LA DIVERSITÉ DES ÉVOLUTIONS RÉELLES
Les tableaux ci-après mettent en évidence
l'importance des contrastes entre les différents réseaux
bancaires, que ce soit en termes de guichets ou en termes d'effectifs.
On constate ainsi que les banques AFB auxquelles on peut rattacher
également le groupe formé par les banques populaires ont
enregistré une diminution globale de leurs effectifs (-28.100 pour les
banques AFB) et une augmentation de leur présence sur le territoire (+
284 guichets).
A l'opposé, les Caisses d'épargne et le Crédit Mutuel ont
vu leurs effectifs s'accroître respectivement de 10.000 personnes et de
3.500 et leur présence diminuer (- 156 et -616 guichets).
Seul le Crédit Agricole semble être resté stable dans ses
effectifs comme dans le nombre de ses guichets.
Comme le relève le rapport 1995 de la Commission bancaire, cette
"
grande diversité
" des situations individuelles reflète
à la fois les performances réalisées par les
établissements en matière d'adaptation de leurs conditions
d'exploitation aux évolutions de la demande de produits et services
financiers et leurs situations différenciées au regard des
risques compromis, notamment immobiliers, issus de la crise du début des
années quatre-vingt-dix, tant en termes de coût de portage des
actifs improductifs que d'importance des besoins de provisionnement
complémentaire.
L'ÉVOLUTION DES PARTS DE MARCHÉ
Il aurait été surprenant que l'évolution
contrastée de l'activité et des résultats des
différents réseaux fût sans conséquence sur
l'évolution des parts de marché.
Le tableau ci-après, établi à partir des chiffres
contenus dans les rapports annuels de la Commission bancaire, met en
évidence le fait que les parts de marché ont connu des
évolutions importantes depuis la fin des années 1980.
En effet, si l'on se réfère aux dépôts, l'on
constate que la part des banques AFB après avoir crû de
façon significative de 49 % en 1988 à 55,1 % en 1991 a
décrû depuis lors, de façon constante, jusqu'à 43,7
% en 1995. Les caisses d'épargne ont connu une évolution
exactement inverse : leur part a décru de 1988 à 1991, passant de
17,2 à 12,4 % en 1991 puis est remontée à 19,4 % en 1995.
Les banques mutualistes ont enregistré un accroissement constant de leur
part de marché qui est passée de 28,2 % en 1988 à 35,7 %
en 1995. La part des sociétés financières et celle des
institutions financières spécialisées ont, quant à
elles, constamment décru sur la période d'observation.
En termes de crédits, on constate une évolution similaire.
Jusqu'en 1991, la part des banques a légèrement crû,
passant de 49,5 % à 51 %, pour ensuite décroître
jusqu'à 48,8 % en 1995. Inversement, la part des caisses
d'épargne est restée stable jusqu'en 1991 autour de 4,2 % pour
ensuite croître jusqu'à 5,3 % en 1995. La part des mutualistes et
celle des sociétés financières ont augmenté de
façon constante, alors que celle des institutions financières
spécialisées a décru.
Ces évolutions ne se retrouvent qu'avec un certain retard dans la
situation globale de bilan, puisque la part des banques AFB a crû
jusqu'en 1993, passant ainsi de 55 % à 59,5 %, avant de
décroître jusqu'à 57,6 %. Les caisses d'épargne ont
enregistré une évolution inverse, leur part diminuant de 8,3 %
à 5,8 % pour ensuite remonter jusqu'à 6,4 %. Les mutualistes ont
enregistré une progression constante de leur part de marché de
15,7 à 17,7 %, contrairement aux institutions financières
spécialisées et aux sociétés financières qui
ont vu leur part décroître de façon
régulière.
Force est donc de constater que la crise n'a pas été
traversée de la même façon par les établissements.
En termes juridiques, ce sont les banques commerciales classiques dites
banques AFB qui ont supporté l'essentiel de la crise. Elles ont vu leurs
bénéfices nets diminuer globalement et ont dû commencer
à réduire leurs effectifs pour faire face aux difficultés.
En revanche, les banques mutualistes et les banques coopératives ont
réalisé de bonnes performances. Quant aux caisses
d'épargne elles ont pu à la fois augmenter leurs
bénéfices et leurs effectifs.
En termes économiques, il semble que ce sont les petits et moyens
établissements à vocation générale et les banques
locales ou mixtes qui aient le plus mal supporté la crise. Les
très grands établissements ou réseaux à vocation
générale tirent leur épingle du jeu, mieux en tout cas que
les grands établissements. Les établissements de marché
sont ceux qui ont le mieux résisté à la crise.
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En conclusion de cette première partie, il convient de
se poser deux questions :
- pourquoi certains établissements bancaires ont-ils mieux
traversé la crise que d'autres ?
- pourquoi les systèmes bancaires qui ont également
traversé une crise dans la période récente se sont-ils
rétablis plus rapidement que le système français ?
En réponse à ces questions, l'analyse semble montrer que la
crise du système bancaire français est essentiellement d'origine
structurelle et que les distorsions de concurrence, même si elles n'ont
joué qu'un rôle macro-économique mineur, conduisent
à une redistribution sectorielle importante des parts de marché
qui explique, au moins en partie, la situation contrastée de notre
système bancaire.
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