- LISTE DES RECOMMANDATIONS
DE LA MISSION D'INFORMATION
- AVANT-PROPOS
- I. UN CONSTAT GLOBAL : UNE LOI STRUCTURANTE ET
PORTEUSE D'AVANCÉES POUR LE SECTEUR DE LA CRÉATION
- II. UN POINT D'ALERTE MAJEUR :
L'INQUIÉTANTE REMISE EN CAUSE, DE PLUS EN PLUS FRÉQUEMMENT, DES
PRINCIPES DE LIBERTÉ DE CRÉATION ET DE DIFFUSION
ARTISTIQUES
- III. POUR UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS LA
GOUVERNANCE DES POLITIQUES PUBLIQUES DE SOUTIEN À LA
CRÉATION : MIEUX COOPÉRER ET CO-CONSTRUIRE À
L'ÉCHELLE DES TERRITOIRES
- IV. LA NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE
ADAPTATION DU CADRE NATIONAL DE LA LABELLISATION ET DU CONVENTIONNEMENT AUX
RÉALITÉS TERRITORIALES
- V. L'URGENCE D'UN RÉENGAGEMENT PUBLIC EN
FAVEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ARTISTIQUE
- VI. DES SUJETS SPÉCIFIQUES QUI APPELLENT
UNE ÉVOLUTION LÉGISLATIVE ET/OU RÉGLEMENTAIRE
- I. UN CONSTAT GLOBAL : UNE LOI STRUCTURANTE ET
PORTEUSE D'AVANCÉES POUR LE SECTEUR DE LA CRÉATION
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- TABLEAU DE MISE EN oeUVRE
ET DE SUIVI DES RECOMMANDATIONS
N° 117
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission de la culture, de
l'éducation, de la communication
et du sport (1) par la mission
d'information sur l'évaluation
du
volet « création » de la loi
relative à la liberté de la
création,
à
l'architecture et au
patrimoine (LCAP),
Par Mmes Else JOSEPH, Sylvie ROBERT et Monique de MARCO,
Sénatrices
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Mireille Conte Jaubert, Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Virginie Lucot Avril, Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Maurice Perrion, Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.
LISTE DES RECOMMANDATIONS
DE LA MISSION D'INFORMATION
AXE N° 1
Garantir l'effectivité des principes de
liberté de création
et de diffusion artistiques face aux
atteintes dont ils font l'objet
Recommandation n° 1 : Modifier l'article 2 de la loi LCAP pour consacrer explicitement la pleine autonomie des principes de liberté de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 2 : Élaborer et diffuser, en lien et pour les professionnels de la création, un guide juridique et pratique sur les libertés de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 3 : Inciter les associations d'élus à davantage sensibiliser et former les élus locaux aux libertés de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 4 : Inviter les préfets à garantir l'effectivité des principes de liberté de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 5 : Mettre en place, au niveau de chaque direction régionale des affaires culturelles (DRAC), une cellule d'observation et d'alerte sur les différentes formes d'atteinte aux libertés de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 6 : Étudier l'opportunité et les conditions de création d'une instance de médiation indépendante, qui pourrait être un Défenseur des libertés de création et de diffusion artistiques, sur le modèle du Défenseur des droits.
Recommandation n° 7 : Mieux informer les professionnels de la création et les élus locaux sur la possibilité de recours devant les tribunaux en cas d'entrave aux libertés de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 8 : Appeler le ministère de la culture et le ministère de la justice à mener conjointement un travail d'expertise juridique sur les conditions requises pour constituer le délit d'entrave aux libertés de création et de diffusion artistiques, afin de faciliter le dépôt de plainte sur le fondement de l'article 431-1 du code pénal.
Recommandation n° 9 : Confier le contentieux relatif aux libertés de création et de diffusion artistiques à des chambres spécialisées.
AXE N° 2
Agir à trois niveaux pour relancer les politiques publiques de soutien à la création artistique : co-construire les politiques culturelles à l'échelle des territoires, revitaliser l'État culturel déconcentré, refinancer la création dans un contexte budgétaire contraint
Recommandation n° 10 : Faire émerger, au niveau des territoires, des alliances culturelles stratégiques, réunissant les collectivités territoriales volontaires et l'État autour de quelques grands objectifs communs à accomplir pour répondre aux besoins locaux.
Recommandation n° 11 : Revitaliser les DRAC en renforçant leurs moyens humains et en leur donnant davantage de latitude pour répartir les crédits déconcentrés.
Recommandation n° 12 : Étudier les modalités selon lesquelles une partie des crédits consacrés au Pass culture pourrait être réaffectée au secteur de la création.
Recommandation n° 13 : Examiner la possibilité pour l'État et les collectivités territoriales de consacrer un pourcentage du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l'espace public.
AXE N° 3
Mieux adapter le cadre national de la
labellisation
et du conventionnement aux réalités
territoriales
Recommandation n° 14 : Réduire le nombre de critères quantitatifs exigés par les cahiers des missions et des charges relatifs à la labellisation et au conventionnement.
Recommandation n° 15 : Actualiser les cahiers des missions et des charges des labels et des conventions au regard des problématiques sociétales actuelles comme la transition écologique ou l'intelligence artificielle.
Recommandation n° 16 : Permettre une meilleure déclinaison territoriale des cahiers des missions et des charges des labels et des conventions, afin qu'ils puissent être davantage adaptés aux caractéristiques culturelles des territoires.
AXE N° 4
Enclencher un réengagement public
en faveur
de l'enseignement supérieur artistique
Recommandation n° 17 : Inciter les universités et les écoles publiques d'art à nouer des partenariats en matière de troisième cycle doctoral.
Recommandation n° 18 : Rendre compte aux commissions parlementaires compétentes des conclusions de la mission de diagnostic sur la situation des écoles d'art territoriales1(*).
Recommandation n° 19 : Revaloriser le statut de professeur d'enseignement artistique, condition indispensable à une meilleure attractivité de ce métier.
Recommandation n° 20 : Réaffirmer la compétence et la responsabilité des régions en matière de développement et de structuration de l'enseignement supérieur artistique, moyennant le transfert concomitant et intégral des crédits correspondants.
Recommandation n° 21 : Rééquilibrer la double tutelle ministérielle (ministère de la culture/ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche) exercée sur les écoles supérieures d'architecture, afin que ces écoles soient mieux prises en compte dans l'écosystème de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Recommandation n° 22 : Mettre fin à la dualité d'interlocuteurs (la DGCA et la DG2TDC2(*)) au sein du ministère de la culture, facteur bloquant de l'avancée du dossier « conservatoires ».
AXE N° 5
Clarifier ou ouvrir certains sujets spécifiques
Recommandation n° 23 : Réouvrir le dossier de la pratique artistique en amateur, afin de combler les failles du cadre réglementaire actuel.
Recommandation n° 24 : Favoriser l'accès du Centre national de la musique (CNM) aux données nécessaires à l'exercice de sa mission d'observation du secteur de la musique.
Recommandation n° 25 : Ouvrir une concertation avec les professionnels de la filière musicale sur l'évolution du périmètre d'intervention du médiateur de la musique.
Recommandation n° 26 : Appeler l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à mener un travail de concertation avec les professionnels concernés pour clarifier le régime des quotas radiophoniques francophones, en particulier pour corriger les incohérences liées aux définitions actuelles des « nouveaux talents » et des « titres chantés ».
Recommandation n° 27 : Ouvrir, dans un cadre concerté, le chantier de la protection juridique des producteurs de spectacles.
Recommandation n° 28 : Réaffirmer la position de la France en faveur de la protection du droit d'auteur, dans le contexte d'essor de l'intelligence artificielle.
AVANT-PROPOS
La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP », est le fruit de travaux parlementaires très approfondis et constructifs - le texte a fait l'objet de deux lectures dans chaque assemblée -, ainsi que l'aboutissement d'un long processus de concertation avec les professionnels de la culture.
Huit ans après son adoption, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a souhaité évaluer la mise en oeuvre de son volet consacré à la création artistique, secteur ayant subi de plein fouet les crises successives de ces dernières années, confronté aux enjeux majeurs de la transformation des pratiques culturelles liée à l'essor du numérique et de la transition écologique, et dont le modèle économique est très fragilisé par la dégradation des finances publiques.
Sur proposition de ses rapporteures, Else Joseph (Les Républicains, Ardennes), Monique de Marco (Écologiste - Solidarité et Territoires, Gironde) et Sylvie Robert (Socialiste, Écologiste et Républicain, Ille-et-Vilaine), la commission formule vingt-huit recommandations visant, d'une part, à améliorer et mieux appliquer la loi LCAP, d'autre part, à contribuer à une prise de conscience générale sur la nécessité de replacer la création artistique au coeur des politiques publiques culturelles.
I. UN CONSTAT GLOBAL : UNE LOI STRUCTURANTE ET PORTEUSE D'AVANCÉES POUR LE SECTEUR DE LA CRÉATION
Composé de 54 articles, le volet « création » de la loi LCAP ambitionne, entre autres, de protéger la création et la diffusion artistiques, d'encourager la production artistique dans sa diversité, de définir le cadre de la politique de service public de soutien à la création artistique, de conforter les structures culturelles conventionnées ou labellisées, de structurer l'enseignement supérieur artistique. Sur certains de ces sujets, le texte fait évoluer le droit existant, sur d'autres, il donne un cadre légal qui n'existait pas encore.
Pour nombre d'acteurs du secteur, la loi LCAP est jugée structurante, s'apparentant même aux yeux de certains à « une boussole » utilisée quotidiennement.
La loi LCAP consacre tout d'abord, dans ses articles 1 et 2, les principes de liberté de création et de diffusion artistiques, qui tirent leur force du principe constitutionnel de liberté d'expression et qui n'avaient encore jamais été formellement consacrés en tant que tels dans le droit français. Cette reconnaissance législative est apparue essentielle à l'heure où l'environnement de la création et de la diffusion artistiques connaît de profondes mutations et fait parfois l'objet de remises en cause, pouvant affecter les choix artistiques des créateurs, des programmateurs ou des diffuseurs. Essentielles au bon fonctionnement d'une société démocratique, la création et la diffusion artistiques doivent être protégées des décisions de pure opportunité politique et/ou économique qui risqueraient de limiter la diversité des points de vue artistiques et, ce faisant, l'offre culturelle proposée aux citoyens. La loi LCAP en garantit donc les principes et assortit les atteintes qui leur sont portées à des sanctions pénales.
La loi LCAP lie ensuite, dans son article 3, la responsabilité conjointe de l'État et des collectivités territoriales en matière culturelle au respect des droits culturels, notion reconnue pour la première fois par le législateur dans la loi NOTRe du 7 août 20153(*). Cette réaffirmation des droits culturels prolonge l'idée que chacun doit pouvoir être libre de s'exprimer sous quelque forme artistique que ce soit et libre de choisir ses pratiques culturelles. Faisant désormais partie intégrante de la législation, les droits culturels forment la colonne vertébrale autour de laquelle doivent s'articuler les politiques publiques culturelles aussi bien au niveau national que territorial.
Au même article 3, la loi LCAP fixe pour la première fois les objectifs de « la politique de service public » en faveur de la création artistique, responsabilité partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Parmi ses principales missions, figurent notamment l'aide à la création et aux artistes, l'accès de tous les publics à la création, l'égalité femme-homme, l'amélioration des conditions et des outils du développement artistique sur l'ensemble du territoire, la mise en oeuvre des actions d'éducation artistique et culturelle, la formation des professionnels de l'art, la pérennisation de l'emploi et de l'activité professionnelle artistique...
La loi LCAP donne également, à l'article 5, une existence juridique harmonisée à la politique de labellisation et de conventionnement, précisant les procédures de recrutement des dirigeants des structures concernées et affirmant l'existence de cahiers des missions et des charges. Cette disposition est particulièrement importante, dans la mesure où les labels et les conventions constituent aujourd'hui le coeur de la politique culturelle de l'État sur l'ensemble du territoire national et l'un des outils essentiels de coopération entre celui-ci et les collectivités territoriales.
Dans une même logique de structuration du paysage de la création, la loi LCAP :
- confère une base légale aux fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) ;
- encadre la pratique artistique en amateur ;
- apporte une reconnaissance légale à certaines professions artistiques (marionnettiste, artiste de cirque, chorégraphe...) ;
- améliore la transparence dans les relations entre artistes interprètes et producteurs ;
- clarifie les liens entre producteurs et diffuseurs.
Enfin, la loi LCAP comporte plusieurs mesures visant à mieux organiser l'enseignement artistique, comme :
- l'harmonisation des modalités d'organisation de l'enseignement supérieur artistique à travers un nouveau système d'accréditation des établissements ;
- l'affirmation de la mission de formation et de recherche des écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa) ;
- la reconnaissance du statut d'étudiant aux élèves des classes préparant à l'entrée dans les établissements d'enseignement supérieur artistique ;
- la clarification du cadre d'intervention des collectivités publiques en faveur des conservatoires.
À la lumière de ces dispositions, qui ne représentent pas à elles seules l'intégralité du volet « création », la loi LCAP apparaît comme un socle normatif fondateur pour un secteur qui pâtissait jusqu'alors d'un certain flou juridique. Les rapporteures notent d'ailleurs que la plupart des professionnels qu'elles ont auditionnés saluent les clarifications et les avancées dont ce texte est porteur.
Leur mission de contrôle révèle toutefois que la loi LCAP connaît, à l'épreuve de sa mise en oeuvre, des vicissitudes.
II. UN POINT D'ALERTE MAJEUR : L'INQUIÉTANTE REMISE EN CAUSE, DE PLUS EN PLUS FRÉQUEMMENT, DES PRINCIPES DE LIBERTÉ DE CRÉATION ET DE DIFFUSION ARTISTIQUES
A. LA CONSÉCRATION DANS LA LOI DES PRINCIPES DE LIBERTÉ DE CRÉATION ET DE DIFFUSION ARTISTIQUES
L'inscription dans le marbre de la loi des principes selon lesquels « la création artistique est libre » et « la diffusion de la création artistique est libre » constitue la mesure phare du volet « création » de la loi LCAP.
Historiquement rattachée à la liberté d'expression, la liberté de création artistique bénéficiait jusqu'alors de la protection de ce droit fondamental, dans un rapport d'accessoire à principal. Sa formulation expresse à l'article 1 de la loi LCAP marque un changement majeur : la liberté de création artistique existe désormais par elle-même, elle n'est plus seulement une application particulière de la liberté d'expression. Cette émancipation conceptuelle permet juridiquement de penser la liberté de création comme un droit à la fois autonome et opposable.
Pour être effective, la liberté de création dépend toutefois d'un certain nombre de conditions, parmi lesquelles les moyens dont dispose l'artiste pour créer. Une autre condition, moins évidente à première vue, car postérieure à l'acte de création, tient aux possibilités de diffusion de l'oeuvre. Les conflits survenus par le passé sur des questions de programmation artistique ont montré, lors des travaux sur la loi LCAP, la nécessité d'aller au-delà de la seule affirmation de la liberté de création et de répondre à l'adage cher aux professionnels de la création, selon lequel « pas de liberté de création sans liberté de diffusion ». L'article 2 de la loi LCAP reconnaît ainsi la liberté de diffusion comme pendant indispensable de la liberté de création.
À l'instar de toutes libertés, les libertés de création et de diffusion sont susceptibles d'atteintes ; elles doivent donc être protégées afin de ne pas être réduites à de simples libertés symboliques. L'article 2 de la loi LCAP introduit ainsi, à l'article 431-1 du code pénal, un délit spécifique en cas d'entrave à l'exercice des libertés de création et de diffusion, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. En créant ce délit, le législateur fait entrer les libertés de création et de diffusion dans le champ des libertés fondamentales, puisque leur respect est désormais garanti par la loi. C'est donc logiquement que les libertés de création et de diffusion ont été érigées au rang des libertés fondamentales par le Conseil d'État en 20214(*).
B. DES LIBERTÉS À L'ÉPREUVE DE LEUR EFFECTIVITÉ
1. Des entraves aux libertés de création et de diffusion plus nombreuses et plus diverses
Unanimement salué pour sa portée symbolique et juridique, le cadre protecteur posé par la loi LCAP est, dans les faits, soumis à rude épreuve.
De leurs échanges avec les professionnels du secteur de la création, les représentants des collectivités territoriales, le ministère de la culture, des juristes, les rapporteures dressent en effet un constat paradoxal et inquiétant : les atteintes à la liberté de création et à la liberté de diffusion artistiques sont de plus en plus fréquentes et diverses, quand bien même ces principes sont reconnus et protégés par la loi depuis 2016.
Auparavant limitées à quelques affaires emblématiques d'audience potentiellement nationale, dans des lieux souvent symboliques susceptibles d'une importante médiatisation, les entraves constatées depuis quelques années sont plus nombreuses et ont une portée plus locale. Prenant la forme d'annulations de représentations, de manifestations sur le lieu d'exposition ou de représentation, d'actions d'intimidation parfois violentes, elles sont dirigées contre les artistes, leurs oeuvres ou les programmateurs. Selon l'Observatoire de la liberté de la création5(*), cette première évolution est le signe que des individus ou des collectifs, pour exprimer leur mécontentement ou leur désapprobation, passent de plus en plus rapidement et facilement à l'acte pour se faire justice eux-mêmes. Ils ne cherchent plus seulement la plus grande audience médiatique possible, mais veulent aussi se rendre visibles dans la vie locale et exercer une pression qui favorise l'autocensure chez les artistes et les diffuseurs.
Deuxième évolution notable, les chefs d'accusation invoqués se sont diversifiés. Les motivations classiques, d'ordre religieux, moral ou politique, sont toujours présentes, mais le spectre s'est élargi à d'autres justifications d'ordre sociétal.
Troisième évolution directement liée à la précédente, le profil des censeurs est lui aussi plus hétérogène. Historiquement l'apanage d'institutions comme l'État ou l'Église, de mouvements issus des milieux traditionnalistes ou d'extrême droite, les formes nouvelles d'atteinte aux libertés de création et de diffusion sont le fait d'associations, de groupes ou groupuscules plus ou moins éphémères, aux motivations couvrant désormais tout l'échiquier politique.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces changements : les mutations sociétales récentes qui ouvrent le périmètre des sujets pouvant donner lieu à contestation, la transformation des moyens collectifs d'action, notamment l'usage croissant des réseaux sociaux qui jouent un rôle organisateur et amplificateur, le retentissement symbolique et médiatique de plus en plus fort que peut avoir la culture dans un monde très polarisé.
2. Une tendance inquiétante à la censure préventive
Autre tendance de fond, moins visible que celles précédemment évoquées et donc plus insidieuse, des atteintes aux libertés de création et de diffusion artistiques prennent la forme d'« autocensure » ou de « censure préventive » survenant dès la création ou au moment de la diffusion de l'oeuvre.
D'après les informations recueillies par les rapporteures, certains élus locaux, de leur propre chef ou sous la pression de collectifs citoyens, peuvent décider de ne pas programmer ou de déprogrammer une oeuvre, notamment pour motif de trouble à l'ordre public. Aux expositions ou spectacles potentiellement polémiques, sont alors privilégiées des programmations plus consensuelles, tendance qui, sur le long terme, pourrait entraîner une standardisation et un appauvrissement de l'offre culturelle. Des élus peuvent aussi intervenir plus ou moins directement auprès de programmateurs, afin de les inciter à ne pas présenter des oeuvres abordant des sujets possiblement « clivants », freinant ainsi la prise de risque artistique.
Ces formes de censure sont particulièrement dénoncées par les représentants du spectacle vivant privé, qui alertent sur les difficultés grandissantes auxquelles font face les producteurs et les diffuseurs pour programmer, dans certains territoires, des spectacles traitant de thématiques sociétales.
Jugeant cette tendance très inquiétante pour la diversité et la richesse de l'offre culturelle, ainsi que la vigueur du débat démocratique, les rapporteures rappellent la responsabilité des élus locaux en la matière et plaident pour que ces derniers soient mieux sensibilisés et formés à ces questions.
D'un point de vue territorial, il semble que les grands centres urbains soient moins touchés par ces situations de pression et de censure préventive. Selon France urbaine, les grandes villes et les métropoles disposent en effet, pour une grande majorité d'entre elles, de cadres de gouvernance et de modus operandi visant à éviter - autant que faire se peut - les interférences sur la programmation artistique. Ces garde-fous semblent, à l'inverse, moins présents dans les territoires périurbains et ruraux.
Des cas de censure préventive impliquant des préfets de département sont également remontés aux rapporteures. Certains ont pu porter atteinte au principe de liberté de création artistique en demandant des informations sur le passé judiciaire d'artistes, ou limiter la diffusion artistique par des restrictions appliquées à l'espace public pour motif sécuritaire ou atteinte à l'ordre public.
3. Un phénomène difficile à quantifier et à objectiver
Bien que la remise en cause grandissante des libertés de création et de diffusion artistiques soit très largement constatée par toutes les parties prenantes, les rapporteures appellent à une certaine prudence dans le diagnostic, car cette tendance reste peu documentée. Il n'existe en effet pas de données statistiques nationales consolidées, seulement des remontées d'informations au cas par cas. Certains acteurs du secteur y voient d'ailleurs davantage « un climat général » qu'un phénomène véritablement quantifiable.
Les rapporteures notent en outre que la face la moins visible de cette remise en cause, qui s'apparente à de la censure insidieuse, est par définition difficile à objectiver. Il est en effet parfois compliqué de distinguer, dans la décision de déprogrammation émanant d'un élu local, ce qui relève d'un choix politique assumé d'une forme d'autocensure.
À cela s'ajoute le fait que les atteintes aux libertés de création et de diffusion recouvrent différentes formes - menace, pression, entrave, censure -, qui rendent la finesse de l'analyse particulièrement complexe.
4. Un délit d'entrave aux libertés de création et de diffusion très insuffisamment mobilisé
Malgré la multiplication des cas d'entrave aux libertés de création et de diffusion, le dépôt de plainte sur le fondement de l'article 431-1 du code pénal est loin d'être systématique ; son utilisation tient plutôt de l'exception6(*).
Selon l'Observatoire de la liberté de la création, deux principales raisons peuvent expliquer ce paradoxe : une méconnaissance du dispositif en raison de son caractère relativement récent ; surtout, des conditions de constitution du délit trop exigeantes. En effet, en application de l'article 2 de la loi LCAP7(*), deux conditions cumulatives sont requises pour que l'entrave soit effective : il faut qu'il y ait une concertation et qu'une menace existe. Or celles-ci sont difficiles à démontrer :
- les preuves du caractère concerté du mode opératoire sont souvent compliquées à apporter ;
- l'ordre de déprogrammation ou d'annulation n'est presque jamais formulé explicitement dans les appels à mobilisation contre des oeuvres artistiques. En outre, il ne s'accompagne presque jamais d'une menace d'entrave explicite ; le plus souvent, les groupuscules activistes dénoncent et invitent à la mobilisation devant les lieux d'exposition ou de spectacle. Qui plus est, les rares textes publics qui pointent le caractère blasphématoire ou profanateur de telle ou telle oeuvre sont parfaitement légaux, car ils relèvent d'un droit fondamental, la liberté d'expression.
Au regard de ces difficultés, les rapporteures appellent le ministère de la culture et le ministère de la justice à mener conjointement un travail d'expertise juridique sur les conditions requises pour constituer le délit d'entrave aux libertés de création et de diffusion, dans l'objectif de faciliter le dépôt de plainte.
Elles constatent par ailleurs que, lorsqu'une plainte est déposée, le juge continue d'utiliser le plus souvent l'argument des atteintes à la liberté d'expression et non à la liberté artistique en tant que liberté fondamentale autonome, ce qui explique l'absence regrettable de jurisprudence sur l'article 431-1 du code pénal.
C. GARANTIR L'EFFECTIVITÉ DES PRINCIPES DE LIBERTÉ DE CRÉATION ET DE DIFFUSION ARTISTIQUES
Si les rapporteures se félicitent de la consécration des principes de liberté de création et de diffusion artistiques aux articles 1 et 2 de la loi LCAP, elles relèvent toutefois une maladresse, voire une incohérence, dans la rédaction retenue par le législateur en 2016, qui amoindrit leur portée.
En effet, à l'article 2, la proclamation de la liberté de diffusion des oeuvres est directement suivie par la précision selon laquelle elle s'exerce « dans le respect des principes encadrant la liberté d'expression et conformément à la première partie du Code de la propriété intellectuelle ». En rattachant la liberté de diffusion des oeuvres à la liberté d'expression, cette mention peut être interprétée comme niant toute singularité tant à la liberté de diffusion des oeuvres qu'aux oeuvres elles-mêmes. C'est pourquoi les rapporteures proposent de modifier l'article 2 pour consacrer explicitement la spécificité des principes de liberté de création et de diffusion artistiques.
Outre cette nécessaire clarification conceptuelle et rédactionnelle, les rapporteures estiment que les aggravations constatées ces dernières années en matière d'atteinte aux libertés de création et de diffusion sont majoritairement imputables non pas à une faiblesse normative de la loi LCAP, mais à sa méconnaissance et à son insuffisante appropriation.
Aussi, pour aller plus loin dans la protection effective de ces libertés, elles estiment que les leviers d'action se situent désormais au niveau de :
- la sensibilisation des acteurs concernés, notamment des élus locaux ;
- l'information et l'accompagnement des professionnels de la création en ce qui concerne leurs droits et devoirs ;
- la mise en place d'espaces d'observation et d'alerte dans les territoires.
C'est d'ailleurs dans ce sens que le ministère de la culture leur a indiqué vouloir travailler.
1. En amont, consacrer la spécificité des principes de liberté de création et de diffusion artistiques et mieux prévenir les atteintes qui leur sont portées
Recommandation n° 1 : Modifier l'article 2 de la loi LCAP pour consacrer explicitement la pleine autonomie des principes de liberté de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 2 : Élaborer et diffuser, en lien et pour les professionnels de la création, un guide juridique et pratique sur les libertés de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 3 : Inciter les associations d'élus à davantage sensibiliser et former les élus locaux aux libertés de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 4 : Inviter les préfets à garantir l'effectivité des principes de liberté de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 5 : Mettre en place, au niveau de chaque direction régionale des affaires culturelles (DRAC), une cellule d'observation et d'alerte sur les différentes formes d'atteinte aux libertés de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 6 : Étudier l'opportunité et les conditions de création d'une instance de médiation indépendante, qui pourrait être un Défenseur des libertés de création et de diffusion artistiques, sur le modèle du Défenseur des droits.
2. En aval, davantage utiliser le délit d'entrave aux libertés de création et de diffusion artistiques
Recommandation n° 7 : Mieux informer les professionnels de la création et les élus locaux sur la possibilité de recours devant les tribunaux en cas d'entrave aux libertés de création et de diffusion artistiques.
Recommandation n° 8 : Appeler le ministère de la culture et le ministère de la justice à mener conjointement un travail d'expertise juridique sur les conditions requises pour constituer le délit d'entrave aux libertés de création et de diffusion, afin de faciliter le dépôt de plainte sur le fondement de l'article 431-1 du code pénal.
Recommandation n° 9 : Confier le contentieux relatif aux libertés de création et de diffusion artistiques à des chambres spécialisées.
III. POUR UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS LA GOUVERNANCE DES POLITIQUES PUBLIQUES DE SOUTIEN À LA CRÉATION : MIEUX COOPÉRER ET CO-CONSTRUIRE À L'ÉCHELLE DES TERRITOIRES
A. UN CADRE DE GOUVERNANCE PRÉCISÉ PAR LA LOI LCAP, MAIS PEU OPÉRANT DANS LA PRATIQUE
1. La compétence partagée en matière culturelle confortée par la loi LCAP
Les politiques culturelles constituent, en application des lois de décentralisation successives, une compétence partagée entre l'État et les collectivités territoriales, confirmée par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe ».
En rappelant, dans son article 3, les fondamentaux de l'action publique de l'État en matière culturelle, tout en affirmant avec volontarisme le partenariat avec les collectivités territoriales, la loi LCAP s'inscrit dans la continuité de la loi NOTRe et conforte le cadre de gouvernance fondé sur cette compétence partagée.
Parfois remise en question au profit d'une organisation qui reposerait sur un « chef de filât », comme l'a récemment proposé le rapport Woerth8(*), la compétence partagée en matière culturelle est un principe qui, aux yeux des rapporteures, continue de faire sens, mais qui nécessite une coopération exigeante entre les collectivités publiques.
Comparativement à une répartition obligatoire des compétences entre les différents échelons territoriaux, la compétence partagée présente en effet plusieurs avantages :
- elle garantit aux élus locaux, de tous niveaux de collectivités, une marge d'intervention - qui est fonction de leur degré de volonté politique - et une souplesse d'organisation permettant d'adapter l'action culturelle aux spécificités de chaque territoire ;
- elle diminue le risque lié au désengagement d'une collectivité du champ culturel - par manque de moyens financiers ou par défaut de volonté politique -, en permettant aux autres échelons territoriaux de prendre le relais ;
- elle incite aux partenariats de projets et aux financements croisés, contribuant ainsi au dynamisme de la vie culturelle locale.
En autorisant tous les échelons territoriaux à intervenir en matière culturelle, la compétence partagée peut toutefois se traduire par un manque de lisibilité et de cohérence dans l'action publique, constat qui rend nécessaire un dialogue approfondi entre les collectivités territoriales et l'État.
2. L'échec des conférences territoriales de l'action publique consacrées à la culture
L'article 4 de la loi LCAP prévoit que la coopération entre collectivités publiques en matière culturelle se déroule au sein d'une nouvelle enceinte, les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) dédiées à la culture.
Force est cependant aujourd'hui de constater que, dans la plupart des régions, les CTAP « culture » sont inopérantes si ce n'est inexistantes. Elles n'ont jamais réellement trouvé leur place dans le paysage régional, sauf en Normandie et en Bretagne. Le rapport de Boris Ravignon, publié en mai dernier, sur les coûts des normes et de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités9(*), résume ainsi la situation : « Les CTAP apparaissent aujourd'hui majoritairement désactivées et perçues par la majorité des acteurs rencontrés comme des "coquilles vides" ».
De leurs échanges avec les représentants des collectivités territoriales, les rapporteures dressent le même constat d'échec : quand les CTAP existent et se réunissent, elles s'apparentent à des « grand-messes » composées d'une centaine de membres, où les prises de parole se succèdent de manière uniquement formelle. Les métropoles et les départements y jugent leur représentativité inadéquate, tandis que les collectivités de petite taille ne s'y estiment pas suffisamment représentées. Certaines collectivités sont en outre extrêmement réticentes à l'idée d'un pilotage de cette instance par les conseils régionaux.
D'autres enceintes de dialogue entre les collectivités territoriales et l'État, associant aussi les professionnels de la culture, se sont mises en place ces dernières années et se révèlent plus efficaces, comme les conseils locaux des territoires pour la culture (CLTC) ou les comités régionaux pour le spectacle (Coreps). Les Coreps ont fait tout particulièrement leurs preuves depuis la crise sanitaire, notamment sur des sujets liés à l'emploi. L'intégration progressive des collectivités territoriales en leur sein est un signal positif des échanges entre professionnels de la culture et élus, quand bien même toutes les disciplines artistiques ne sont pas couvertes et que les acteurs mobilisés ne sont pas représentatifs de l'exhaustivité artistique et culturelle d'un territoire donné.
B. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE PLUS EN PLUS IMPLIQUÉES DANS LA CRÉATION, FACE À UN ÉTAT EN RETRAIT
1. Les collectivités territoriales, des financeurs majoritaires de la création artistique sous contraintes budgétaires
Historiquement, le soutien de l'État à la création artistique est un des éléments fondateurs de la politique culturelle depuis la naissance du ministère en 1959. Mais, en quelques décennies, sous l'effet combiné du partage de la compétence culturelle et de la raréfaction des finances publiques, l'écosystème de la création s'est profondément transformé.
Convaincues de l'effet levier des politiques culturelles en termes d'attractivité et de rayonnement pour leurs territoires, les collectivités ont progressivement joué un rôle moteur dans le soutien à la création artistique, jusqu'à en devenir les principaux contributeurs. La Cour des comptes constate ainsi que l'État n'est plus qu'un financeur « minoritaire » du spectacle vivant10(*), les collectivités locales apportant près des trois quarts des financements du secteur. Prises dans leur globalité, les dépenses publiques culturelles sont aujourd'hui portées principalement par les communes et intercommunalités (80 %) et, dans une moindre mesure, par les régions (12 %) et les départements (9 %). Plus de la moitié de ces dépenses est consacrée au soutien à la création artistique et aux activités culturelles, tandis qu'un gros tiers porte sur la conservation et la diffusion du patrimoine.
Le soutien à la création artistique pâtit cependant aujourd'hui de la fragilisation financière globale de ses contributeurs majoritaires. Les réformes fiscales successives11(*), la non-indexation sur l'inflation de la dotation globale de fonctionnement due par l'État, les transferts de compétences sans compensation de charges sont en effet de nature à affaiblir les recettes des collectivités territoriales et à amputer les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de leurs politiques de soutien et de développement à la culture. Une baisse des dépenses culturelles des collectivités a ainsi été entamée dès le début de la crise sanitaire en 202012(*), puis s'est poursuivie dans le contexte de crise énergétique et de forte inflation. Voyant leurs marges se restreindre, les collectivités territoriales sont amenées à faire des arbitrages budgétaires, au cours desquels la culture peut constituer une variable d'ajustement, en l'absence d'une forte volonté politique pour préserver ce poste de dépenses.
En 2023, des dépenses culturelles des collectivités territoriales qui résistent globalement mieux qu'attendu
Selon le baromètre 2023 de l'Observatoire des politiques culturelles13(*), les dépenses culturelles des collectivités territoriales ont mieux résisté en 2023 que les difficultés exprimées lors de la préparation des budgets et le ressenti des acteurs culturels ne le laissaient présager. 43 % des collectivités interrogées déclarent une stabilité de leur budget culturel de fonctionnement (hors masse salariale) entre 2022 et 2023, 38 % indiquent une augmentation et moins de 20 % annoncent une baisse.
Entre 2022 et 2023, la stabilité budgétaire en fonctionnement domine assez largement pour les régions et les intercommunalités de l'échantillon (60 % au moins des métropoles, communautés urbaines et communautés d'agglomération comprenant une ville de plus de 50 000 habitants). Près de la moitié des départements indiquent une augmentation. La situation est plus hétérogène concernant les communes, avec un premier tiers d'entre elles qui font état d'une baisse, un deuxième tiers d'une augmentation, et un troisième tiers d'une stabilisation. Sachant que les communes sont les premiers financeurs de la culture en volume budgétaire, cette donnée relativise l'impression générale plutôt favorable.
Toutes collectivités territoriales confondues, les baisses affectent davantage le spectacle vivant, les musées et le patrimoine, le livre et la lecture, c'est-à-dire les domaines traditionnels de la politique culturelle qui pèsent souvent le plus dans les budgets culturels des collectivités. Le spectacle vivant apparaît particulièrement fragilisé budgétairement au niveau des communes. À l'inverse, les festivals et les évènements, ainsi que l'éducation artistique et culturelle (EAC) sont les domaines qui bénéficient le plus de hausses. Cette nouvelle répartition budgétaire entre secteurs culturels, qualifiée d'« évènementialisation » de la politique culturelle par l'Observatoire, est une tendance de fond observée depuis une dizaine années, qui s'explique par les choix politiques des élus locaux.
2. Un État affaibli tant sur le plan financier qu'administratif
À mesure que l'intervention des collectivités territoriales en matière de création a pris de l'importance, l'engagement de l'État, lui aussi sous contraintes budgétaires, s'est progressivement amenuit. Dernier symbole en date de cette évolution structurelle, la baisse de 96 millions d'euros annoncée en début d'année par le ministère de l'économie et des finances pour le soutien à la création, soit 10 % du programme budgétaire 131 dédié à ce secteur. Si l'essentiel de cette coupe budgétaire est imputé sur les crédits gelés de la réserve de précaution du programme, ainsi que sur les fonds de roulement disponibles des grands établissements nationaux sous tutelle du ministère, les professionnels de la création ont exprimé aux rapporteures leur très vive inquiétude quant au risque d'une « deuxième lame budgétaire » en 2025. Beaucoup ont décrit un secteur exsangue, l'effet rattrapage post-crise sanitaire n'étant qu'« un trompe-l'oeil » au regard des conséquences des crises énergétiques et inflationnistes. De très nombreuses structures culturelles voient leurs marges artistiques se réduire drastiquement et leur situation financière se dégrader, posant la question de leur pérennité financière.
Particulièrement affecté par les crises successives, le secteur de la culture a toutefois fait l'objet d'un soutien public conjoncturel important depuis 2020, dans le triple objectif d'aider la création et la diffusion, de préserver le patrimoine culturel et artistique, et de permettre le retour des publics. Relativement stable jusqu'en 2020 (progression annuelle moyenne de 2017 à 2019 de 1,7 %), le budget du ministère de la culture a ainsi connu une forte augmentation à partir de cette année-là, même s'il demeure toujours bien inférieur (0,6 %) à l'objectif de 1 % du budget de l'État.
Les principales augmentations de crédits budgétaires sont cependant ciblées sur des mesures nouvelles telles le Pass culture, dispositif désormais phare du ministère de la culture, que la commission de la culture a toujours considéré comme un outil au service de la démocratisation culturelle et non comme la colonne vertébrale d'une véritable politique stratégique.
Évolution des crédits
affectés au financement du Pass culture depuis 2019
(en
millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
Les crédits nouveaux consacrés à la création concernent également des programmes reposant sur la mobilisation pluriannuelle conjointe de l'État et des collectivités territoriales. Le plus récent, le plan « Mieux produire, mieux diffuser », dont l'objectif est d'aider le secteur à reconstituer ses marges artistiques, a fait l'objet d'une dotation de 10 millions d'euros par l'État en 2024, laquelle doit être complétée par une contribution équivalente des collectivités. Mais le principe du versement « 1 euro État, 1 euro collectivité » est contesté par les exécutifs locaux, en particulier ceux des villes et des métropoles, qui le jugent peu équitable au regard de leur niveau d'engagement financier en faveur la culture. Surtout, les modalités d'attribution de l'enveloppe budgétaire de l'État sont largement critiquées pour leur manque de lisibilité et leur pilotage par l'administration centrale du ministère, alors qu'il aurait été logiquement du ressort des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) de répartir localement les crédits.
Pour les rapporteures, ce dernier exemple est particulièrement révélateur de la situation de grande fragilité dans laquelle se trouvent les DRAC, constat partagé par nombre d'acteurs du secteur et révélateur d'un affaiblissement de l'État culturel déconcentré. Alors que 80 % de l'action et des crédits du ministère de la culture en soutien à la création sont déconcentrés, les conseillers dédiés à ce secteur dans les DRAC sont peu nombreux et extrêmement mobilisés, la fusion des régions ayant considérablement développé leur périmètre d'intervention, sans que leur répartition globale ne soit toujours harmonisée. Comparaison particulièrement révélatrice, les effectifs de la plus grande DRAC de France, celle d'Ile-de-France, sont moins importants que ceux de la société anonyme simplifiée (SAS) qui gère le Pass culture.
C. AGIR À TROIS NIVEAUX POUR RELANCER LES POLITIQUES PUBLIQUES DE SOUTIEN À LA CRÉATION
1. À l'échelle des territoires, co-construire les politiques culturelles autour d'objectifs communs
Prenant acte de l'échec des CTAP « culture » et s'inscrivant dans la continuité de précédents travaux de la commission14(*), les rapporteures estiment que de nouvelles perspectives doivent être tracées en matière de gouvernance des politiques culturelles à l'échelle des territoires. Aux enceintes de dialogue pléthoriques et formelles, doivent succéder d'autres types d'instances permettant de fédérer, selon une périodicité régulière, les différents acteurs publics autour d'une démarche véritablement stratégique et opérationnelle.
Concrètement, il s'agirait, au niveau d'un territoire donné - qui pourrait être de niveau infrarégional -, de réunir les représentants des collectivités territoriales volontaires et de l'État pour faire émerger des alliances culturelles stratégiques reposant sur un nombre limité d'objectifs communs à poursuivre, dans le but de répondre aux besoins propres à ce territoire. Cette co-construction d'actions culturelles a déjà été expérimentée dans certains territoires, notamment en région Bretagne où une forme de contrat d'alliances a été conclu entre plusieurs collectivités.
Recommandation n° 10 : Faire émerger, au niveau des territoires, des alliances culturelles stratégiques, réunissant les collectivités territoriales volontaires et l'État autour de quelques grands objectifs communs à accomplir pour répondre aux besoins locaux.
2. Revitaliser l'État culturel déconcentré
Les rapporteures sont convaincues que les DRAC, qui disposent historiquement d'une grande expertise et qui connaissent les besoins locaux, doivent être renforcées sur le plan humain et disposer d'une latitude plus forte de la part de l'administration centrale du ministère pour orienter les crédits déconcentrés.
Recommandation n° 11 : Revitaliser les DRAC en renforçant leurs moyens humains et en leur donnant davantage de latitude pour répartir les crédits déconcentrés.
3. Refinancer la création dans un contexte budgétairement contraint
Au regard des difficultés financières grandissantes que rencontrent les structures culturelles, les rapporteures alertent sur le risque que cette situation fait peser sur leur capacité à mener à bien leurs missions de soutien à la création et à la diversité artistiques, mais aussi d'animation culturelle des territoires. En « asséchant » la création, c'est toute la politique culturelle qui est menacée, y compris le Pass culture dont l'attractivité dépend, entre autres, de l'étendue de son offre artistique.
C'est pourquoi les rapporteures estiment nécessaire, dans le contexte actuel budgétairement contraint, de voir dans quelles conditions et selon quelles modalités une partie des financements consacrés au Pass culture pourrait être réaffectée au secteur de la création.
Recommandation n° 12 : Étudier les modalités selon lesquelles une partie des crédits consacrés au Pass culture pourrait être réaffectée au secteur de la création.
Parmi les autres sources de financement envisageables, les rapporteures identifient la possibilité pour l'État et les collectivités territoriales de consacrer un pourcentage du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l'espace public. Ce dispositif, plus couramment qualifié de « 1 % travaux publics », a fait l'objet, en application de l'article 6 de la loi LCAP, d'un rapport au Parlement15(*), sans toutefois qu'il y soit donné suite. Les rapporteures estiment donc opportun de relancer la réflexion sur ce sujet, en accordant une importance particulière à la manière dont le dispositif envisagé pourrait être adapté au tissu artistique local et répondre aux besoins particuliers des territoires.
Recommandation n° 13 : Examiner la possibilité pour l'État et les collectivités territoriales de consacrer un pourcentage du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l'espace public.
IV. LA NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE ADAPTATION DU CADRE NATIONAL DE LA LABELLISATION ET DU CONVENTIONNEMENT AUX RÉALITÉS TERRITORIALES
A. UN CADRE DE RÉFÉRENCE NATIONAL TRÈS UTILE, MAIS TROP RIGIDE
1. Un socle juridique harmonisé grâce à la loi LCAP
L'article 5 de la loi LCAP et ses textes d'application (décret n° 2017-432 du 28 mars 2017 et arrêtés afférents) ont permis la mise en place d'un cadre de référence précis et harmonisé pour la politique de labellisation et de conventionnement, qui souffrait jusqu'alors de l'absence de socle juridique solide.
Le décret n° 2017-432 du 28 mars 2017 relatif aux labels et au conventionnement dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques
Le texte liste les douze labels existants, parmi lesquels « scène nationale », « centre chorégraphique national », « fonds régional d'art contemporain », « scène de musiques actuelles »...
Chacun de ces labels fait l'objet d'un cahier des missions et des charges, établi par arrêté ministériel, après consultation des représentants des collectivités territoriales et des organisations professionnelles concernées.
L'attribution d'un label est subordonnée à un ensemble de conditions communes aux douze labels. Celles-ci sont d'abord de présenter un projet artistique et culturel d'intérêt général, de création, de production ou de diffusion d'envergure nationale ou internationale dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques, conforme au cahier des missions et des charges, et de garantir la liberté de programmation artistique. Elles sont ensuite de favoriser par tout moyen, y compris tarifaire, l'accès du public le plus large et le plus diversifié aux productions et aux oeuvres, ou encore de déployer un programme d'actions et de médiation culturelles. Certaines conditions requises sont davantage fonctionnelles, comme de disposer d'une direction unique, de moyens humains et de locaux et d'équipements adaptés, de bénéficier du soutien financier d'au moins une collectivité territoriale, mais aussi de s'engager à ce que le poste de dirigeant de la structure labellisée soit pourvu selon une procédure de sélection formalisée avec appel public à candidatures et intervention d'un jury.
Le décret précise aussi les conditions du conventionnement, qui constitue une modalité distincte du label. Il indique qu'une convention pluriannuelle, d'une durée maximale de cinq ans, peut être conclue entre l'État et une structure pour la mise en oeuvre d'un programme d'actions artistiques et culturelles présentant un intérêt général pour la création artistique et le développement de la participation à la vie culturelle. La convention est, elle aussi, établie sur la base d'un cahier des missions et des charges, défini par arrêté ministériel pour chaque type de conventionnement.
Le dispositif national ainsi créé apporte une rigueur juridique et artistique qui profite à l'ensemble des structures culturelles concernées. En effet, obtenir et disposer d'un label ou d'un conventionnement est gage d'une crédibilité artistique reconnue à l'échelle d'un territoire et plus largement au niveau national.
Il traduit aussi un portage culturel partagé entre l'État et les collectivités territoriales : les grandes orientations d'un label, qui sont d'abord édictées par l'État pour garantir une harmonisation nationale, peuvent ensuite être adaptées localement, une collectivité pouvant faire le choix de retenir certaines missions du cahier des charges en fonction des priorités locales.
2. Un dispositif qui souffre de plusieurs lacunes
Si l'assise législative apportée par la loi LCAP à la labellisation et au conventionnement est unanimement saluée, plusieurs difficultés sont fréquemment remontées aux rapporteures :
- la complexité et l'exigence des procédures, leur caractère trop rigide et contraignant, alors que les moyens des équipes chargées de leur mise en oeuvre, tant du côté des collectivités que des professionnels, sont souvent restreints. Pointant les nombreuses obligations réglementaires posées par l'État alors que celui-ci ne cesse de se désengager financièrement, certaines collectivités en viennent à retirer leur participation au label ou au conventionnement ;
- la logique quantitative sous-jacente aux cahiers des missions et des charges, comme l'atteste le nombre très important d'indicateurs définis au niveau national, aux effets chronophages voire bloquants pour certaines structures culturelles ;
- l'inadaptation de certains cahiers des missions et des charges aux enjeux sociétaux actuels, comme la transition écologique ou l'intelligence artificielle, qui n'étaient pas aussi prégnants lors de l'examen de la loi LCAP et de la publication de ses textes d'application ;
- le manque de souplesse et l'absence de clause de revoyure des cahiers des missions et des charges, qui obèrent la marge de manoeuvre dont disposent les collectivités pour pouvoir les adapter aux spécificités territoriales.
B. APPORTER DE LA SOUPLESSE AU CADRE RÉGLEMENTAIRE ACTUEL
Au regard de ce bilan, les rapporteures estiment que le dispositif réglementaire tel qu'issu de la loi LCAP mérite d'être maintenu dans ses grandes lignes, mais qu'il nécessite d'être adapté dans les deux directions suivantes :
- insuffler une logique plus qualitative, en réduisant le nombre de critères quantitatifs définis au niveau national au profit de critères qualitatifs prenant notamment en compte les problématiques sociétales actuelles ;
- faciliter la déclinaison territoriale du socle réglementaire national, afin que les collectivités aient plus de marges pour le moduler en fonction des particularités locales.
Recommandation n° 14 : Réduire le nombre de critères quantitatifs exigés par les cahiers des missions et des charges relatifs à la labellisation et au conventionnement.
Recommandation n° 15 : Actualiser les cahiers des missions et des charges des labels et des conventions au regard des problématiques sociétales actuelles comme la transition écologique ou l'intelligence artificielle.
Recommandation n° 16 : Permettre une meilleure déclinaison territoriale des cahiers des missions et des charges des labels et des conventions, afin qu'ils puissent être davantage adaptés aux caractéristiques culturelles des territoires.
V. L'URGENCE D'UN RÉENGAGEMENT PUBLIC EN FAVEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ARTISTIQUE
A. DES ÉCOLES SUPÉRIEURES D'ART CONFORTÉES PAR LA LOI LCAP, MAIS ENCORE TRÈS FRAGILES
1. Les avancées permises par la loi LCAP
La loi LCAP, en son article 53, inscrit les formations d'enseignement supérieur en art dans le système européen licence-master-doctorat (LMD), ouvrant la voie à une structuration de l'offre de formations diplômantes à travers une procédure d'accréditation. En 2018, l'ensemble des établissements de la création artistique, comprenant 10 écoles nationales et 33 écoles territoriales, a ainsi été accrédité. Cette accréditation, renouvelée périodiquement en fonction de la « vague » à laquelle les établissements appartiennent, garantit la qualité de la formation. Elle fait l'objet d'une présentation pour avis au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) et/ou au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (Cneserac).
Accomplissant des missions de formation initiale et continue, ainsi que de recherche, reconnues par la loi LCAP, les écoles d'art peuvent désormais intégrer des projets d'université ou d'établissement expérimentaux.
La loi LCAP permet également, en application de son article 51, de délivrer un agrément aux établissements publics assurant une préparation à l'entrée dans les établissements d'enseignement supérieur de la création artistique. L'objectif de cette mesure est de renforcer la diversification des profils des étudiants accédant aux écoles supérieures publiques de la création et de constituer une offre d'enseignement public concurrente des classes préparatoires privées aux cursus très coûteux. En 2023, une mission du ministère de la culture a dressé un premier bilan de la mise en place de ces classes préparatoires. Celui-ci conclut notamment à la nécessité de réviser les critères d'agrément de ces classes, afin de permettre l'obtention par leurs étudiants de crédits ECTS (système européen de transfert et d'accumulation de crédits) correspondant à une première année d'université.
2. La persistance de problèmes structurels
De leurs échanges avec les représentants des écoles supérieures d'art, les rapporteures retiennent plusieurs difficultés que la loi LCAP n'a pas permis de régler :
- de manière générale, les écoles d'art peinent à s'inscrire pleinement dans le troisième cycle de doctorat, les universités disposant d'un monopole en la matière. Dans certains territoires, le système fonctionne bien car des accords ont été conclus entre les écoles d'art et les écoles doctorales, mais tel n'est pas le cas partout ;
- le statut des enseignants des écoles d'art continue d'être un sujet bloquant, tandis que le recours aux personnels contractuels est de plus en plus fréquent ;
Les enseignants des écoles nationales sont des « professeurs d'école nationale supérieure d'art » (PEN), tandis que ceux des écoles territoriales sont des « professeurs d'enseignement artistique » (PEA). Bien que leurs missions soient similaires, leurs statuts sont différents. Une mission interministérielle, confiée à l'inspection générale de l'administration (IGA), à l'inspection générale de l'action culturelle (IGAC) et à l'inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche (IGESR), a été diligentée en février 2022, conduisant à trois scénarios :
- la création d'un 3ème grade au sein du cadre d'emploi des PEA ;
- la création d'un corps unique de professeurs d'enseignement supérieur artistique géré par le ministère de la culture, ce qui entrainerait, de fait, l'intégration des PEA dans le corps des PEN ;
- la création d'un corps unique de professeurs d'enseignement supérieur artistique géré par le ministère de la culture, ce qui entrainerait, de fait, l'intégration des PEA dans le corps des PEN ;
- la création d'un cadre d'emplois spécifique aligné sur le statut des PEN pour les PEA exerçant des responsabilités d'enseignement supérieur.
- la création d'un cadre d'emplois spécifique aligné sur le statut des PEN pour les PEA exerçant des responsabilités d'enseignement supérieur.
Ce dernier scénario est privilégié, mais il représente un surcoût de mise en oeuvre estimé à 1,2 M€. Interrogé par les rapporteures, le ministère de la culture dit « être disposé à prendre sa part dans le financement de ce nouveau statut » (une demande de crédits nouveaux a été formulée en ce sens dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025), qui permettrait d'assurer une plus grande fluidité au sein du corps enseignant entre les écoles nationales et les écoles territoriales, ainsi que de développer la recherche dans les écoles territoriales.
Sur demande de la ministre de la culture, la DGCA a pris l'attache de la direction générale des collectivités locales (DGCL), afin de déterminer dans quel calendrier et selon quelles modalités cette évolution statutaire pourrait intervenir, en saisissant le conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) des conclusions de la mission interministérielle, ou pour réfléchir à d'autres modalités permettant de faire avancer ce dossier.
- en dépit de l'agrément délivré aux établissements publics préparant à l'entrée aux écoles supérieures d'art, la concurrence des classes préparatoires privées est de plus en plus offensive, mettant à mal l'objectif de la loi LCAP de constituer une offre publique suffisamment forte ;
- alors que la loi LCAP désigne la région comme échelon compétent pour organiser l'enseignement artistique à travers la possibilité pour celle-ci d'adopter un schéma régional de développement des enseignements artistiques, dans les faits, l'implication des régions est très variable, ce qui pose un problème d'équité territoriale. La région Normandie est l'une des seules à avoir fait preuve d'un fort volontarisme sur ce sujet : elle a adopté un schéma régional de développement des enseignements artistiques ambitieux, mais elle s'est finalement vu opposer un refus de transfert de crédits de la part du ministère de la culture ;
- les écoles d'art, en particulier les écoles territoriales, continuent d'être en grande difficulté financière, ce qui a conduit le ministère à annoncer en début d'année « un plan global de réforme », sans que le contenu de celui-ci ne soit précisé. Les rapporteures ont donc interrogé la DGCA sur ce dossier, qui lui a transmis les éléments ci-après :
En 2023, le ministère a attribué aux établissements d'enseignement supérieur d'art territoriaux une aide exceptionnelle de 2 M€. Ces écoles territoriales étant financées pour près de 90 % de leur budget par leurs communes et intercommunalités de rattachement, elles ne sont subventionnées qu'à titre complémentaire par le ministère de la culture.
C'est la raison pour laquelle un fonds de soutien partenarial va être mis en place par le ministère de la culture, dans l'objectif d'un rebasage pérenne de sa subvention. Il a ainsi été demandé à l'IGAC et à la DGCA de réaliser une mission de diagnostic, en charge des travaux préparatoires suivants :
- l'objectivation de la situation financière de chaque établissement, quel que soit son statut (établissement public de coopération culturelle (EPCC) pour la plupart, régie directe de collectivité ou association pour d'autres) ;
- la priorisation des besoins de financement complémentaire, dans l'attente de la détermination de l'engagement de l'État à l'issue de la préparation du budget 2025 et de l'identification par les collectivités territoriales partenaires des engagements financiers envisageables de leur côté ;
- l'identification des principaux axes en vue de la future convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens (CPOM) de chaque établissement, en lien avec la DRAC et les collectivités concernées.
Cette mission de diagnostic doit se dérouler jusqu'à fin octobre 2024.
- enfin, les étudiants boursiers des écoles d'art territoriales ne sont toujours pas être exonérés des frais d'inscription, alors que les boursiers de l'enseignement supérieur public le sont : cette inégalité de traitement entre étudiants est, pour les rapporteures, injustifiable16(*).
Au vu de cet état des lieux inquiétant, elles formulent les recommandations suivantes :
Recommandation n° 17 : Inciter les universités et les écoles publiques d'art à nouer des partenariats en matière de troisième cycle doctoral.
Recommandation n° 18 : Rendre compte aux commissions parlementaires compétentes des conclusions de la mission de diagnostic sur la situation des écoles d'art territoriales.
Recommandation n° 19 : Revaloriser le statut de professeur d'enseignement artistique, condition indispensable à une meilleure attractivité de ce métier.
Recommandation n° 20 : Réaffirmer la compétence et la responsabilité des régions en matière de développement et de structuration de l'enseignement supérieur artistique, moyennant le transfert concomitant et intégral des crédits correspondants.
Concernant les écoles d'architecture, dont la loi LCAP reconnaît à la fois leur mission d'enseignement supérieur et leur mission de recherche, les rapporteures ont été alertées par leur défaut d'intégration dans l'écosystème de l'enseignement supérieur et de la recherche et, plus globalement, par l'insuffisante mise à profit de la tutelle exercée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
C'est pourquoi les rapporteures formulent la recommandation suivante :
Recommandation n° 21 : Rééquilibrer la double tutelle ministérielle (ministère de la culture/ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche) exercée sur les écoles supérieures d'architecture, afin que ces écoles soient mieux prises en compte dans l'écosystème de l'enseignement supérieur et de la recherche.
B. DES CONSERVATOIRES DONT LA SITUATION A PEU PROGRESSÉ DEPUIS LA LOI LCAP
1. Les espoirs suscités par la loi LCAP
À la fin des années 2000, l'État s'était considérablement désengagé du financement des conservatoires17(*), l'enveloppe dédiée étant passée de 35 millions d'euros en 2006 à 27 millions d'euros en 2012. Les crédits ont ensuite été entièrement supprimés, excepté pour les conservatoires à rayonnement régional adossés à des pôles d'enseignement supérieur.
Ce retrait progressif de l'État s'est expliqué par la volonté de celui-ci de transférer la compétence « enseignement artistique spécialisé » et les crédits correspondants vers les collectivités territoriales. Ce choix a été particulièrement critiqué, les collectivités déplorant l'insuffisance des moyens pour assumer cette compétence.
C'est dans ce contexte de crise que la loi LCAP marque un réengagement de l'État en faveur des conservatoires, son article 51 affirmant son rôle, aux côtés des collectivités territoriales, dans « le financement de l'enseignement artistique spécialisé au travers des établissements d'enseignement public de la musique, de la danse et de l'art dramatique ».
La loi LCAP précise également, s'agissant du troisième cycle des conservatoires destiné à préparer les élèves à l'enseignement artistique supérieur, qu'il est financé par les régions, auxquelles l'État accorde un montant équivalent aux sommes qu'il a dépensées à ce titre, dans ces mêmes régions, sur les années 2010, 2011, 2012.
Ces dispositions ont, à l'époque, été saluées tant par les professionnels que par les élus locaux, suscitant l'espoir de nouvelles perspectives pour les conservatoires.
À partir de 2016, le ministère de la culture s'est effectivement réinvesti à travers un « plan conservatoires », qui s'est traduit par un abondement de 21 millions d'euros par an. Toutefois, l'aide financière de l'État aux établissements est dorénavant conditionnée à quatre critères : la mise en oeuvre d'une politique tarifaire sociale, le renouvellement des pratiques pédagogiques, la diversification de l'offre artistique et le développement des partenariats. Parallèlement à ce volet financier, le ministère a engagé un travail de réforme des critères de classement des conservatoires et de définition des conditions de délivrance d'un diplôme national. Les propositions élaborées par la DGCA, rendues publiques en juillet 2019, ont cependant été rejetées par les représentants du secteur, ces derniers dénonçant à la fois l'absence de concertation et le caractère inabouti et insatisfaisant des propositions ministérielles.
Les conservatoires ont ensuite été frappés de plein fouet par la crise sanitaire, qui s'est traduite par un fort taux d'absentéisme et une diminution parfois très importante de leurs effectifs.
2. Des conservatoires toujours aux prises avec de nombreuses difficultés
Malgré les gages apportés par la loi LCAP, les rapporteures constatent que la situation des conservatoires a, huit ans après, peu progressé :
- les collectivités, au premier rang desquelles les communes et leurs groupements, en sont toujours les principaux financeurs. Or les marges de manoeuvre de ces dernières étant de plus en plus contraintes, cela a des répercussions sur les conservatoires qui, eux aussi, manquent de financements pour assumer pleinement leurs missions ;
- très peu de régions se sont investies en faveur du troisième cycle des conservatoires et, plus largement, dans la structuration territoriale des enseignements artistiques ;
- le diplôme national n'est toujours pas entré en vigueur, la publication des textes réglementaires ayant pris beaucoup de retard. Auditionnée par les rapporteures, l'association Conservatoires de France dit craindre « une usine à gaz, qui ferait mieux de ne pas voir le jour » ;
- la filière est structurellement fragilisée par de graves problèmes de recrutement : alors que de nombreux départs à la retraite sont programmés, le métier de professeur en conservatoire n'attire plus les candidats. Sont notamment pointés un niveau de rémunération trop faible et un défaut de formation professionnelle continue.
Au regard de cet état des lieux décevant, les rapporteures appellent le ministère de la culture à réinvestir en urgence le sujet « conservatoires ».
Recommandation n° 22 : Mettre fin à la dualité d'interlocuteurs (la DGCA et la DG2TDC18(*)) au sein du ministère de la culture, facteur bloquant de l'avancée du dossier « conservatoires ».
VI. DES SUJETS SPÉCIFIQUES QUI APPELLENT UNE ÉVOLUTION LÉGISLATIVE ET/OU RÉGLEMENTAIRE
A. RÉOUVRIR LE DOSSIER DE LA PRATIQUE ARTISTIQUE EN AMATEUR
Fruit d'une longue phase de concertation avec les partenaires sociaux du spectacle et les associations d'artistes amateurs, complétée sur plusieurs points au cours du débat parlementaire, l'article 32 de la loi LCAP offre un cadre sécurisé aux quelque 12 millions de personnes qui, en France, pratiquent en amateur une discipline artistique.
La loi LCAP donne une définition légale des artistes amateurs19(*), afin de les distinguer clairement des artistes professionnels salariés ; elle sécurise les spectacles réalisés à l'initiative des amateurs sans que leur activité ne soit considérée comme lucrative ; elle permet de valoriser la pratique artistique amateur dans un cadre professionnel sans porter atteinte à la présomption de salariat des artistes, telle que définie par le code du travail.
Si ce cadre législatif est unanimement considéré comme une avancée, tel n'est pas le cas de sa déclinaison réglementaire dont plusieurs professionnels critiquent le manque de clarté et de précision, ainsi que l'articulation toujours non satisfaisante entre pratique professionnelle et pratique amateur.
C'est pourquoi les rapporteures souhaitent que le ministère de la culture réouvre ce chantier dans le but d'améliorer les textes réglementaires issus de la loi LCAP.
Recommandation n° 23 : Réouvrir le dossier de la pratique artistique en amateur, afin de combler les failles du cadre réglementaire actuel.
B. PLUSIEURS PROBLÉMATIQUES À TRAITER DANS LE SECTEUR DE LA MUSIQUE
1. Améliorer l'observation économique de la filière musicale
Partant du constat d'un déficit de données économiques sur la filière musicale, préjudiciable tant aux pouvoirs publics qu'aux professionnels, l'article 12 de la loi LCAP crée un observatoire de l'économie de la musique, dans le but d'assurer une meilleure connaissance économique du secteur et une plus grande transparence entre les acteurs. Cette nouvelle structure a d'abord été rattachée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), puis intégrée au Centre national de la musique (CNM) lors de la fusion du CNV et de quatre associations au sein du nouvel opérateur public national en 2020.
Pour accomplir cette mission d'observation de la filière musicale, le CNM s'est doté d'une direction des études et de la prospective qui produit chaque année des études thématiques, des baromètres et, plus ponctuellement, des études en réponse à des demandes spécifiques du ministère de la culture. Le choix, la réalisation et la publication de ces études reposent, comme les autres activités du CNM, sur une démarche de concertation avec les représentants de la filière.
Certains professionnels du secteur musical ont dressé aux rapporteures un bilan plutôt décevant de cette mission d'observation, pointant une réactivité assez faible, une insuffisance de moyens et un manque toujours persistant de données nationales agrégées.
Si le CNM reconnaît que les ressources humaines dont il dispose pour mener cette mission d'observation sont limitées, il insiste aussi sur ses difficultés à accéder à certaines données pour l'accomplir de manière satisfaisante. En effet, les textes constitutifs du CNM ne mentionnent pas les moyens qu'il peut utiliser pour collecter les informations nécessaires auprès de l'ensemble du secteur musical. Il existe ainsi des cas, concernant essentiellement les acteurs privés du secteur, où les outils juridiques à disposition de l'opérateur font défaut.
Recommandation n° 24 : Favoriser l'accès du Centre national de la musique aux données nécessaires à l'exercice de sa mission d'observation du secteur de la musique.
2. Réfléchir à une évolution du périmètre d'intervention du médiateur de la musique
Institué par l'article 14 de la loi LCAP, le médiateur de la musique a pour mission principale de favoriser toute solution de conciliation concernant les différends relatifs à l'exécution ou à l'interprétation des accords et engagements contractuels pris entre les différentes catégories d'acteurs de la filière musicale.
Compétent en matière de droits voisins, le médiateur n'est, en revanche, pas habilité à intervenir en matière de droits d'auteur (les auteurs, les éditeurs ou encore la SACEM ne peuvent le saisir), ni sur des litiges relatifs à l'application de la convention collective de l'édition phonographique (qui dispose de sa propre commission de conciliation).
Ce champ d'intervention restreint explique sans doute le faible nombre de dossiers dont le médiateur a eu à traiter depuis sa création.
Recommandation n° 25 : Ouvrir une concertation avec les professionnels de la filière musicale sur l'évolution du périmètre d'intervention du médiateur de la musique.
3. Clarifier les règles relatives aux quotas francophones à la radio
Afin d'encourager la production et la diffusion de la création francophone, l'article 35 de la loi LCAP renforce, à destination des radios privées, les obligations minimales en matière de diffusion de chansons d'expression française. Auparavant, chaque diffusion d'un titre francophone, y compris lorsqu'il s'agissait du même titre, était comptabilisée dans le calcul du régime général de 40 % au moins de titres francophones. Désormais, si les dix titres francophones les plus diffusés représentent plus de 50 % de la programmation d'une radio, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ne sont plus prises en compte pour établir son taux de diffusion francophone.
Cette règle, dont le contrôle est assuré par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), s'avère plutôt bien respectée par la plupart des radios privées, certaines jouant toutefois plus le jeu que d'autres.
S'agissant des effets de cette mesure en termes d'exposition des titres francophones à la radio, l'on constate que la présence de titres francophones classés dans le top 100 annuel a sensiblement progressé depuis sa mise en oeuvre : plus de 40 % des titres présents dans les tops 100 annuels sont désormais des chansons d'expression francophone contre un tiers seulement en 2015. En outre, le nombre de nouveautés francophones diffusées sur les 34 principales radios a progressé de 61 % entre 2015 et 2023. Une hausse de même ampleur est observable concernant le nombre total d'artistes francophones différents diffusés à la radio.
Le dispositif issu de la loi LCAP fait donc ses preuves en termes de diversité de la programmation et de soutien à la création francophones.
Cependant, deux effets pervers découlant du régime actuel ont été portés à la connaissance des rapporteures par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Le premier concerne la définition des « nouveaux talents ». Celle en vigueur prend en compte les artistes n'ayant pas obtenu deux disques d'or depuis le début de leur carrière, ce qui signifie concrètement qu'un artiste peut être considéré comme un nouveau talent toute sa carrière, situation qui crée des « effets de bord » au détriment des artistes réellement débutants. La définition actuelle fait également entrer automatiquement dans la catégorie « nouveau talent » les duos d'artistes, même si ceux-ci sont confirmés.
Le deuxième effet pervers est lié à la définition des « titres chantés ». Entre actuellement dans cette catégorie « tout titre dont la moitié de la durée est composée de textes », ce qui permet de considérer des oeuvres chantées à 49 % comme des versions instrumentales, lesquelles ne sont pas comprises dans le calcul des quotas. En pratique, cette définition permet donc à certaines radios de minorer la part de chansons francophones dans leur programmation.
Estimant que ces incohérences nécessitent d'être corrigées, les rapporteures appellent l'Arcom à mener un travail de concertation avec les professionnels du secteur pour clarifier le régime des quotas radiophoniques francophones. À défaut d'avancée de ce dossier, le législateur prendra ses responsabilités pour procéder lui-même aux changements nécessaires.
Recommandation n° 26 : Appeler l'Arcom à mener un travail de concertation avec les professionnels concernés pour clarifier le régime des quotas radiophoniques francophones, en particulier pour corriger les incohérences liées aux définitions actuelles des « nouveaux talents » et des « titres chantés ».
4. Ouvrir le chantier de la protection juridique des producteurs de spectacles
En l'état actuel du droit, les producteurs de spectacles sont les seuls professionnels artistiques à ne pas bénéficier d'un droit de propriété intellectuelle, le législateur considérant jusqu'à présent qu'une telle protection n'était pas nécessaire. Les récentes évolutions technologiques rendent toutefois ce constat de moins en moins vrai : avec l'apparition et la popularisation des smartphones - qui permettent des captations de plus en plus faciles et de très bonne qualité - et l'essor des plateformes en ligne, les captations de spectacles, en totalité ou par extraits, se multiplient. Or le producteur de spectacle n'est aujourd'hui pas en mesure d'autoriser ou d'interdire une captation du spectacle qu'il produit, ni de maîtriser les diverses exploitations qui peuvent en être faites sur les réseaux. Il ne perçoit, en outre, contrairement aux plateformes en ligne, aucune rémunération sur les rentrées publicitaires générées par l'audience de ces vidéos.
Dans la mesure où l'essor de l'intelligence artificielle (IA), qui ouvre très largement les possibilités d'interactivité, d'effets sonores et visuels, de réalité augmentée et virtuelle, rend ces difficultés de plus en plus prégnantes, les rapporteures considèrent qu'il est temps d'ouvrir, dans un cadre concerté, le chantier de la protection juridique du producteur de spectacles.
Recommandation n° 27 : Ouvrir, dans un cadre concerté, le chantier de la protection juridique des producteurs de spectacles.
C. PRENDRE EN COMPTE LE NOUVEAU CONTEXTE TECHNOLOGIQUE LIÉ À L'ESSOR DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Depuis l'examen et la promulgation de la loi LCAP, le contexte technologique a fortement évolué. Les avancées réalisées en matière numérique bouleversent considérablement les modes de création et de diffusion artistiques, ainsi que les pratiques culturelles.
Selon la DGCA, dès lors que le ministère de la culture reconnaît les pratiques culturelles à distance comme des pratiques relevant à part entière de la fréquentation d'une institution culturelle ou d'une oeuvre, il est admis qu'elles sont tout autant concernées par la loi LCAP que les autres expressions ou mode d'accès artistiques, sans qu'il soit nécessaire jusqu'à ce jour de modifier le texte de la loi. Certains cahiers des missions et des charges, comme celui des scènes nationales, mentionnent ainsi expressément le numérique, considérant qu'une structure détentrice du label est « actrice du numérique au service des populations et de la création ». À cet égard, elle doit « veiller à prendre en compte les évolutions des techniques et des modes de représentation artistique et s'adapter aux transformations des pratiques culturelles ».
En revanche, les mutations majeures introduites par l'IA générative devront impliquer une évolution des textes français, dans la foulée des textes européens. En effet, si l'essor de l'IA apporte de nouvelles sources d'innovation et démultiplie les potentialités artistiques, il exige aussi davantage de régulation et de protection de l'oeuvre créée ainsi que de son auteur.
Interrogée sur ce sujet par les rapporteures, la DGCA indique que ces questions seront probablement traitées dans le cadre d'une législation propre à l'ensemble des enjeux soulevés par l'IA, comme ceux de la lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères.
Quel que soit le véhicule choisi pour conformer la législation française au droit communautaire, les rapporteures insistent sur la nécessité que la France réaffirme clairement, sur la scène européenne, sa position en faveur de la protection du droit d'auteur, qui est constitutif de l'ADN de la culture française.
Recommandation n° 28 : Réaffirmer la position de la France en faveur de la protection du droit d'auteur, dans le contexte d'essor de l'intelligence artificielle.
EXAMEN EN COMMISSION
6 NOVEMBRE 2024
M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent le rapport de Sylvie Robert, Monique de Marco et Else Joseph sur l'évaluation de la partie « création » de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite loi LCAP.
Mme Else Joseph, rapporteure. - La loi LCAP est le fruit de travaux parlementaires très approfondis et constructifs - le texte a fait l'objet de deux lectures dans chacune de nos assemblées, ce qui n'est plus arrivé depuis longtemps ! -, ainsi que l'aboutissement d'un long processus de concertation avec les professionnels de la culture. Son périmètre est très large puisqu'il va de la création et de la diffusion artistiques au patrimoine et à l'architecture, en passant par l'enseignement supérieur artistique.
Après huit années d'application, notre commission a souhaité évaluer la mise en oeuvre du volet consacré à la création artistique ; celui qui est relatif au patrimoine a été abordé dans le cadre de la mission d'information sur les architectes des bâtiments de France, dont les conclusions viennent de nous être présentées par Marie-Pierre Monier et Pierre-Jean Verzelen.
Notre mission, transpartisane, avait donc pour objectif de dresser un état des lieux approfondi des avancées, mais aussi des limites de la loi LCAP pour la création, qui - rappelons-le - a subi de plein fouet les crises successives de ces dernières années. Ce secteur est confronté à des enjeux majeurs comme la transformation des pratiques culturelles à l'ère du numérique ou la transition écologique, et son modèle économique est fragilisé par la dégradation des finances publiques.
À l'issue de notre trentaine d'auditions, nous avons choisi de structurer notre rapport autour de quatre axes principaux : l'effectivité des principes de liberté et de diffusion artistiques, la gouvernance et le financement des politiques publiques de la création, le cadre de la labellisation et du conventionnement, et l'organisation de l'enseignement supérieur artistique. Nous avons ajouté, à la fin du rapport, plusieurs remarques sur des dispositions diverses nécessitant, selon nous, une évolution législative ou réglementaire.
Commençons par un constat global positif : la loi LCAP a incontestablement permis des avancées pour un secteur qui souffrait jusqu'alors d'un certain flou normatif. Avec ses cinquante-quatre articles, le volet relatif à la création a créé un cadre juridique protecteur pour les libertés de création et de diffusion, précisé la gouvernance des politiques publiques de soutien à la création, formalisé la politique de labellisation et de conventionnement, structuré le paysage de la création et organisé l'enseignement supérieur artistique.
Sur certains de ces sujets, la loi LCAP a fait évoluer le droit existant, sur d'autres, elle a posé un socle juridique qui n'existait pas encore. Elle est ainsi considérée par nombre de professionnels comme un texte structurant, une « boussole », pour reprendre l'expression de l'un d'entre eux.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Venons-en à notre premier grand axe d'étude, à savoir les principes des libertés de création et de diffusion artistiques.
Les deux premiers articles de la loi LCAP consacrent, pour la première fois dans notre législation, les libertés de création et de diffusion, jusqu'alors considérées comme des applications particulières de la liberté d'expression. Désormais, la possibilité de créer des oeuvres et de les diffuser sans être soumis à des contingences politiques, économiques ou sociales, est garantie par la loi. En outre, un délit spécifique est créé pour punir les cas d'entrave à l'exercice des libertés de création et de diffusion. Ces dispositions constituent un acquis symbolique et juridique majeur, unanimement salué par les professionnels.
Qu'en est-il cependant dans la pratique ?
Les remontées de terrain nous permettent de dresser un constat paradoxal et inquiétant : alors que les libertés de création et de diffusion artistiques sont reconnues et protégées par la loi depuis 2016, les atteintes qui leur sont portées sont de plus en plus fréquentes et diverses.
Auparavant limitées à quelques affaires emblématiques d'audience nationale, dans des lieux souvent symboliques ou susceptibles d'une importante médiatisation, les entraves constatées ces dernières années sont plus nombreuses. Elles ont une portée plus locale et sont motivées par des intérêts plus diversifiés. Dirigées contre les artistes, leurs oeuvres ou leurs programmateurs, elles prennent la forme d'annulations de représentations, de manifestations sur les lieux d'exposition ou de représentation, voire même d'actions d'intimidation parfois violentes.
Que révèlent ces entraves aux libertés de création et de diffusion ?
D'abord, que les censeurs, aux profils plus hétérogènes que par le passé, cherchent non seulement la plus grande audience médiatique possible, mais veulent aussi se rendre visibles dans la vie locale et exercer une pression directe sur les artistes et les diffuseurs.
Ensuite, que les mutations sociétales récentes élargissent le périmètre des sujets pouvant donner lieu à contestation, tandis que la transformation des moyens collectifs d'action, en particulier l'usage croissant des réseaux sociaux, joue un rôle organisateur et amplificateur majeur.
Enfin, que la culture, dans une société fortement polarisée, a un retentissement symbolique et médiatique très fort.
Nous pointons une autre évolution récente, tout aussi inquiétante : le développement, dans nos territoires, d'une nouvelle forme de censure, moins visible et plus insidieuse, pouvant être qualifiée de censure préventive. Elle est le fait de programmateurs, d'élus locaux qui, de leur propre chef ou sous certaines pressions, préfèrent éviter de mettre à l'affiche certaines oeuvres par crainte qu'elles ne heurtent une partie de la population. Des créations abordant des sujets sociétaux jugés a priori clivants peuvent ainsi être écartées. Nous ont également été rapportés des cas de censure préventive impliquant des préfets, qui ont pu faire valoir un risque manifeste de trouble à l'ordre public pour justifier la non-diffusion d'un spectacle.
Ces dérives sont extrêmement préoccupantes, tant pour la diversité des points de vue artistiques, la qualité de l'offre culturelle que la vigueur du débat public. Aussi, nous rappelons avec force que les libertés de création et de diffusion artistiques sont essentielles au bon fonctionnement d'une société démocratique et qu'en conséquence, elles doivent absolument être protégées des décisions de pure opportunité politique ou économique.
Nous regrettons d'ailleurs que les entraves aux libertés de création et de diffusion ne fassent pas l'objet d'un travail d'observation de la part du ministère de la culture : nous manquons de données nationales consolidées pour quantifier et caractériser un phénomène largement constaté par les acteurs de terrain.
Nous dressons enfin un dernier constat : malgré la multiplication des atteintes aux libertés de création et de diffusion, le dépôt de plainte prévu par la loi LCAP est insuffisamment utilisé, tant par méconnaissance du dispositif que par difficulté à caractériser le délit. Qui plus est, lorsqu'une situation d'entrave est portée en justice, le juge argue généralement d'une atteinte à la liberté d'expression et non à la liberté de création ou de diffusion.
Au regard de cet état des lieux assez sombre, il nous semble indispensable d'aller plus loin dans la protection effective des libertés de création et de diffusion. Pour ce faire, nous formulons deux séries de recommandations.
En amont, il faut reconnaître la spécificité des principes de liberté de création et de diffusion artistiques et mieux prévenir les atteintes qui leur sont portées.
Pour ce faire, nous recommandons de modifier l'article 2 de la loi LCAP pour renforcer la portée normative des libertés de création et de diffusion ; d'élaborer et de diffuser, en lien et pour les professionnels de la création, un guide juridique et pratique relatif à ces libertés ; d'inciter les associations d'élus à davantage sensibiliser et former les élus locaux aux libertés de création et de diffusion artistiques ; de rappeler aux préfets l'intérêt de garantir l'effectivité de ces principes ; de mettre en place, au niveau de chaque DRAC, d'une cellule d'observation et d'alerte recensant les différentes formes d'atteinte aux libertés de création et de diffusion artistiques ;d'étudier la possibilité de la création d'une instance de médiation indépendante, qui pourrait être un Défenseur des libertés de création et de diffusion artistiques, sur le modèle du Défenseur des droits.
En aval, il faut actionner davantage le délit d'entrave aux libertés de création et de diffusion artistiques. Les professionnels de la création et les élus locaux doivent être mieux informés sur la possibilité de recours devant les tribunaux. De plus, un travail d'expertise juridique doit être mené pour faciliter le dépôt de plainte sur le fondement de l'article 431-1 du code pénal. Enfin, le contentieux relatif aux libertés de création et de diffusion artistiques doit être confié à des chambres spécialisées.
Pour terminer ce chapitre, la ministre nous a rassurés hier, lors de son audition par notre commission, en annonçant qu'elle allait se saisir de cette question et qu'elle présentera prochainement un plan qui, nous l'espérons, sera largement inspiré par nos recommandations.
Mme Monique de Marco, rapporteure. - Poursuivons avec notre deuxième axe d'étude : la gouvernance et le financement des politiques publiques de soutien à la création.
Vous le savez, les politiques culturelles constituent, en application des lois de décentralisation successives, une compétence partagée entre l'État et les collectivités territoriales, comme le confirment la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, puis la loi LCAP de 2016.
Parfois remise en question au profit d'une organisation qui reposerait sur un « chef de filât », comme l'a récemment proposé le rapport Woerth sur la décentralisation, la compétence partagée en matière culturelle est un principe qui, à nos yeux, continue de faire sens, mais qui nécessite une coopération exigeante entre les collectivités publiques.
L'article 4 de la loi LCAP prévoit que cette coopération se déroule au sein d'une nouvelle enceinte, les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) dédiées à la culture. Or, dans la plupart des régions, ces CTAP « culture » sont aujourd'hui inopérantes, si tant est qu'elles existent. Elles n'ont jamais réellement trouvé leur place, excepté en Normandie et en Bretagne. Quand elles se réunissent, elles s'apparentent à des grands-messes composées d'une centaine de membres, où les prises de parole se succèdent de manière uniquement formelle.
Prenant acte de leur échec, et dans la continuité du rapport d'information sur les nouveaux territoires de la culture déposé par Sonia de La Provôté et Antoine Karam, nous estimons que de nouvelles perspectives doivent être tracées en matière de gouvernance des politiques culturelles à l'échelle des territoires. Aux organes de dialogue pléthoriques et formels doivent succéder d'autres types d'instances permettant de fédérer les différents acteurs publics autour d'une démarche véritablement stratégique et opérationnelle.
C'est pourquoi nous appelons à faire émerger, au niveau des territoires, des alliances culturelles stratégiques. Ces alliances réuniraient les collectivités territoriales volontaires et l'État autour de quelques grands objectifs communs pour répondre aux besoins culturels locaux.
Ce renouvellement de la gouvernance suppose, en parallèle, de mettre fin à l'affaiblissement de l'État culturel déconcentré. Au cours de nos auditions, nous avons été alertées à de nombreuses reprises sur la grande fragilité dans laquelle se trouvent les directions régionales des affaires culturelles (Drac). Alors que 80 % de l'action et des crédits du ministère de la culture en soutien à la création sont déconcentrés et que les Drac disposent historiquement d'une expertise dans ce secteur, leurs conseillers chargés de la création sont peu nombreux et extrêmement mobilisés, car la fusion des régions a considérablement développé leur périmètre d'intervention sans que leur répartition globale soit toujours harmonisée.
Il nous apparaît donc indispensable de revitaliser les Drac en renforçant leurs moyens humains et en leur donnant davantage de latitude pour répartir les crédits déconcentrés, car ce sont elles, et non l'administration centrale du ministère, qui connaissent les besoins du terrain.
Analyser le sujet de la gouvernance nous a inévitablement amenées à aborder celui du financement de la création artistique. Vous n'êtes pas sans le savoir, de nombreuses structures culturelles dans nos territoires sont confrontées à la réduction de leurs marges artistiques, en raison des surcoûts causés par les crises énergétiques et inflationnistes. Cette situation menace leur capacité à mener à bien leurs missions de soutien à la création, de promotion de la diversité artistique et d'animation culturelle des territoires.
Alors que le secteur de la création a fait l'objet d'une coupe budgétaire de 96 millions d'euros en début d'année, nous rappelons que lorsqu'on assèche la création, toutes les politiques publiques culturelles sont menacées. À l'heure du plan « Mieux produire, mieux diffuser » porté par le ministère de la culture, comment, dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons, penser et financer la création artistique ?
Sans vouloir préempter le débat que nous aurons dans quelques semaines lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, nous pensons qu'une piste consisterait à réaffecter au secteur de la création une partie des financements consacrés au pass Culture. Ce dispositif concentre depuis plusieurs années l'essentiel des augmentations de crédits du ministère, alors qu'il ne peut constituer l'alpha et l'oméga de la politique culturelle de l'État.
Il se trouve qu'avant de le confirmer hier lors de son audition, la ministre de la culture a annoncé, le 11 octobre dernier, dans une tribune au journal Le Monde, une réforme en profondeur du pass Culture, en esquissant plusieurs voies d'évolution - modulation de la somme offerte aux jeunes en fonction de leur milieu social, fin de l'utilisation libre des crédits individuels, dont une part serait obligatoirement réservée au spectacle vivant, meilleure association des collectivités territoriales au dispositif. Cependant, en l'absence de précisions sur les modalités, le calendrier et le financement d'un tel projet de réforme, nous maintenons notre recommandation.
Parmi les autres leviers de financement envisageables, nous proposons d'examiner la possibilité pour l'État et les collectivités territoriales de consacrer un pourcentage du coût des travaux publics au soutien des projets artistiques dans l'espace public. Un tel dispositif avait déjà été envisagé par la loi LCAP via la remise d'un rapport au Parlement ; celui-ci a bien été rendu, mais aucune suite n'y a été donnée. Remettons ce sujet sur le métier !
Mme Else Joseph, rapporteure. - Nous arrivons à notre troisième axe de réflexion, qui concerne la politique de labellisation et de conventionnement des structures culturelles.
L'article 5 de loi LCAP et ses textes d'application ont permis la formalisation d'un cadre national de référence très largement plébiscité. En effet, l'obtention d'un label ou d'un conventionnement est gage de reconnaissance de la crédibilité artistique à l'échelle territoriale, voire nationale.
Les acteurs de terrain ont cependant fait remonter plusieurs difficultés dans le déploiement de ce référentiel national, qui peuvent s'avérer particulièrement bloquantes pour certaines structures culturelles. Les procédures sont souvent très chronophages, complexes et rigides. En outre, les cahiers des missions et des charges, sous-tendus par une logique quantitative et la définition à l'échelon national d'un nombre très important d'indicateurs, sont souvent inadaptés aux besoins culturels locaux et aux problématiques sociétales actuelles comme la transition écologique ou l'intelligence artificielle.
Compte tenu de ce bilan en demi-teinte, nous estimons que le dispositif réglementaire issu de la loi LCAP mérite d'être maintenu dans ses grandes lignes, mais qu'il est nécessaire de l'adapter.
D'abord, nous recommandons d'introduire une logique davantage qualitative aux cahiers des missions et des charges, en réduisant leur nombre d'indicateurs et en actualisant ceux-ci au regard des problématiques sociétales actuelles. Ensuite, il faut permettre une meilleure déclinaison territoriale de ces cahiers, afin qu'ils puissent être adaptés aux caractéristiques culturelles locales.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Venons-en au quatrième et dernier sujet d'analyse, l'organisation de l'enseignement supérieur artistique.
La loi LCAP a juridiquement clarifié les modalités de cet enseignement, mais, huit ans plus tard, les écoles supérieures d'art sont toujours confrontées à d'importants problèmes structurels.
Elles peinent à s'inscrire pleinement dans le troisième cycle doctoral, les universités disposant d'un monopole en la matière. En outre, le statut de leurs enseignants titulaires continue d'être un sujet bloquant, le recours aux personnels contractuels est de plus en plus fréquent et la concurrence des formations privées en art se fait de plus en plus offensive.
Vous le savez, les écoles de dimension territoriale sont en grande difficulté financière, ce qui a poussé le ministère de la culture à enfin diligenter une mission de diagnostic. Ses conclusions devraient être rendues d'ici à la fin du mois.
Enfin, les régions se sont globalement peu emparées de leur compétence en matière d'organisation de l'enseignement supérieur artistique. Celles qui ont voulu s'impliquer, comme la région Normandie, se sont vu refuser le transfert des crédits correspondants par l'État.
Au vu de cet état des lieux décevant, nous appelons à un réengagement public en faveur de l'enseignement supérieur artistique et recommandons d'inciter les universités et les écoles publiques d'art à nouer des partenariats en matière de troisième cycle doctoral, comme cela se fait dans certains territoires avec de bons résultats.
Nous demandons également une revalorisation du statut de professeur d'enseignement artistique, condition indispensable à une meilleure attractivité de ce métier.
En outre, il faut réaffirmer la compétence et la responsabilité des régions en matière de développement de l'enseignement supérieur artistique, moyennant le transfert concomitant et intégral des crédits correspondants.
De plus, nous pointons le manque d'intégration des écoles d'architecture dans l'écosystème de l'enseignement supérieur et de la recherche et, plus globalement, l'insuffisante mise à profit de la tutelle exercée par le ministère en charge de ce secteur. C'est pourquoi nous pensons qu'un rééquilibrage de la double tutelle ministérielle exercée sur ces écoles devient nécessaire.
Enfin, nous dénonçons la non-amélioration de la situation des conservatoires, en dépit des espoirs suscités par la loi LCAP. Notre collègue Catherine Morin-Desailly nous a régulièrement alertés sur ce sujet. Mettre fin à la dualité des interlocuteurs au sein du ministère de la culture, ceux-ci se renvoyant la balle, permettrait sans doute de faciliter le déblocage de ce dossier.
Mme Monique de Marco, rapporteure. - Un dernier mot pour vous signaler plusieurs problématiques spécifiques, que notre rapport développe plus en détail. Certaines sont abordées par la loi LCAP, mais nécessitent d'être retravaillées, d'autres n'ont pas été traitées par le législateur en 2016 et méritent aujourd'hui d'être étudiées.
Le dossier de la pratique artistique en amateur nous semble devoir être rouvert, les failles du cadre réglementaire actuel devant être comblées.
Il faut également faciliter l'accès, aujourd'hui trop limité, du Centre national de la musique (CNM) aux données nécessaires à l'exercice de sa mission d'observation économique du secteur de la musique.
De plus, nous recommandons de reconsidérer l'évolution du périmètre d'intervention du médiateur de la musique, dans le cadre d'une concertation avec les professionnels de la filière musicale.
Il faut en outre une clarification du régime des quotas radiophoniques francophones, à laquelle doit s'atteler l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) en lien avec les professionnels concernés.
Nous recommandons également de lancer une réflexion sur la protection juridique des producteurs de spectacles, qui ne sont actuellement pas couverts par la législation.
Il faut enfin réaffirmer la position de la France, notamment sur la scène européenne, en faveur de la protection du droit d'auteur, dans le contexte d'essor de l'intelligence artificielle.
Voilà, mes chers collègues, les différents constats et recommandations que nous souhaitions vous présenter au terme de nos travaux. Nous sommes bien sûr à votre disposition pour en débattre et répondre à l'ensemble de vos interrogations.
Mme Colombe Brossel. - Je remercie les rapporteures des nombreuses auditions passionnantes qu'elles ont organisées, et de la qualité des échanges qui nous ont permis de travailler en profondeur plusieurs sujets, ainsi que la liste des nombreuses recommandations l'illustre.
J'ai été très frappée et surprise par le fait que, malgré leur extrême diversité, tous les acteurs et professionnels que nous avons auditionnés ont débuté leurs interventions en abordant les questions de la liberté de création et de diffusion, de censure, d'autocensure et de freins à la création. Il ne s'agit pas que d'une question de principe : chacun apportait des exemples étayés, relativement récents, de censures, d'autocensures, de freins ou d'interdictions, formalisés ou non.
Ce diagnostic partagé doit collectivement nous interroger, ce que permettent les recommandations formulées par les rapporteures.
Nous serons attentifs au plan annoncé hier par la ministre à la suite de l'interpellation de Sylvie Robert, pour que les libertés de création et de diffusion soient au coeur de notre engagement collectif.
Ce travail, d'une extrême qualité, dessine un paysage sombre. Il faut prendre les sujets un par un pour avancer. Vos recommandations nous y aident.
Mme Sonia de La Provôté. - Je remercie les rapporteures de leur bilan exhaustif de l'application du volet création de la loi LCAP. Les auditions qu'elles ont organisées, dont le ton était assez libre, ont permis de faire émerger des sujets qui n'étaient pas forcément attendus.
Tous les points de vue, qu'ils proviennent d'acteurs publics, d'associations de collectivités, de producteurs, de directions de structure ou de syndicats, ont convergé vers les mêmes sujets. Le bilan que dresse ce rapport est le fruit des remarques d'un écosystème tout entier.
La partie du rapport qui concerne la co-construction au niveau territorial me semble essentielle. Le dernier Atlas régional de la culture date de 2019, mais à l'époque déjà l'État n'assurait que 40 % des financements, le reste incombant aux collectivités, notamment au bloc communal qui y participait à hauteur de 60 %. La co-construction est donc financièrement indispensable. En période de disette budgétaire, nous ne pourrons pas nous contenter d'entendre que celui qui paye décide. L'État doit retrouver son rôle, fixer les grands objectifs de l'accès à la culture et défendre les droits culturels définis par la loi LCAP. Le rapport illustre l'importance de disposer d'une co-construction active et agile, afin que les réunions ne se réduisent pas à des grands-messes.
Je ne reviendrai pas sur la question de la labellisation, mais le sujet est abordé chaque année lors des discussions budgétaires. Les cahiers des charges et des missions doivent évoluer !
Le réengagement public pour les écoles supérieures d'art constitue également un marronnier budgétaire. Les questions essentielles telles que le statut des enseignants ou le troisième cycle doctoral ne sont toujours pas traitées, alors que le sujet n'est pas subsidiaire, puisque l'émergence créative vient pour beaucoup de ces écoles.
Un autre marronnier budgétaire est le plan relatif aux conservatoires, dont on peine à concevoir la réalisation.
La recommandation relative aux missions du CNM, notamment celle qui concerne l'observation du secteur de la musique, est également essentielle : il faut voir comment sont répartis les financements en fonction des esthétiques et des disciplines, tout en conférant davantage d'agilité aux structures et en veillant à l'équité territoriale. Ces sujets doivent être traités, car les collectivités, dont les budgets vont être réduits, ne pourront pallier toutes les carences de l'État.
Je terminerai avec la question de la censure et de l'autocensure préventive. Il n'était pas prévu que ce rapport aborde en priorité ce sujet, qui est très spontanément arrivé en premier lors des auditions. Cela résulte probablement de l'émergence de pressions venant des réseaux sociaux, qui font que chaque contradiction peut donner lieu à des manifestations ou à des pressions, voire à des violences. Mettre en avant ce sujet ne peut être évité, d'autant que les libertés de création et de diffusion sont définies par les deux premiers articles de la loi LCAP.
Même si cette question encore émergente n'est pas totalement objectivée, elle doit être traitée. J'ajouterai peut-être à la recommandation n° 6 le terme « opportunité » à propos d'une réflexion sur la création d'une instance de médiation. Cette création pourrait en effet être conditionnée au contenu du plan annoncé par la ministre, pour voir comment mieux observer ce phénomène qui, compte tenu du nombre des témoignages, n'est pas un simple ressenti, mais bien une réalité.
M. Pierre Ouzoulias. - Votre travail est courageux, et le sujet, grave, est difficile à appréhender et encore plus complexe à restituer.
Comme vous, et l'élection outre-Atlantique de cette nuit ne me porte pas à l'optimisme, je suis effrayé par la montée d'une forme d'intolérance qui touche toutes les libertés, qu'il s'agisse des libertés académiques, des attaques sur le discours historique, ou des attaques sur la liberté de la création et le statut de l'artiste. Il s'agit de symptômes d'une société qui va mal, qui trouve un sens dans l'exclusion de l'autre, tant de la part de la gauche que de celle de la droite. J'ai le triste sentiment que les peuples sont en train d'éteindre les Lumières. Il y a parfois la volonté de retrouver une forme de réalisme socialiste, lorsque l'État organisait ce que devait être la création. « Il n'existe pas, dans la réalité, d'art pour l'art, d'art au-dessus des classes, ni d'art qui se développe en dehors de la politique ou indépendamment d'elle » : cette citation est de Mao Zedong.
Les solutions sont extrêmement complexes. Vous en proposez quelques-unes, mais nous sommes un peu désarmés.
Je dépose tous les ans un amendement de suppression du pass Culture, et j'irai dans le sens de votre recommandation. Il faut revenir sur ces gadgets macroniens, tels que le service national universel (SNU) ou le pass Culture, qui ont montré leurs limites. Il faut réaliser un travail structurel qui s'appuie sur ce qui existe déjà, et arrêter d'imaginer que l'on peut trouver des solutions en créant des structures idoines ad hoc en dehors de tout contrôle parlementaire et ministériel. Le pass Culture doit devenir une politique au service du ministère de la culture. Sans même regarder son intérêt en pratique, il y a là une forme d'exigence démocratique.
En ce qui concerne la réforme des écoles d'art, vous avez tout à fait raison. Le ministère de tutelle ne fait rien, car le sujet est dans l'angle mort de ses politiques. Je crains que lorsque l'État est défaillant, il ne renvoie la compétence aux collectivités, alors que ce n'est plus aujourd'hui la solution.
M. Max Brisson. - Comme Colombe Brossel et Pierre Ouzoulias, je parlerai essentiellement des menaces contre la liberté de création et de diffusion artistiques, en ayant le sentiment de me trouver un peu à contre-courant de leurs positions, tout comme de celles de la ministre.
Auparavant toutefois, je souhaite préciser que je crois profondément que les élus de la République sont capables de défendre l'intérêt général, de résister aux pressions et de s'opposer aux influences. Dans notre histoire, il est aussi arrivé à des fonctionnaires de céder aux pressions et de subir des influences. Ce que j'ai entendu au sujet des élus m'a posé problème, surtout de la part de notre Assemblée.
Je remercie nos trois collègues pour l'exhaustivité et la qualité de leur travail, en particulier au sujet de la co-construction des politiques culturelles de territoire ou du rôle et des faiblesses de l'État déconcentré en matière de culture, ainsi que pour leurs recommandations en faveur des écoles supérieures d'art. Les axes deux à cinq du rapport me semblent intéressants, même si l'on peut s'interroger sur l'effet que peuvent avoir vingt-huit recommandations.
Je suis en revanche bien plus réservé sur le premier axe du rapport. Bien entendu, je ne nie pas l'existence d'atteintes à la liberté de création et de diffusion artistiques, mais j'aimerais que celles-ci soient replacées dans le temps.
Avant même 2016, moment où elle a été érigée au rang de liberté fondamentale, accompagnant le renforcement des fondements de notre démocratie et de notre République, la liberté de création était une liberté fondamentale au travers de la liberté d'expression. Dans ce cadre, elle a toujours été menacée, entravée, censurée par des forces obscurantistes ou totalitaires, partisanes par essence d'une conservation absolue ou de l'imposition forcée d'une culture unique répondant à un schéma totalitaire.
Dans les années 1930 ou pendant la guerre froide, certains rêvaient d'appliquer les canons d'un art officiel face à ceux qui voulaient protéger la diversité, qui étaient parfois accusés de céder aux sirènes de la domination d'Hollywood. Cela n'est pas nouveau, et cela n'a pas empêché de préserver et d'approfondir les libertés de création et de diffusion.
Si l'on s'inscrit dans le temps long, ces menaces ne me paraissent donc pas plus prégnantes aujourd'hui que par le passé. Comme toujours, elles proviennent de groupes de l'ultradroite ou de l'ultragauche, qui sont aussi ultraminoritaires. Elles sont toujours menées au nom de grands principes absolutistes, politiques, moraux ou religieux, cherchant à éradiquer toute forme de diversité.
C'est ainsi qu'on peut souiller nos plus grandes oeuvres, détériorer nos musées, déceler nos statues, bannir nos publications, harceler les artistes ou censurer les expressions artistiques.
Bien entendu, devant ces provocations et ces atteintes, la République ne doit pas reculer. Le sujet devait donc être posé, même s'il ne fallait pas l'exagérer ou le présenter comme totalement nouveau, au vu de l'histoire démocratique et républicaine.
Notre pays protège la liberté artistique, la liberté de création, la liberté d'expression. Ce qui me pose problème, à la lecture de ce rapport, c'est l'idée que l'appareil d'État et les élus de la République seraient en quelque sorte défaillants, manqueraient de volonté, méconnaîtraient le droit ou pire, feraient preuve de lâcheté face aux pressions qu'ils rencontrent.
Si cela peut se produire, ce n'est pas la règle, ou alors il faudrait désespérer de notre République. Dans certains territoires, on constate que la liberté artistique est menacée, mais ce n'est pas alors la seule liberté qui le soit. Ce recul n'est-il pas alors celui d'une République vacillante, qui ne donne pas toujours et partout à ses serviteurs, préfets et élus locaux, les moyens de la faire effectivement respecter ?
Je peux ainsi faire miennes la recommandation qui vise à conforter le délit d'entrave aux libertés de création et de diffusion, celle qui préconise de renforcer la sensibilisation et la formation des élus locaux, ou celle qui propose l'élaboration d'un guide juridique à destination des artistes.
En revanche, je doute que le sujet soit à ce point prégnant pour qu'il soit nécessaire de créer des chambres spécialisées. Je n'ai pas davantage d'appétence pour faire des rappels à l'ordre aux préfets, garants des libertés publiques et de l'ordre constitutionnel dans notre République. Surtout, je n'ai aucune appétence pour la création d'une instance indépendante qui générerait toujours son propre droit et finirait par échapper au pouvoir politique, pourtant seul détenteur de la souveraineté populaire.
À titre personnel, je précise qu'en trente-cinq ans de vie publique, je n'ai jamais rencontré de censeurs parmi les élus locaux, et je n'ai pas envie de leur faire passer le message que vous voulez leur adresser.
À titre collectif, après avoir indiqué les réserves que nous inspirent certaines des neuf premières recommandations, nous approuverons huit d'entre elles, mais nous demanderons, monsieur le président, de voter séparément sur la recommandation n° 6.
Mme Laure Darcos. - Je pourrais faire mienne l'intervention de Colombe Brossel, même si nous n'appartenons pas au même groupe politique. Tant mieux si ce problème ne s'est jamais posé dans les Pyrénées-Atlantiques, mais toutes les personnes auditionnées ont fait part de pressions provenant d'un bord ou de l'autre, qu'il s'agisse de wokisme, d'extrémisme religieux ou d'aspects moraux.
Il me semble que les propos de l'orateur précédent ont été excessifs. Les rapporteures, à la suite d'un dialogue, ont assoupli leurs recommandations et fait preuve d'ouverture. Nous ne voulons pas créer des instances de censure ou de discipline.
Mme Laure Darcos. - Pour ma part, je suivrai donc entièrement les recommandations de nos rapporteures. J'ai été confortée par les annonces de la ministre, qui a été alertée sur ces problèmes relatifs à la liberté de création. Il nous faut rester toujours le pays des Lumières, comme le dit Pierre Ouzoulias, et faire de la liberté de création artistique un fer de lance.
M. Jean-Gérard Paumier. - Cette mission d'évaluation revêt pour moi une importance particulière alors que partout dans le monde un nombre croissant de régimes autoritaires ou de groupes extrémistes s'en prennent à la liberté de création artistique. Notre pays n'est d'ailleurs pas exempt de tensions en ce domaine. Dans mon département, des lectures de textes contre l'homophobie ont été organisées à l'initiative de deux communes rurales, mais les élus ont dû résister à de fortes pressions.
Ce rapport rappelle avec force que la liberté de création artistique est une liberté fondamentale dans une démocratie. C'était nécessaire.
J'ai une réserve toutefois, d'ordre budgétaire, sur la recommandation n°11 : il ne faut pas plus de Drac, mais mieux de Drac, de telle sorte qu'elles soient dotées de davantage de crédits déconcentrés du ministère, pour leur permettre de gérer les projets locaux au plus près des territoires.
Mme Catherine Morin-Desailly. - La loi LCAP avait été adoptée après deux lectures dans chaque chambre au Parlement : c'est très rare. Cet examen approfondi nous avait permis d'améliorer sensiblement le texte et de lui donner du sens : l'Assemblée nationale avait mis l'accent sur l'architecture, le Sénat sur le patrimoine. Ce bilan, huit ans après, me semble utile. Nous avions fait de notre mieux sur les labels, la décentralisation des enseignements artistiques, ou sur d'autres sujets, mais nous avions le sentiment qu'il était possible d'aller plus loin. Il est donc intéressant de reprendre la réflexion aujourd'hui.
Lorsque l'on est élu, on est confronté en permanence à d'autres élus qui ne respectent pas la liberté de création. Combien de fois ai-je été attaquée, en Normandie, par des élus du Rassemblement national sur les oeuvres qu'achetait le Fonds régional d'art contemporain, sur les films et les documentaires que la région aidait à produire, sur la programmation de certains festivals, etc. Les élus sont souvent dépourvus pour répondre à ces attaques qui prennent à témoin l'opinion publique à travers les réseaux sociaux notamment. Il est si facile de faire de la démagogie sur ces sujets.
Je rejoins Pierre Ouzoulias : les atteintes à la liberté de création ou aux oeuvres elles-mêmes proviennent de tous les bords, de la droite comme de la gauche : certains portent atteinte à des tableaux du Louvre pour des motifs écologistes, certains veulent déboulonner des statues sans prendre en compte le contexte dans lequel elles ont été créées. Il faut donc réaffirmer nos valeurs et nos principes.
Les collectivités ont joué un rôle moteur dans l'élaboration de politiques culturelles partagées depuis les lois de décentralisation. La loi NOTRe de 2015 a confirmé que ce domaine relevait d'une compétence partagée. Les collectivités ont su construire un maillage territorial précieux.
Je suis toutefois dubitative sur l'axe 2 relatif à la co-construction des politiques culturelles à l'échelle des territoires. Je ne mets pas en cause vos propositions qui me paraissent de bon sens, mais aura-t-on la capacité de les mettre en oeuvre ? La situation budgétaire des collectivités territoriales est tendue. Leurs dotations sont réduites, les transferts de compétences n'ont pas été assortis de moyens supplémentaires. Les collectivités sont souvent dans une impasse budgétaire et elles doivent faire des économies qui affecteront aussi la culture et le patrimoine. Ne faut-il pas s'interroger sur les modèles économiques et d'intervention de toutes les parties prenantes de ce secteur ? Les acteurs de la culture posent cette question avec lucidité.
La proposition de consacrer une partie des crédits du pass Culture au financement de la création est excellente. Le pass Culture est une politique de la demande, et non pas de l'offre : on ne se demande jamais si les opérateurs ont les moyens de développer une offre culturelle adaptée. Or les marges dans le domaine artistique se sont réduites comme peau de chagrin. Il y a donc un effet ciseau. Les collectivités n'auront bientôt plus les moyens de financer leurs services d'éducation artistique et culturelle. La ministre s'interrogeait hier dans son audition sur l'offre d'éducation artistique et culturelle. Il suffit de regarder ce qui se fait dans chaque territoire. C'est inscrit dans les contrats d'objectifs et de moyens (COM) de toutes les structures du secteur cofinancées par les collectivités.
Il est temps de lancer un nouvel acte de décentralisation en ce qui concerne l'enseignement artistique. La ministre n'a pas répondu hier sur les écoles d'art, sur les conservatoires, etc. On se contente de poser des rustines. Il faut tout remettre à plat dans un nouvel acte de décentralisation, assorti d'un transfert de moyens. Nos rapporteures ont rappelé ce qui s'était passé lorsque la région Normandie a voulu définir un vrai schéma régional des enseignements artistiques. Celui-ci avait été élaboré à l'issue d'une CTAP constructive. Tous les acteurs avaient travaillé ensemble pendant deux ans sur le sujet. Mais Roselyne Bachelot a refusé le transfert financier correspondant : celui-ci était pourtant prévu par la loi. Cela a marqué un coup d'arrêt aux initiatives des autres régions pour élaborer ces schémas. De tels outils auraient pourtant permis de clarifier l'avenir des écoles d'art ou des conservatoires. Il faut reprendre le dossier.
Enfin, vos propositions sur les labels sont très pertinentes : imposer des indicateurs chiffrés ou strictement quantitatifs n'est plus possible vu la situation budgétaire des communes et des établissements. Les labels n'ont pas pris en compte les exigences, pourtant inscrites dans la loi, sur la territorialisation de l'offre culturelle. Les critères des labels doivent donc être revus en ce sens. On se demande d'ailleurs parfois comment les labels sont octroyés. L'orchestre des Pays de Savoie n'a pas obtenu le label qu'il réclamait, alors qu'il avait fait un travail remarquable pour répondre à toutes les demandes. Il n'a toutefois pas été soutenu par le ministère et les collectivités se sont désengagées du projet. Un effort de transparence s'impose.
Mme Else Joseph, rapporteure. - Certains d'entre vous ont évoqué la censure et l'autocensure. Il ne s'agissait pas pour nous, dans notre recommandation n° 4, d'adresser un rappel à l'ordre aux préfets ou aux élus. Néanmoins, afin de tenir compte de vos remarques, peut-être pourrions-nous modifier la rédaction de cette recommandation en remplaçant « Rappeler aux préfets l'intérêt de garantir l'effectivité... », par : « Inviter les préfets à garantir l'effectivité ». J'insiste sur le fait que la plupart des constats que nous formulons proviennent des acteurs de terrain, qu'il s'agisse des professionnels de la création ou des élus, que nous avons auditionnés. L'idée était de faire remonter leurs observations, de rappeler le contexte d'atteintes à la liberté de création qui prévaut bel et bien dans certains territoires, et de formuler des recommandations.
Je souscris à la proposition de Sonia de La Provôté visant à compléter la rédaction de la recommandation n° 6.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - J'ai vécu, comme Catherine Morin-Desailly, l'élaboration de cette loi. Il était important de l'évaluer huit ans après, d'identifier les manquements et de tracer des pistes pour l'avenir.
Les faits que nous mentionnons dans notre rapport nous ont été relatés lors des auditions. Ils illustrent un mouvement réel dans notre société, comme Pierre Ouzoulias l'a souligné, qui consiste à affecter, sinon à entraver, l'exercice des libertés. Or la liberté de création a été consacrée par la loi comme une liberté fondamentale spécifique.
Certains élus s'opposent à l'exercice de cette liberté dans certains territoires, tandis que d'autres, qui s'efforcent de la promouvoir, sont parfois totalement désemparés face aux pressions qu'ils subissent. Nous devons les aider à résister et les protéger lorsqu'ils sont attaqués sur les réseaux sociaux. C'est tout à l'honneur du Sénat de chercher à remédier à ce problème.
Enfin, nous proposons non pas de créer de nouvelles chambres spécialisées, mais de confier le contentieux relatif aux libertés de création et de diffusion artistiques à des chambres spécialisées qui existent déjà, telles que les chambres compétentes en matière de liberté de la presse
Enfin, mes chers collègues, je vous rappelle que nous n'en sommes qu'au stade de l'adoption du rapport. Il ne s'agit pas d'une proposition de loi. Le risque, si les recommandations ne sont pas adoptées, c'est de créer une jurisprudence. Je vote souvent des rapports et les recommandations qui en découlent, car les recommandations s'inscrivent dans un travail de réflexion cohérent qu'il faut respecter. Je ne conditionne jamais mon vote sur un rapport à la présence ou à la suppression de telle ou telle recommandation. Une telle démarche me semblerait étonnante. Encore une fois, j'y insiste, l'objet des recommandations est simplement de susciter la réflexion.
Il nous semble intéressant de proposer une réflexion sur la création d'une instance indépendante. La ministre aura peut-être une autre idée. Nous ouvrons le débat.
Mme Monique de Marco, rapporteure. - Mes collègues l'ont dit : il ne s'agit que d'un rapport, assorti de propositions de recommandations, que nous soumettons à la discussion.
Nous ne pensons pas que les élus fassent preuve de lâcheté en matière de liberté de création, mais ils appliquent le principe de précaution et préfèrent éviter les polémiques sur leurs territoires. C'est compréhensible. Ceux qui ont participé aux auditions ont bien pu constater qu'il y avait là un sujet. Je suis ouverte à une reformulation des recommandations n°s 4 et 6.
Monsieur Paumier, les Drac ont une grande expertise et connaissent bien les besoins locaux. Il faut les renforcer en leur octroyant davantage de moyens, mais aussi en leur donnant davantage de latitude pour agir. C'est l'objet de notre recommandation n° 11.
Pour le reste, mes chers collègues, vos remarques me semblent aller dans le sens de nos recommandations. Nous verrons ce que la ministre de la culture fera de notre rapport et quelles seront ses propositions.
M. Laurent Lafon, président. - À l'issue de ces échanges, nos rapporteures proposent de rédiger ainsi la recommandation n°4 : « Inviter les préfets à garantir l'effectivité des principes de liberté de création et de diffusion artistiques. »
La proposition de modification est adoptée.
M. Laurent Lafon, président. - De même, nous pourrions rédiger ainsi la recommandation n° 6 : « Étudier l'opportunité et les conditions de création d'une instance de médiation indépendante, qui pourraient être un Défenseur des libertés de création et de diffusion artistiques, sur le modèle du Défenseur des droits. »
La proposition de modification est adoptée.
M. Max Brisson. - Nous ne donnons pas, mes chers collègues, le même sens au terme « recommandation » du Sénat. Les recommandations sont le fruit d'un travail de réflexion mûri et d'un vote. Si nous les adoptons, elles deviennent la position du Sénat ! Il ne s'agit pas d'un simple élément apporté au débat. Certes, le Gouvernement est libre de s'en saisir ou pas, et les parlementaires peuvent aussi déposer des propositions de loi, mais les recommandations du Sénat ont une importance aussi forte que celle de nos rapports. Le président du Sénat n'a-t-il pas dit au Premier ministre qu'il y avait sur les étagères du Sénat beaucoup de rapports qui pourraient inspirer l'action publique ?
Je suis heureux que le débat que j'ai enclenché ait conduit à parler de la protection des élus. Si le but est de protéger les élus, je vous rejoins, mais je n'ai pas lu votre rapport ainsi.
Nous sommes réticents à créer des autorités qui échappent au Parlement : celles-ci créent leur propre jurisprudence qui enserre la capacité d'action du peuple souverain. C'est le rôle du Parlement et du Sénat de défendre la liberté de création. C'est donc pour des raisons de principe que je m'opposerai, avec certains de mes collègues, à la recommandation n° 6. Nous voterons les autres recommandations.
M. Laurent Lafon, président. - Je vais à présent mettre aux voix successivement les recommandations présentées par nos rapporteures.
Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.
La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 2 avril 2024
Table ronde « secteur musical »
- Ekhoscènes : Mme Malika SEGUINEAU, directrice générale ;
- Syndicat des musiques actuelles (SMA) : M. Laurent DECÈS, président, Mme Aurélie HANNEDOUCHE, directrice.
Lundi 8 avril 2024
Table ronde « sociale »
- CGT-spectacle : M. Yvan NAVARRO, co-secrétaire général, Mme Emmanuelle PARENT, co-secrétaire générale ;
- Fédération Unsa spectacle et communication : Mme Fouzia ZEKRI, secrétaire générale, et M. Serge VINCENT, secrétaire général adjoint ;
- Syndicat indépendant des artistes interprètes - SIA-Unsa : M. Alain CLAIR, secrétaire général.
Mardi 9 avril 2024
Table ronde « Arts visuels »
- Fédération des professionnels de l'art contemporain (Cipac) : M. Ludovic JULIÉ, secrétaire général ;
- Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) : Mme Paméla DORIVAL, présidente.
Mercredi 10 avril 2024
Fédération nationale des arts de la rue (FNAR) : Mme Judith PAVARD, co-présidente, M. Serge CALVIER, co-président et délégué national, M. Lancelot SIMIER, administrateur en charge des relations institutionnelles et de la gestion associative.
Lundi 29 avril 2024
- Union fédérale d'intervention des structures culturelles (UFISC) : Mme Patricia COLER, déléguée générale, M. Bertrand KRILL, président d'honneur.
- Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma (Fesac) : Mme Astrid REYMOND, secrétaire générale, M. Florian DUTREUIL, juriste droit social,
- Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) : M. Kevin MOIGNOUX, secrétaire général,
- Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) : Mme Amanda BORGHINO, déléguée générale adjointe,
- Association des producteurs indépendants (API) : Mme Hortense de LABRIFFE, déléguée générale,
- PROFEDIM : Mme Aurélie FOUCHER, déléguée générale du Syndicat des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique,
- Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) : M. Alexandre LASCH, directeur général.
Jeudi 2 mai 2024
- Association des DRAC de France : M. Laurent ROTURIER, président, Mme Isabelle CHARDONNIER, directrice régionale des affaires culturelles (DRAC Bretagne), Mme Maylis DESCAZEAUX, directrice régionale de la DRAC Nouvelle-Aquitaine.
- Observatoire de la liberté de création : Mme Agnès TRICOIRE, présidente, MM. Daniel VERON, membre du bureau, François LECERCLE, membre du bureau, Thomas PERROUD, membre du bureau, Jean François MARY, membre du conseil d'administration.
Lundi 13 mai 2024
- Syndicat national des scènes publiques (SNSP) : M. Vincent ROCHE LECCA, président, Mme Véronique LÉCULLÉE, présidente,
- Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) : M. Vincent MOISSELIN, directeur,
- Les Forces Musicales : Mme Claire ROSEROT DE MELIN, présidente, M. David OLIVERA, vice-président, M. Sébastien JUSTINE, directeur.
Lundi 27 mai 2024
Table ronde collectivités territoriales
- Association des maires ruraux de France (AMRF) : M. François DESCOEUR, maire d'Anglards-de-Salers, membre du conseil d'administration de l'Association des maires ruraux de France ;
- Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) : M. Jean-Philippe LEFÈVRE, président ;
- Assemblée des départements de France (ADF) : M. Paul-Etienne KAUFFMANN, en charge des dossiers culture, Mme Véronique RIVRON, 1re vice-présidente du département de la Sarthe ;
- Intercommunalités de France : Mme Sandra LE NOUVEL, présidente de la communauté du Kreizh Breizh.
Vendredi 31 mai 2024
- Observatoire des politiques culturelles (OPC) : M. Vincent GUILLON, codirecteur de l'Observatoire des politiques culturelles, professeur associé à Sciences Po Grenoble.
- Association nationale des écoles supérieures d'art (ANdEA) : M. Cédric LOIRE, professeur à l'école supérieure d'art de Clermont Métropole et coprésident de l'ANdEA, Mme Ulrika BYTTNER, directrice de l'ESADHaR Le Havre-Rouen et coprésidente de l'ANdEA, Mme Maud LE GARZIC, coordinatrice.
Vendredi 7 juin 2024
- Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture : MM. François BROUAT, président, Jean-Baptiste DE FROMENT, directeur de l'ENSA Paris-Malaquais, et Philippe BACH, directeur de l'ENSA Paris-Val de Seine.
- CFDT-Culture : MM. Alexis FRITCHE, secrétaire général, et Christophe UNGER, secrétaire général adjoint.
Lundi 17 juin 2024
- France urbaine : M. Olivier BIANCHI, co-président de la commission culture, M. Sébastien TISON, conseiller en charge de la culture, du numérique, de la participation citoyenne et du sport, Mme Sarah BOU SADER, conseillère relations parlementaires France urbaine.
- Ministère de la culture - direction générale de la création artistique : M. Christopher MILES, directeur général de la création artistique.
Lundi 24 juin 2024
- Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique : MM. David EL SAYEGH, directeur général adjoint.
- Conservatoires de France : M. Mathieu GAUFFRE, président.
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Ø Syndicat national des services déconcentrés (SNSD) CGT Culture
Ø Syndicat général des personnels de l'archéologie préventive (SGPA) CGT
Ø Union des syndicats des personnels des affaires culturelles (USPAC) CGT Culture
Ø FNSAC-CGT
Ø Observatoire de la liberté de création
TABLEAU DE MISE EN oeUVRE
ET DE SUIVI DES
RECOMMANDATIONS
Recommandations |
Acteurs concernés |
Calendrier prévisionnel |
Support |
AXE N° 1 : Garantir
l'effectivité des principes de liberté de création et de
diffusion artistiques |
|||
Recommandation n° 1 : Modifier l'article 2 de la loi LCAP pour consacrer explicitement la pleine autonomie des principes de liberté de création et de diffusion artistiques. |
Législateur |
Proposition |
|
Recommandation n° 2 : Élaborer et diffuser, en lien et pour les professionnels de la création, un guide juridique et pratique sur les libertés de création et de diffusion artistiques. |
Ministère de la culture |
Guide juridique et pratique |
|
Recommandation n° 3 : Inciter les associations d'élus à davantage sensibiliser et former les élus locaux aux libertés de création et de diffusion artistiques. |
Associations d'élus |
Actions de sensibilisation |
|
Recommandation n° 4 : Inviter les préfets à garantir l'effectivité des principes de liberté de création et de diffusion artistiques. |
Ministère de la culture et ministère |
Textes réglementaires |
|
Recommandation n° 5 : Mettre en place, au niveau de chaque direction régionale des affaires culturelles (DRAC), une cellule d'observation et d'alerte sur les différentes formes d'atteinte aux libertés de création et de diffusion artistiques. |
Ministère de la culture |
Textes réglementaires |
|
Recommandation n° 6 : Étudier l'opportunité et les conditions de la création d'une instance de médiation indépendante, qui pourrait être un Défenseur des libertés de création et de diffusion artistiques, sur le modèle du Défenseur des droits. |
Ministère de la culture et ministère de la justice |
Groupe |
|
Recommandation n° 7 : Mieux informer les professionnels de la création et les élus locaux sur la possibilité de recours devant les tribunaux en cas d'entrave aux libertés de création et de diffusion artistiques. |
Ministère de la culture, représentants des professionnels de la création, associations d'élus |
Actions de sensibilisation |
|
Recommandation n° 8 : Appeler le ministère de la culture et le ministère de la justice à mener conjointement un travail d'expertise juridique sur les conditions requises pour constituer le délit d'entrave aux libertés de création et de diffusion artistiques, afin de faciliter le dépôt de plainte sur le fondement de l'article 431-1 du code pénal. |
Ministère de la culture et ministère de la justice |
Groupe |
|
Recommandation n° 9 : Confier le contentieux relatif aux libertés de création et de diffusion artistiques à des chambres spécialisées. |
Législateur Ministère de la justice |
Proposition |
|
AXE
N° 2 : Agir à trois
niveaux pour relancer les politiques publiques de soutien à la
création artistique : |
|||
Recommandation n° 10 : Faire émerger, au niveau des territoires, des alliances culturelles stratégiques, réunissant les collectivités territoriales volontaires et l'État autour de quelques grands objectifs communs à accomplir pour répondre aux besoins locaux. |
Collectivités territoriales, DRAC |
Convention |
|
Recommandation n° 11 : Revitaliser les DRAC en renforçant leurs moyens humains et en leur donnant davantage de latitude pour répartir les crédits déconcentrés. |
Ministère de la culture |
Projet de loi de finances Textes réglementaires |
|
Recommandation n° 12 : Étudier les modalités selon lesquelles une partie des crédits consacrés au Pass culture pourrait être réaffectée au secteur de la création. |
Législateur Ministère de la culture |
Projet de loi |
|
Recommandation n° 13 : Examiner la possibilité pour l'État et les collectivités territoriales de consacrer un pourcentage du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l'espace public. |
Législateur |
Proposition |
|
AXE N° 3 : Mieux adapter le cadre national de la labellisation et du conventionnement aux réalités territoriales |
|||
Recommandation n° 14 : Réduire le nombre de critères quantitatifs exigés par les cahiers des missions et des charges relatifs à la labellisation et au conventionnement. |
Ministère |
Textes réglementaires |
|
Recommandation n° 15 : Actualiser les cahiers des missions et des charges des labels et des conventions au regard des problématiques sociétales actuelles comme la transition écologique ou l'intelligence artificielle. |
Ministère |
Textes réglementaires |
|
Recommandation n° 16 : Permettre une meilleure déclinaison territoriale des cahiers des missions et des charges des labels et des conventions, afin qu'ils puissent être davantage adaptés aux caractéristiques culturelles des territoires. |
Ministère |
Textes réglementaires |
|
AXE N° 4 : Enclencher un réengagement public en faveur de l'enseignement supérieur artistique |
|||
Recommandation n° 17 : Inciter les universités et les écoles publiques d'art à nouer des partenariats en matière de troisième cycle doctoral. |
Ministère de la culture et ministère de l'enseignement supérieur |
Textes réglementaires |
|
Recommandation n° 18 : Rendre compte aux commissions parlementaires compétentes des conclusions de la mission de diagnostic sur la situation des écoles d'art territoriales. |
Ministère |
Audition |
|
Recommandation n° 19 : Revaloriser le statut de professeur d'enseignement artistique, condition indispensable à une meilleure attractivité de ce métier. |
Ministère |
Textes réglementaires |
|
Recommandation n° 20 : Réaffirmer la compétence et la responsabilité des régions en matière de développement et de structuration de l'enseignement supérieur artistique, moyennant le transfert concomitant et intégral des crédits correspondants. |
Législateur |
Proposition de loi |
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Recommandation n° 21 : Rééquilibrer la double tutelle ministérielle (ministère de la culture/ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche) exercée sur les écoles supérieures d'architecture, afin que ces écoles soient mieux prises en compte dans l'écosystème de l'enseignement supérieur et de la recherche. |
Ministère |
Textes réglementaires |
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Recommandation n° 22 : Mettre fin à la dualité d'interlocuteurs (la DGCA et la DG2TDC) au sein du ministère de la culture, facteur bloquant de l'avancée du dossier « conservatoires ». |
Ministère |
Réorganisation de l'administration centrale |
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AXE N° 5 : Clarifier ou ouvrir certains sujets spécifiques |
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Recommandation n° 23 : Réouvrir le dossier de la pratique artistique en amateur, afin de combler les failles du cadre réglementaire actuel. |
Ministère |
Textes réglementaires |
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Recommandation n° 24 : Favoriser l'accès du Centre national de la musique aux données nécessaires à l'exercice de sa mission d'observation du secteur de la musique. |
Législateur Ministère |
Proposition ou projet de loi Textes réglementaires |
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Recommandation n° 25 : Ouvrir une concertation avec les professionnels de la filière musicale sur l'évolution du périmètre d'intervention du médiateur de la musique. |
Ministère |
Concertation |
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Recommandation n° 26 : Appeler l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à mener un travail de concertation avec les professionnels concernés pour clarifier le régime des quotas radiophoniques francophones, en particulier pour corriger les incohérences liées aux définitions actuelles des « nouveaux talents » et des « titres chantés ». |
Arcom |
Concertation |
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Recommandation n° 27 : Ouvrir, dans un cadre concerté, le chantier de la protection juridique des producteurs de spectacles. |
Ministère |
Concertation |
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Recommandation n° 28 : Réaffirmer la position de la France en faveur de la protection du droit d'auteur, dans le contexte d'essor de l'intelligence artificielle. |
Ministère |
Négociations au niveau de l'Union européenne |
* 1 Mission confiée à l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et à la direction générale de la création artistique (DGCA).
* 2 Respectivement la direction générale de la création artistique et la direction générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle.
* 3 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
* 4 Conseil d'État, juge des référés, n° 451085, Comité professionnel des galeries d'art, 14 avril 2021.
* 5 L'Observatoire de la liberté de création (anciennement intitulé Observatoire de la liberté d'expression en matière de création) a été créé en 2002, sous l'égide de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), à une époque où des affaires importantes d'entrave aux oeuvres faisaient leur réapparition.
* 6 Une plainte a, par exemple, été déposée à la suite du sabotage du spectacle « Fille ou garçon ? » portant sur la question du genre, qui s'est tenu dans le cadre du Festival « Petits & Grands » à Nantes en avril 2023. Après une campagne de Civitas contre le spectacle, après que l'organisateur a dû faire appel à des vigiles pour garantir l'accès au public au spectacle, un homme a pu arracher les fils du boîtier électrique alimentant la salle où se jouait le spectacle, l'interrompant. La Ville de Nantes a déposé plainte. Un suspect a entretemps été interpellé et mis en garde à vue pour vol en réunion » et « entrave à la liberté d'expression ». Les organisateurs de la manifestation ont déposé plainte sur le fondement du chef d'entrave à la création artistique. Ils attendent, comme la Ville, une prise de position du parquet depuis le dépôt de la plainte.
À l'inverse, des affaires similaires n'ont pas donné lieu à un dépôt de plainte. C'est notamment le cas pour le compositeur Karl Jenkins, dont les représentations de « L'Homme armé : une messe pour la paix » prévues en mai et en juin 2024 dans des églises de Nantes et Saint-Nazaire, ont été annulées par les paroisses en raison d'intimidations du groupe Riposte Catholique. À Lille, le concert « Nuits du ramadan », organisé dans le cadre du festival annuel « Le temps d'une lune », a été la cible d'une attaque commanditée par un groupe d'extrême droite avant que celle-ci ne soit révélée par un compte infiltré sur les réseaux sociaux. L'attaque devait mobiliser 50 personnes. Le concert a finalement eu lieu, mais en présence des forces de l'ordre. Ce ne fut pas le cas pour un DJ set qui devait se tenir sur les toits de la basilique de Fourvière à Lyon en 2023, annulé en raison de menaces de violences de la part de groupuscules identitaires lyonnais. Dans ces deux cas, aucune plainte n'a été déposée.
* 7 « Le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté de création artistique ou de la liberté de la diffusion de la création artistique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
* 8 Dans son rapport intitulé « Décentralisation : le temps de la confiance », remis au Président de la République le 30 mai 2024, Éric Woerth propose de confier au bloc communal le rôle de chef de file, arguant de « la proximité des associations, des publics ou des établissements » avec lesquels s'exerce la compétence « culture ». Il recommande également que l'échelon départemental prenne en charge « l'ensemble des équipements culturels des régions, ainsi que les musées encore sous responsabilité du ministère de la culture ». La région, quant à elle, « conserverait sa capacité à financer ponctuellement des projets artistiques (festivals, spectacles, tournages etc.) et pourrait participer aux syndicats mixtes à vocation culturelle (orchestres régionaux, opéras régionaux, etc.) ou encore au cofinancement des grands domaines patrimoniaux ».
* 9 « Coûts des normes et de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités : évaluation, constats et propositions », Boris Ravignon, mai 2024.
* 10 « Le soutien du ministère de la Culture au spectacle vivant », rapport de la Cour des comptes, mai 2022.
* 11 Suppression d'impôts locaux telle que la taxe d'habitation en 2023 et, progressivement, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) entre 2024 et 2027.
* 12 Départements : - 18 %, communes : - 8 %, intercommunalités : - 11 % : chiffres clés de la culture 2022, département des études, de la prospective et des statistiques, ministère de la culture.
* 13 « Baromètre sur les budgets et choix culturels des collectivités territoriales : volet national 2023 », Observatoire des politiques culturelles, ministère de la culture.
* 14 « Les nouveaux territoires de la culture », rapport d'information n° 210 (2019-2020) de M. Antoine Karam et Mme Sonia de la Provôté, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
* 15 Rapport d'opportunité dans le cadre de l'article 6 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, inspection générale des affaires culturelles et conseil général de l'environnement et du développement durable, avril 2017.
* 16 Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat avait adopté un amendement déposé par Sylvie Robert visant à permettre aux écoles d'art territoriales d'appliquer aux étudiants boursiers le même niveau d'exonération que dans les écoles nationales, moyennant une compensation financière. Cette disposition, qui avait reçu un avis défavorable du Gouvernement, n'avait toutefois pas été maintenue dans la version finale du projet de loi de finances.
* 17 Le décret du 12 octobre 2006 établit trois typologies d'établissements : les conservatoires à rayonnement régional (CRR), départemental (CRD), communal ou intercommunal (CRC/CRI).
* 18 Respectivement la direction générale de la création artistique et la direction générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle.
* 19 Définis comme ceux qui exercent une activité artistique exclusivement à titre de loisir, et sans en tirer aucune rémunération.