1.5 Le dispositif industriel civil français est très vulnérable
Dans la relation qui s'établit avec les équipementiers, la spécialisation des chantiers français n'a pas conduit à une gestion globale et intégrée, permettant d'assurer des gains sur l'ensemble des chaînons de la filière. La recherche de compétitivité pour les chantiers est d'autant plus importante qu'elle se fait avec les acteurs qui contribuent pour plus de 60 % au prix d'un navire. La relation entre équipementiers et chantiers étant faible en France, les constructeurs ne peuvent pas espérer beaucoup d'une spécialisation de leur activité d'assembleur.
La situation française se caractérise par l'absence de certaines compétences (appareil de passerelle, traitement des eaux usées ...), mais aussi par une absence presque totale de complémentarité entre constructeurs et fournisseurs. Les fournisseurs cherchent, dès lors, à promouvoir leur industrie à l'extérieur plutôt que vers le marché national. Ils travaillent en particulier avec les chantiers italiens de Fincantieri, les chantiers coréens de Hanjin, Daewoo, Hyundai, ou les chantiers danois d'Odense... Ils fondent plus d'espoir dans une stratégie européenne de filière.
La relation entre fournisseurs et constructeurs français est donc faible. Qu'elle soit issue d'une mauvaise stratégie des fournisseurs, n'ayant pas su se rendre indispensables, ou bien encore de la sous-estimation des effets de filière par les constructeurs français, le résultat est le même.
Compte tenu des analyses précédentes, la vulnérabilité de la construction navale française est totale. Faute d'une réelle synergie entre construction navale et marine marchande, entre constructeurs et fournisseurs, faute d'une politique de change appropriée, faute d'un marché militaire permettant d'absorber les à-coups ou faute d'une meilleure collaboration entre chantiers civils et militaires, la spécialisation sur quelques créneaux porteurs est insuffisante pour asseoir la construction navale civile française sur des bases solides.