CONTRIBUTION DU GROUPE DE L'UNION CENTRISTE

La commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères a réalisé ses travaux entre les mois de février et juillet 2024. Un rapport, fidèle aux auditions, a été présenté le 23 juillet 2024. Le groupe centriste considère toutefois opportun d'apporter sa contribution.

À titre liminaire, les membres du groupe de l'Union Centriste regrettent que les demandes faites au président, comme au rapporteur, de produire un plan d'orientation des travaux n'aient pu aboutir, créant une difficulté dans la lecture et la progression des auditions.

Une méthodologie plus thématique aurait peut-être permis d'évoquer plus de sujets. Les sénateurs de l'Union Centriste regrettent ce choix qui, de leur point de vue, affaiblit la pertinence du rapport.

La question de l'islam radical et des influences étrangères dans ce domaine a été peu traitée, mais le rapport a été opportunément complété par un amendement de président Dominique de Legge, reprenant des amendements présentés par Mesdames Goulet, Morin-Desailly et Monsieur Reichardt.

Les sénateurs du groupe centriste considèrent également que la question du rôle des Etats-Unis d'Amérique n'a pas été suffisamment traitée. Il en est notamment de l'impact des grandes entreprises américaine GAFAM et de l'extraterritorialité des lois américaines sur notre souveraineté et sur la protection de nos données. Les questions d'influences malveillantes en matière d'économie ont été évoquées mais elles auraient mérité une approche plus déterminée lorsque l'on sait les défis rencontrés en matière de souveraineté alimentaire ou de souveraineté du médicament dès lors que ces domaines stratégiques font également l'objet de guerres économiques.

Par ailleurs, les sénateurs centristes regrettent que la question des cabinets de conseil n'ait été évoquée que de façon incidente lors des auditions.

C'est pourquoi, sur le fond, le groupe de l'Union centriste, par la voix de ses membres au sein de la commission d'enquête, souhaite rappeler ses nombreuses contributions aux travaux évoqués dans le présent rapport. Il s'agit des travaux sur les questions liées au numérique et à la souveraineté numérique, ceux sur la radicalisation, le séparatisme et les principes de la République et ceux sur la suprématie du droit américain.

Ces travaux constants depuis près de neuf ans sont des marqueurs du groupe UC et méritent d'être rappelés car de nombreuses propositions concrètes et non incantatoires faites dans le cadre des travaux mentionnés restent en attente de mise en oeuvre.

I. LES TRAVAUX SUR LE NUMÉRIQUE

Le rapport présenté doit faire état des travaux antérieurs du Sénat sur les questions de gouvernance, de régulation et de politique relative au numérique. Les nombreux travaux effectués depuis 2013 visaient d'emblée à alerter de la manière dont l'Internet, le réseau des réseaux, était en train de se constituer, avec toutes les perspectives de développement, de progrès, mais aussi tous les dysfonctionnements dejà à l'oeuvre qui n'ont fait que se renforcer.

1. « L'Union européenne, colonie du monde numérique ? » de Catherine MORIN-DESAILLY, déposé le 20 mars 2013

( https://www.senat.fr/rap/r12-443/r12-443.html)

Premier rapport « fondateur » pour le Sénat qui est bien cité dans le rapport de notre collègue Rachid Temal, mais avec une erreur sur la date : ce n'est pas 2023 mais 2013 [erreur matérielle rectifiée].

2. « L'Europe au secours de l'Internet : démocratiser la gouvernance de l'Internet en s'appuyant sur une ambition politique et industrielle européenne » de Catherine MORIN-DESAILLY

( https://www.senat.fr/rap/r13-696-1/r13-696-117.html)

Ce rapport du 8 juillet 2014, est issu de la mission commune d'information « Nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l'Union européenne dans la gouvernance de l'Internet » demandée par le groupe UC, à laquelle avaient alors participé tous les groupes politiques et toutes les commissions du Sénat.

10 ans de constats alarmistes et peu d'avancées

Cette mission avait été proposée au lendemain de l'affaire Snowden qui révéla au monde la surveillance et l'ingérence des Etats-Unis via les portes dérobées des plateformes. C'est le premier rapport du Sénat sur des ingérences étrangères, et le début d'une prise de conscience de la manipulation de l'information, de la surveillance en ligne. Il établit dans ses conclusions que l'Internet marque le nouveau tournant de l'affrontement mondial pour la domination du monde par l'économie et la connaissance.

Suite à ce constat, le rapport établissait 50 propositions, dont certaines suivies d'effets comme la mise en place du RGPD, la réforme de la direction du renseignement ou la réouverture de la directive e-commerce pour constituer le DMA et le DSA, avec encore des insuffisances mentionnées dans des rapports (Rapport d'information sur « Proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la proposition de règlement sur les marchés numériques (DMA) : Proposition de règlement sur les marchés numériques (DMA) » du 7 octobre 2021 : https://www.senat.fr/rap/r21-034/r21-034.html) réalisés par Catherine Morin-Desailly et Florence Blatrix Contat (PS) au nom de la Commission des Affaires Européennes ou des propositions de résolution européenne votées  à l'unanimité du Sénat.

3. « Proposition de résolution présentée en application de l'article 73 quinquiès du Règlement, pour une stratégie européenne du numérique globale, offensive et ambitieuse » (https://www.senat.fr/leg/ppr14-423.html) de Catherine MORIN-DESAILLY

Cette proposition de résolution du 4 juin 2015, s'inscrit dans la continuité des travaux menés au Sénat sur le numérique, en particulier suite aux deux rapports précédemment cités et celui du 8 juillet 2014 « L'Europe au secours de l'Internet : démocratiser la gouvernance de l'Internet en s'appuyant sur une ambition politique et industrielle européenne ». ( https://www.senat.fr/rap/r13-696-1/r13-696-11.pdf)

Plusieurs autres propositions du rapport de 2015 restent à réaliser :  propositions permettant de construire une vraie souveraineté, une meilleure protection, une régulation du réseau des réseaux face aux ingérences, la formation de tous (proposition complétée dans un rapport fait au nom de la commission de la culture « Prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation » (https://www.senat.fr/rap/r17-607/r17-607.html) du 27 juin 2018, qui proposait l'éducation aux médias et aux réseaux sociaux.

Le rapport préconise aussi de revoir la gouvernance mondiale du numérique.

4. Lutte contre les fausses informations (2018) de Catherine MORIN-DESAILLY

( https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl17-623.html)

Le rapport vise à un meilleur contrôle des diffusions d'information par les plateformes, les obligeant pour certaines à fournir des données agrégées sur les contenus proposés aux internautes, les incitant à la conclusion d'accords de coopération relatifs à la lutte contre la diffusion de fausses informations, et préconisant la formation au numérique.

Plus généralement, il s'agit d'instaurer une obligation pour les plateformes d'assurer une visibilité améliorée des informations d'intérêt public émanant de sources fiables, notamment de sources journalistiques et de médias, sur la base de normes et de critères co-construits avec les acteurs du secteur. Plus concrètement, il s'agit de faciliter les notifications, pour pouvoir engager plus facilement la responsabilité des hébergeurs :

- en créant un « bouton » d'accès à l'interface de notification des contenus présumés illicites commun à tous les hébergeurs ;

- en élargissant la définition des « signaleurs de confiance », afin que ce statut puisse être accordé à certaines entités représentant des intérêts particuliers, telles que des marques, des sociétés de gestion de droits d'auteur, ou des journalistes, dans le cadre d'activités de vérification de faits ;

- en exigeant des fournisseurs de services en ligne des données chiffrées sur les moyens technologiques, financiers et humains qu'elles allouent à la modération, ventilés par pays et par langue.

5. Le numérique « grande cause nationale »

Le rapporteur propose que l'année 2025 devienne grande cause nationale pour l'éducation aux médias. En effet se prémunir des fausses nouvelles, de toute forme de manipulation sur internet et les réseaux nécessite d'armer plus largement les élèves et leurs enseignants.

En 2020, Catherine Morin-Desailly avait fait une demande similaire au Président de la République en 2020 « Pour une montée en compétence numérique pour tous », rappelant l'importance de l'éducation aux médias et aux réseaux sociaux, à la compréhension de notre écosystème et la formation des formateurs. Demande restée sans réponse.

6. Statut des plateformes : Responsabilisation partielle des hébergeurs

( https://www.senat.fr/leg/ppr17-739.html)

Cette proposition de résolution du 27 septembre 2018 de Catherine Morin-Desailly demandait une évolution du cadre légal pour créer un statut intermédiaire entre celui d'hébergeur et celui d'éditeur, devant être compatible avec, d'une part, la liberté d'expression, d'autre part, avec le développement du marché intérieur et la croissance économique équilibrée.

II. LES TRAVAUX SUR LA SOUVERAINETE DU DROIT AMERICAIN

Le groupe Union Centriste souhaite rappeler les travaux importants menés par le sénateur Philippe Bonnecarrère : l'importance des GAFAM, les enjeux de la protection des données... constituent autant de sujets sur lesquels le groupe de l'Union Centriste a montré son investissement. (Proposition de résolution du 4 octobre 2018 au nom de la commission des affaires européennes sur l'extraterritorialité des sanctions américaines : Extraterritorialité des sanctions américaines : Quelles réponses de l'Union européenne ?

(https://www.senat.fr/rap/r18-017/r18-017_mono.html)

III. LES TRAVAUX SUR L'ISLAM, LE DJIHADISME, LE TERRORISME ET LE SEPARATISME

1. Filières « djihadistes » : pour une réponse globale et sans faiblesse (2015) ( https://www.senat.fr/rap/r14-388/r14-388.html)

Le groupe de l'Union Centriste a été précurseur dans ce domaine ayant été à l'origine de la première commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe dont est issu ce rapport du 1er avril 2015.

2. Organisation, place et financement de l'Islam

a. Financement des lieux de culte

Le sénateur Hervé Maurey a contribué aux travaux parlementaires sur le financement des lieux de culte avec un rapport d'information « Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte » (https://www.senat.fr/rap/r14-345/r14-3451.pdf) déposé au Sénat le 17 mars 2015.

Une des propositions phare ne figure toujours pas dans notre arsenal juridique consistant, lors du dépôt d'un permis de construire d'un lieu de culte, à joindre un plan de financement. Cette question règlerait la question de transparence du financement de tous les lieux de culte.

b. Proposition de résolution suivie du rapport de mission

La proposition de résolution du 27 novembre 2015 visait à la création d'une commission d'enquête sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte (https://www.senat.fr/leg/ppr15-203.html).

La mission d'information « sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte », constituée à l'initiative du groupe de l'UDI-UC dans le cadre de son « droit de tirage » a donné lieu à un rapport déposé le 5 juillet 2016 « De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés » (https://www.senat.fr/rap/r15-757/r15-757.html)

3. Radicalisation

Nathalie Goulet a déposé une proposition de loi le 7 octobre 2019 sur la prévention et la lutte contre la radicalisation. Elle a apporté sa contribution dans le tome I du rapport déposé le 7 juillet 2020 intitulé « Radicalisation islamiste : faire face et lutter ensemble » ( https://www.senat.fr/rap/r19-595-1/r19-595-1_mono.html#toc722).

IV. AUTRES PROPOSITIONS DU GROUPE UNION CENTRISTE

Les sénateurs UC souhaitent ajouter deux recommandations qui n'ont pas pu être intégrées au rapport et qui pourtant sont en ligne directe avec le sujet :

Ø La création d'une délégation au numérique dans les deux assemblées ;

Ø Le rôle des cabinets de conseil évoqués incidemment lors des auditions.

1. Délégation parlementaire au numérique

( https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-712.html)

Le 27 juin 2024, une proposition de loi visant à la création d'une délégation parlementaire au numérique a été déposée au Sénat. Une telle délégation permettrait tout à la fois au Parlement d'embrasser l'entièreté de la problématique numérique de manière transversale (son utilisation, la souveraineté, y compris les cryptoactifs) et de pouvoir travailler de façon continue avec le recul qui s'impose.

2. Influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques

Le groupe de l'UC regrette que la commission d'enquête n'ait pas étendue ses travaux au rôle des cabinets de conseil suivant les travaux menés par Éliane Assassi et Arnaud Bazin (https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-578-1-notice.html). Il a été établi que ces cabinets de conseil pouvaient constituer des vecteurs d'influences étrangères.

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