- SYNTHÈSE
- LES 7 RECOMMANDATIONS DE LA MISSION
- AVANT-PROPOS
- I. FAUT-IL RÉDUIRE L'EFFECTIF LÉGAL
DES CONSEILS MUNICIPAUX ?
- 1. La situation actuelle, issue de la loi
« engagement et proximité » de 2019 : des
aménagements pour les communes de moins de 500 habitants
- 2. Les difficultés rencontrées en
2020 pour constituer les équipes municipales
- 3. Une crise de l'engagement local qui
persiste
- 4. Des initiatives nombreuses tendant à
réduire l'effectif légal des conseils municipaux
- 5. Les recommandations de la mission
- a) Améliorer le statut des élus
locaux : une réponse « structurelle »
à la crise de l'engagement local
- b) Réduire le nombre de conseillers
municipaux dans les communes de 100 à 3 499
habitants
- c) Ne pas réduire le nombre de conseillers
municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants
- d) Étendre le régime
dérogatoire actuel aux communes entre
500 et 999 habitants
- e) Maintenir le nombre actuel d'adjoints
- f) Sécuriser la période transitoire
des communes nouvelles
- (1) Conserver l'évolution graduelle de
l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles
- (2) Éviter, en cas de vacance de plus d'un
tiers des conseillers municipaux, le renouvellement intégral du conseil
municipal de la commune nouvelle
- a) Améliorer le statut des élus
locaux : une réponse « structurelle »
à la crise de l'engagement local
- 1. La situation actuelle, issue de la loi
« engagement et proximité » de 2019 : des
aménagements pour les communes de moins de 500 habitants
- II. FAUT-IL ÉTENDRE LE SCRUTIN DE LISTE AUX
COMMUNES DE MOINS DE 1 000 HABITANTS ?
- 1. La situation actuelle
- 2. Des initiatives nombreuses tendant à
étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000
habitants
- 3. Des objectifs partagés
- 4. Étudier l'impact de cette extension sur
les élections partielles et sur la corrélation maire/conseiller
communautaire
- 5. Les recommandations de la mission
- 1. La situation actuelle
- I. FAUT-IL RÉDUIRE L'EFFECTIF LÉGAL
DES CONSEILS MUNICIPAUX ?
- CONCLUSION GÉNÉRALE
- EXAMEN EN DÉLÉGATION
- LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
- ANNEXE 1 :
TABLEAU COMPARATIF DES INITIATIVES VISANT À RÉDUIRE LE NOMBRE DES CONSEILLERS MUNICIPAUX
- ANNEXE 2 :
SCRUTIN DANS LES COMMUNES
DE MOINS DE 1 000 HABITANTS
- ANNEXE 3 :
SCRUTIN DANS LES COMMUNES
DE PLUS DE 1 000 HABITANTS
N° 9
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 octobre 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif à l'efficacité des conseils municipaux,
Par Mmes Françoise GATEL (2), Nadine
BELLUROT, MM. Éric KERROUCHE
et Didier RAMBAUD,
Sénateurs et Sénatrice
(1) Cette délégation est
composée de : Mme Françoise Gatel (2),
présidente ; M. Rémy Pointereau,
premier vice-président ; Mme Agnès
Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne
Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme
Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette,
Grégory Blanc, vice-présidents ;
MM. Jean
Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé,
secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars,
Mme Nadine Bellurot, MM. Guy Benarroche, François
Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis,
Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco,
MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Pascale Gruny,
MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La
Provôté, Anne-Catherine Loisier, M. Jean-Jacques Lozach,
Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane
Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud,
Jean-Yves Roux,
Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean-Marie
Vanlerenberghe.
(2) Mme Françoise Gatel a été nommée membre du Gouvernement le 21 septembre 2024.
SYNTHÈSE
Renforcer l'efficacité des conseils municipaux : des solutions pour 2026
De Mme Françoise Gatel , Sénateur d'Ille-et-Vilaine (Groupe Union Centriste), Mme Nadine Bellurot, Sénatrice de l'Indre (Groupe Les Républicains), M. Éric Kerrouche, Sénateur des Landes (Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) et M. Didier Rambaud, Sénateur de l'Isère (Groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants).
Après ses nombreux travaux sur le statut de l'élu local fin 2023, qui ont abouti à l'adoption à l'unanimité, le 7 mars 2024, de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, la délégation du Sénat aux collectivités territoriales a lancé une mission flash sur l'efficacité du fonctionnement des conseils municipaux. En effet, les améliorations apportées par la loi dite « engagement et proximité » de 2019 ont, lors des élections municipales de 2020, produit des effets limités en raison de la persistance d'une crise de l'engagement local, qui touche particulièrement les communes rurales. Cette crise, multifactorielle, se traduit par une tendance à la baisse du nombre de candidats aux élections et par une hausse continue du nombre de démissions en cours de mandat.
La mission s'est fixée pour objectif d'évaluer la pertinence du nombre actuel de conseillers municipaux, lequel dépend de la strate démographique de la commune. La mission a également examiné l'opportunité d'appliquer le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Ces interrogations s'intègrent dans une recherche d'une meilleure efficacité du fonctionnement des conseils municipaux.
Afin de nourrir sa réflexion et prendre le
« pouls du terrain », la
délégation a confié
à l'institut CSA la
réalisation, en juin
2024, d'une enquête
téléphonique auprès de
500 élus municipaux
dans les communes de moins de 3 500 habitants.
I- FAUT-IL RÉDUIRE L'EFFECTIF LÉGAL DES CONSEILS MUNICIPAUX ?
A- La situation actuelle
L'effectif des conseils municipaux diffère selon la strate démographique. Les communes de moins de 500 habitants, correspondant à plus de la moitié des communes françaises, peuvent faire l'objet d'un aménagement depuis la loi dite « engagement et proximité » : le conseil municipal est ainsi « réputé complet » même s'il compte deux conseillers de moins que l'effectif légal.
B- Une crise de l'engagement local qui persiste
L'enquête CSA montre notamment que plus de la moitié des élus interrogés disent avoir rencontré des difficultés à réunir des candidatures aux élections municipales de 2020.
Par ailleurs, les démissions de maires ont atteint un niveau sans précédent : au 31 janvier 2024, 1 424 maires élus en 2020 avaient ainsi démissionné de leur mandat, soit plus de 4 % des maires.
SITUATION ACTUELLE |
Position de la commission des lois |
||
Population de la commune |
Nombre de communes par strate |
Nombre de membres du conseil municipal |
|
de moins de 100 habitants |
3 317 |
7 (ou 5) |
Sans changement par rapport à la situation actuelle |
de 100 à 499 habitants |
15 066 |
11 (ou 9) |
9 (ou 7) |
de 500 à 1 499 habitants |
9 614 |
15 |
11 |
de 1 500 à 2 499 habitants |
2 622 |
19 |
15 |
de 2 500 à 3 499 habitants |
1 207 |
23 |
19 |
plus de 3 500 habitants |
3 119 |
de 27 à 69 |
Sans changement par rapport à la situation actuelle |
C- Les recommandations de la mission
Le rapport insiste sur la nécessité de
résoudre les causes profondes de la crise de l'engagement local,
notamment au travers de la mise en place d'un véritable statut
de l'élu local visant à améliorer les conditions
d'exercice du mandat local et à sécuriser le parcours
des
élus, sujets auxquels le Sénat a
fortement contribué,
notamment par l'adoption le
7 mars 2024 d'une proposition de loi en ce
sens.
RECOMMANDATION n°1 Faire de la création d'un statut de l'élu local un prérequis et une priorité absolue. |
a) Réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants
Le 5 juin 2024, la commission des lois du Sénat a adopté, avec modifications, la proposition de loi déposée par François Bonneau, visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants. Les auditions menées par la mission comme l'enquête CSA ont confirmé la pertinence de la position de la commission des lois.
Par ailleurs, si des difficultés ont pu apparaître pour la constitution de conseils municipaux complets lors des élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants, tel n'est pas le cas pour les communes des strates supérieures.
RECOMMANDATION n°2 Réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants, et pas au-delà. |
b) Étendre le régime dérogatoire actuel aux communes entre 500 et 999 habitants municipaux
L'enquête CSA souligne que 61 % des élus des communes de 500 à 999 habitants souhaiteraient bénéficier des dispositions qui permettent aux communes de pouvoir compter deux conseillers de moins que l'effectif légal.
Le rapport propose cet assouplissement qui permettrait à ces communes de trouver plus facilement des candidatures pour les élections municipales.
RECOMMANDATION n°3 Étendre le régime dérogatoire actuel aux communes entre 500 et 999 habitants. |
c) Maintenir le nombre actuel d'adjoints
Le nombre d'adjoints au maire est plafonné à 30 % de l'effectif légal du conseil municipal. Réduire l'effectif légal du conseil municipal aurait pour effet, sans autre modification, de faire perdre un adjoint aux communes concernées.
Population de la commune |
Nombre maximal d'adjoints pouvant être
désignés |
Nombre maximal d'adjoints pouvant être désignés (en cas de réduction du nombre de conseillers municipaux) |
de moins de 100 habitants |
2 |
Sans changement |
de 100à 499 habitants |
3 |
2 |
de 500 à 1 499 habitants |
4 |
3 |
de 1 500 à 2 499 habitants |
5 |
4 |
de 2 500 à 3 499 habitants |
6 |
5 |
Le rapport recommande de ne pas réduire le nombre d'adjoints. En effet, une telle évolution réduirait les marges de manoeuvre des maires dans la gestion de la municipalité et diminuerait le montant de l'enveloppe indemnitaire globale.
RECOMMANDATION n°4 Maintenir le nombre actuel d'adjoints dans les conseils municipaux. |
d) Sécuriser la période transitoire des communes nouvelles
La création des communes nouvelles constitue également une réponse à la crise de l'engagement local. Il importe donc de sécuriser la période transitoire de ces communes. À ce titre, le rapport propose de conserver la diminution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles afin de favoriser la pérennité des regroupements communaux.
De plus, actuellement, si le siège de conseillers
municipaux devient vacant pour quelque cause que ce soit, il
demeure vacant jusqu'au prochain renouvellement de la commune nouvelle. En
revanche, si la vacance concerne plus du tiers du conseil
municipal, le Conseil d'État considère qu'il n'est pas possible
de faire appel aux suivants de liste
et qu'il convient donc d'organiser de
nouvelles
élections municipales intégrales, faisant ainsi basculer
le conseil de la commune nouvelle dans l'effectif de la strate immédiatement supérieure, d'où une forte baisse du nombre de conseillers.
Le rapport recommande d'ouvrir la possibilité de faire appel aux suivants de liste.
RECOMMANDATION n°5 Sécuriser l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles. |
II- FAUT-IL ÉTENDRE LE SCRUTIN DE LISTE AUX COMMUNES DE MOINS DE 1 000 HABITANTS ?
A- La situation actuelle
Le système électoral municipal actuel est caractérisé par la coexistence de deux modes de scrutin différents selon la strate démographique :
- dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin est plurinominal majoritaire, avec possibilité de panachage ;
- dans les communes de plus de 1 000 habitants, le scrutin est proportionnel mais avec une prime majoritaire.
B- Des initiatives nombreuses
Ces dernières années, de nombreuses
initiatives ont cherché à étendre le scrutin de
liste aux communes de moins de
1 000 habitants :
- l'amendement porté par Éric Kerrouche en octobre 2019, dans le cadre du projet de loi dit « engagement et proximité » ;
- la proposition de loi d'Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 27 octobre 2021 ;
- la proposition de loi de la députée Élodie Jacquier-Laforge, adoptée par l'Assemblée nationale le 3 février 2022 ;
- la proposition de loi d'Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 20 mars 2024 ;
- le rapport d'Éric Woerth remis au Président de la République le 30 mai 2024 ;
- la proposition de loi de Nadine Bellurot, déposée le 6 septembre 2024.
C- Trois objectifs partagés
a) Répondre aux exigences de parité
L'article 1er de notre Constitution dispose, depuis 1999, que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Si la législation en matière de parité s'est renforcée au cours des dernières décennies, elle ne s'applique pas aux communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent 71 % des communes françaises et 13 % de la population.
À l'issue des dernières élections municipales de 2020, les femmes représentent en moyenne 42,4 % des conseillers municipaux, toutes strates confondues. Uniformiser les modes de scrutin conduirait mécaniquement à faire progresser ce pourcentage et à le rapprocher de 50 %.
b) Garantir la cohésion de l'équipe municipale autour d'un projet
Le mode de scrutin majoritaire avec panachage, actuellement applicable aux communes de moins de 1 000 habitants, présente de nombreux inconvénients, invitant parfois à une logique délétère connue sous le nom de « tir aux pigeons ». Inversement, le scrutin de liste aboutit à une dépersonnalisation relative du vote et permet de se prononcer sur un projet plutôt que sur une personne. Ce scrutin favorise ainsi l'engagement local par la création d'une dynamique démocratique autour d'un projet de territoire.
c) Mettre fin à des différences artificielles entre communes
Appliquer le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants permettrait d'uniformiser
et de simplifier les modes de scrutin, en supprimant une frontière inutile entre les communes. Cela permettrait également d'unifier le mode de désignation des conseillers communautaires.
D- Les recommandations de la mission
a) Étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants
Les auditions ont souligné que l'Association des maires de France (AMF) ainsi que celle des maires ruraux de France (AMRF) souhaitent le changement de mode de scrutin pour les communes de moins de 1 000 habitants.
S'agissant du premier objectif tenant aux exigences de parité, cette réforme conduira à la progression des femmes dans les effectifs des conseils municipaux. Certes, de nombreux élus de communes de moins de 1 000 habitants craignent de ne pas trouver suffisamment de femmes candidates. Toutefois, ces craintes apparaissent infondées pour trois raisons :
- la baisse de l'effectif légal faciliterait la constitution des listes paritaires ;
- le fait que l'effectif légal correspond à un chiffre impair donne un peu de souplesse dans la répartition homme/femme ;
- le déficit d'engagement des femmes a souvent
été invoqué lors des différentes étapes
législatives ayant conduit à la parité, notamment en
2013 ; force est de constater qu'il ne s'est pas ensuite
confirmé. Pour preuve, les femmes
représentent aujourd'hui 22,3 % des maires des communes de
moins de
100 habitants et 21,4 % des
communes entre 100 et 199 habitants,
pourcentages largement supérieurs à celui observé dans des strates de communes supérieures.
Par ailleurs, certains pointent un risque constitutionnel
concernant la généralisation du scrutin de liste, au motif
qu'elle pourrait
être regardée par le Conseil constitutionnel
comme une atteinte aux expressions pluralistes des opinions, garanties par
l'article 4 de la Constitution.
Plusieurs éléments militent au contraire en faveur d'une conformité aux règles et principes constitutionnels :
- une liste électorale a, par principe, vocation à intégrer l'exigence du pluralisme des opinions locales ;
- l'extension du scrutin de liste, en simplifiant les règles électorales, concourt à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ;
- cette uniformisation rétablirait également une forme d'égalité devant le suffrage, égalité qui a valeur constitutionnelle ;
- la généralisation du scrutin de liste favoriserait l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;
- enfin, la réduction du nombre de conseillers municipaux devrait rendre plus aisée la constitution de listes dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Pour toutes ces raisons, le rapport recommande une généralisation du scrutin de liste à l'ensemble des communes.
RECOMMANDATION n°6 Étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. |
b) Faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants
Actuellement, dans les communes de plus de 1 000 habitants, en cas de vacance d'un ou plusieurs adjoints, ceux-ci « sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder ». Le rapport souligne la nécessité d'assouplir cette règle pour les communes de moins de 500 habitants, afin de faciliter le remplacement d'un adjoint en cas de vacance du siège.
RECOMMANDATION n°7 Faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants. |
La mise en oeuvre de ces 7 recommandations permettra d'améliorer le fonctionnement des conseils municipaux. Cette efficacité doit se conjuguer à des initiatives visant à développer la démocratie implicative, réunissant le citoyen et ses élus dans une relation de proximité immédiate, afin de rétablir l'engagement du citoyen dans la vie de la Cité.1(*)
LES 7 RECOMMANDATIONS DE LA MISSION
N° de la recommandation |
Recommandations |
Acteurs concernés |
Calendrier prévisionnel |
Support/action |
1 |
Faire de la création d'un statut de l'élu local un prérequis et une priorité absolue |
Parlement et Gouvernement |
6 mois |
Proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, adoptée par le Sénat le 7 mars 2024 |
2 |
Réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants, et pas au-delà |
Parlement et Gouvernement |
6 mois |
Proposition de loi |
3 |
Étendre le régime dérogatoire actuel aux communes entre 500 et 999 habitants |
Parlement et Gouvernement |
6 mois |
Proposition de loi |
4 |
Maintenir le nombre actuel d'adjoints dans les conseils municipaux |
Parlement et Gouvernemsent |
6 mois |
Proposition de loi |
5 |
Sécuriser l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles |
Parlement et Gouvernement |
6 mois |
Proposition de loi |
6 |
Étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants |
Parlement et Gouvernement |
6 mois |
Proposition de loi |
7 |
Faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants |
Parlement et Gouvernement |
6 mois |
Proposition de loi |
AVANT-PROPOS
Après ses nombreux travaux sur le statut de l'élu local fin 2023, qui ont abouti à l'adoption à l'unanimité, le 7 mars 2024, de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, la délégation du Sénat aux collectivités territoriales a souhaité lancer une mission flash sur l'efficacité du fonctionnement des conseils municipaux, dans un contexte marqué par plusieurs initiatives sénatoriales sur ce sujet.
La mission s'est fixée pour objectif d'évaluer la pertinence du nombre actuel de conseillers municipaux, lequel dépend de la strate démographique de la commune. Il s'agit d'un sujet complexe, car il doit répondre à la fois à des enjeux de représentation démocratique, de participation à la vie publique mais aussi de bon fonctionnement des conseils municipaux.
La mission a également examiné l'opportunité d'appliquer le scrutin de liste à toutes les communes, quelle que soit leur population.
Les questions suivantes ont été placées au coeur de ses travaux :
- faut-il réduire l'effectif légal des conseils municipaux ? Uniquement dans les communes de moins de 3 500 habitants ou pour toutes les strates démographiques ? Cette réduction contribuerait-elle à atténuer la crise de l'engagement local ? En cas de diminution de l'effectif légal, faudrait-il maintenir le nombre actuel d'adjoints ?
- faut-il étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants ? Une telle évolution permettrait-elle de garantir la cohésion de l'équipe municipale ? De répondre aux exigences de parité ? Quel serait l'impact sur le fonctionnement des intercommunalités ?
Afin de nourrir sa réflexion et prendre le « pouls du terrain », la délégation a confié à l'institut CSA la réalisation, en juin 2024, d'une enquête téléphonique auprès de 500 élus municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. L'institut a présenté le 9 juillet 2024 les résultats de cette enquête, à l'occasion d'une audition de Françoise Gatel, présidente de la délégation1(*). Cette audition était ouverte à l'ensemble des membres de la délégation aux collectivités territoriales. L'enquête souligne que les élus locaux se montrent très sensibles à la question du mode de fonctionnement des conseils municipaux. Environ 90 % déclarent s'intéresser au mode de scrutin et 62 % montrent un grand intérêt. De même, 83 % des élus portent une attention particulière au nombre de conseillers municipaux, près de la moitié montrant un fort intérêt.
La mission flash a souhaité rendre ses conclusions dès le début du mois d'octobre 2024 afin qu'une proposition de loi puisse, le cas échéant, être adoptée en temps utile. En effet, les prochaines élections municipales devraient avoir lieu en mars 2026 et il est d'usage de ne pas modifier les règles moins d'un an avant la tenue des élections.
I. FAUT-IL RÉDUIRE L'EFFECTIF LÉGAL DES CONSEILS MUNICIPAUX ?
1. La situation actuelle, issue de la loi « engagement et proximité » de 2019 : des aménagements pour les communes de moins de 500 habitants
L'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit l'effectif des conseils municipaux par strate de population.
Population de la commune |
Nombre de membres du conseil municipal |
Nombre maximal d'adjoints2(*) |
Nombre de communes par strate |
moins de 100 habitants |
7 (ou 5) |
2 |
3 317 |
de 100 à 499 habitants |
11 (ou 9) |
3 |
15 066 |
de 500 à 1 499 habitants |
15 |
4 |
9 614 |
de 1 500 à 2 499 habitants |
19 |
5 |
2 622 |
de 2 500 à 3 499 habitants |
23 |
6 |
1 207 |
Les deux premières strates (en orange dans le tableau ci-dessus) correspondent aux communes de moins de 500 habitants et concernent plus de la moitié des communes françaises.
Elles peuvent faire l'objet d'un aménagement ; en effet, l'article L. 2121-2-1 du CGCT, introduit par l'article 38 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 dite « engagement et Proximité », prévoit une dérogation permettant de considérer le conseil municipal comme complet même si le nombre prévu de conseillers municipaux n'est pas atteint.
Désormais, dans les communes de moins de 100 habitants, l'effectif légal du conseil municipal est fixé à 7 mais le conseil municipal est réputé complet dès lors qu'il compte au moins 5 membres à l'issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d'une élection complémentaire. Dans les communes comptant entre 100 et 499 habitants, le conseil municipal est, dans les mêmes conditions, réputé complet dès lors qu'il compte au moins 9 membres - l'effectif légal étant fixé à 11 membres.
Ces assouplissements ont été introduits pour permettre aux communes rurales de constituer plus aisément leur conseil municipal. Selon notre collègue Chantal Deseyne, première signataire de l'amendement qui a créé cet assouplissement, il s'agissait :
- d'une part, de « répondre aux inquiétudes concernant la capacité des communes à susciter un nombre suffisant de candidatures par rapport au nombre de sièges à pouvoir » ;
- d'autre part, d'« apporter une nuance indispensable aux logiques des seuils, sans pour autant pénaliser les communes qui auront la capacité de réunir suffisamment de candidatures ».
En séance, le Gouvernement a émis un avis favorable à cet amendement, considérant que le dispositif proposé permettrait de « répondre aux difficultés sporadiques qui apparaissent dans certaines communes rurales pour trouver des candidats aux élections municipales »3(*).
Ces aménagements ont ensuite été retenus dans le texte définitif, promulgué le 27 décembre 2019.
2. Les difficultés rencontrées en 2020 pour constituer les équipes municipales
La délégation du Sénat aux collectivités territoriales a confié à l'institut CSA la réalisation, en juin 2024, d'une enquête auprès des communes de moins de 3 500 habitants afin d'évaluer l'impact des aménagements susmentionnés et d'une manière générale, de mesurer les difficultés qu'ont rencontrées les communes à trouver des candidats aux dernières élections municipales de 2020.
Sur le premier point, l'enquête fait ressortir un bilan contrasté selon que les communes appartiennent à la première tranche (moins de 100 habitants) ou à la deuxième (entre 100 et 499 habitants).
En effet, les communes de moins de 100 habitants semblent avoir tiré certains bénéfices de l'aménagement sur le conseil municipal, réputé complet : elles ne sont ainsi « que » 40 % à avoir connu des difficultés à constituer leur équipe municipale lors des élections de 2020.
En revanche, les communes de 100 à 499 habitants, également concernées par cet aménagement législatif, n'ont pas connu moins de difficultés que les autres communes.
Les difficultés rencontrées en 2020
pour constituer les équipes municipales - répartition par strate
démographique
Source : enquête CSA - juin 2024
Force est donc de constater que l'aménagement prévu dans la loi « engagement et proximité » a surtout produit des effets dans la première strate de communes, et non dans la deuxième, sans qu'il ne soit aisé d'en expliquer les causes à ce stade. Toujours est-il que le régime dérogatoire est jugé très favorablement, non seulement par les communes de moins de 100 habitants mais aussi par celles de 100 à 499 habitants.
Les élus sont donc confiants dans l'intérêt du dispositif voté en 2019 et dans sa capacité à faciliter la constitution des équipes municipales. Il est donc possible que le régime dérogatoire ne produise ses effets que lors des prochaines élections de 2026.
En second lieu, l'enquête CSA permet, plus généralement, de mesurer les difficultés qu'ont rencontrées les communes de moins de 3 500 habitants à réunir des candidatures aux élections municipales de 2020. Il en ressort que plus de 50 % des élus disent avoir rencontré de telles difficultés.
Selon les élus interrogés, des
difficultés à constituer l'équipe municipale ont
été rencontrées dans une commune sur deux en
2020
Source : enquête CSA - juin 2024
Il est intéressant de relever que le tableau présenté plus haut (« répartition par strate démographique ») démontre que le mode de scrutin applicable (scrutin de liste ou scrutin majoritaire) n'a guère d'impact sur la capacité à constituer des équipes municipales.
Parmi les élus qui ont déclaré avoir
rencontré des difficultés
dans la constitution de leur
équipe municipale en 2020, 86 % mettent en avant
un manque de motivation et de disponibilité des
candidats. Un peu plus d'un cinquième des élus met
également en lumière des difficultés relatives aux
exigences de parité.
Source : enquête CSA - juin 2024
Paroles d'élus (issues de l'enquête CSA)
« J'ai rencontré des difficultés dans l'engagement et la disponibilité des personnes. »
« Les personnes ne veulent plus s'impliquer. C'est trop de temps à passer, trop d'implications. »
Ces difficultés de mobilisation semblent s'aggraver par rapport à 2014.
Ainsi, en 2020, 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet, faute de candidats en nombre suffisant (228 communes en 2014, soit une augmentation de 51 %).
Lors du premier tour des élections municipales de 2020, 106 communes ne disposaient d'aucun candidat4(*) (62 communes en 2014, soit une progression de 71 %).
3. Une crise de l'engagement local qui persiste
Comme indiqué plus haut, les améliorations apportées par la loi « engagement et proximité » ont, en 2020, produit des effets limités en raison de la persistance d'une crise de l'engagement local, qui touche particulièrement les communes rurales. Cette crise, multifactorielle5(*), se traduit par :
- une tendance à la baisse du nombre de candidats aux élections municipales ;
- une hausse continue du nombre de démissions en cours de mandat. Selon l'Association des Maires de France (AMF), les démissions d'élus municipaux ont atteint en 2023, soit à mi-mandat, un « niveau sans précédent ». Au 31 janvier 2024, 1 424 maires élus en 2020 avaient ainsi démissionné de leur mandat, soit plus de 4 % des maires. S'agissant des conseillers municipaux, au 10 mai 2023, 29 214 d'entre eux avaient démissionné de leur mandat, soit environ 6 % d'entre eux.
4. Des initiatives nombreuses tendant à réduire l'effectif légal des conseils municipaux
Vos rapporteurs considèrent que la première réponse à apporter à la crise de l'engagement local réside naturellement dans l'amélioration des conditions d'exercice du mandat de l'élu, amélioration à laquelle les travaux du Sénat ont fortement contribué. Ils ont souhaité rappeler cette condition sine qua non dans le cadre de leur première recommandation (cf infra).
La mission souligne toutefois la nécessité, en parallèle de ces actions « structurelles », de renforcer l'efficacité des conseils municipaux en réduisant l'effectif légal des conseils municipaux.
Ainsi, le 5 juin 2024, la commission des lois du Sénat a adopté, avec modifications6(*), la proposition de loi déposée par notre collègue François Bonneau, visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants. À l'initiative de sa rapporteure, Nadine Bellurot, la commission des lois a adopté plusieurs amendements visant à :
- étendre la baisse de l'effectif légal proposée à l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, qui font elles aussi état d'un nombre de démissions en hausse et de tensions grandissantes pour mobiliser suffisamment de candidats aux élections municipales ;
- maintenir l'effectif légal actuel des conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants pour éviter une baisse trop forte du nombre de conseillers municipaux et pour ne pas pénaliser les communes réussissant à mobiliser suffisamment de candidats ;
- rétablir la disposition relative au conseil municipal « réputé complet », à la fois pour les communes de moins de 100 habitants et pour celles de 100 à 500 habitants, afin de leur laisser la possibilité de recourir à cet aménagement.
Ces amendements correspondent aux orientations de la proposition de loi de notre collègue Nadine Bellurot, co-rapporteure de la présente mission7(*). Toutefois, la proposition de loi de François Bonneau n'a pas pu être examinée par le Sénat en séance publique, comme initialement prévu, le 12 juin 2024, en raison de la suspension des travaux parlementaires qui a fait suite à la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 20248(*).
Enfin, votre délégation et la commission des lois ont organisé conjointement, le 5 juin 2024, une audition d'Eric Woerth, ancien ministre et alors premier questeur de l'Assemblée nationale, sur son rapport au président de la République intitulé Décentralisation : le temps de la confiance. Parmi les recommandations de ce rapport figure la réduction des effectifs du conseil municipal sur toutes les strates démographiques supérieures à 100 habitants9(*) : « Au regard des difficultés rencontrées par les communes, en particulier rurales, à constituer des listes et de la hausse du nombre de démissions des élus municipaux (...), il pourrait être proposé de réduire de 20 % le nombre de conseillers municipaux. Le nombre d'adjoints municipaux serait maintenu. Cette réduction de l'ordre de 100 000 du nombre d'élus municipaux vise aussi à rendre du pouvoir d'agir aux maires entourés d'une équipe plus restreinte ».
5. Les recommandations de la mission
a) Améliorer le statut des élus locaux : une réponse « structurelle » à la crise de l'engagement local
Comme indiqué plus haut, vos rapporteurs sont convaincus qu'il est essentiel de résoudre les causes profondes de la crise de l'engagement local, notamment via la mise en place d'un véritable statut de l'élu local.
Face à cette crise, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, n'est pas demeuré inactif, tant s'en faut. Il a fait de ce sujet essentiel son « cheval de bataille », en étroite concertation avec les associations d'élus locaux.
En premier lieu, notre assemblée est à l'origine d'une loi très attendue, promulguée le 22 mars 2024 et visant à « renforcer la sécurité et la protection des maires et des élus locaux ». Hasard du calendrier, cette loi a été promulguée un an jour pour jour après l'incendie criminel du domicile du Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique), Yannick Morez, alors qu'il y dormait en compagnie de ses proches. Cet événement dramatique avait, une nouvelle fois, mis en pleine lumière les violences inadmissibles auxquelles les élus locaux, et en particulier les maires, sont confrontés dans l'exercice quotidien de leur mandat. Elles se traduisent par des incivilités, des injures, des menaces et même des agressions physiques contre eux-mêmes ou leurs proches.
En deuxième lieu, le Sénat a adopté le 7 mars 2024, à l'unanimité, en première lecture, la proposition de loi tendant à instaurer un véritable statut de l'élu local afin d'améliorer les conditions d'exercice du mandat local et de sécuriser le parcours des élus locaux10(*). Ce texte est largement issu des travaux précités de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, menés à l'automne 2023. Parce qu'il est impératif de doter enfin les élus d'un véritable statut à la hauteur de leur responsabilité et de leur engagement, vos rapporteurs appellent de leurs voeux un examen rapide de cette proposition par la nouvelle Assemblée nationale, issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024.
Recommandation n° 1 : faire de la création d'un statut de l'élu local un prérequis et une priorité absolue
b) Réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants
Les auditions menées par la mission ont confirmé la pertinence de la position de la commission des lois, adoptée le 5 juin 2024, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi de François Bonneau.
Position de la commission des lois du Sénat
sur la réduction de l'effectif légal des conseils
municipaux
SITUATION ACTUELLE |
Position de la commission des lois11(*) |
||
Population de la commune |
Nombre de communes par strate |
Nombre de membres du conseil municipal |
|
de moins de 100 habitants |
3 317 |
7 (ou 5) |
Sans changement par rapport à la situation actuelle |
de 100 à 499 habitants |
15 066 |
11 (ou 9) |
9 (ou 7) |
de 500 à 1 499 habitants |
9 614 |
15 |
11 |
de 1 500 à 2 499 habitants |
2 622 |
19 |
15 |
de 2 500 à 3 499 habitants |
1 207 |
23 |
19 |
plus de 3 500 habitants |
3 119 |
de 27 à 69 |
Sans changement par rapport à la situation actuelle |
Tout comme la commission des lois, la mission considère :
- que les règles régissant actuellement les communes de moins de 100 habitants sont satisfaisantes (effectif légal de 7 conseillers municipaux, mais avec un conseil municipal réputé complet à 5) ; ce système permet en effet de ne pas pénaliser les communes réussissant à susciter un nombre suffisant de candidatures, tout en aménageant une certaine souplesse par la règle du conseil municipal « réputé complet » ;
- qu'il est en revanche nécessaire de réduire le nombre de conseillers municipaux pour les communes de 100 à 3 499 habitants, soit environ 80 % des communes. Naturellement, pour éviter tout effet de bord, il conviendra de permettre à l'ensemble des communes concernées par la baisse de leur effectif légal de conserver le même nombre de délégués au collège électoral des sénateurs (art L. 284 du code électoral).
Vos rapporteurs relèvent également que cette réduction emporterait une conséquence positive sur les règles du quorum : en effet, l'article L. 2121-17 du CGCT prévoit que le conseil municipal ne délibère valablement que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente. Force est de constater que cette règle, que vos rapporteurs n'entendent pas remettre en cause, car respectueuse du suffrage universel, suscite parfois des difficultés pratiques. Ces dernières devraient largement s'estomper avec la réduction proposée de l'effectif légal du conseil municipal.
La mission observe enfin que cette réduction correspond très largement aux souhaits des élus locaux tels qu'ils ressortent de l'enquête précitée menée par le CSA.
À l'exception des élus des
communes de moins de 100 habitants,
tous les élus de moins de 3 500
habitants souhaiteraient
une baisse de l'effectif légal du conseil
municipal
Source : enquête CSA - juin 2024
Par ailleurs, vos rapporteurs insistent sur un point fondamental : la réduction de l'effectif légal des conseils municipaux est uniquement liée à des considérations tirées de la recherche d'une plus grande efficacité des conseils municipaux dans les communes concernées.
En aucun cas, cette réduction ne répond à un quelconque objectif financier, qui serait lié à l'idée, malheureusement répandue mais erronée, selon laquelle « les élus locaux coûteraient trop cher à la République ». Il faut en effet rappeler ici que l'indemnité versée aux élus locaux ne concerne qu'une minorité d'entre eux : ainsi, sur 500 000 élus locaux, 190 000 bénéficient d'une indemnité de fonction. Autrement dit, les deux tiers des élus sont actuellement totalement bénévoles. Par ailleurs, si on considère que les maires et adjoints exercent des fonctions comparables à celles d'un cadre A de la fonction publique, à l'indice terminal brut, à temps plein ou partiel selon les strates démographiques, leur remplacement par des fonctionnaires coûterait à notre pays un montant estimé à plus de 3,4 milliards d'euros, soit un coût 2,3 fois supérieur au montant actuel des indemnités versées aux élus communaux12(*).
Enfin, vos rapporteurs ont souhaité évaluer l'impact d'une réduction du nombre de conseillers municipaux sur la répartition des sièges au sein des EPCI. Concrètement, cette réduction permettrait-elle à toutes les communes, en particulier les villes centres, d'avoir assez d'élus pour les représenter dans l'intercommunalité ?
En effet, le CGCT prévoit la réduction du nombre d'élus communautaires en cas d'attribution de sièges supérieure au nombre de ses conseillers municipaux. Avec les effectifs légaux actuels, il semble qu'une seule commune soit actuellement concernée par cette situation : il s'agit de la commune de Besançon qui compte 55 conseillers municipaux mais qui devrait avoir 60 sièges de conseillers communautaires, en application des règles prévues à l'article L. 5211-6-1 du CGCT relatives à la répartition des sièges au sein des EPCI. La commune de Besançon dispose donc 55 sièges au sein de la communauté urbaine du Grand Besançon, et non 60.
Vos rapporteurs ont souhaité savoir si d'autres cas similaires pourraient apparaître à la suite de la réduction de l'effectif légal des conseils municipaux. Certes, il n'existe pas de base de données actualisée permettant de connaître, à l'heure actuelle, le nombre et la répartition des sièges au sein de tous les EPCI de France : aucune simulation n'est donc possible.
Toutefois, il semble extrêmement peu probable qu'une commune de moins de 3 500 habitants puisse se trouver demain dans la situation de Besançon. Prenons l'exemple d'une commune de 1 000 habitants qui compte aujourd'hui 15 conseillers municipaux. Elle en compterait demain 11 avec la réduction envisagée. Pour qu'elle puisse connaître un impact négatif, similaire à celui de Besançon, il faudrait que cette commune dispose actuellement de plus de 11 sièges au sein de l'EPCI. Ni les associations d'élus (AMF et Intercommunalités de France) ni le Gouvernement n'ont identifié ce cas de figure.
c) Ne pas réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants
Comme indiqué plus haut, le rapport d'Éric Woerth remis au président de la République propose de réduire de 20 % le nombre de conseillers municipaux dans les communes de plus de 100 habitants, y compris donc dans celles de plus de 3 500 habitants.
Vos rapporteurs ont pu constater, lors de leurs auditions, que cette proposition ne recueille pas l'approbation des associations d'élus locaux.
Si des difficultés ont pu apparaître pour la constitution de conseils municipaux complets lors des élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants, tel n'est pas le cas pour les communes des strates supérieures. Une réduction de l'effectif légal ne correspond donc pas à un besoin exprimé par ces dernières. Une telle baisse pourrait même emporter plusieurs inconvénients :
- elle tarirait le vivier des personnes sur lesquelles les maires ont besoin de s'appuyer pour assurer une gestion municipale efficace, tout au long du mandat, dans un contexte marqué par la complexification de la conduite des politiques publiques locales ;
- elle rendrait plus délicate l'association progressive des plus jeunes conseillers municipaux à la gestion municipale, avant qu'ils soient appelés, s'ils le souhaitent, à obtenir des délégations du maire ;
- elle aboutirait à réduire également le nombre des élus chargés d'animer l'opposition municipale.
Recommandation n° 2 : réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants, et pas au-delà
d) Étendre le régime
dérogatoire actuel aux communes entre
500 et 999 habitants
Comme indiqué plus haut, un régime dérogatoire existe pour les communes de moins de 500 habitants. Ce régime permet aux conseils municipaux de ces communes d'être « réputés complets » s'ils comptent deux conseillers municipaux de moins que l'effectif légal.
L'enquête CSA souligne que
61 % des élus des communes de
500
à 999 habitants sont favorables à une extension du
régime dérogatoire. Cette dernière apporterait en effet
une souplesse bienvenue dans les communes qui rencontrent des
difficultés pour trouver des candidatures pour les élections
municipales.
Il est donc recommandé d'étendre cet
aménagement aux communes de la première moitié de la
3ème strate démographique, à savoir la strate
500 - 999 habitants. Ainsi, les conseils municipaux des
communes concernées seraient réputés complets à 9
conseillers.
Aménagement proposé pour les
communes de 500 à 1 000 habitants
Nombre de communes concernées |
Nombre actuel de membres du conseil municipal |
RECOMMANDATION |
env. 6 600 |
15 |
Réduction à 11 conseillers municipaux Et conseil municipal |
Vos rapporteurs sont conscients que l'extension de la dérogation au-delà du seuil de 500 habitants pourrait susciter certaines critiques de nature constitutionnelle, fondées sur le respect du principe d'égalité. Ils considèrent toutefois, sous réserve d'une analyse plus approfondie de la commission des lois du Sénat, que les communes de 500 à 1 000 habitants connaissent des contraintes comparables à celles rencontrées par les communes de plus petite taille, de sorte que la mesure proposée est en lien avec une différence objective de situation avec les communes dont la population est supérieure à 1 000 habitants. Une réflexion pourrait même porter sur l'extension de cette dérogation aux communes de 1 000 à 1 499 habitants puisqu'elles se trouvent dans la même strate démographique, à savoir la strate 500 - 1 499 habitants.
Recommandation n° 3 : étendre le régime dérogatoire actuel aux communes entre 500 et 999 habitants
e) Maintenir le nombre actuel d'adjoints
Dans son rapport sur la proposition de loi précitée de François Bonneau, la commission des lois a souligné la nécessité « d'éviter que les communes voient leur nombre maximal d'adjoints au maire diminuer en raison de l'abaissement de leur effectif légal »13(*). Le rapport susmentionné d'Éric Woerth va dans le même sens en proposant de maintenir en toute hypothèse le nombre d'adjoints municipaux.
En effet, aux termes de l'article L. 2122-2 du CGCT, le nombre d'adjoints au maire est fixé par le conseil municipal, « sans que ce nombre puisse excéder 30 % de l'effectif légal du conseil municipal », le nombre étant le cas échéant arrondi à l'entier inférieur selon la jurisprudence14(*). Réduire l'effectif légal du conseil municipal aurait pour effet, sans autre modification, de faire perdre un adjoint aux communes concernées par le dispositif de la proposition de loi précitée, comme l'illustre le tableau ci-dessous :
Communes |
Nombre maximal d'adjoints |
Nombre maximal d'adjoints |
De moins de 100 habitants |
2 |
Sans changement |
De 100 à 499 habitants |
3 |
2 |
De 500 à 1 499 habitants |
4 |
3 |
De 1 500 à 2 499 habitants |
5 |
4 |
De 2 500 à 3 499 habitants |
6 |
5 |
Une telle baisse du nombre d'adjoints ne serait pas
opportune, car elle réduirait les marges de manoeuvres du
maire dans la gestion de la municipalité. En outre, cette
réduction aurait une conséquence
négative :
diminuer le montant de l'enveloppe indemnitaire globale. En
effet, cette enveloppe est calculée à partir du nombre
d'adjoints et peut notamment servir à
verser une indemnité aux conseillers municipaux
délégués15(*).
Non seulement cette enveloppe indemnitaire globale ne saurait être réduite, mais le Sénat propose de la calculer sur la base du nombre maximal théorique d'adjoints que le conseil municipal peut désigner (aujourd'hui c'est le nombre effectif d'adjoints, non le nombre théorique, qui est pris en compte)16(*).
Recommandation n° 4 : maintenir le nombre actuel d'adjoints dans les conseils municipaux
f) Sécuriser la période transitoire des communes nouvelles
Vos rapporteurs notent que la création des communes nouvelles constitue également une réponse à la crise de l'engagement local. Ils rappellent que le Sénat propose régulièrement des avancées visant à renforcer l'attractivité des communes nouvelles et, notamment, à améliorer l'efficacité de leur conseil municipal. Votre délégation a ainsi adopté, le 28 juin 2023, un rapport intitulé « Commune nouvelle : Soutenir le projet d'un destin commun » et signé par Françoise Gatel et Eric Kerrouche17(*). La mission propose de conserver l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles, tout en apportant une amélioration en cas de vacance d'un tiers des membres du conseil municipal.
(1) Conserver l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles
Si vos rapporteurs recommandent de réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants, ils n'entendent pas, sous réserve d'une amélioration ponctuelle évoquée infra, modifier les règles actuelles régissant l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles.
En effet, afin d'assurer une transition graduelle vers le droit commun et le maintien éventuel des communes déléguées, le législateur a opportunément prévu que l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle décroît peu à peu au gré des renouvellements (art. L 2113-8 du CGCT).
Cet effectif est ainsi composé :
- de l'ensemble des conseillers municipaux des anciennes communes à compter de sa création et jusqu'au premier renouvellement du conseil municipal ;
- d'un nombre de conseillers municipaux égal à l'effectif prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure après le premier renouvellement du conseil municipal, que ce renouvellement intervienne dans le cadre d'un renouvellement général national ou non ;
- de l'effectif de droit commun après le deuxième renouvellement général des conseils municipaux, c'est-à-dire après le renouvellement prévu pour l'ensemble des communes (élections municipales de 2020 ou 2026 par exemple).
À titre d'exemple, l'évolution de l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle de 1 300 habitants, issue de la fusion de deux communes comportant respectivement 1 000 habitants et 300 habitants, est décrite dans les deux tableaux ci-dessous :
Situation à droit constant
Effectif après la création |
Effectif après le premier renouvellement |
Effectif après le deuxième renouvellement général |
26 conseillers municipaux |
19 conseillers
municipaux |
15 conseillers
municipaux |
Situation en cas de réduction de l'effectif légal des conseils municipaux
Effectif après la création |
Effectif après le premier renouvellement |
Effectif après le deuxième renouvellement général |
20 conseillers municipaux |
15 conseillers
municipaux |
11 conseillers
municipaux |
Vos rapporteurs observent donc, dans cet exemple, que la réduction de l'effectif légal des conseils municipaux ne mettrait pas à mal le principe, rappelé ci-dessus, d'une transition graduelle vers le régime général.
La situation serait toutefois quelque peu différente dans les communes nouvelles qui comptent de 2 500 à 3 499 habitants, ce qui représente actuellement, selon l'AMF, 86 communes sur 804, soit 10,7 % des communes nouvelles.
En effet, comme indiqué plus haut, l'effectif du
conseil municipal d'une commune nouvelle est composé d'un nombre de
conseillers municipaux égal à l'effectif prévu pour une
commune appartenant à la strate démographique
immédiatement supérieure après le premier
renouvellement du conseil municipal. Or, il n'est pas envisagé de
réduire l'effectif légal des communes de plus de
3 500 habitants, de sorte que l'écart va se creuser entre
les deux strates ci-dessous :
Communes |
Nombre actuel de conseillers municipaux |
Nombre envisagé de conseillers municipaux |
De 2 500 à 3 499 habitants |
23 |
19 |
De 3 500 à 4 999 habitants |
27 |
27 |
Différence entre ces deux strates |
+ 4 |
+ 8 |
À titre d'exemple, l'évolution de
l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle de 3 000 habitants,
issue de la fusion de deux communes comportant respectivement
1 000 habitants et 2000 habitants, est décrite dans
les deux tableaux ci-dessous :
Situation à droit constant
Effectif après la création |
Effectif après le premier renouvellement |
Effectif après le deuxième renouvellement général |
34 conseillers municipaux |
27 conseillers
municipaux |
23 conseillers
municipaux |
Situation en cas de réduction de l'effectif légal des conseils municipaux
Effectif après la création |
Effectif après le premier renouvellement |
Effectif après le deuxième renouvellement général |
26 conseillers municipaux
|
27 conseillers
municipaux |
19 conseillers
municipaux |
Dans cet exemple, le conseil municipal perdrait demain 8 conseillers entre le premier et le deuxième renouvellement, contre seulement 4 actuellement.
Cette baisse de l'effectif est certes importante mais, d'une part, elle ne concerne, comme indiqué plus haut, qu'une commune nouvelle sur 10, d'autre part, elle peut parfaitement être anticipée pendant le mandat précédent.
Par ailleurs, vos rapporteurs ont examiné la possibilité, au plan constitutionnel, de ne pas appliquer aux communes nouvelles la réduction envisagée de l'effectif légal des conseils municipaux, afin d'éviter une chute trop brutale du nombre de conseillers municipaux. Par exemple, les communes nouvelles de moins de 3 500 habitants, concernées par la réduction de l'effectif légal, pourraient-elles bénéficier d'un mandat supplémentaire pour appliquer les nouveaux effectifs réduits ? Toutefois, une telle dérogation au droit commun, qui s'ajouterait à celles existantes pendant la période transitoire (cf supra), présenterait un risque important d'inconstitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel juge de façon constante que « le principe constitutionnel d'égalité, applicable aux collectivités territoriales (...) ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général ».
Concernant la première exigence, on peut considérer qu'une commune issue d'une fusion de communes ne se trouve plus, au-delà 2ème renouvellement général, dans une situation différente des autres communes de même strate, ce qui ne justifie plus que la taille de son organe délibérant soit d'un format supérieur.
Quant au motif d'intérêt général, il consiste à favoriser la pérennité des regroupements communaux pour éviter le risque de défusions contraires à l'objectif recherché de rationalisation de l'organisation communale. L'intérêt général ne peut toutefois pas justifier une dérogation au-delà du 2ème renouvellement général.
Le système actuel paraît donc équilibré et il paraît difficile d'aller plus loin, sauf à s'exposer à un risque de censure du Conseil constitutionnel.
(2) Éviter, en cas de vacance de plus d'un tiers des conseillers municipaux, le renouvellement intégral du conseil municipal de la commune nouvelle
Vos rapporteurs souhaitent donc conserver l'économie générale des règles transitoires applicables aux communes nouvelles. Ils recommandent toutefois une amélioration qui pourrait utilement compléter la récente proposition de loi d'Annick Billon, Bruno Retailleau et Françoise Gatel. Ce texte vise à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet18(*).
Actuellement, si le siège de conseillers municipaux19(*) devient vacant pour quelque cause que ce soit, il demeure vacant jusqu'au prochain renouvellement de la commune nouvelle.
En revanche, si cette vacance concerne plus du tiers du conseil municipal, il convient d'organiser de nouvelles élections municipales intégrales, ce qui a pour effet de faire basculer le conseil de la commune nouvelle dans la règle de l'effectif de la strate immédiatement supérieure (d'où une forte baisse du nombre de conseillers)20(*).
Les deux règles ci-dessous résultent d'une décision du Conseil d'État qui a jugé qu'il n'était pas possible de faire appel aux « suivants de liste » pour compléter le conseil municipal d'une commune nouvelle (dans l'hypothèse donc où les sièges vacants provenaient d'une commune de plus de 1000 habitants).
Extrait de la décision du Conseil d'État
(CE, 24 avril 2019, req. n° 426468)
« Il résulte des dispositions de l'article L. 2113-7 du code des collectivités territoriales que, si les anciens conseils municipaux l'ont décidé par délibérations concordantes, le conseil municipal d'une commune nouvelle issue de la fusion de plusieurs communes est composé, à titre transitoire jusqu'au premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, des seuls conseillers municipaux en exercice lors de la fusion. Ces dispositions font obstacle, pendant la période allant de la création de la commune nouvelle au premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, à l'application des dispositions de l'article L. 270 du code électoral permettant, pour les communes de plus de 1 000 habitants, le remplacement des conseillers municipaux dont le siège devient vacant par les suivants de liste.
6. Il résulte de ce qui précède que lorsqu'un siège de conseiller municipal devient vacant après la création d'une commune nouvelle et avant le premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, il ne peut être pourvu au remplacement par le suivant de liste ».
Compte tenu de cette interprétation restrictive de
l'article L. 2113-7 du CGCT, il est recommandé d'ouvrir la
possibilité de faire appel aux suivants de listes des communes
historiques. Cette recommandation se justifie d'autant plus que vos
rapporteurs souhaitent généraliser le scrutin de liste. Les
conseillers municipaux des futures communes nouvelles auront
donc tous été élus au scrutin de liste, au moment de la
création de la commune nouvelle.
Recommandation n° 5 : sécuriser l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles
II. FAUT-IL ÉTENDRE LE SCRUTIN DE LISTE AUX COMMUNES DE MOINS DE 1 000 HABITANTS ?
1. La situation actuelle
L'architecture centrale du scrutin municipal français est issue de la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982. Cette dernière a opéré une distinction entre les communes de moins de 3 500 habitants, dans lesquelles le scrutin majoritaire avec panachage était maintenu, et celles de plus de 3 500 habitants, dans lesquelles était mis en place un scrutin proportionnel de liste avec une prime majoritaire.
La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 a ensuite abaissé le seuil du vote majoritaire de 3 500 à 1 000 habitants. A également été mis en place le « fléchage » permettant l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, élus en même temps et dans les mêmes conditions que les conseillers municipaux ( art. L 273-6 du code électoral).
Comme l'illustre les deux schémas présentés en annexes 2 et 3, le système électoral municipal se caractérise par la coexistence de deux modes de scrutin très différents selon la strate démographique :
- dans les communes de moins de 1 000 habitants (71 % des communes), le scrutin est plurinominal majoritaire, avec possibilité de panachage : le candidat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages égal au quart de celui des électeurs inscrits pour être élu au premier tour. Au second tour, la majorité relative suffit ;
- dans les communes de plus de 1 000 habitants, le scrutin, même s'il est proportionnel, est empreint d'une logique majoritaire : en effet, la liste qui obtient la majorité absolue des suffrages exprimés obtient 50 % des sièges à pourvoir, les autres sièges étant ensuite répartis à la représentation proportionnelle entre toutes les listes - y compris celle majoritaire - ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.
2. Des initiatives nombreuses tendant à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants
Ces dernières années, nombreuses ont été les initiatives visant à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.
Citons en particulier, par ordre chronologique :
- l'amendement porté par Eric Kerrouche en octobre 2019, dans le cadre du projet de loi dit « engagement et proximité »21(*) ;
- la proposition de loi d'Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 27 octobre 202122(*) ;
- la proposition de loi de la députée Elodie Jacquier-Laforge, adoptée par l'Assemblée nationale le 3 février 202223(*) ;
- la proposition de loi d'Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 20 mars 202424(*) ;
- le rapport précité d'Eric Woerth (30 mai 2024) qui motive ainsi sa position : « Les modalités d'élections municipales dans les plus petites communes doivent être rénovées pour entrer dans le droit commun et se conformer à l'exigence de parité des conseils municipaux. Le scrutin de liste paritaire doit être ainsi appliqué dans l'ensemble des communes quelle que soit leur taille » (page 87) ;
- le rapport
précité de la commission des lois du Sénat sur la
proposition de loi de François Bonneau, rapport signé par
Nadine Bellurot qui met en avant « l'intérêt
d'adopter rapidement une loi afin d'étendre le scrutin de liste aux
communes de moins de 1 000 habitants » et ce
« parallèlement à la baisse de l'effectif
légal des conseils municipaux » ;
- la proposition de loi de Nadine Bellurot, déposée le 6 septembre 2024, visant à généraliser le scrutin de liste paritaire à l'ensemble des communes dans le cadre des élections municipales25(*).
3. Des objectifs partagés
Les initiatives susmentionnées proposent de
généraliser le scrutin de liste à toutes les
communes, sans distinction de taille. Les élections se
dérouleraient ainsi au scrutin de liste paritaire par alternance, sans
panachage possible. Toutes ces initiatives poursuivent trois
objectifs
principaux : répondre aux exigences de
parité, favoriser la cohésion des équipes municipales et
mettre fin à des différences artificielles entre communes.
a) Répondre aux exigences de parité
L'article 1er de la notre Constitution dispose, depuis 1999, que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives »26(*).
Si la législation en matière de parité s'est considérablement renforcée au cours des dernières décennies, elle comprend néanmoins encore des « angles morts », notamment au sein des communes de moins de 1 000 habitants, c'est-à-dire 71 % des communes françaises (qui représentent 13 % de la population).
En effet, depuis la loi précitée du 17 mai 2013, la parité avec obligation d'alternance stricte homme/femme ne s'applique qu'aux communes de plus de 1 000 habitants.
Le tableau ci-dessous souligne ainsi que le pourcentage de femmes parmi les conseillers municipaux est proche de 50 % dans les communes de plus de 1 000 habitants. Ce même pourcentage est en revanche plus faible (entre 33,1 % et 40,4 %) pour les communes démographiquement moins importantes.
Pourcentage de femmes dans les conseils municipaux depuis le renouvellement de 2020
Source : Direction générale des Collectivités locales (DGCL), au 15 janvier 2021, à partir des données du Répertoire national des élus
Au total, à l'issue des dernières élections municipales de 2020, les femmes représentent en moyenne 42,4 % des conseillers municipaux, toutes strates confondues. Uniformiser les modes de scrutin conduira mécaniquement à faire progresser ce pourcentage et à l'amener à un pourcentage proche de 50 %.
b) Garantir la cohésion de l'équipe municipale autour d'un projet
Les initiatives susmentionnées, proposant de généraliser le scrutin de liste à toutes les communes, poursuivent un deuxième objectif : garantir la cohésion de l'équipe municipale autour d'un projet.
En effet, comme le souligne l'exposé des motifs de la proposition de loi précitée de notre collègue Éric Kerrouche, le mode de scrutin majoritaire avec panachage, actuellement applicable aux communes de moins de 1 000 habitants, présente de nombreux inconvénients.
Certes, le panachage, c'est-à-dire la faculté d'ajouter ou de supprimer des candidats, est censé être une liberté laissée aux électeurs qui permet de gagner en représentativité. Toutefois, ce sont celles et ceux qui prennent les décisions les plus difficiles, par exemple en matière d'urbanisme, qui peuvent être sanctionnés par une logique de « tir aux pigeons », selon l'expression triviale couramment utilisée.
À l'inverse, le scrutin de liste aboutit à une dépersonnalisation relative du vote et, surtout, permet de se prononcer avant tout sur un projet plutôt que pour des individus. Cet argument prend encore plus de poids dans un contexte marqué par des rapports de plus en plus tendus entre citoyens et élus. Le scrutin proportionnel garantit ainsi la cohésion de l'équipe municipale. Ce scrutin favorise ainsi l'engagement local par la création d'une « dynamique démocratique » autour d'un projet de territoire.
c) Mettre fin à des différences artificielles entre communes
Enfin - et c'est le troisième objectif mis en avant par les partisans de l'uniformisation électorale - appliquer le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants permettrait d'uniformiser et de simplifier les modes de scrutins, alors qu'il est difficile de justifier que la différence de traitement résulte d'une différence objective de situation entre les communes, selon qu'elles comptent plus ou moins de 1 000 habitants. Appliquer le scrutin de liste à toutes les communes reviendrait à supprimer une frontière inutile entre les communes, frontière qui participe actuellement de l'idée d'une différence de degré, sinon de nature, entre communes.
De la même façon, l'application du scrutin de liste paritaire à toutes les communes présenterait l'avantage d'unifier le mode de désignation des conseillers communautaires.
4. Étudier l'impact de cette extension sur les élections partielles et sur la corrélation maire/conseiller communautaire
a) L'impact sur les élections partielles complémentaires
La généralisation du scrutin de liste
conduirait à supprimer les élections partielles
complémentaires27(*), c'est-à-dire les
élections organisées pour renouveler une
partie du conseil municipal afin de le compléter. En effet, ces
élections complémentaires ne concernent actuellement que les
conseillers municipaux désignés au scrutin
majoritaire, dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Ces élections complémentaires se produisent notamment lorsque le
conseil municipal a perdu au moins le tiers de ses membres,
quelle que soit la cause des vacances28(*), ou qu'il compte moins de 5 membres
(art. L. 258 du code électoral). Dans les autres cas, le
siège demeure vacant.
À l'inverse, dans les communes de plus de 1 000 habitants, le renouvellement du conseil municipal est nécessairement intégral.
Avec la généralisation du scrutin de liste,
seules subsisteraient donc des élections partielles
intégrales, mais uniquement s'il n'est pas possible de faire
appel au « suivant de liste »
(c'est-à-dire lorsque la liste est épuisée).
En effet, l'article L. 270 du code électoral précise ainsi
que « le candidat venant sur une liste immédiatement
après le dernier élu est appelé à remplacer le
conseiller municipal dont le siège devient vacant pour quelque cause que
ce soit ». Lorsque la liste est épuisée et qu'il ne
peut plus être fait appel au suivant de liste, une élection
partielle intégrale est organisée afin de renouveler le conseil
municipal dans son ensemble. Afin d'éviter la multiplication
d'élections intégrales, le législateur a prévu que
les listes doivent comporter au moins autant de
candidats que de sièges à pourvoir, et au plus deux
candidats supplémentaires (article L. 260 du code
électoral). Cette faculté est importante dans la mesure
où, selon toute vraisemblance, la
majorité des communes de moins de 1 000 habitants n'auront qu'une
seule liste. En effet, l'AMF a relevé, lors de son audition, que le
dépôt d'une liste unique a concerné, en 2020, plus
de la moitié des communes dont la population est comprise entre
1 000 et 1 499 habitants.
Prenons l'exemple :
- d'une commune de 800 habitants ;
- dont l'effectif légal serait donc demain de 11 conseillers (au lieu de 15) ;
- dont le conseil municipal serait issu d'une liste unique qui comporterait autant de candidats que de sièges à pourvoir (sans candidat supplémentaire donc).
Dans cet exemple, en cas de vacance d'un siège, la commune serait tenue d'organiser de nouvelles élections tendant à renouveler intégralement le conseil municipal.
Ce cas illustre :
- d'une part, la nécessité de faire usage de la faculté de prévoir des candidats supplémentaires (donc un nombre de candidats supérieur à celui de l'effectif légal du conseil municipal) ;
- d'autre part, la pertinence de la recommandation n° 5 précitée. En effet, cette dernière permet aux conseils municipaux dont la population est comprise entre 500 et 1 000 habitants, d'être « réputés complets » lorsqu'ils comprennent 9 conseillers (au lieu de 11). Cette souplesse pourrait donc éviter l'organisation d'élections municipales en cours de mandat.
b) L'impact sur la corrélation maire / conseiller communautaire dans les communes qui ne disposent que d'un seul conseiller communautaire
Vos rapporteurs ont souhaité également étudier si l'extension du scrutin du liste pourrait avoir un impact sur la corrélation maire / conseiller communautaire dans les communes qui ne disposent que d'un seul conseiller communautaire.
Rappelons, tout d'abord, que la QPC Salbris 2014 a conduit de nombreuses petites communes à n'avoir qu'un seul représentant au sein de l'EPCI, surtout au sein des plus grands d'entre eux.
Quelles sont les règles actuellement applicables aux communes de moins de 1 000 habitants et qui n'ont qu'un seul représentant au sein de l'EPCI ?
En principe, c'est le maire qui sera le seul représentant de la commune au sein de l'intercommunalité en application de l'article L. 273-11 du code électoral. En effet, le siège est occupé dans l'ordre du tableau du conseil municipal fixé par l'article L. 2121-1 du CGCT, c'est-à-dire par le maire. Autrement dit, la désignation des conseillers communautaires suivant l'ordre du tableau établi à la suite des élections municipales garantit au maire d'être, s'il le souhaite, membre de l'organe délibérant de l'EPCI.
Cette garantit existe désormais également pour ses successeurs. En effet, l'article 2 de la loi dite « engagement et proximité » a complété cet article L. 273-11 du code électoral : « Lors de l'élection du maire, les conseillers communautaires de la commune concernée sont à nouveau désignés selon les modalités prévues au premier alinéa ». Avant le vote de cette disposition, un maire pouvait démissionner de ses fonctions sans renoncer à son mandat de conseiller communautaire. Le nouveau maire ne pouvait donc pas siéger au sein de l'EPCI, ce qui pouvait conduire à des difficultés relationnelles entre l'EPCI et la commune en question, surtout lorsque les communes ne disposaient que d'un représentant au sein de l'EPCI et que celui-ci, c'est-à-dire l'ancien maire, n'appartenait plus à la majorité municipale.
Le maire peut toutefois, à sa demande et au vu des circonstances locales, se faire représenter temporairement par un « conseiller communautaire suppléant » qui sera, en pratique, le premier adjoint29(*). En effet, dans sa rédaction issue de la loi « engagement et proximité », l'article L. 5211-6 du CGCT dispose que « lorsqu'une commune ne dispose que d'un seul conseiller communautaire, le conseiller municipal appelé à le remplacer en application de l'article L. 273-10 ou du I de l'article L. 273-12 exerce les fonctions de conseiller communautaire suppléant et peut participer avec voix délibérative aux réunions de l'organe délibérant en cas d'absence du conseiller titulaire dès lors que ce dernier en a avisé le président de l'établissement public ». Ainsi, une forme de suppléance est assurée pour les communes ne disposant que d'un seul conseiller communautaire pour les représenter au sein d'un EPCI à fiscalité propre et leur éviter en cas d'absence temporaire de n'avoir comme seule possibilité d'expression et de suffrage que la possibilité de donner pouvoir au représentant d'une autre commune. En effet, pour les communes qui ont plus d'un siège au sein de l'EPCI (et qui n'ont donc pas de suppléant) un conseiller communautaire empêché d'assister à une séance pourra toujours donner à un collègue de son choix un pouvoir écrit de voter en son nom.
Vos rapporteurs ont souhaité examiner si cette règle pourrait évoluer avec l'extension du scrutin proportionnel aux communes de moins de 1 000 habitants. Il s'avère qu'en application de la règle du fléchage, la tête de liste aux élections municipales sera également tête de liste aux élections communautaires. En effet, conformément à l'article L. 273-9 du code électoral, « tous les candidats présentés dans le premier quart de la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire doivent figurer, de la même manière et dans le même ordre, en tête de la liste des candidats au conseil municipal ». Le maire, qui est, dans l'immense majorité des cas, tête de liste, pourra donc continuer, dans les communes de moins de 1 000 habitants, à siéger, s'il le souhaite, au sein de l'EPCI.
5. Les recommandations de la mission
a) Étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants
Vos rapporteurs souscrivent pleinement aux trois principaux objectifs mis en avant par les initiatives précitées tendant à uniformiser les modes de scrutin.
Ils ont pu observer, lors des auditions, que les deux principales associations concernées, à savoir l'AMF et l'association des maires ruraux de France (AMRF), sont également favorables à cette uniformisation des règles électorales « au premier habitant ».
S'agissant du premier objectif mentionné plus haut (« répondre aux exigences de parité »), vos rapporteurs se réjouissent de la future progression des femmes dans les effectifs des conseils municipaux, conformément aux souhaits légitimes exprimés par la délégation du Sénat aux droits des femmes30(*). En outre, l'application généralisée du scrutin aurait d'autres conséquences en matière de parité.
En premier lieu, elle étendrait à toutes les communes les règles de parité pour les fonctions d'adjoint au maire. En effet, l'article L. 2122-7-2 du CGCT, issu de l'article 29 de la loi « engagement et proximité », dispose que « dans les communes de 1 000 habitants et plus, les adjoints sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. La liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ». Cette alternance stricte, issue d'un amendement porté par notre collègue Eric Kerrouche31(*), serait donc étendue aux communes de moins de 1 000 habitants. Vos rapporteurs notent toutefois que cette extension, si elle se justifie par l'impératif d'uniformisation des règles électorales, est également considérée par certains élus comme une contrainte inutile.
En deuxième lieu, l'uniformisation des modes de scrutin conduirait à renforcer la parité au sein des EPCI et donc au sein de leur bureau32(*), en raison du système généralisé du « fléchage paritaire ». Rappelons en outre qu'actuellement, afin d'appliquer les règles de parité, le siège vacant d'une commune de plus de 1 000 habitants doit être pourvu par un élu municipal de même sexe et issu de la même liste. À défaut, le siège reste vacant jusqu'à la fin du mandat. La loi du 26 juin 202333(*), portée par Françoise Gatel, a introduit un assouplissement à cette règle afin de concilier de façon plus équilibrée les principes de parité et de représentation des communes au sein des intercommunalités. Ainsi, dans le cas où un conseiller communautaire ne peut pas être remplacé par une personne du même sexe, le siège ne demeure pas vacant : le conseiller est alors remplacé par un autre élu « sans tenir compte de son sexe » (article 273-10 du code électoral). Ces règles seraient donc étendues aux communes de moins de 1 000 habitants.
Par ailleurs, vos rapporteurs entendent dissiper certaines inquiétudes s'agissant de l'extension du scrutin de liste aux conseils municipaux. En effet, l'enquête menée par le CSA souligne, dans les communes de moins de 1 000 habitants, un certain scepticisme des élus quant au caractère réaliste de cette extension.
Source : enquête CSA - juin 2024
En premier lieu, la question a été posée dans le cadre de l'effectif légal actuel des conseils municipaux. Or, conjuguée à la réduction de cet effectif et au maintien de la dérogation du conseil municipal « réputé complet », l'extension du scrutin de liste devrait largement répondre aux préoccupations des élus.
Au-delà ces préoccupations, la mission a souhaité évaluer le risque constitutionnel parfois évoqué concernant la généralisation du scrutin de liste, au motif qu'elle pourrait être regardée par le Conseil constitutionnel comme une atteinte aux expressions pluralistes des opinions, garanties par l'article 4 de la Constitution.
Sous réserve d'une analyse plus approfondie de la
commission des Lois du Sénat, la mission observe que plusieurs
éléments militent, au contraire, en faveur d'une
conformité aux règles et principes
constitutionnels :
- en premier lieu, une liste électorale a, par principe, vocation à intégrer l'exigence du pluralisme des opinions locales ;
- en deuxième lieu, l'extension du scrutin de
liste, en simplifiant les règles électorales, concourt à
l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et
d'accessibilité de la loi (cf. décision
n° 99-421 DC du
16 décembre 1999) ;
- en troisième lieu, cette uniformisation rétablit également une forme d'égalité devant le suffrage, laquelle résulte à la fois du troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution (le suffrage « est toujours universel, égal et secret ») et de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse (cf. décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020) ;
- en quatrième lieu, la généralisation du scrutin de liste favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, conformément à l'objectif assigné au législateur par la Constitution en son article 1er (cf supra) ;
- enfin, la réduction du nombre de conseillers municipaux devrait rendre plus aisée la constitution de listes dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Rappelons, sur ces deux derniers points, que le Conseil constitutionnel s'était prononcé, en 2013, sur l'extension du scrutin de liste aux communes comportant entre 1 000 et 3 499 habitants34(*). Les requérants soutenaient que cette extension rendrait « excessivement difficile la composition de listes dans les communes dont la population est égale ou légèrement supérieure à 1 000 habitants ; qu'il en résulterait une atteinte inconstitutionnelle à la liberté de choix de l'électeur et au principe constitutionnel de pluralisme des courants d'idées et d'opinions ». Le Conseil constitutionnel avait toutefois validé le choix du législateur, au motif que ce dernier avait entendu favoriser, dans les communes comprises dans cette extension, l'égal accès des femmes et des hommes à ces mandats et que le seuil de population retenu ainsi que le nombre de conseillers municipaux limitaient les éventuelles difficultés à composer des listes répondant à l'exigence de parité. La réduction du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants permet donc de limiter le risque de censure constitutionnelle.
En deuxième lieu, de nombreux élus des communes de moins de 1 000 habitants craignent de ne pas trouver des femmes candidates en nombre suffisant. Vos rapporteurs estiment ces craintes largement infondées et ce pour trois raisons :
- la baisse de l'effectif légal facilitera la constitution des listes paritaires ;
- le fait que l'effectif légal correspond à un chiffre impair donne un peu de souplesse dans la répartition homme / femme ;
- le déficit d'engagement des femmes a souvent été invoqué lors des différentes étapes législatives ayant conduit à la parité, notamment en 2013. Force est toutefois de constater qu'il ne s'est pas ensuite confirmé sur le terrain. On peut d'ailleurs noter que les femmes représentent aujourd'hui 22,3 % des maires des communes de moins de 100 habitants et 21,4 % des communes comprises entre 100 et 199 habitants. Ce pourcentage est nettement supérieur à celui observé dans des strates de communes supérieures : il est de 16,9 % dans les communes de 5 000 à 9 999 habitants par exemple. Le discours consistant à dire « on n'arrivera pas à mettre en place la parité » doit donc être fortement relativisé. D'ailleurs l'enquête CSA révèle que les femmes sont davantage confiantes que les hommes sur cette question d'engagement et de mobilisation.
Recommandation n° 6 : étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants
b) Faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants
Actuellement, dans les communes de plus de 1 000 habitants, en cas de vacance d'un ou plusieurs adjoints, ceux-ci « sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder. » ( article L2122-7-2 du CGCT). Cette disposition, issue d'un amendement de l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi « engagement et proximité », vise à garantir le maintien de la parité parmi les adjoints au maire en cas de vacance, consécutive, par exemple, à une démission.
Vos rapporteurs estiment nécessaires d'assouplir cette règle pour les communes de moins de 500 habitants. Ces dernières, si elles étaient soumises à la réduction susmentionnée de l'effectif légal, pourraient désigner, au maximum, deux adjoints, soit un homme et une femme. L'application de l'article L. 2122-7-2 précité conduirait à ce qu'un adjoint démissionnaire soit remplacé par un adjoint de même sexe. Vos rapporteurs proposent de ne pas appliquer cette règle, inutilement contraignante, aux communes de moins de 500 habitants, et ce afin de faciliter le remplacement d'un adjoint en cas de vacance du siège.
Recommandation n° 7 : faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants
CONCLUSION GÉNÉRALE
Les élus locaux sont, au coeur de nos démocraties, des « engagés de la République et de la démocratie ». C'est pourquoi la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, à l'écoute des territoires, entend créer les conditions propres à garantir l'efficacité de l'action des communes et, en particulier, de leur organe délibérant.
Cette efficacité, qui passe par des mesures fortes, doit se conjuguer à des initiatives visant à développer la démocratie implicative. À mi-chemin entre le modèle représentatif et l'orientation participative, cette forme démocratie, aujourd'hui insuffisamment développée, réunit le citoyen et ses élus dans une relation de proximité immédiate et les associe dans la recherche de solutions au niveau d'une rue, d'un ensemble d'habitations, d'un quartier, d'une commune... En impliquant l'habitant, l'élu l'amène à redevenir un citoyen engagé dans la vie de la Cité, dans un contexte national tourmenté, source d'inquiétudes et propice à la montée des extrêmes, comme l'ont illustré les dernières élections européennes et législatives.
Il y a urgence à agir afin de ne pas laisser la démagogie s'installer dans notre pays.
EXAMEN EN DÉLÉGATION
Lors de sa réunion du 3 octobre 2024, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.
M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Mes chers collègues, je vous souhaite la bienvenue. J'ai le grand honneur, en cette rentrée parlementaire, de présider notre délégation. En effet, le 21 septembre dernier, notre chère présidente et collègue Françoise Gatel a été nommée au Gouvernement en tant que ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat.
En raison de ce contexte très particulier et en tant que premier vice-président de la délégation chargé de l'évaluation et de la simplification des normes applicables aux collectivités locales, j'assure donc l'intérim jusqu'à la fin de la période de compatibilité le 22 octobre prochain. L'élection d'un nouveau président ou d'une nouvelle présidente pourra avoir lieu après cette date.
Le programme des travaux de la délégation reste inchangé jusqu'à la fin du mois d'octobre. Permettez-moi de vous en rappeler les rendez-vous les plus saillants.
Le 8 octobre prochain, à 13h00, nous examinerons le rapport d'information relatif à l'adaptation du bloc communal au vieillissement de la population, présenté par nos collègues Laurent Burgoa et Corinne Féret. Ensuite, sous réserve de l'ordre du jour de la séance publique et de vos disponibilités, je vous convie à 16h30 à l'audition de Boris Ravignon, maire de Charleville-Maizières, qui présentera les conclusions de son récent rapport sur le coût du millefeuille administratif.
Le 9 octobre à 8h00, nous aurons le plaisir d'accueillir, autour d'un petit déjeuner, notre collègue Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce sera l'occasion d'évoquer les conclusions et recommandations de son rapport d'information portant sur les solutions d'assurance pour les collectivités territoriales, mais aussi de savoir « à quelle sauce » seront mangées les collectivités dans le cadre du budget 2025.
Enfin, le 10 octobre, à 8h30, se tiendra une table-ronde sur le thème de l'intelligence artificielle, dans le cadre des travaux de nos collègues Pascale Gruny et Ghislaine Senée. Cette réunion est organisée conjointement avec la délégation à la prospective.
J'en viens à l'ordre du jour de nos travaux.
Mes chers collègues, après ses nombreux travaux sur le statut de l'élu local fin 2023, qui ont abouti à l'adoption à l'unanimité, le 7 mars 2024, de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, notre délégation a lancé, début juin, une mission flash sur l'efficacité du fonctionnement des conseils municipaux.
En effet, les améliorations apportées par la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « Engagement et Proximité », ont, lors des élections municipales de 2020, produit des effets limités en raison de la persistance d'une crise de l'engagement local, qui touche particulièrement les communes rurales. Cette crise, multifactorielle - par exemple, le covid -, se traduit par une tendance à la baisse du nombre de candidats aux élections municipales et par une hausse continue du nombre de démissions en cours de mandat.
Comme nous en avons l'habitude à la délégation, nous avons constitué une mission transpartisane. Elle est composée de quatre rapporteurs :
- Françoise Gatel, présidente de notre délégation, qui est donc désormais ministre déléguée. Je signale à cet égard que le rapport d'information de la délégation était achevé au moment de sa nomination au Gouvernement, elle a donc souhaité le signer ; en revanche, conformément à la tradition républicaine, elle ne participe pas aux travaux parlementaires, quels qu'ils soient, pendant la période de compatibilité ;
- Nadine Bellurot ;
- Éric Kerrouche ;
- Didier Rambaud, qui ne peut être présent aujourd'hui pour des raisons personnelles.
Les travaux de la mission flash s'inscrivent dans un contexte marqué par plusieurs initiatives sénatoriales issues de divers groupes politiques du Sénat :
- la proposition de loi d'Éric Kerrouche, déposée le 20 mars 2024, visant à appliquer le scrutin de liste paritaire à toutes les communes ;
- la proposition de loi de Nadine Bellurot,
déposée le
6 septembre 2024, ayant le même
objet ;
- la proposition de loi de François Bonneau visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, ce dernier texte a été adopté par la commission des lois le 5 juin et sera examiné en séance le 9 octobre ;
- enfin, la proposition de loi d'Annick Billon visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet. Ce texte, également adopté par la commission des lois le 5 juin 2024, sera examiné le 15 octobre, conformément à la procédure de législation en commission.
La mission flash porte notamment sur un sujet très
important, sur lequel j'ai moi-même évolué : faut-il
étendre le scrutin de liste aux communes de moins de
1 000 habitants ? Je rappelle que ces communes
représentent
71 % des communes françaises et 13 %
de la population.
Ce changement de mode de scrutin aurait deux intérêts : d'une part, favoriser la cohésion des équipes municipales, en limitant le « tir aux pigeons » pour reprendre cette expression triviale, mais communément utilisée - cela concerne surtout le maire, qui se retrouve parfois le plus mal élu -, d'autre part, répondre aux exigences de parité et de cohérence des équipes municipales pour éviter la dislocation des conseils municipaux au bout de quelques mois.
Je note que la généralisation du scrutin proportionnel est consensuelle puisque l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et, désormais, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) soutiennent cette proposition.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Comme l'a indiqué Rémy Pointereau, la mission flash s'est articulée autour de deux questions.
En premier lieu, faut-il réduire l'effectif légal des conseils uniquement dans les communes de moins de 3 500 habitants ou pour toutes les strates démographiques ? La commission des lois a déjà adopté une proposition de loi réduisant le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, qui sera examinée dès la semaine prochaine en séance publique.
En second lieu, faut-il étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants ?
Dans le cadre de cette mission flash, la délégation a confié à l'institut CSA la réalisation, au mois de juin 2024, d'une enquête téléphonique auprès de 500 élus municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. Beaucoup d'entre vous ont d'ailleurs assisté, le 9 juillet dernier, à la présentation par l'institut des résultats de l'enquête. Ceux-ci confortent les préconisations de cette mission.
Aujourd'hui, les conseillers municipaux sont
répartis par
strates : ainsi, la première strate
concerne les communes de moins de 100 habitants, la deuxième celles
dont la population est comprise entre 100 et 499 habitants. Ces deux
strates représentent plus de la moitié des communes
françaises - 18 000 sur 34 000.
Ces communes peuvent faire l'objet d'un aménagement depuis la loi « Engagement et Proximité » : le conseil municipal est « réputé complet » même s'il compte deux conseillers de moins que l'effectif légal. Cet assouplissement, issu d'un amendement sénatorial, permet aux communes rurales de constituer plus aisément leur conseil municipal.
En 2020, les communes ont rencontré des difficultés pour constituer les équipes municipales. L'enquête CSA confirme d'ailleurs que plus de la moitié des élus interrogés disent avoir rencontré des difficultés à réunir des candidatures pour ces élections. D'ailleurs, 86 % de ces élus mettent en avant un manque de motivation et de disponibilité des candidats. Un peu plus d'un cinquième des élus mettent également en lumière des difficultés liées à la parité.
Ces difficultés de mobilisation semblent s'aggraver par rapport à 2014. Ainsi, en 2020, 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet, faute de candidats en nombre suffisant, contre 228 communes en 2014, soit une augmentation de 51 %. Par conséquent, la crise de l'engagement local persiste, voire s'accentue.
Par ailleurs, les démissions de maires sont nombreuses et ont atteint un niveau sans précédent : au 31 janvier 2024, 1 424 maires élus en 2020 ont ainsi démissionné de leur mandat, soit plus de 4 % des maires.
Il est donc essentiel de répondre aux causes profondes de la crise de l'engagement local, notamment via la mise en place d'un véritable statut de l'élu local. Cela suppose une réflexion sur les conditions d'exercice avant, pendant et après le mandat. Il faut également favoriser l'engagement des élus et inciter nos concitoyens à aller voter.
Le Sénat a adopté en première lecture, le 7 mars 2024, à l'unanimité, la proposition de loi tendant à instaurer un véritable statut de l'élu local afin d'améliorer les conditions d'exercice du mandat local et de sécuriser le parcours des élus locaux. Nous appelons de nos voeux un examen rapide de ce texte par l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi notre recommandation n° 1 fait de la création d'un statut de l'élu local un prérequis et une priorité absolue. Sans statut, il sera impossible de créer une dynamique pour inciter nos concitoyens à devenir conseillers municipaux.
Le 5 juin 2024, la commission des lois du Sénat a adopté, avec modifications, la proposition de loi déposée par François Bonneau visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants. Sur mon initiative, en ma qualité de rapporteure du texte, la commission des lois a adopté plusieurs amendements visant à étendre la baisse de l'effectif légal proposée à l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, à maintenir l'effectif légal actuel des conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants - soit un conseil municipal composé de sept conseillers, mais « réputé complet » à cinq conseillers -, à rétablir la disposition relative au conseil municipal « réputé complet », à la fois pour les communes de moins de 100 habitants et pour celles de 100 à 500 habitants.
Les auditions menées par la mission flash comme l'enquête CSA ont confirmé que ces évolutions allaient dans le bon sens, sous réserve d'un aménagement sur lequel nous reviendrons.
Nous insistons sur un point : la réduction de l'effectif légal des conseils municipaux est uniquement liée à des considérations tirées de la recherche d'une plus grande efficacité et d'une véritable dynamique des conseils municipaux. En aucun cas, cette réduction ne répond à un objectif financier, puisque les deux tiers des élus sont actuellement bénévoles.
Par ailleurs, si des difficultés ont pu apparaître pour la constitution de conseils municipaux complets lors des élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants, tel n'est pas le cas pour les communes des strates supérieures. Une réduction de l'effectif légal ne correspond donc pas à un besoin exprimé par ces dernières. Une telle baisse pourrait même emporter plusieurs inconvénients. Ainsi, elle tarirait le vivier des personnes sur lesquelles les maires ont besoin de s'appuyer pour assurer une gestion municipale efficace ; elle rendrait plus délicate l'association progressive des plus jeunes conseillers municipaux ; elle aboutirait enfin à réduire le nombre des élus chargés d'animer l'opposition municipale.
En revanche, dans les grandes villes, la réduction du nombre de conseillers municipaux n'est pas souhaitée, car ces communes ont besoin d'une représentation plurielle.
La recommandation n° 2 vise donc à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants, mais pas au-delà.
Comme nous l'avons rappelé, un régime dérogatoire existe pour les communes de moins de 500 habitants, grâce au principe du conseil municipal « réputé complet ».
L'enquête CSA souligne que 61 % des élus des communes de 500 à 999 habitants sont favorables à une extension de ce régime dérogatoire afin de trouver plus facilement des candidats aux élections municipales. Nos auditions ont fait apparaître une telle demande, qui est aussi liée au scrutin de liste.
La recommandation n° 3 consiste donc à
étendre le régime dérogatoire actuel aux communes
entre 500 et 999 habitants, même si
cette strate n'est pas
aujourd'hui distincte au sein de la strate
de 500 à
1 499 habitants.
J'en viens au nombre d'adjoints au maire. Aujourd'hui, il est plafonné à 30 % de l'effectif légal du conseil municipal. Réduire l'effectif légal du conseil municipal aurait pour effet, sans autre modification, de faire perdre un adjoint aux communes concernées. En outre, cela aurait pour conséquence négative de diminuer le montant de l'enveloppe indemnitaire globale. Nous avons souhaité maintenir le nombre des adjoints. L'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution nous empêche d'amender la proposition de loi de François Bonneau. Pour autant, le Gouvernement précédent s'était engagé à lever ses difficultés. Nous espérons qu'un accueil aussi favorable sera accordé par le nouveau Gouvernement pour conserver cette enveloppe globale et le nombre d'adjoints au maire.
La recommandation n° 4 a donc pour objet de maintenir le nombre actuel d'adjoints dans les conseils municipaux.
Il faut également sécuriser la
période transitoire des communes nouvelles. Je rappelle que le
Sénat propose régulièrement des avancées visant
à renforcer l'attractivité des communes nouvelles, notamment
à améliorer l'efficacité de leur conseil municipal. Notre
délégation a ainsi adopté, le
28 juin 2023, un
rapport d'information intitulé « Commune nouvelle :
soutenir le projet d'un destin commun », signé par
Françoise Gatel et Éric Kerrouche. Nous proposons de conserver
l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux
des communes nouvelles, tout en apportant une amélioration en cas de
vacance d'un tiers des membres du conseil municipal. L'effectif légal
des conseils municipaux des communes nouvelles est composé :
- de l'ensemble des conseillers municipaux des anciennes communes à compter de sa création et jusqu'au premier renouvellement du conseil municipal ;
- puis d'un nombre de conseillers municipaux égal à l'effectif prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure après le premier renouvellement du conseil municipal ;
- et enfin de l'effectif de droit commun, après le deuxième renouvellement général des conseils municipaux. Ainsi, si une commune nouvelle est créée en 2024, en 2026, elle sera incluse dans la strate supérieure du nombre de conseillers ; c'est seulement en 2032 qu'elle entrera dans le droit commun. Nous avons souhaité conserver cette évolution graduelle et ne pas modifier les règles.
À noter que la proposition de loi d'Annick Billon, qui sera examinée en séance publique le 15 octobre prochain, permet de combler un « trou dans la raquette », puisqu'elle entend couvrir le cas du maire ou d'un adjoint qui démissionne ou décède après la première réunion du conseil municipal de la commune nouvelle. En effet, en de telles circonstances et en l'état actuel du droit, la commune nouvelle bascule dans la strate supérieure, ce qui représente souvent une chute brutale du nombre de conseillers municipaux.
Nous souhaitons conserver l'économie générale des règles transitoires applicables aux communes nouvelles, mais recommandons une amélioration pour résoudre cette difficulté. Actuellement, si un siège de conseiller municipal devient vacant pour quelque cause que ce soit, il le demeure jusqu'au prochain renouvellement de la commune nouvelle. En revanche, si cette vacance concerne plus du tiers du conseil municipal, le Conseil d'État considère que l'on ne peut pas faire appel aux suivants de liste et qu'il convient alors d'organiser de nouvelles élections municipales intégrales, ce qui a pour effet de faire basculer le conseil de la commune nouvelle dans la règle de l'effectif de la strate immédiatement supérieure. C'est l'autre trou dans la raquette. Nous souhaitons éviter cette bascule et accompagner encore ces communes nouvelles. Nous recommandons donc d'ouvrir la possibilité de faire appel aux suivants de liste.
La recommandation n° 5 a donc pour objet de sécuriser l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles.
Pour résumer nos propositions, nous souhaitons réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseils municipaux sont « réputés complets ». Par ailleurs, nous essayons de répondre aux difficultés des communes nouvelles en sécurisant le dispositif pour éviter que le conseil municipal ne bascule trop vite dans la strate supérieure.
M.
Éric Kerrouche, rapporteur. - L'autre
sujet de cette mission flash concerne le scrutin de liste. Faut-il
l'étendre aux communes de moins
de 1 000 habitants ?
Actuellement, deux modes de scrutin existent : dans les communes de plus de 1 000 habitants, le scrutin est proportionnel mais avec une prime majoritaire ; dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin est plurinominal majoritaire, avec possibilité de panachage. À bien des égards, le scrutin plurinominal est une survivance historique. Alors que le scrutin des communes les plus importantes a régulièrement évolué - 1965, 1983... -, tel n'est pas le cas du scrutin plurinominal, quand bien même on l'aurait corrigé de ses exotismes les plus saillants - par exemple, être élu alors que l'on n'est pas candidat.
Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont cherché à revenir sur ce mode de scrutin et à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.
La transformation du mode de scrutin vise trois objectifs
principaux : premièrement, répondre aux exigences de
parité ; deuxièmement, favoriser la cohésion des
équipes municipales ; troisièmement, mettre fin à des
différences artificielles entre communes. Il convient donc d'unifier le
mode de scrutin des communes, puisque celles-ci exercent les mêmes
compétences et vivent les mêmes situations.
Notre premier objectif est de répondre aux exigences de parité. Si la législation en matière de parité s'est renforcée au cours des dernières décennies, elle ne s'applique pas aux communes de moins de 1 000 habitants. La parité n'y est pas atteinte, même si l'on constate que la proportion des maires femmes est plus importante dans les communes de moins de 500 habitants que dans des strates plus importantes de population. Seul l'encadrement par les textes permet la parité ; les élections départementales l'ont montré.
L'extension du scrutin de liste a pour deuxième objectif de garantir la cohésion de l'équipe municipale autour d'un projet partagé et discuté en amont. Cette dynamique est favorable à la commune, quelle que soit sa taille.
Il s'agit aussi, ce faisant, de lutter contre la pratique du « tir aux pigeons », à un moment où l'agressivité contre les élus, notamment contre le maire ou l'élu en charge de l'urbanisme, croît. Nous le savons, certains maires vivent assez mal cette agressivité. Passer de l'individuel au collectif limitera la pression, car l'équipe municipale sera solidaire du projet ou des décisions prises. Le scrutin proportionnel favorise aussi l'engagement local par la création d'une « dynamique démocratique » autour d'un projet de territoire.
Enfin, et c'est le troisième objectif, il s'agit de mettre fin à des différences artificielles entre communes. Toutes les communes ont les mêmes compétences, quand bien même elles ne les exerceraient pas de la même façon et avec les mêmes moyens. On postule que l'uniformisation offrira aux citoyens une plus grande intelligibilité des règles.
Dernière conséquence, mais pas des moindres, contrairement à la situation actuelle, les maires seraient élus au conseil communautaire au suffrage universel direct, ce qui n'est pas le cas actuellement. Cela leur conférera une plus grande légitimité.
Nous nous sommes demandé si, avec le scrutin de
liste généralisé, il y aurait plus d'élections
partielles en cours de mandat. Vous connaissez la règle en scrutin
de liste : dès qu'un poste de conseil municipal est vacant, il est fait
appel au suivant de liste. Lorsque la liste est épuisée, la
commune doit organiser de nouvelles élections afin de renouveler
l'ensemble du conseil municipal. Dans une approche pragmatique, nous formulons
deux propositions. La première proposition consiste à conserver
la règle du
« +2 » : la loi a
prévu que les listes doivent comporter deux candidats de plus que le
nombre de sièges à pourvoir dans le conseil municipal. Cette
faculté est importante dans la mesure où la majorité des
communes de moins de 1 000 habitants n'auront probablement qu'une
seule liste. En effet, le dépôt d'une liste unique a
concerné, en 2020, plus de la moitié des communes dont la
population est comprise entre 1 000 et 1 499 habitants. La
seconde proposition revient créer la règle du
« -2 » : c'est notre recommandation
n° 3. Ainsi, les conseils municipaux de onze seront
« réputés complets » à
neuf.
Je précise par ailleurs que l'ensemble des associations que nous avons rencontrées (AMF, AMRF, Intercommunalités de France) sont favorables l'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.
Nous nous réjouissons de la future progression de la parité dans les effectifs des conseils municipaux, qui sera mécaniquement consécutive à cette évolution. Des craintes sur la possibilité de la parité ont surgi ici ou là, mais elles ne nous paraissent pas fondées. En effet, la baisse de l'effectif légal facilitera nécessairement la constitution des listes paritaires. Par ailleurs, le passé nous enseigne que ces réserves n'ont pas lieu d'être : le déficit d'engagement des femmes a souvent été invoqué lors des différentes étapes législatives ayant conduit à la parité, notamment en 2013 ; force est toutefois de constater qu'il ne s'est pas ensuite confirmé sur le terrain. Les femmes représentent aujourd'hui 22,3 % des maires des communes de moins de 100 habitants et 21,4 % des communes comprises entre 100 et 199 habitants. Ce pourcentage est nettement supérieur à celui qui est observé dans des strates de communes supérieures. La question de la mise en pratique de cette recommandation ne se pose donc pas vraiment.
En revanche, nous nous sommes interrogés sur les risques constitutionnels de la généralisation du scrutin de liste, au motif que celle-ci pourrait être regardée par le Conseil constitutionnel comme une atteinte aux expressions pluralistes des opinions.
Il nous semble que notre travail répond aux interrogations qui pourraient être soulevées à cet égard par le Conseil constitutionnel.
En effet, par définition, le mode de scrutin proportionnel est la condition de la représentativité : créer une liste, c'est forcément rassembler des gens différents, qui plus est dans les petites communes. Le système proportionnel est aussi une expression de la pluralité.
Par ailleurs, d'autres principes sont importants en matière de mode de scrutin, en particulier l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi. Nous considérons que le scrutin de liste est une simplification par rapport au modèle actuel de vote dans les communes de moins de 1 000 habitants, lequel est pour le moins exotique.
Cette uniformisation rétablit également une forme d'égalité devant le suffrage. Tous les citoyens français seront traités de la même façon dans le cadre des élections municipales, puisque le mode de scrutin sera identique dans toutes les communes, de la plus petite à la plus grande.
En outre, la généralisation du scrutin de liste favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, conformément à l'objectif constitutionnel.
Enfin, la réduction du nombre de conseillers municipaux devrait rendre plus aisée la constitution de listes dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Ainsi, la recommandation n° 6 a pour objectif d'étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.
Vous l'avez compris, nous avons pour ambition de trouver des solutions ponctuelles à des situations de terrain.
Telle est la logique également de notre recommandation n° 7, dont l'objet est de faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants. Actuellement, dans les communes de plus de 1 000 habitants, en cas de vacance d'un ou plusieurs adjoints, ceux-ci « sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder ». Nous proposons d'assouplir cette règle pour les communes de moins de 500 habitants, afin de pouvoir remplacer plus facilement un adjoint en cas de vacance du siège.
Vous le constatez, mes chers collègues, nous proposons à la fois des solutions conjoncturelles de bon sens et des solutions structurelles qui nous semblent pouvoir améliorer le fonctionnement de notre démocratie locale.
M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Je pose une seule question avant de laisser la parole à mes collègues.
Modifier le nombre de conseillers municipaux peut-il avoir une incidence sur le nombre de délégués sénatoriaux ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - La commission des lois a fait le nécessaire. Elle a amendé la proposition de loi de François Bonneau afin que le corps électoral des Sénateurs ne change pas.
M. Olivier Paccaud. - Merci de ces travaux qui veulent répondre à une problématique réelle.
Je suis élu du département de l'Oise, qui compte 680 communes, dont 500 de moins de 1 000 habitants. Comme vous l'avez souligné, en 2026, le renouvellement du conseil municipal ne sera pas forcément facile.
Vous proposez de baisser le nombre de conseillers municipaux. D'accord, mais pourquoi obligatoirement ? Dans certaines communes, les conseils municipaux n'ont aucune difficulté à atteindre le nombre de conseillers requis. Rendre cette disposition obligatoire signifie virer des gens et se priver de bonnes volontés. Dans notre République, c'est incompréhensible !
C'est pourquoi je proposerai, dans le cadre de la proposition de loi de François Bonneau, un amendement visant à garder de la souplesse et à laisser cette faculté aux conseils municipaux pour lesquels ce serait pertinent. Si un conseil municipal a quinze volontaires, il serait dommage qu'il ne puisse tous les garder !
Nous sommes champions du monde de la démocratie locale grâce à ce maillage de 500 000 élus de terrain. Au risque d'exagérer et de paraître caricatural, il me semble que supprimer des élus serait antirépublicain et antidémocratique.
Par ailleurs, il me semble pertinent que cela relève d'une décision à l'échelon local et qu'il n'y ait pas de toise nationale. Il faudrait qu'une commune puisse, via une délibération, décider du nombre de conseillers municipaux.
Je crois à l'intelligence du terrain et surtout à la souveraineté municipale.
J'en viens à l'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Les élus de ces communes, dans mon département de l'Oise, n'y sont pas favorables, et je partage leur opinion. Il n'est pas souhaitable, au nom de l'unification, de plaquer le système d'une commune de 60 000 habitants sur une commune de 102 habitants.
Gouy-les-Groseillers, la plus petite commune de l'Oise, ne dispose ni d'adjoint au sport ni d'adjoint à la culture, et les habitants s'en portent très bien.
On invoque la parité comme principal argument, cela s'entend. Le système du binôme est parfait pour la faire progresser. Je note avec beaucoup d'intérêt que les villes de moins de 1 000 habitants sont celles où il y a le plus de maires femmes ; comme quoi, le nombre restreint d'habitants n'empêche pas les femmes d'accéder aux responsabilités.
Si nous étendions le scrutin de liste, nous
risquerions de nous priver de bonnes volontés et surtout de femmes. Cela
serait particulièrement préjudiciable à une commune comme
celle de Bulles, à côté de
Clermont-de-l'Oise,
où le maire et les trois premiers adjoints sont des femmes. Notez que
nous serions aussi privés de certains hommes...
J'insiste, imposer une règle très stricte de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants risque d'engendrer des problèmes de constitution de liste. Or, beaucoup de petites communes peinent à trouver des candidats.
Sachez que, à Brasseuse, le conseil municipal est composé en toute légalité de quatre membres de la même famille : ce n'est plus un conseil municipal, mais un conseil familial ! Bref, il faut toucher d'une main tremblante à ces problématiques.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - J'entends ce que dit notre collègue Paccaud. Nous connaissons tous, autour de cette table, des communes auxquelles nous ne pourrions pas appliquer nos propositions. Toutefois, les représentants de l'AMF que nous avons entendus au cours de nos travaux ont été très clairs : il faut réduire le nombre de conseillers municipaux et étendre le scrutin de liste.
Je pense qu'il n'est pas possible de définir un nombre de conseillers à la carte.
M. Olivier Paccaud. - Cela se pratique déjà !
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Certes, mais il existe un cadre légal pour toutes les communes de la même strate. Vos suggestions, monsieur Paccaud, se heurteraient forcément à la Constitution : le droit électoral doit être le même pour tous sur l'ensemble du territoire.
Il existe déjà des souplesses en ce qui concerne le « réputé complet » et la possibilité, dans le cadre du scrutin de liste, de prévoir deux conseillers supplémentaires.
M. Fabien Genet. - La souplesse, c'est le conseiller démissionnaire !
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Une chose est sûre, l'égalité devant le suffrage doit primer.
M. Éric
Kerrouche, rapporteur. - Lors de toutes les
élections, le
Conseil constitutionnel veille à la
proportionnalité entre la démographie et la
représentation. Évincer la logique démographique conduit
à créer un décalage entre les communes sur une base qui
n'est pas objective.
Manifestement, une tendance se dessine pour passer progressivement au scrutin de liste, car, comme l'ont confirmé les différentes personnes que nous avons entendues, cela sécurise un peu plus les élus. Voilà qui répondra pour partie aux préoccupations de notre collègue Paccaud, mais qui ne résoudra pas toutes les difficultés.
Une chose est sûre, on est élu pour un projet, et non pas les uns à côté des autres. Pour notre part, nous souhaitons que les conseillers municipaux aient la volonté de travailler ensemble dès le départ. Justement, les souplesses évoquées par Nadine Bellurot sécuriseront les évolutions annoncées.
Mme Sonia de La Provôté. - Le manque d'engagement des maires pose problème, singulièrement dans les petites communes. Aussi, toutes les solutions qui apportent de la simplicité et permettent de rassurer ceux qui veulent s'engager sont les bienvenues par les temps qui courent, même s'il ne faut pas s'attendre à un miracle - en effet, la question de l'engagement dépasse le simple cadre technique des élections municipales.
Je comprends tout à fait les inquiétudes de notre collègue Paccaud : à un moment donné, il faut faire des choix. L'unification du mode de fonctionnement électoral ne peut que simplifier le modus operandi.
La parité est toujours un sujet. En la matière, il y a les inquiets, d'une part, et ceux qui pensent qu'elle ne pose aucun problème, d'autre part. Or ces derniers sont de plus en plus nombreux. Je me souviens encore de ceux qui, en 2001, criaient « Panique à bord ! » face aux listes « chabadabada » dans les grandes villes.
Toutefois, les choses ont fini par se faire et la parité n'est plus une difficulté aujourd'hui ; elle est même essentielle au fonctionnement des équipes municipales et reflète les aspirations des citoyens. De toute manière, les évolutions démographiques et sociologiques dans les communes rurales poussent à adopter cette attitude vis-à-vis de l'élection.
Concernant les effectifs des conseils municipaux, ce rapport d'information apporte les éléments de souplesse nécessaires.
L'intérêt du scrutin de liste réside dans le fait que les personnes élues se connaissent et travaillent ensemble autour d'un programme défini. C'est là le ferment d'une cohésion réelle.
Le « tir aux pigeons » ne fonctionne pas toujours ; il crée plutôt les conditions d'un grand dysfonctionnement quand le maire n'est pas celui qui était prévu ou que l'équipe ne s'entend pas et n'a aucune conviction commune.
Les communes nouvelles, qui maillent en nombre mon département, sont un sujet auquel je suis très sensible. Selon le nombre de communes historiques, les considérations ne sont pas du tout les mêmes. D'ailleurs, je pense qu'il est nécessaire de préciser dans le rapport d'information que l'on se réfère bien à la liste de la commune historique, l'intérêt étant de maintenir un équilibre territorial.
M. Bernard Delcros. - Je me réjouis de ce rapport d'information qui touche au coeur de la vie des communes rurales. Je suis favorable à la fois à la baisse du nombre de conseillers municipaux et à l'extension du scrutin de liste.
Je restais réservé sur le fait que l'on
impose un effectif de
cinq conseillers dans les communes de moins de
100 habitants : en effet, l'équipe est très vite
réduite en cas d'absence d'un conseiller. Dès lors, je me
félicite que vous ayez opté pour un effectif de sept conseillers
pour ces communes.
Du reste, je ne crois pas qu'il faille laisser le conseil municipal décider du nombre de conseillers, car cela peut donner lieu à des calculs locaux problématiques.
M. Olivier Paccaud. - Expérimentation et décentralisation ! Si l'on n'expérimente pas, on n'arrivera à rien...
M. Bernard Delcros. - Cela fait longtemps que je suis favorable au scrutin de liste pour toutes les communes, surtout que cela peut pousser un habitant à candidater au poste de maire, en particulier dans les petites communes. Les scrutins avec panachage, eux, compliquent les choses et rendent le résultat de l'élection incertain.
Je constate que les propositions formulées dans ce rapport d'information n'affectent pas le nombre de grands électeurs pour les élections sénatoriales. Comment y êtes-vous parvenus ? Avez-vous révisé le nombre de conseillers municipaux ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Cela a été décidé en commission des lois.
M. Bernard Delcros. - Du reste, je m'interroge sur la compatibilité du scrutin de liste avec le « réputé complet » dans les communes de moins de 500 habitants. Lorsque l'on présente une liste, est-il obligatoire de présenter un nombre minimum de candidats ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Nous proposons que dans les communes comprises entre 100 et 499 habitants, la liste déposée soit réputée complète à sept, alors que l'effectif légal est de neuf dans cette strate démographique.
Mme Céline Brulin. - Je suis partagée sur les propositions formulées. S'il existe un réel problème à recruter des conseillers municipaux, en particulier dans les petites communes, c'est d'abord parce que les mandats sont difficiles à exercer - et la baisse du nombre de conseillers, à terme, n'arrangera rien à la situation de ceux qui restent en fonction.
J'ai interrogé les maires de mon département sur ce sujet. Certains m'ont dit qu'il y avait sans doute des choses plus importantes à faire au Sénat en ce moment, quand d'autres ont fait part de leurs inquiétudes, surtout dans un contexte marqué par la mise à l'index des collectivités, prétendument responsables du dérapage budgétaire. Un rapport de la Cour des comptes suggère en effet de supprimer 100 000 emplois dans les collectivités et le rapport d'Éric Woerth, « Décentralisation : le temps de la confiance », propose de supprimer 100 000 élus municipaux.
La perte de vocation est liée soit à une perte de sens, soit aux difficultés de pouvoir agir dans nos communes.
S'il était moins difficile, par le passé, de trouver des volontaires, c'est parce que l'on voyait davantage le sens qu'il y avait à s'engager pour la commune, avec des moyens, des idées dans lesquels se projeter. La réflexion autour du nombre de conseillers est pertinente, mais, loin de résoudre ces difficultés, elle pourrait nous engager dans un cercle vicieux.
Je suis sensible, sur le scrutin de liste, au fait que l'équipe se présente autour d'un projet - je ne développe pas sur la parité, dont les arguments sont connus. J'apprécie l'« aller-vers » évoqué par Éric Kerrouche. Certains élus m'ont indiqué que, leur commune passant dans la strate supérieure à 1 000 habitants, donc au scrutin de liste, il leur faudrait remercier certains conseillers municipaux. Ce n'est pas idéal vu la crise du recrutement...
Pour terminer, je me fais l'écho d'une demande de stabilité des communes. De nouveau, et comme dans toutes les crises, ce sont elles qui tiennent le pays. Dans les prochains mois, les nerfs des élus locaux risquent d'être à nouveau mis à vif. Bousculer les choses à deux ans des renouvellements de 2026 n'est pas leur rendre service.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - En effet, baisser le nombre de conseillers doit être vu sous le prisme non pas financier, mais de l'engagement. Les instances nationales de l'AMF et de l'AMRF demandent que ce soit effectif avant les prochaines municipales, tout en conservant un dispositif souple - notamment avec la possibilité, selon les strates, de réduire ou augmenter le nombre de conseillers de deux.
Sonia de La Provôté l'a dit, nous devons penser nos propositions globalement, dans le sens d'un environnement propice à l'engagement. Le travail n'est jamais terminé.
La baisse du nombre de conseillers municipaux est une aide supplémentaire à l'engagement dans les mois qui viennent, avec la perspective d'un scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants. Mettre tout cela en musique, Éric Kerrouche l'a rappelé, n'est pas un aboutissement, mais s'inscrit dans la facilitation des conditions de l'engagement. Ne pouvoir candidater qu'au sein d'une liste porteuse d'un projet commun incitera selon moi davantage de personnes à s'engager par rapport à une démarche solitaire, sans envie de faire ensemble. Or, faire ensemble, en ce moment, est une bonne chose. Réduire le nombre de conseillers - avec les souplesses que nous prévoyons - ne diminuera pas la volonté de s'engager et de faire réussir sa commune.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Comme le dit Bernard Delcros, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les équipes sont parfois bancales.
Une commune de moins de 100 habitants est
représentée par
sept conseillers, contre un maximum de
soixante-neuf pour une commune de plus de 300 000 habitants. Il y a
donc déjà bien une représentation importante à
l'échelon local.
Y aurait-il mieux à faire au Sénat, demande-t-on ? C'est justement à nous d'agir sur ce sujet, pour aider les maires !
Sur la temporalité, je ne sais pas s'il y a un bon moment pour modifier un scrutin, mais nous avons encore une fenêtre d'opportunité pour ce faire - après, ce sera trop tard.
J'entends l'argument de la stabilité, mais nous proposons précisément un cadre stable, compréhensible, que les élus prendront immédiatement en main et bénéfique du point de vue de la gestion de la liste, de la parité et du projet.
Mme Ghislaine Senée. - La création d'un statut de l'élu est, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST), une priorité absolue. Je suis de plus en plus convaincue que le scrutin de liste bénéficiera aux petites communes. Alors que rayer des personnes relève parfois du « tir aux pigeons », cela apporterait de l'inclusivité.
Mais le pluralisme m'importe, alors qu'il est parfois difficile d'atteindre deux listes.
En revanche, nous restons convaincus qu'agir sur le nombre de conseillers municipaux n'est pas la bonne réponse. On parle de crise des vocations, mais il s'agit plutôt d'une crise de l'engagement : nous sommes dans un monde qui nous pressurise de plus en plus, avec de moins en moins de temps pour s'engager pour la commune.
Se pose aussi la question du fonctionnement des collectivités. Le manque de transparence décourage des citoyens de s'engager lorsqu'ils n'ont pas un grand-père ou un enfant au conseil municipal... Alors qu'on parle de les supprimer, nous avons au contraire besoin de ces 100 000 élus, qui s'engagent bénévolement pour le compte des communes, lesquelles sont les plus à même d'agir pour l'intérêt général. En pleine crise politique, la meilleure réponse pour redonner du crédit à la parole politique passe par l'élu local. Nous sommes donc opposés à la recommandation n° 2 sur la réduction de l'effectif légal des conseils municipaux.
Entre 100 et 499 habitants, on comptera neuf élus. Nous avons une difficulté pour les communes comprises entre 500 et 1 000 habitants, non soumises au scrutin de liste aujourd'hui : comment faire pour que leurs conseils municipaux soient « réputés complets » ?
M. Thierry Cozic. - Ce travail de fond est dans l'air du temps ; la crise de l'engagement inquiète pour le renouvellement de 2026.
La recommandation n° 2 porte sur la réduction du nombre de conseillers des communes allant jusqu'à 3 499 habitants, mais pas au-delà. Or nous sommes soumis aux effets de seuil. Ainsi, pour les communes ayant entre 5 000 et 9 999 habitants, surtout celles qui sont proches du seuil minimal, je constate la difficulté, dans mon département, à présenter des listes complètes. Là où j'étais maire, il n'y a qu'une seule liste depuis quatre renouvellements, les listes opposées ne pouvant se constituer faute de candidats. Pourquoi donc se limiter aux communes de 3 499 habitants, alors que la crise de l'engagement croît ?
M. Bernard Buis. - J'étais initialement sceptique, mais ma réflexion a évolué. Après avoir rencontré les élus de nombreuses communes, dans l'ensemble, l'avis est très favorable à ces propositions, qui doivent être prises ensemble.
J'apprécie la non-diminution du nombre de
conseillers pour les communes de moins de 100 habitants. Je partage l'avis
de
Bernard Delcros : tomber de neuf à sept conseillers avait
été mal vécu ; passer à cinq aurait
été difficile, car privant des habitants de la possibilité
de s'intéresser à la vie communale.
Le scrutin de liste évitera ce que l'on voit souvent : des adjoints rayés, ce qui crée une mauvaise ambiance alors que des conseillers municipaux peu présents sont parfois mieux réélus, voire revendiquent la fonction de maire alors qu'ils ne sont pas en capacité de l'assumer.
Sur la parité au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ne faut-il pas envisager une évolution ? Les petites communes, jusqu'à présent, ont des difficultés à envoyer des femmes. Une réflexion s'impose alors que les postes sont souvent trustés par des hommes dans les petites communautés de communes.
Mme Pascale Gruny. - Le « réputé complet » est bienvenu.
Sur la parité, je suis présente au Sénat du fait de la parité obligatoire, et cela m'agace... En Espagne, il n'y a pas eu besoin d'une telle obligation. Bernard Buis parle de la parité au niveau des EPCI : quel dommage d'en arriver là ! Je suis d'accord avec Olivier Paccaud et je suis choquée que certaines villes aient subi des amendes pour des raisons de parité, car il n'y avait pas assez d'hommes !
Je ne suis pas une grande féministe, mais la richesse, c'est de ne pas être tous issus du même moule. Ainsi, l'arrivée d'un regard féminin dans les conseils municipaux a fait avancer les choses. Hommes et femmes sont différents : cela importe ! Dommage qu'il faille instaurer des obligations.
Je rejoins Céline Brulin sur la question de l'engagement. Les associations portent énormément de projets en France, dans le domaine du handicap par exemple.
Plus la commune est petite, plus on voit le poids qui repose sur le maire. Dans mon département de l'Aisne, on compte 798 communes, peuplées parfois de dix-neuf habitants ! Dans une grande ville, on voit les adjoints, mais, dans une petite commune, c'est le maire qui fait tout.
Ghislaine Senée parle du manque de temps. Dans certaines communes, on n'a pas forcément de travail. Mais dans le monde d'aujourd'hui, on s'enferme le plus possible chez soi, on télétravaille si on a du travail. Il s'agit de ne surtout pas donner du temps aux autres...
Le scrutin de liste, c'est très bien, mais la population adore barrer des noms. En outre, quel projet peut-on avoir dans une petite commune ?
Enfin, avec les maires que je rencontre, nous passons toujours beaucoup de temps à parler des problèmes de voisinage et de chiens qu'on laisse promener. Si vous avez une solution, je suis preneuse !
Mme Corinne Féret. - Ce rapport est extrêmement intéressant. Vous avez consulté et écouté les élus et les associations pour faire évoluer nos réflexions.
Dans le Calvados, 72 % de communes ont moins de
1 000 habitants ; contre toute attente, il s'agit donc bien
d'un département rural. On constate dans ces communes de nombreuses
démissions de conseillers municipaux ou de maires. Il faut donc
organiser des élections partielles complémentaires.
Je souscris tout à fait à vos propositions, notamment sur le scrutin de liste, car cela permet de faire équipe et crée un autre état d'esprit. On ne se présentera plus uniquement par intérêt personnel, comme cela arrive parfois, mais on sera candidat au sein d'une équipe parce qu'un projet nous motive, quelle que soit la taille de la commune. Bien plus, cela peut inciter des habitants à être candidats et le maire se sentira alors entouré de conseillers qui vont dans le même sens.
Selon moi, il s'agit d'une mesure rassurante qui peut être une réponse à la question que nous nous posons tous : quid de 2026 ? Y aura-t-il suffisamment de candidats ?
Sur la parité, les lois successives ont fait que les femmes ont toute leur place dans bon nombre de collectivités locales. Sans elles, rien n'aurait changé. J'en veux pour preuve la situation dans les EPCI : aujourd'hui, la parité n'y existe pas, car elle n'est pas obligatoire. Il faut donc continuer cette réflexion et forcer un peu les choses.
Avant, dans les plus petites communes, on se demandait comment trouver des femmes pour les scrutins de liste ; aujourd'hui, cette question ne se pose plus. Cette obligation a permis une évolution des mentalités et un plus fort engagement des femmes. Parfois, il faut donc en passer par là.
M. Fabien Genet. - Comme d'autres, je suis toujours très réservé à l'idée qu'en supprimant des élus locaux les choses s'amélioreraient. Envoyer un tel message - je pense au rapport Woerth - est très néfaste. Au regard de l'état de la société, tout ce qui peut renforcer les liens entre les citoyens à quelque niveau que ce soit est bienvenu. La réduction du nombre des élus locaux, encore plus quand cette idée émane du Sénat, ne me semble pas aller de soi.
Par ailleurs, on crie peut-être avant même
d'avoir mal. On ne sait pas encore ce qui se passera en 2026 ! On
sait tous ce qu'il en est des
déclarations : les positions
peuvent changer même au dernier moment et un maire qui, en milieu de
mandat, annonce qu'il ne se représentera pas peut changer d'avis. Il en
est de même pour nous, Sénateurs...
Je reviens sur les interrogations légitimes sur les démissions. Il faut comprendre que, pour notre société moderne, ce mandat de six ans est sans doute devenu assez long, ce qui conduit les gens, pour des raisons personnelles ou professionnelles, à ne pas tenir leur engagement durant cette période. Là encore, il n'est qu'à voir ce qui se passe ici même : la semaine dernière, certains de nos collègues ont trouvé d'autres opportunités professionnelles et ont quitté le Sénat pour servir le pays autrement !
La diminution du nombre de conseillers municipaux risque d'entraîner une perte de souplesse. Dans certaines communes, les conseils municipaux ne sont plus complets ; pour autant, le conseil municipal fonctionne. Si l'on réduit trop le nombre de conseillers municipaux, la collégialité deviendra épineuse. C'est pour cela que je suis opposé à la réduction du nombre de conseillers municipaux dans les plus petites communes : imaginez ce qui se passera s'ils ne sont que cinq et que deux d'entre eux démissionnent, ils ne seront plus que trois. Il faut donc conserver un nombre de conseillers importants, afin de pouvoir absorber les départs éventuels.
Enfin, il y a tout de même un éléphant dans la pièce : c'est le fait intercommunal et les transferts de compétences. Quel sens cela a-t-il de s'engager dans un conseil municipal quand de plus en plus de décisions sont prises à l'échelon de la communauté de communes ?
On l'entend souvent : beaucoup de maires se demandent s'ils ne devront pas fusionner leur commune avec la commune voisine. Par conséquent, il ne faut pas trop réduire le nombre de conseillers municipaux si un nouveau mouvement de création de communes nouvelles doit advenir. En effet, quand deux communes s'engagent dans une fusion, il faut que celles-ci aient l'assurance qu'elles seront suffisamment représentées dans la nouvelle entité. Peut-être faut-il également anticiper ces mouvements à venir.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Nous sommes bien obligés de constater que la réduction du nombre de conseillers municipaux s'amplifie. En 2020, 345 communes n'avaient pas de conseil municipal, faute de candidats, contre 228 en 2014. De la même façon, nous constatons une importante mécanique de démissions. C'est une réalité chiffrée. L'AMF et l'AMRF s'accordent également pour dire qu'il faut apporter des réponses à cette baisse de l'engagement.
Sans dire qu'elle résoudra tout, cette proposition est une réponse pour éviter des difficultés en 2026. Cela va de pair avec le statut de l'élu : il faut aussi accompagner les élus, hommes ou femmes, qui décident d'arrêter de travailler et qui se heurtent à une baisse du nombre de conseillers municipaux.
Il faut aussi de la souplesse. C'est ce que permet le scrutin de liste, puisque les listes peuvent comporter deux candidats de plus que le nombre de sièges à pourvoir dans le conseil municipal. C'est donc tout sauf un couperet. Le conseil municipal peut tourner à « -2 » en cas de difficultés, mais le scrutin de liste permet aussi le « +2 ». Il ne s'agit pas de donner le signal qu'en diminuant le nombre de conseillers municipaux on acte le moindre engagement de nos élus. Bien au contraire, on veut favoriser un engagement réel et positif.
Aujourd'hui, on demande aux Français de voter et de s'engager, mais, dans les communes de moins de 1 000 habitants, on leur demande de rayer des noms ! Certes, ils peuvent rajouter des noms, mais il faut remplacer cette démarche négative par une démarche positive. Il faut que ces communes entrent dans le droit commun.
Le seuil de 3 500 habitants est celui qui nous est apparu au cours des auditions et des rencontres. Dans les communes de 100 habitants, une liste représente 13 % de la population, pour autant que l'ensemble des habitants soient majeurs, contre 0,01 % pour les communes de 40 000 habitants. Par conséquent, l'effort pèse beaucoup moins dans les grandes communes que dans les petites. Il s'agit donc d'aider ces dernières en diminuant le nombre de conseillers municipaux.
Nous avons cherché des mesures équilibrées et nous avons souhaité, par ces propositions qui se conjuguent, renforcer l'engagement. Et ce n'est pas paradoxal de dire que nous diminuons le nombre de conseillers municipaux parce que nous voulons plus d'engagement. Nous recréerons une dynamique dont nous aurons à nous satisfaire dans les années à venir. Certes, d'autres paramètres entrent en ligne de compte, par exemple les restrictions budgétaires. Reste que l'on peut être d'accord sur les aménagements à engager.
M.
Éric Kerrouche, rapporteur. - Le
rapport propose des solutions praticables. Si le scrutin pour les communes de
moins de 1 000 habitants peut être une évolution importante, cette
proposition est assortie de souplesses avec le « plus deux /
moins deux ». Cette règle facilitera la composition des
listes électorales. Concernant le nombre de démissions des
maires, il est comparable chez les maires à ce qui s'est passé
sous le précédent mandat ; en revanche, les démissions des
élus locaux des conseils municipaux ont connu une
accélération très forte entre les deux mandats 2014 - 2020
et après. Des investigations ont commencé à être
menées, notamment par mon laboratoire de recherche : on observe que
les élus démissionnent avant tout pour des dissensions
personnelles, ce qui prouve qu'il y a un problème d'équipes. Sur
la parité dans les EPCI, je vous informe qu'on vient de réaliser
une enquête sur les exécutifs intercommunaux, dont les
résultats sont surprenants. Nous constatons qu'il y a un vrai
problème de parité dans les EPCI qu'il faut résoudre.
Seuls 12,5 % de femmes sont présidentes d'EPCI. Autre
difficulté : l'absence de parité dans les
exécutifs des EPCI. J'avais proposé, dans le cadre de la loi
« engagement et proximité » une parité
totale dans le bureau ou, à défaut, une parité
« miroir » dans le bureau (principe de
proportionnalité entre le bureau des EPCI et le conseil communautaire).
Toutefois, aucune de ces deux propositions n'a encore abouti. C'est la
dernière résistance dans ce qu'on peut qualifier de pouvoir
local. D'où, d'ailleurs, la réponse indirecte que nous apportons
avec cette proposition, parce que mécaniquement il y aura une meilleure
représentation féminine dans les communes de moins de
1000
habitants. La parité va ainsi mécaniquement progresser au sein
des conseils communautaires.
Mme
Céline Brulin. - En écho à ce que vient
d'indiquer
Éric Kerrouche, la question centrale est, selon moi, la
suivante : est-ce que les EPCI sont des collectivités de plein
exercice ou est-ce que c'est une coopération intercommunale où
chaque commune désigne librement ses
représentants ? Mon
choix va plutôt vers la deuxième solution. Mais on ne peut pas
penser la parité dans les EPCI en dehors de la nature qu'on veut donner
à ces derniers.
M. Daniel Gueret. - Poser la question de la parité dans les intercommunalités nous conduira tout droit à poser la question du mode d'élection des intercommunalités. Ainsi, si l'on veut aujourd'hui appliquer la parité aux conseils communautaires, il faudra prévoir, et c'est un autre débat, que les intercommunalités sont élues au suffrage universel direct. Et cette évolution signerait naturellement la mort des communes.
M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Je partage votre point de vue.
M. Daniel Gueret. - J'insiste là-dessus car il y aura des conséquences et je rejoins ce que Céline Brulin disait : pour moi une intercommunalité est plus un groupement d'intérêts économiques qu'une communauté de plein exercice aujourd'hui.
M.
Rémy Pointereau, premier
vice-président. - Bien. Alors nous allons procéder
à l'adoption des recommandations et l'autorisation
de publier le
rapport. Nous avons quelques délégations. Jean Pierre Vogel a
donné délégation à Nadine Bellurot. Cédric
Vial à
Laurent Somon mais il n'est pas là. Jean Claude
Anglars à Muriel Jourda mais
elle est partie. Max Brisson à
Fabien Genet. Catherine Di Folco à
Pascale Gruny. Laurent Burgoa
à Daniel Gueret. Et Sylviane Noël à moi-même. Donc
nous allons procéder au vote. Quels sont ceux qui sont favorables
à l'adoption des recommandations ? Et à la publication du
rapport ? Ceux qui s'abstiennent ? Trois abstentions. Les votes contre ? Aucun.
Je vous remercie.
Le rapport est adopté et sa publication autorisée. Les recommandations sont adoptées.
La délégation adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Merci beaucoup de votre écoute et nos échanges.
M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Merci beaucoup pour votre rapport qui était très intéressant. À la semaine prochaine.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Mardi 9 juillet 2024
Association des maires ruraux de France (AMRF) :
- M. Michel
Gros, président de l'AMR83,
vice-président de
l'AMRF ;
- Mme Catherine Léone, chargée de mission.
Villes de France :
- M. Guillaume Ségala, directeur général ;
- M. Armand Pinoteau, directeur général adjoint.
Mercredi
10 juillet 2024
Association des maires de France (AMF) :
- M. Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville et vice-président de l'AMF ;
- Mme Judith Mwendo, responsable du Département Action et gestion communale de l'AMF ;
- Mme Charlotte De Fontaines, responsable des relations avec le Parlement.
Mardi 24 septembre 2024
Intercommunalités de France :
- M. Fabian Jordan, vice-président d'Intercommunalités de France et président de Mulhouse Alsace agglomération ;
- M. Simon Mauroux, responsable du pôle Institutions d'Intercommunalités de France ;
- Mme Montaine Blonsard,
responsable des relations avec le
parlement à Intercommunalités de France.
Direction générale des collectivités territoriales (DGCL) :
- Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice Compétences et Institutions locales ;
- M. Adrien Brunel, chef du bureau des structures territoriales.
Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) :
- M. Marc Tschiggfrey, adjoint à la directrice du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur ;
- Mme Mariam Pontoni, adjoints au chef du bureau des élections politiques ;
- M. Maxence Nugues, responsable de la section étude.
ANNEXE 1 :
TABLEAU COMPARATIF DES INITIATIVES VISANT À RÉDUIRE LE NOMBRE
DES CONSEILLERS MUNICIPAUX
SITUATION ACTUELLE |
PPL BONNEAU35(*) |
PPL BONNEAU telle que modifiée par la commission des lois36(*) |
Rapport WOERTH (30 mai 2024) |
||
Population de la commune |
Nombre de communes par strate |
Nombre de membres du conseil municipal |
|||
De moins de |
3 317 |
7 (ou 5) |
5 |
Sans changement par rapport à la situation actuelle |
Sans changement par rapport à la situation actuelle |
De 100 à |
15 066 |
11 (ou 9)37(*) |
738(*) |
9 (ou 7) |
9 |
De 500 à |
9 614 |
15 |
Sans changement |
11 |
13 |
De 1 500 à |
2 622 |
19 |
15 |
15 |
|
De 2 500 à |
1 207 |
23 |
19 |
18 |
|
Plus de |
variable selon la strate |
Sans changement |
- 20 % |
ANNEXE 2 :
SCRUTIN DANS LES COMMUNES
DE MOINS
DE 1 000 HABITANTS
ANNEXE 3 :
SCRUTIN DANS LES COMMUNES
DE PLUS DE 1 000
HABITANTS
* 2 Mme Françoise GATEL est membre du Gouvernement depuis le 22 septembre 2024.
* 1 Le compte-rendu de cette présentation est disponible à cette adresse : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20240708/dct_09_07_24.html
* 2 L'article L. 2122-2 du CGCT dispose que « Le conseil municipal détermine le nombre des adjoints au maire sans que ce nombre puisse excéder 30% de l'effectif légal du conseil municipal ».
* 3 Compte rendu de la séance publique du 15 octobre 2019 au Sénat.
* 4 Dont 102 de moins de 1 000 habitants.
* 5 Voir les travaux récents de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales : https://www.senat.fr/notice-rapport/2023/r23-121-notice.html ; https://www.senat.fr/notice-rapport/2023/r23-215-notice.html ; https://www.senat.fr/notice-rapport/2023/r23-216-notice.html
* 6 Voir le rapport n° 663 (2023-2024) de la commission des lois, disponible sur https://www.senat.fr/rap/l23-663/l23-663.html
* 7 Texte n° 461 (2023-2024) de Mme Nadine Bellurot et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 21 mars 2024 : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-461.html
* 8 Voir un tableau comparatif en annexe 1 du présent rapport.
* 9 Page 87 du rapport.
* 10 Voir le dossier législatif sur https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-263.html
* 11 La
commission des lois s'est prononcée sur la proposition de loi de
François Bonneau. Son
rapport,
déposé le 5 juin 2024, reprend l'essentiel du
texte
n° 461 (2023-2024) de Nadine Bellurot,
déposé
au Sénat le 21 mars 2024,
« Nombre de conseillers municipaux pour les communes de
100
à 3 499 habitants ».
* 12 Voir le rapport d'information n° 121 (2023-2024), déposé le 16 novembre 2023 par la délégation du Sénat aux collectivités territoriales : « Indemnités des élus locaux : reconnaître l'engagement à sa juste valeur » : https://www.senat.fr/rap/r23-121/r23-121_mono.html
* 13 Rapport déposé le 5 juin 2024 ; https://www.senat.fr/rap/l23-663/l23-663_mono.html
* 14 CE, 1985, Ville d'Aix-en-Provence, req. n° 58793.
* 15 Voir le rapport précité sur le régime indemnitaire des élus locaux : https://www.senat.fr/rap/r23-121/r23-121_mono.html#toc137
* 16 Voir l'article 2 de la proposition de loi sur le statut de l'élu local, adoptée au Sénat le 7 mars 2024.
* 17 Rapport d'information n° 798 (2022-2023), disponible en ligne : https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-798-notice.html
* 18 Ce texte a été adopté par la commission des lois le 5 juin 2024 : voir le dossier législatif et le rapport de Nadine Bellurot : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-551.html. L'objectif de cette initiative est d'éviter l'organisation d'une élection complémentaire intégrale, dans le cas où un nouveau maire devrait être élu, pour ne pas évincer trop vite les élus locaux à l'origine du projet de création de la commune nouvelle. L'organisation d'un renouvellement complet conduit en effet à une baisse souvent brutale du nombre de conseillers municipaux de la commune nouvelle, parfois très peu de temps après sa création.
* 19 Hors maires et adjoints.
* 20 Voir le schéma en annexe du présent rapport.
* 21 https://www.senat.fr/amendements/2019-2020/13/Amdt_399.html
* 22 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-116.html
* 23 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-451.html
* 24 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-444.html
* 25 Texte n° 752 (2023-2024) : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-752.html
* 26 Loi constitutionnelle n°99-569 du 8 juillet 1999 constitutionnelle relative à l'égalité entre les femmes et les hommes.
* 27 Toute élection intervenant en dehors du renouvellement général est qualifiée d'élection partielle. Une élection partielle, organisée pour renouveler une partie du conseil municipal afin de le compléter, est appelée « élection partielle complémentaire ». Une élection partielle, organisée pour renouveler le conseil municipal dans son ensemble, est appelée « élection partielle intégrale ».
* 28 Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le renouvellement intégral concerne, lui, des hypothèses plus rares : la démission collective du conseil municipal, l'annulation des opérations électorales dans la commune ou la dissolution du conseil municipal.
* 29 Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le suppléant est le premier membre du conseil municipal n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire et qui le suit dans l'ordre du tableau (art L. 273-12 du code électoral).
* 30 Voir
la recommandation n° 64 du rapport « Femmes et
ruralités : en finir avec les zones blanches de
l'égalité » ; Rapport d'information n° 60
(2021-2022), déposé le
14 octobre 2021 -
https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-060-1-notice.html
* 31 https://www.senat.fr/amendements/2019-2020/13/Amdt_528.html. Auparavant, le CGCT obligeait seulement à ce que l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne soit pas supérieur à un, ce qui autorisait à placer tous les hommes en première moitié de liste et les femmes en seconde moitié, et réciproquement.
* 32 Rappelons, sur ce point, que le Sénat avait adopté, dans le cadre du projet de loi « engagement et proximité », un amendement visant à assurer que la proportion de femmes et d'hommes au sein du bureau des EPCI soit au moins équivalente à celle constatée au sein de l'organe délibérant. La rapporteure Françoise Gatel avait toutefois souligné qu'il s'agissait d'un amendement de compromis, dans la mesure où la véritable parité ne pourrait exister que lorsque toutes les élections municipales se feraient au scrutin de liste. Cet amendement n'a pas prospéré dans le cours de la navette.
* 33 Loi n° 2023-506 du 26 juin 2023 tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires.
* 34 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/2013667DC.htm, considérants 44 à 47.
* 35 Texte n° 890 (2022-2023) de François Bonneau, déposé au Sénat le 17 juillet 2023.
* 36 Le rapport de la commission des lois sur ce texte, déposé le 5 juin 2024, reprend l'essentiel du texte n° 461 (2023-2024) de Nadine Bellurot, déposé au Sénat le 21 mars 2024, « Nombre de conseillers municipaux pour les communes de 100 à 3 499 habitants ».
* 37 Ces deux lignes sont dans une couleur différente car ces deux strates peuvent actuellement faire l'objet d'un aménagement ; en effet, l'article L. 2121-2-1 du CGCT, introduit par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 dite « Engagement et Proximité », prévoit une dérogation permettant de considérer la liste comme complète même si le nombre prévu de conseillers municipaux n'est pas atteint.
* 38 La proposition de loi de François Bonneau prévoit la suppression de la disposition, créée par la loi « engagement et proximité », relative au conseil municipal « réputé complet ».