B. LA NAISSANCE D'UNE COMPETITIVITE STRUCTURELLE
Le concept de compétitivité structurelle est
à mettre en relation avec celui de compétitivité-prix. La
compétitivité structurelle est celle qui explique que le
renchérissement de nos produits lié à
l'appréciation relative de notre monnaie n'entraîne pas une baisse
automatique de nos ventes.
Si nos produits ne bénéficient pas encore d'un "label de
qualité" comparable à celui qui auréole les marchandises
"made in Germany", il n'en reste pas moins que plusieurs facteurs
jouent
maintenant positivement en faveur d'une meilleure résistance de nos
exportations à la variation des taux de change.
Cette meilleure résistance de notre commerce extérieur a
été mise en lumière par rapport aux importants mouvements
monétaires auxquels notre économie a été soumise
depuis quelques années, qu'il s'agisse de la dépréciation
tendancielle du dollar depuis la fin des années 1980 ou des
dévaluations pratiquées récemment par l'Espagne, le
Royaume-Uni ou l'Italie.
1. Une bonne "absorption" des dévaluations de rattrapage
L'analyse de ces dévaluations montre qu'en ce qui
concerne la livre et la peseta, l'ensemble du mouvement de baisse depuis 1992
n'a fait qu'absorber la dérive des coûts salariaux que ces deux
pays ont connue. Dans ces deux cas, il s'agit donc d'une simple restauration du
niveau de compétitivité-prix.
Le cas de l'Italie, en revanche, traduit une toute autre situation, dans la
mesure où l'ensemble des baisses du taux de change de la lire correspond
à une véritable dévaluation compétitive,
c'est-à-dire à un mouvement de baisse allant bien au-delà
du simple rattrapage de la dérive des coûts au sein de
l'économie italienne.
En termes de change réel, la lire se situe en effet aujourd'hui à
un niveau qui est de 25 % inférieur à celui du début
de 1992.
Les observations qui ont été faites sur les conséquences
pour la France de ces dévaluations révèlent des effets
contrastés. En ce qui concerne les
pays dont les dévaluations
n'ont constitué qu'un simple rattrapage
de la dérive des
coûts de production, il s'avère que la relance du niveau de leur
activité économique a largement compensé leur
surcroît de compétitivité sur les marchés tiers. Nos
exportations vers l'Espagne par exemple ont connu de fortes progressions en
1994 et 1995.
2. Une difficile "digestion" des dévaluations compétitives
Notre situation par rapport aux
pays ayant pratiqué
une dévaluation compétitive
est plus complexe. L'effet
positif de ces dévaluations tient au bénéfice indirect
qu'apporte à notre économie cette "désinflation
importée", dont le phénomène a été
décrit plus haut.
Pour sa part, l'effet négatif, qui se manifeste en raison du
surcroît de compétitivité des produits de ces pays, doit
être relativisé sur le plan chronologique et, dans une moindre
mesure, sur le plan géographique. Dans le temps, les gains de
compétitivité de nos partenaires ont tendance à se
réduire dans la mesure où leurs dévaluations
renchérissent la valeur de l'ensemble de leurs importations contribuant
ainsi à une "'inflation importée". Dans l'espace, il convient de
distinguer nos positions commerciales au sein de l'Union européenne, qui
résistent bien, dans la mesure où la compétitivité
de nos produits repose sur d'autres éléments que le seul
prix ; de nos positions dans les pays en développement où
nos parts de marché ont reculé.
Le principal impact négatif se mesure en réalité sur le
plan sectoriel
. Nos secteurs les plus fragilisés par la
compétition internationale sont, en effet, les plus touchés par
le regain de compétitivité de leurs concurrents italiens,
espagnols et britanniques.
Il s'agit en particulier des secteurs du textile, de la chaussure, du jouet et
du papier. En ce qui concerne les autres secteurs industriels, la bonne
résistance de nos parts de marché en Europe, qui s'appuie
largement sur notre forte présence industrielle et commerciale dans ces
pays, s'oppose au recul de nos parts de marché hors d'Europe, où
l'Italie, l'Espagne et la Grande-Bretagne sont parvenues à
préserver leurs positions.
Ces analyses mettent en évidence que le
choix d'une monnaie forte
impose à notre pays de définir des orientations
stratégiques pour que notre économie et notre
société puissent affronter la mondialisation des échanges
dans les meilleures conditions.