PREMIÈRE PARTIE
FACE À L'ÉTAT DU PARC IMMOBILIER DES COLLECTIVITÉS, AU CONTEXTE D'INFLATION ÉNERGÉTIQUE ET AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX, LE VERDISSEMENT DES DOTATIONS DEVIENT UNE NÉCESSITÉ

I. UN PARC IMMOBILIER ÉNERGIVORE ET UN ENJEU DE MAITRISE DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT DES COLLECTIVITÉS QUI NÉCESSITENT UN ACCROISSEMENT DES INVESTISSEMENTS ENVIRONNEMENTAUX

A. UN PARC IMMOBILIER ÉNERGIVORE ET DES OBLIGATIONS DE RÉDUCTION DE CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE...

1. Le parc immobilier des collectivités pèse lourdement sur leurs dépenses
a) Entre 2012 et 2017, des consommations énergétiques en hausse essentiellement du fait d'un patrimoine immobilier ancien et mal isolé...

D'après les documents publiés par l'ADEME et la Banque des territoires, les collectivités territoriales détiennent un patrimoine bâti constitué de plus de 225 000 bâtiments pour une surface totale d'environ 280 millions de mètres carrés, ce qui représente 27 % du parc national tertiaire.

Ce parc immobilier est caractérisé par une grande diversité dans sa structure et les fonctions des bâtiments : bâtiments administratifs, établissements scolaires, équipements sportifs, socio-culturels... Les bâtiments scolaires représentent à eux seuls 50 % du total du parc.

Majoritairement construit avant 1975, l'immobilier appartenant aux collectivités est donc relativement ancien, mal isolé et, de fait, énergivore puisqu'il représente un tiers des volumes de CO2 émis par les bâtiments au niveau national et 84 % des émissions des seules collectivités contre 11 % pour les carburants et 5 % pour l'éclairage public.

Dans ce contexte, 76 % de la consommation d'énergie des collectivités territoriales sont dus aux bâtiments, le delta résultant de l'éclairage public (11 %), de la gestion des déchets et de l'eau (8 %) et des carburants (6 %).

Pour autant, l'administration centrale, et les collectivités elles-mêmes, ne disposent pas de documents consolidés ou de bases de données permettant d'avoir une vision complète de l'état du patrimoine immobilier des collectivités, son niveau de performance énergétique et les niveaux de consommation des bâtiments publics locaux.

Des études ponctuelles (rapports de mission, enquêtes...) permettent de collecter des informations et données comme le rapport de François Demarcq sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires (2020)2(*) ou l'enquête énergie et patrimoine communal menée tous les cinq ans par l'ADEME.

Il en résulte que les données disponibles sont soit parcellaires soit anciennes. Les dernières données complètes ressortent de l'enquête quinquennale réalisée par l'ADEME pour la période 2012/2017 et publiée en 2019.

Au cours de cette période, les consommations énergétiques des collectivités ont progressé de 4 %.

Cette évolution du niveau de consommation s'explique essentiellement par la consommation énergétique des bâtiments qui a enregistré une hausse de 13 % passant de 36 térawattheures (TWh) en 2012 à 37,65 TWh en 2017 alors que celles liées à l' éclairage public et aux transports ont reculé respectivement de 30 % et 16 %.

Toutefois, les facteurs de cette tendance à la hausse sont multiples sans qu'il soit possible de chiffrer leur part respective : augmentation des surfaces chauffées, hausse des besoins liés notamment à la bureautique, développement de certains services publics...

Par ailleurs, il convient de souligner que cette hausse globale du niveau de consommation des collectivités résulte d'une baisse de la consommation des communes et d'une hausse plus importante de celles des EPCI sous l'effet combiné d'une amélioration de l'efficacité énergétique des communes, grâce aux actions mises en place concernant l'isolation et l'éclairage public et de la prise de compétence de certains groupements à fiscalité propre (GFP) ou syndicats, qui se substituent aux communes.

Il convient cependant de souligner que les départements et régions ne faisaient pas partie du périmètre de l'enquête ce qui exclut, notamment, le bâti des collèges et lycées.

b) ...mais des dépenses en légère diminution en raison, sur la période 2012-2017, d'une baisse des prix de l'énergie

Si les consommations énergétiques des collectivités ont augmenté durant la période 2012-2017, les dépenses énergétiques sur cette même période ont enregistré une baisse de 200 millions d'euros, passant de 3,8 milliards d'euros à 3,6 milliards d'euros dans un contexte où les prix globaux de l'énergie étaient en baisse, résultat d'un solde entre la diminution des prix des carburants et du fioul domestique (- 12 % et - 18 %, respectivement) et de la hausse relativement modérée du prix de l'électricité.

Évolution de la consommation et des dépenses énergétiques des collectivités
entre 2012 et 2017

Source : rapport « Les dépenses énergétiques des collectivités » - état des lieux en 2017 - ADEME

c) Une consommation énergétique des collectivités territoriales difficile à chiffrer à compter de 2018 en l'absence de données

À compter de 2018, les investissements en faveur des économies d'énergies se sont multipliés au sein des collectivités. Ils ont essentiellement porté sur l'amélioration de l'éclairage public, l'isolation des fenêtres et la mise en place d'éclairages intérieurs plus performants.

Il n'en demeure pas moins que malgré les travaux réalisés, les bâtiments des collectivités demeurent particulièrement énergivores en l'absence d'investissements substantiels d'isolation des murs et plafonds et de remplacement d'anciens bâtiments par des bâtiments à haute densité énergétique.

De sorte que, même si les actions entreprises ces dernières années ont permis de réduire en partie la consommation des collectivités, l'évolution démographique nécessitant plus de bâtiments pour répondre aux besoins de services publics (notamment pour la scolarisation des élèves) ainsi que le développement de certains services publics et notamment des piscines municipales et intercommunales, a eu des conséquences sur le niveau de consommation, à la baisse comme à la hausse, des collectivités territoriales sans qu'il soit possible, à ce stade, de disposer de chiffres consolidés sur leur niveau de consommation énergétique depuis 2018.

2. Des obligations de réduction de consommation énergétique couplées à un diagnostic énergétique obligatoire pour les collectivités
a) Des objectifs chiffrés de baisse de consommation d'énergie

Les collectivités territoriales sont assujetties aux obligations d'actions d'économie d'énergie dans les bâtiments tertiaires (dispositif éco-énergie tertiaire) dans les conditions prévues par les articles L. 174-1 et R. 174-22 à R. 174-32 du code de la construction et de l'habitation (CCH), au même titre que tous les propriétaires et preneurs à bail des bâtiments à usage tertiaire.

Ainsi, l'article L.174-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que des actions de réduction de la consommation d'énergie finale doivent être mises en oeuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments existants à usage tertiaire, afin de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.

Ces actions s'inscrivent en cohérence avec les objectifs fixés par la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B du code de l'environnement qui précise dans son III que « l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre ». De surcroit, les actions menées par les collectivités ne peuvent conduire ni à une augmentation du recours aux énergies non renouvelables, ni à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, dans le cadre de la révision de la directive européenne sur l'efficacité énergétique (DEE), les collectivités locales pourraient se voir imposer des exigences complémentaires, concernant l'exemplarité de la rénovation de leurs bâtiments publics. En effet, la France devrait, a priori, être soumise à un objectif annuel de rénovation de 3 % des surfaces de bâtiments publics au niveau NZEB (Near Zero Energy Building) ce qui signifie un objectif de bâtiments à consommation énergétique nette nulle, soit une quantité totale d'énergie utilisée par le bâtiment, calculée sur une base annuelle, à peu près égale à la quantité d'énergie renouvelable créée sur le site.

Le contenu de la révision de cette directive reste toutefois en discussion à ce stade au niveau du Parlement européen.

b) Une obligation partielle de diagnostic de performance énergétique

Un diagnostic de performance énergétique (DPE) doit également être obligatoirement réalisé par les collectivités territoriales dans certains établissements recevant du public (ERP). Il renseigne sur la performance énergétique d'un bâtiment par une estimation de sa consommation énergétique et son taux d'émission de gaz à effet de serre.

Le champ d'application du DPE

Cette obligation concerne les ERP de la première à la quatrième catégorie de plus de 250 m², en application des articles L. 126-30 et R. 126-18 du CCH.

Selon une échelle notée de A à G, le DPE mentionne le classement du bâtiment pour les consommations en énergie primaire et les émissions de gaz à effet de serre. Il doit être affiché de manière visible pour le public, à proximité de l'entrée principale ou du point d'accueil, pendant toute sa durée de validité de 10 ans.

Cependant, les bâtiments n'accueillant pas de public et les bâtiments suivants ne sont pas concernés par cette obligation :

- constructions provisoires prévues pour une durée d'utilisation de moins de 2 ans ;

- bâtiments indépendants d'une surface de plancher : unité de calcul des surfaces des constructions servant à la délivrance des autorisations d'urbanisme inférieure à 50 m² ;

- monuments historiques ;

- bâtiments servant de lieux de culte ;

- bâtiments non chauffés ou pour lesquels les seuls équipements fixes de chauffage sont des cheminées à foyer ouvert, et ne disposant pas de dispositif de refroidissement des locaux.

Source : commission des finances du Sénat

Les exceptions à l'obligation de réaliser un DPE sont donc notables et concernent potentiellement un nombre important de bâtiments. À titre d'exemple, depuis la création en 1837 de la commission des monuments historiques, plus de 45 991 immeubles ont été classés ou inscrits au titre des monuments historiques (en 2022).

Enfin, en application de l'article 180 de la loi Climat Résilience, à partir du 1er janvier 2024, le rapport annuel de développement durable, dont la production est obligatoire pour les régions, les départements, et les villes de plus de 50 000 habitants, devra également préciser le programme d'actions mis en place par la collectivité pour assurer la réduction de la consommation d'énergie des bâtiments ou des parties de bâtiment à usage tertiaire dont la collectivité territoriale est propriétaire, dans un objectif de respect des obligations prévues à l'article L. 174-1 du code de la construction et de l'habitation.


* 2 Rapport de février 2020 du conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies.