels de la Nation pour 1998 et
principales hypothèses économiques pour 1999" - Direction de la
prévision - 14 avril 1998 p. 65-66.
9
Voir rapport gouvernemental (p. 46 - La fonction publique et
la charge de la dette publique représentaient 51 % des recettes
fiscales en 1990 (41 % + 10 %), 76 % en 1998 (56 % +
20 %).
10
Rapport général n° 85 (1997-1998) -
Alain Lambert - pp. 89 - 90.
11
Au sujet du critère de dette publique, voir rapport
" Euro 1999 " - Sénat n° 382. Alain Lambert - pp. 15
et 62 à 69.
12
"Rapport préliminaire sur l'exécution des lois de
finances pour 1997" - Cour des Comptes P. 24 et suivantes
1. De 1970 à 1995, le revenu par tête des actifs progresse de 1,2%
par an et celui des inactifs âgés de 3,6%. La prolongation des
tendances passées d'évolution des revenus globaux conduit
à envisager que le revenu par tête des inactifs âgés
pourrait être, en 2020, supérieur de 58% à celui des actifs.
1. Même s'il n'en est pas la seule cause (entrées plus tardives
dans la vie active, cessations anticipées d'activité, etc.). Les
inactifs âgés représentaient tout de même 38% de la
population active en 1970 et 45% en 1995.
1. La " dette invisible " est difficilement quantifiable et les
données présentées ici ne constituent que des ordres de
grandeur. Les incertitudes statistiques ont d'ailleurs conduit à ne pas
retenir la suggestion britannique d'inclure la " dette invisible "
dans la définition de la dette publique au sens du traité sur
l'Union européenne.
2. Calcul réalisé selon la méthode des " droits
acquis ", prenant en compte le montant des pensions perçues
jusqu'à leur décès par les retraités et le montant
des pensions que percevraient les salariés s'ils prenaient leur retraite
à la date du calcul.
13
Le pacte englobe la dotation globale de fonctionnement (DGF), la
dotation spéciale pour le logement des instituteurs (DSI), les dotations
de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe
professionnelle (FNPTP) et au fonds national de péréquation
(FNP), la dotation élu local, la dotation globale d'équipement
(DGE), la dotation générale de décentralisation (DGD), la
dotation de décentralisation pour la formation professionnelle, la
dotation générale de décentralisation pour la Corse, la
dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC),
la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES) et la dotation
de compensation de la taxe professionnelle hors réduction pour embauche
et investissement (DCTP hors REI).
14
L'accord signé le 10 février 1998 entre le
Gouvernement et plusieurs organisations , prévoit en effet plusieurs
revalorisations du point d'indice de la fonction publique d'ici à la fin
1999. Ces mesures générales sont complétées par
l'attribution de points supplémentaires en faveur des catégories
B et C, qui seront d'autant plus coûteuses que la fonction publique
territoriale comporte un forte proportion d'agents relevant de ces
catégories.
15
Les données de ce tableau, fournies par la direction
générale des collectivités locales, ne sont pas
homogènes dans la mesure où l'évaluation du coût des
allégements ne provient pas d'une simple soustraction entre le montant
de la taxe professionnelle perçu par les collectivités locales et
le montant acquitté par les entreprises, mais d'évaluations
fournies par la direction du budget.
16
Il faut noter en outre que le rapport remis au Parlement en
application de l'article 98 de la loi de finances pour 1997 relatif à
" l'abaissement du taux de plafonnement de la taxe professionnelle en
fonction de la valeur ajoutée compensé par un relèvement
à due concurrence de la cotisation minimum de taxe
professionnelle " relève qu'il existe un important problème
de recouvrement de cette imposition.
17
INSEE Première n° 581 d'avril 1998.
18
Selon l'Insee : " la mesure d'abattement de 35 %
des taux des droits d'enregistement applicables aux immeubles d'habitation est
venue à expiration le 31 janvier 1997. L'impact du retour aux taux
pleins s'est trouvé amplifié par un ``effet d'assiette ''
lié au prolongement de la mesure sur le mois de janvier 1997, le
marché immobilier ayant enregistré au cours de ce dernier mois un
rebond significatif à l'approche de la date d'expiration de la
mesure ".
19
A cette dette directement portée par la CADES, il convient
d'ajouter une obligation héritée du fonds de solidarité
vieillesse de verser chaque année au budget de l'Etat 12,5 milliards de
francs, au titre de la dette cumulée du régime
général de 110 milliards de francs déjà reprise en
1995 par l'Etat.
20
Les dépenses en capital représentaient en 1990,
14,7% des dépenses nettes du budget général, et seulement
10,6% en 1997
21
Ce chiffre est de 0,8 % hors
dégrèvements et remboursements.
22
On parle d'effet "boule de neige" lorsque tout ou partie des
intérêts de la dette doit être financé par emprunt.
23
Sur l'ensemble de ces questions, voir Rapport
général n°85 (1997-1998), tome I, pages 99 à 106 et
143 à 154.
24
Notamment dans son rapport préliminaire sur
l'exécution des lois de finances pour 1997 : " ces bons
résultats ne doivent pas masquer certaines faiblesses : .../...
le ralentissement des dépenses a été obtenu au prix
d'une diminution importante des dépenses d'équipement collectif
et des moyens de fonctionnement des services ( hors dépenses de
personnel
) ".
25
Chômage : mesures d'urgence et minima
sociaux. La documentation française 1998, pages 15 à 20.
26
Sur l'ensemble de ces questions se reporter à la
synthèse faite dans le rapport sur le projet de loi de finances pour
1998 précité, page 155.
27
in Débat d'orientation budgétaire, Rapport
d'information n°963 (XI° législature), page 54
28
Les priorités retenues par le gouvernement dans les
lettres de cadrage du 30 avril 1998 sont les suivantes : l'emploi et la
solidarité, la justice, l'éducation nationale, la culture et
l'environnement.
29
Cf Rapport général n°85 sur le projet de loi
de finances pour 1998, tome I - M. Alain Lambert, rapporteur
général.
30
Cf Rapport général n°85 sur le projet de loi
de finances pour 1998, tome I - M. Alain Lambert, rapporteur
général.