B. LE DÉVELOPPEMENT DU FRANÇAIS COMME LANGUE DE FORMATION ET D'ÉCHANGES DANS LES AUTRES DOMAINES DE COOPÉRATION CULTURELLE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

Sensible dans les domaines " traditionnels " de la coopération franco-vietnamienne -le droit, la médecine et la santé publique- il s'est élargi à de nouveaux secteurs -l'information et les médias- et devrait aussi se renforcer dans le domaine des sciences humaines.

· Le droit

La francophonie a joué un rôle important dans l'élaboration du droit vietnamien, et dans la formation des juristes vietnamiens.

Cet état de fait tient certes à des circonstances historiques : le premier tribunal français a été établi au Vietnam à la fin du XIXe siècle, et le premier code civil du Tonkin, promulgué en 1931, a été rédigé par un juriste français. De même, l'enseignement de la première faculté de droit vietnamienne, établie à Hanoi, était dispensé en français et, après 1954, l'enseignement juridique vietnamien est resté marqué par les concepts et la terminologie du droit français. Mais le succès de la coopération juridique franco-vietnamienne tient sans doute aussi à des affinités plus profondes : l'histoire institutionnelle du Vietnam, qui est comme la France un pays de droit écrit, révèle une certaine parenté dans les conceptions française et vietnamienne de l'Etat, incarnation de l'unité et de l'indépendance nationales, de l'organisation et du rôle des administrations publiques.

Tous ces facteurs contribuent sans doute à expliquer que le droit soit un des domaines où les relations entre la France et le Vietnam ont été les plus fructueuses et sont aujourd'hui les plus prometteuses. Il est à cet égard significatif que plusieurs des élèves des classes bilingues visitées par la mission d'information, interrogés sur leurs projets d'avenir, se soient déclarés attirés vers des études de droit.

Le Doi Moi vietnamien offre un large champ au renouveau du " dialogue juridique " entre la France et le Vietnam. La politique du Doi Moi doit en effet s'accompagner de la restauration de l'Etat de droit, et exige aussi une importante adaptation de la législation du Vietnam à sa nouvelle organisation économique et à l'intensification de ses échanges internationaux. Et il est particulièrement intéressant, pour l'avenir de l'influence française au Vietnam, que la France participe largement à cette entreprise de rénovation juridique, le droit étant sans doute l'un des principaux " éléments structurants " des sociétés.

· La Maison du Droit vietnamo-française , créée en février 1993, a été conçue pour être l'instrument privilégié de la coopération juridique entre les deux pays.

Administrée par un comité d'orientation paritaire de douze membres -qui comprend notamment les ministres de la justice français et vietnamien- et dirigée par un directeur et un directeur adjoint, ces deux postes étant occupés alternativement par des personnalités vietnamiennes et françaises 2( * ) , la Maison du Droit s'est vue assigner cinq objectifs :

- la mise en place d'une documentation informatisée sur les droits français et vietnamien ;

- la centralisation de l'information relative à la coopération juridique franco-vietnamienne ;

- l'organisation de cycles de conférence dans le domaine juridique ;

- la participation à la conception et au suivi des stages de formation et le soutien à l'organisation des échanges ;

- l'appui à la coopération universitaire et au développement de la recherche dans le domaine juridique.

En fonction de ces objectifs, la Maison du Droit a développé ses actions dans trois domaines essentiels :

* L'assistance au processus d'élaboration des textes normatifs

La Maison du Droit participe à la rénovation du droit vietnamien en organisant des séminaires sur les thèmes jugés prioritaires par les autorités vietnamiennes, suivis d'échanges d'experts sur les avant-projets de textes.

Ces travaux, auxquels participent des spécialistes français et vietnamiens ainsi que les responsables des départements ministériels concernés et les rédacteurs des textes font désormais l'objet de publications bilingues.

Ils ont porté, en 1996, sur la réorganisation judiciaire, la formation des magistrats de l'ordre judiciaire et administratif, l'élaboration de nouveaux textes de procédure pénale, civile et administrative.

* La formation de juristes francophones

La Maison du Droit organise des cours annuels de français et des formations linguistiques intensives destinés aux candidats aux formations et stages organisés en France par les universités, l'ENA, l'Institut international d'Administration publique, l'Ecole nationale de la magistrature, l'Ecole nationale des greffes et les Centres de formation professionnelle d'avocats et de notaires. Ces formations linguistiques sont également ouvertes aux étudiants, aux fonctionnaires et aux praticiens du droit désireux d'acquérir une bonne maîtrise du français juridique.

Bien qu'ayant été recentrées sur l'étude du français juridique et sur les niveaux avancés de formation, les formations linguistiques de la Maison du Droit font l'objet d'une demande constamment croissante et ont rassemblé, sur l'année 1995/1996, 172 auditeurs.

* L'information et la documentation juridique

Implantée sur le campus de l'université de droit de Hanoi, la Maison du Droit sert aussi de centre de documentation ouvert aux étudiants et juristes vietnamiens comme aux professionnels étrangers en fonction au Vietnam : sa bibliothèque, qui comprend plus de 3.000 ouvrages de droit, dont plus de 2600 ouvrages et encyclopédies en français couvrant toutes les disciplines juridiques, et près de 400 ouvrages juridiques en langue vietnamienne, des textes juridiques vietnamiens traduits en français et un certain nombre de banques de données juridiques françaises (lois et règlement, jurisprudence de la Cour de cassation) ou vietnamiennes (Base des textes législatifs et réglementaires élaborée par l'Assemblée nationale vietnamienne).

Ce fonds est fréquenté par 2 à 300 usagers réguliers, et par de nombreux lecteurs plus occasionnels.

La Maison du Droit a également entrepris un vaste programme de traduction des textes vietnamien en français et des textes français en vietnamien. Cette activité, extrêmement exigeante en termes de temps et de moyens, est toutefois peut-être menée de manière un peu trop systématique. Par exemple, s'il est certainement utile -ne serait-ce que pour faciliter l'ouverture économique du Vietnam- de favoriser l'accès des investisseurs ou juristes étrangers aux textes vietnamiens fondamentaux relatifs au droit économique ou à la législation financière, une traduction systématique des codes de procédure français n'est en revanche peut-être pas indispensable pour nourrir la réflexion sur la rénovation du droit procédural vietnamien.

Enfin, la Maison du Droit a entrepris la publication d'une revue juridique bilingue, les " Cahiers vietnamiens du Droit " qui sera une source très utile d'informations et de commentaires sur l'activité législative vietnamienne et un instrument d'étude du droit comparé français et vietnamien.

· La médecine et la santé publique

La médecine et la santé publique sont un autre secteur de coopération ancienne et féconde entre la France et le Vietnam : le milieu médical est certainement au Vietnam le milieu scientifique où la francophonie et la coopération scientifique avec la France sont les plus répandues.

La coopération dans le domaine de la formation médicale repose sur l'organisation à l'échelle nationale d'un dispositif coordonné permettant d'envoyer chaque année 80 à 100 jeunes spécialistes vietnamiens, recrutés dans une dizaine de spécialités différentes, pour occuper pendant un an un poste de " faisant fonction d'interne " dans un CHU français. Les candidats, 300 par an environ, suivent des sessions de formation organisées à Hanoi et à Ho Chi Minh-Ville et dispensées par des missions d'enseignants français. Ils sont sélectionnés au vu de l'examen organisé à l'issue de cette formation, et de tests linguistiques organisés par l'Ambassade de France. Une de ces filières permet la sélection et l'accueil en France de pharmaciens et de biologistes.

Cette coopération dans le secteur de la formation est complétée par des opérations de réhabilitation et de modernisation des équipements, associant de multiples partenaires, qui ont concerné depuis 1992 plusieurs hôpitaux vietnamiens, l'ancien Institut Pasteur et le Centre de transfusion sanguine de Hanoi.

Une formation en santé publique a également été mise en place depuis la fin de 1995. Organisée par les Ecoles de Santé publique de Nancy et de Bordeaux, elle doit permettre l'obtention en deux ans au Vietnam d'un diplôme inter-universitaire français pouvant être pris en compte pour l'obtention du master vietnamien de santé communautaire, ou être prolongé par la préparation en France d'un diplôme d'étude approfondie ou d'une thèse.

· Les formations en sciences sociales et humaines

Les sciences humaines offrent de larges possibilités de développement de la coopération franco-vietnamienne. Les besoins des autorités vietnamiennes sont en effet considérables dans ce domaine, qui bénéficiait dans le passé d'une importante aide soviétique. Les premières actions engagées ont été modestes : collaboration entre les archives nationales des deux pays, réalisation d'un atlas informatisé du Vietnam.

Depuis le début des années 1990 cependant, de nouvelles perspectives semblent s'ouvrir :

- la France est intervenue depuis 1992 en appui d'un programme du Fonds des Nations Unies sur la population (FNUAP) tendant à la création d'un centre de population à l'Ecole Supérieure d'Economie de Hanoi. Complémentaire de cette action multilatérale, la contribution de la France, assurée par le Centre d'études et de recherches sur les populations africaines et asiatiques de l'Université de Paris V, est centrée sur la formation de démographes francophones. Les bénéficiaires de ce programme, recrutés au niveau de la maîtrise, du DEA ou du doctorat, peuvent, après avoir suivi une formation linguistique et un cours de méthodologie des sciences sociales dispensé en français, accéder à des formations en France : 8 étudiants ont passé à ce titre au moins un an en France ;

- la réouverture à Hanoi, en 1991, de l'Ecole Française d'Extrême Orient (EFEO) est aussi un signe positif de reprise de la coopération scientifique et culturelle dans un domaine -l'étude des civilisations- où la France a acquis une grande expertise, et qui revêt une grande importance pour le Vietnam, soucieux de préserver sa culture et son identité.

Fondée en 1898, l'ancienne " Mission archéologique d'Extrême Orient " s'était installée à Hanoi en 1902, où elle a fonctionné jusqu'en 1959. Elle a largement contribué à l'étude et à la conservation du patrimoine des civilisations indochinoises et asiatiques, comme à la formation de chercheurs vietnamiens.

Elle offre à nouveau, depuis 1996, des formations en méthodologie des sciences sociales, complétées en tant que de besoin par un soutien linguistique, qui s'adressent à des enseignants-chercheurs et à des étudiants de l'université de Hanoi, ainsi qu'à des chercheurs du Centre national des sciences sociales et humaines, et elle a mis en place deux programmes de recherche et un programme de publications en français et en vietnamien.

· La formation des journalistes

Récente, la contribution française à la formation des journalistes est née d'une coopération qui a débuté en 1993 entre l'Association des journalistes vietnamiens, qui fédère l'ensemble des 7.000 journalistes exerçant dans la presse écrite, de radio, de télévision et d'agence, l'Ecole supérieure de journalisme de Lille et le ministère français des affaires étrangères.

Elle repose sur un programme de formation continue de trois ans (1996-1998) pendant lesquels seront organisés 10 stages de perfectionnement annuels d'une à deux semaines sur des thèmes variés (traitement de l'information économique, secrétariat de rédaction et mise en page, gestion des rédactions ...). Ce programme devrait s'adresser, par an, à 150 journalistes professionnels diplômés de l'enseignement supérieur sélectionnés sur critères professionnels.

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