III. L'EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE PUBLIQUE : DES RÉPONSES NUANCÉES
La dépense publique dans le domaine maritime se caractérise par son hétérogénéité, sa relative stabilité dans le temps (si l'on prend en compte la dépense fiscale) ainsi que la montée en puissance des instruments fiscaux.
Toutes les formes de l'intervention publique ont été examinées par le Commissariat au plan, et plus particulièrement les instruments fiscaux : la loi du 11 juillet 1986 dite "loi Pons" et la loi du 5 juillet 1996 relative à l'acquisition de parts de copropriété de navires de commerce. On leur réservera ici quelques commentaires spécifiques.
A. LA LOI "PONS" : UNE EFFICACITÉ CERTAINE MAIS DES INVESTISSEMENTS TROP CONCENTRÉS
Le rapport estime que la loi du 11 juillet 1986 "constitue une incitation fiscale remarquable et a eu des effets sur le tourisme, l'hébergement, les produits et transports touristiques".
Il note un effet quantitatif important avec un développement très significatif de la capacité hôtelière mais aussi parfois une chute du taux d'occupation.
D'une manière générale, la loi Pons a permis des investissements importants mais trop concentrés sur le tourisme et insuffisamment diffusés.
En matière de navigation de plaisance, la défiscalisation a réellement bénéficié aux chantiers navals français, dont certains réalisent jusqu'à 30 % de leur chiffre d'affaires grâce à la commande de bateaux défiscalisés. La fédération des industries nautiques estime que le nombre de navires de plaisance vendus dans les DOM grâce à la défiscalisation de 1986 à 1995 représente un chiffre d'affaires de 2,5 milliards de francs en métropole.
L'effet a parfois été très significatif : à la Guadeloupe, entre 1986 et 1991, le nombre de bateaux de plaisance est passé de 70 à 600 avec pour corollaire un décuplement des emplois (120 à 1200). Les Antilles dans leur ensemble ont connu une très forte expansion du tourisme nautique.
La dépense fiscale n'a toutefois cessé de s'alourdir pour dépasser constamment le milliard de francs par an. Votre rapporteur considère qu'en l'absence d'un tel dispositif, il aurait fallu accroître au moins à dûe concurrence les prestations d'assistance versées à une large proportion de la population des départements ou territoires considérés.
En conclusion, le rapport note que la loi Pons a dynamisé certains secteurs comme le tourisme maritime mais que les incitations fiscales n'ont pas encore assuré des effets économiques réellement durables : si l'intérêt s'est à juste titre porté sur le nombre d'emplois directement ou indirectement créés, il faudrait raisonner en termes de valeur ajoutée pour l'économie locale et de diffusion vers l'ensemble de ses branches. Le rapport préconise de se concentrer sur les investissements productifs structurants et garants d'un développement de long terme en associant à la procédure d'agrément des organismes publics ayant une grande expérience de l'expertise financière et du financement de projets, tels que la Caisse Française de Développement.
B. L'INCITATION À L'ACQUISITION DES PARTS DE COPROPRIÉTÉS DE NAVIRES DE COMMERCE (QUIRATS) : UN ESSAI À TRANSFORMER
Il est dressé un bilan nuancé de la loi quirataire .
Le rapport indique tout d'abord l'intérêt du dispositif, qui permet d'abaisser le coût d'acquisition d'un navire de 25 %.
Il en souligne les effets positifs incontestables , notamment un impact sur l'emploi plus élevé que ce qui était attendu (306 emplois dans la flotte de commerce et 1500 emplois maintenus pour un an dans la construction navale), un taux de correspondance élevé entre les commandes et la spécialisation de la construction navale française (35 % contre 25 %), un impact favorable sur la structure de la flotte de commerce.
Il écarte certaines critiques, relatives à l'emploi (" la création d'emplois directs ne saurait être un objectif prioritaire de la loi quirataire, la marine marchande n'étant pas une activité riche en main-d'oeuvre ") et met en garde contre certaines confusions, notamment entre le soutien aux armateurs et le soutien au pavillon français, qui correspondent à deux logiques différentes.
Il note enfin un dérapage de la dépense fiscale, en partie en raison d'un effet d'attente mais qui aurait dû tout de même conduire à une dépense de 1,5 milliard de francs par an si le régime avait été maintenu. Il insiste surtout sur les risques de dépavillonnement à l'issue de la période de 5 ans imposée par la loi, ceci en raison du surcoût lié au pavillon français.
C. LES AUTRES DOMAINES D'INTERVENTION
L'efficacité de l'aide directe à la construction de navires marchands peut être mesurée par la dépense publique par emploi sauvé et la part de l'aide dans la valeur ajoutée du secteur. Le niveau de subvention est de l'ordre de 115 000 F/an par emploi lorsque l'on ne considère que la construction de navires civils. En considérant les emplois induits, la dépense est de l'ordre de 48 000 F/an. Ce montant est nettement plus élevé que dans les autres secteurs mais sans ces subventions, le secteur ne pourrait pas subsister.
La politique de la pêche est jugée efficace, surtout quand elle prend la forme d'exonérations de charges sociales. Cependant, certaines actions sont considérées comme insuffisamment sélectives : il est proposé de concentrer les dépenses d'équipement prioritairement sur les ports et les criées dont les apports sont fortement croissants.
De même, il est recommandé de focaliser les investissements de l'État sur un nombre limité d'infrastructures portuaires , dans les plus grands ports.