II. LES RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE INSÉRÉ DANS LE MAGAZINE « SÉNAT ACTUALITES »


• La mission d'information a, par la voie du magazine « Sénat Actualités » , diffusé un questionnaire sur la place et le rôle des femmes dans la vie publique, destiné au premier chef aux élus nationaux et locaux.

Les questions étaient les suivantes :

Pourquoi, selon vous, les femmes sont-elles moins nombreuses en France que dans d'autres pays à exercer des responsabilités politiques (Gouvernement, Parlement, organes élus des collectivités territoriales, partis) ?

Pensez-vous que la place et le rôle des femmes dans la vie publique devraient être plus importants ? Si oui, pourquoi et dans quels domaines ?

Pensez-vous que des mesures devraient être prises pour accroître la place et le rôle des femmes dans la vie publique ? Si oui, lesquelles ?


• Les quelque 500 réponses qui sont ainsi parvenues à la mission d'information ne sauraient certes être considérées comme pleinement représentatives de l'opinion publique majoritaire sur le rôle et la place des femmes dans la vie publique.

Elles en donnent néanmoins une image que l'on peut supposer fidèle, par comparaison à l'échantillonnage de 1 000 personnes environ sur lequel s'appuient la plupart des sondages d'opinion.

La mission d'information tient, à cet égard, à remercier tous les élus locaux et nationaux qui ont bien voulu lui faire part de leur sentiment en répondant à ce questionnaire.

Les causes alléguées de la trop faible participation des femmes à la vie publique

- Les principales causes de la place modeste faite aux femmes dans la vie
publique sont diversement appréciées par les femmes et les hommes.

. Selon ces derniers, c'est au manque de disponibilité des femmes, qui cumulent avec difficulté responsabilités professionnelles, maternelles et ménagères, qu'il faut imputer la faible féminisation de la vie publique. Ensuite viennent :

- le fait que les femmes soient modérément bien acceptées par le "clan des hommes", l'attachement des hommes au pouvoir, le monopole des compétences par les hommes et, de manière générale, les "archaïsmes de la société française" ;

- le poids des traditions (accès tardif au droit de vote...) et l'influence de la culture latine ;

- le manque d'intérêt des femmes elles-mêmes pour la vie politique, et le
fait que l'on ait du mal à trouver des femmes souhaitant s'engager.

. Les réponses adressées par les femmes élues introduisent quelques nuances dans ces propos.

Les "archaïsmes de la société française", son "machisme", et le fait que le monde politique, organisé autour des modes de pensée masculins, soit étranger aux femmes, sont ainsi considérés par la majorité des élues comme la première cause de la faible présence des femmes dans la vie publique.

Le manque de disponibilité des femmes n'est cité qu'après, soit que les élues qui ont répondu au questionnaire ne soient pas -ou plus- confrontées aux difficultés du cumul de la vie professionnelle et des responsabilités éducatives, soit que les auteurs des réponses, considérant leur engagement politique comme une priorité, soient parvenues à organiser leur vie en conséquence.

Ensuite seulement sont stigmatisés le poids des traditions et l'influence de la culture latine.

En revanche, le manque d'intérêt des femmes pour la vie politique n'est considéré par les élues que comme une cause secondaire de la place modeste faite aux femmes dans la vie publique.

- D'autres facteurs de la faible féminisation de la vie publique ont été
cités à titre subsidiaire :

- le fonctionnement des institutions : attitude des partis, mode de scrutin, cumul des mandats, conditions d'exercice du pouvoir (réunions tardives...) ;

- les traits de caractère féminins : modestie et manque de confiance en soi (plus fréquemment mentionnés par les hommes), "misogynie" des femmes jalouses de leurs semblables (réponse à très forte dominante masculine), caractère plus entier, voire plus "sévère", ce qui n'est pas très bien porté en politique (réponse majoritairement féminine), et réticences à l'égard de la démarche de "quête de voix" induite par le scrutin majoritaire (réponse essentiellement masculine) ;

- les défaillances de la formation des femmes : carence de l'éducation civique, manque de compétence dans le domaine politique, et niveau d'instruction inférieur à celui des hommes (réponse exclusivement masculine) ;

- Enfin, d'autres réponses, majoritairement féminines, mentionnent :

- la crainte des femmes de "déplaire à leur conjoint" en s'engageant en politique ;

- la préférence des électeurs pour les candidats masculins ;

- le sentiment que l'on exige plus d'une femme que d'un homme.

L'opportunité d'une augmentation de la place des femmes dans la vie publique

On distingue, sur cette question également, des raisons majeures et des motifs accessoires d'encourager la féminisation de la vie publique.

Notons que la plupart de ces réponses jugent que les qualités et traits de caractère généralement reconnus aux femmes constitueraient un apport indéniable à la pratique du pouvoir en France.

. Une très forte majorité des élus ayant répondu au questionnaire de la mission d'information et, parmi ceux-ci, une majorité d'hommes soulignant le rôle des femmes dans la Résistance, estiment que les femmes devraient être plus présentes à tous les niveaux de responsabilité (de la commune au gouvernement).

Ces réponses se réfèrent à des qualités présentées comme spécifiquement féminines (pragmatisme, sens de l'organisation, sensibilité particulière, caractère passionné) et s'interrogent sur la pertinence de la spécialisation constatée de femmes dans les secteurs à dominante sociale.

. D'autres réponses, majoritairement féminines, relèvent également existence de traits de caractère essentiellement féminins (sens des réalités, vision concrète et "moins politicienne" des choses, dynamisme, sens de l'action, intuition) et les présentent comme des atouts en vue d'un engagement politique, jugeant que la féminisation de la vie publique permettrait de "réconcilier le citoyen et les élus", et présenterait l'avantage de moraliser la vie politique et de rendre la gestion du pouvoir plus innovante.

. Par ailleurs, une majorité d'hommes considèrent que les compétences des femmes dans certains domaines (social, éducatif, humanitaire, écologique, juridique, culturel) pourraient justifier une spécialisation des femmes dans la gestion locale, où leur « sens du concret » s'exprimerait dans les meilleures conditions.

Si l'élargissement de l'accès des femmes à la vie publique est justifié par le poids des femmes dans la population (réponse majoritairement masculine), certains élus trouvent inopportun d'encourager la féminisation du pouvoir, non seulement parce que l'engagement des femmes dans le foyer leur paraît plus important, mais aussi parce que la participation à la vie associative leur semble mieux fondée que l'engagement politique (réponse exclusivement masculine).

. D'autres motifs d'accélérer la féminisation de la vie politique sont plus rarement cités :

- la complémentarité entre hommes et femmes doit conduire à un meilleur partage du pouvoir ;

- la participation croissante des femmes à la vie économique du pays induit leur participation à la vie politique ;

- les capacités des femmes sont équivalentes à celles des hommes.

. Enfin, de rares réponses concluent au fait que l'égalité entre hommes et femmes pour l'accès à la vie publique est déjà réalisée, et qu'il ne tient qu'aux femmes d'y occuper une place plus importante (réponse majoritairement masculine).

Les solutions préconisées pour accroître la participation féminine à la vie publique

Une assez forte proportion des réponses (par ailleurs majoritairement masculines) contestent l'opportunité de mesures particulières pour faire évoluer la place des femmes dans la vie publique.

La majorité des élus qui ont répondu au questionnaire se sont néanmoins déclarés favorables, soit à l'adoption de mesures destinées à favoriser la mixité des lieux de pouvoir, soit à une politique d'incitation faisant une large part à l'éducation et à l'action sur les mentalités.

. Les élus hostiles à l'adoption de mesures particulières se réfèrent au libre choix de l'électeur, à la compétence des candidats, voire à l'évolution naturelle de notre société vers une participation croissante des femmes à la vie publique.

Dans cette perspective, les mesures favorables à la féminisation des lieux de pouvoir sont considérées par certains comme une "hypocrisie" à finalité électoraliste (réponses exclusivement masculines), par d'autres comme "dégradantes" pour les femmes (réponse majoritairement masculine).

C'est ainsi que les quotas sont assimilés à une "insulte pour les femmes", qui doivent pouvoir s'imposer par leurs seules compétences.

L'adoption de quotas conduirait, dans cet esprit, à une perversion de la démocratie qui se traduirait par une baisse de la qualité du personnel politique.

. Les réponses favorables à la mise en oeuvre d'actions incitatives ont majoritairement été adressées par des femmes, sans que la difficulté de l'entreprise doit d'ailleurs minimisée.

Le changement des mentalités, jugé indispensable à une amélioration de la situation des femmes dans la vie publique, passe par l'éducation des hommes au partage des responsabilités familiales, et implique d'encourager très tôt les filles a assumer des responsabilités représentatives (au sein, par exemple, des conseils de classe). Le renforcement de l'éducation civique, ainsi que l'organisation de campagnes médiatiques destinées à inciter les femmes à briguer des mandats électifs, ont également été mentionnés.

D'autres réponses évoquent la sensibilisation des maires à la féminisation des conseils municipaux.

. Les mesures suggérées en vue de faciliter l'accès des femmes à la vie publique ont trait, pour les unes, à la réforme des institutions et, pour les autres, à l'adaptation du statut de l'élu(e) aux contraintes féminines.

Les mesures se référant à des solutions institutionnelles renvoient à :

- la réforme du mode de scrutin (soutien de liste, scrutin proportionnel) ;

- la limite d'âge ;

- la réduction du cumul des mandats ;

- une réforme du financement des partis politiques en fonction du nombre de femmes présentées aux élections ;

- l'inscription de la parité dans la Constitution ;

- la mise en oeuvre de quotas, "mal nécessaire" pour atteindre progressivement la parité, à partir d'un tiers de femmes à toutes les élections (réponse majoritairement masculine).

D'autres mesures préconisées se caractérisent par le souci d'adapter le statut de l'élu(e) aux contraintes familiales et domestiques des femmes :

- allocations et aides financières permettant de concilier éducation des enfants, vie professionnelle et vie publique, le cas échéant sous la forme d'une "allocation familiale de libre choix" (réponse majoritairement masculine) ; certains voient mal néanmoins comment une telle allocation pourrait être compatible avec la conduite simultanée d'une carrière politique et d'une profession ;

- réduction du temps de travail, aménagement des horaires et indemnités supplémentaires permettant aux élues de financer la garde de leurs enfants pendant les réunions liées à l'accomplissement de leur mandat ;

- aménagement du temps de travail des conjoints d'élues, afin que ceux-ci puissent les remplacer auprès des enfants ;

- amélioration du statut de l'élu(e), garantissant le retour à la vie professionnelle dans des conditions analogues à celles dont bénéficient actuellement les seuls fonctionnaires, permettant l'accès à des aides à domicile, et comportant des garanties de ressources pendant l'accomplissement du mandat pour ceux (et celles) qui ne poursuivraient pas leur activité professionnelle (réponse à parité masculine et féminine).

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