ANNEXE 2 - AUDITION DE MME OLIVIA GRÉGOIRE, MINISTRE DÉLÉGUÉE CHARGÉE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, DU COMMERCE, DE L'ARTISANAT ET DU TOURISME

Jeudi 8 juin 2023

M. Serge Babary, président de la délégation sénatoriale aux Entreprises. - Mes chers collègues, nous accueillons ce matin madame Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. Madame la Ministre, merci de nous rejoindre ce matin. Nous avons souhaité vous recevoir avant de conclure cette mission sur la simplification des normes applicables aux entreprises. Notre délégation partage bien sûr avec le Gouvernement le souci de simplifier, mais le sujet méritait que nous nous en emparions pour tenter de l'approfondir. Nous souhaitions vous associer aux travaux de nos rapporteurs en amont de l'examen de leurs propositions.

Madame la Ministre, le Sénat discutera la semaine prochaine du projet de loi Industrie verte qui propose, notamment, d'alléger certaines procédures administratives pour accélérer le déploiement d'implantations industrielles d'intérêt national majeur ou relevant du champ de l' « industrie verte ».

C'est un premier petit pas, mais la délégation aux Entreprises aimerait qu'un pas de géant soit franchi, comme le réclament toutes les entreprises que nous rencontrons sur le terrain, pour alléger le fardeau normatif qui représente 60 milliards d'euros, soit 3 % du PIB.

Dans le contexte d'une concurrence mondiale exacerbée, cet allégement permettrait aux entreprises françaises d'améliorer considérablement leur compétitivité, ce qui contribuerait à diminuer un déficit commercial abyssal, à créer de l'emploi et à apporter des recettes fiscales supplémentaires à l'État et aux collectivités locales.

Les normes pèsent davantage sur les PME que sur les grandes entreprises, qui disposent des moyens de gérer la complexité administrative, que ce soit en matière fiscale ou économique.

Contrairement à la France, nos principaux partenaires européens ont intégré ce fardeau et mis en place des politiques publiques de long terme. Il est intéressant d'observer comment d'autres pays réussissent mieux que nous dans ce domaine. Ces politiques publiques, consensuelles et structurelles, visent à réduire la charge administrative pesant sur leurs entreprises. Elles ont généré de substantielles économies se chiffrant à plusieurs milliards d'euros par an, en améliorant la compétitivité de leurs entreprises.

Pourquoi notre pays n'a-t-il pas pu, malgré une prise de conscience précoce du problème au plus haut niveau administratif et politique, malgré plusieurs tentatives, réduire le fardeau administratif pesant sur les entreprises de manière significative et pérenne ?

Les rapporteurs de ce rapport d'information, mes collègues Olivier Rietmann, Jean-Pierre Moga et Gilbert-Luc Devinaz, auront tout à l'heure l'opportunité de vous interroger sur la manière dont le Gouvernement a mené une politique de simplification depuis 2017 et pour savoir si le projet de loi « Industrie verte » correspond à une prise de conscience de la nécessité absolue d'alléger le fardeau administratif qui pèse sur les entreprises et singulièrement les plus petites d'entre elles. Quelles sont les propositions du Gouvernement pour diminuer, structurellement, la complexité normative applicable aux entreprises ?

Je précise que, pour réaliser ce rapport d'information, outre des déplacements en Europe ou des visioconférences avec la Suisse et l'Allemagne, la délégation aux Entreprises a ouvert une consultation à laquelle ont répondu près de 800 entreprises, qui estiment, à 90 %, que les normes ne sont pas adaptées à toutes les situations, à 84 %, qu'elles ne sont « pas faciles à comprendre ». Cela qui doit interpeller les législateurs que nous sommes, mais aussi le Gouvernement. Les entreprises estiment par ailleurs à 82 % que les normes ne s'accompagnent pas d'une d'information adéquate. Enfin, elles sont 80 % à attendre que l'administration les accompagne davantage et les conseille mieux. Changer l'attitude de l'administration pour transformer le contrôle en accompagnement constitue une demande récurrente, même si nous sommes conscients que le contrôle est nécessaire.

Madame la Ministre, je vous cèderai tout d'abord la parole pour un propos liminaire d'une durée de 20 minutes environ. Puis les trois rapporteurs de la mission vous poseront leurs questions, ainsi que l'ensemble de nos collègues.

Je vous remercie, madame la Ministre, et je vous laisse la parole.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. - Monsieur le Président Babary, messieurs les co-rapporteurs Jean-Pierre Moga, Olivier Rietmann et Gilbert-Luc Devinaz, je vous remercie de m'avoir proposé cet échange devant la délégation aux Entreprises du Sénat, dans le cadre de vos travaux que je salue. Ce sont en effet des travaux inspirants et qui nourrissent le ministère en charge des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, notamment sur la simplification des règles et des normes applicables aux entreprises.

Je me réjouis d'autant plus de participer à vos travaux que ce sujet est évidemment au coeur de mon portefeuille ministériel, et plus largement au coeur de mon engagement politique. Je viens des PME, j'ai même créé ma propre TPE. Je ne vis pas la simplification comme un impératif exogène, mais comme un impératif absolu, et je sais le chemin qu'il reste à parcourir.

Après avoir été indépendante, les six années passées au Parlement ou à Bercy n'ont rien changé à mon constat. Je me souviens toujours de cette époque, en tant que cheffe de ma petite entreprise, lorsque chaque courrier administratif, même le plus anodin, me mettait dans un état de panique ou d'angoisse.

Trop longtemps, la simplification des normes est restée un voeu pieux. C'est au Sénat que nous devons les premières grandes lois de simplification, de mise à jour et de coordination d'un grand nombre de législations. Nous avons souvent eu tendance dans notre pays à empiler les normes, à les allonger, à les surtransposer, à les complexifier, et parfois les trains de simplification ont échoué, en coupant un wagon sans s'apercevoir qu'il s'agissait de la locomotive. Mais ces trains avaient au moins la vertu d'exister. Le point constant est que nous avons souvent régulé sans nous interroger sur l'impact réel de la norme, en particulier pour les entreprises.

Je pense que la situation a aujourd'hui profondément changé, et cela évolue toujours, principalement pour trois raisons. En premier lieu, je pense que l'Assemblée nationale, le Sénat mais aussi Bercy et le Gouvernement ont pris conscience du problème. Les travaux du Parlement, et notamment ceux de votre délégation, ont permis de rendre systématique les questions de la portée de la norme pour ceux qui l'utiliseront demain.

Ce n'est donc pas aujourd'hui une direction ou un bureau qui, comme à l'époque, peut être chargé de la simplification, mais l'ensemble de l'administration et du pouvoir exécutif qui doivent prendre en compte dans chaque proposition, dans chaque projet de loi, dans chaque avancée normative, ce besoin d'alléger et de simplifier les normes, chacun dans son champ de compétence.

Deuxièmement, nous avons, le Gouvernement et surtout le Parlement, beaucoup développé la culture, la pratique de la co-construction normative, comme pour l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées. Cette ordonnance a été rédigée avec l'ensemble des parties prenantes et des publics concernés. Cela a également été le cas de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), que j'ai portée en 2018, lorsque nous avions auditionné 600 entreprises et institutions. Nous avions, au-delà de l'audition, confié le pilotage de chacun des chapitres du projet de loi à un parlementaire dont j'étais à l'époque, avec un chef d'entreprise. Donc, dès les prémisses de la loi PACTE, comme pour le projet de loi « Industrie verte », l'intégration d'entrepreneurs très opérationnels a permis qu'un certain nombre de normes soient co-construites, ou écartées si jugées inutiles.

Enfin, je crois que nous ne simplifions plus de manière isolée, ce qui constitue le pendant du deuxième point. La simplification devient inhérente à un nouveau projet de loi, car simplifier par petites touches dans un projet de loi peut détruire la cohérence d'un grand nombre d'autres textes. Nous préférons désormais insérer des mesures de simplification dans les textes eux-mêmes.

La loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) de 2018 illustre ce principe, au même titre que le projet de loi « Industrie verte », récemment présentée par le Président de la République, et qui fut, comme je l'ai rappelé, construit grâce au travail préparatoire de ses pilotes, parlementaires, élus locaux et chefs d'entreprise. Dans les quatre piliers de ce projet de loi, nous en comptons un, intitulé « Faciliter », et qui vise notamment à raccourcir drastiquement les délais de construction des implantations industrielles pour répondre à des attentes formulées par les entreprises.

J'accorde un intérêt d'autant plus fort à ce sujet qu'il est largement consensuel, ce qui n'est pas si courant aujourd'hui, et qu'il peut être source de croissance, de compétitivité et d'emplois. Donner un cadre juridique est essentiel, mais sa complexité ne doit pas venir paralyser l'entrepreneur. Simplifier la vie de l'entrepreneur constitue donc un objectif qui nous anime dans notre action quotidienne. J'étais hier à Bruxelles pour intervenir en introduction d'un colloque de deux jours, « Business Days », porté notamment par le groupe Renew Europe, pour faire le point sur l'ensemble des pratiques de simplification et des politiques publiques de soutien aux PME. Un ancien Premier ministre disait : « quand on se regarde, on se désole, quand on se compare, on se console ». Ce colloque était intéressant, puisque nous parlions de simplification et le programme « Dites-le nous une fois », impulsé dans l'ensemble des pays européens, est considéré comme mené de manière assez exemplaire en France. J'ai été beaucoup interrogée sur ce programme, notamment par des acteurs économiques et des parlementaires d'Europe de l'Est ou d'Europe du Nord, pour comprendre comment nous avions déployé ce principe.

Chacun des chantiers comme la déclaration sociale numérique (DSN), la création d'un registre national des entreprises unique, ou la mise en place du guichet unique a été réfléchi et construit pour que l'auto-entrepreneur ou le dirigeant de PME ne perde pas de temps à se demander où déclarer sa nouvelle activité, et à qui il faut signaler les vacances de son comptable.

Dans le cadre de mon action ministérielle, je travaille à fluidifier le dialogue entre pouvoirs publics et acteurs privés, afin que nous n'utilisions plus le terme de bureaucratie ou de « Red Tape », comme évoqué hier à Bruxelles. Le problème de la bureaucratie n'est pas le pouvoir que possède les bureaux, mais lorsqu'ils sont les seuls à en avoir, ou les seuls à le savoir.

Je suis donc très heureuse que nous puissions avoir ce temps d'échange.

J'ajouterai un dernier point qui peut constituer un sujet d'actualité pour la rentrée, et je suis à votre disposition pour en discuter. Il s'agit du débat sur les normes de reporting extra-financier à venir issues de l'Europe, comme la transposition de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) ou celle relative au devoir de vigilance. Ces normes vont concerner nos PME, et il est important de les considérer. Je ne crois pas que la norme soit mauvaise ipso facto, et le débat d'hier posait cette question de la nature étouffante de la norme. Un certain nombre de normes supranationales sont en train d'être déployées sur le plan européen, et elles sont peut-être aussi les marqueurs d'une pratique d'un capitalisme européen soutenable. Certaines normes pèsent, d'autres pourront porter, et je n'ai pas, en tant que ministre, une acception générique de la norme comme un fardeau.

Je vous remercie et je me tiens évidemment à votre disposition pour répondre.

M. Serge Babary, président. - Merci madame la Ministre, d'avoir ajouté quelques éléments de réflexion et d'actualité à ce vaste débat. Je laisse maintenant la parole aux rapporteurs.

M. Gilbert-Luc Devinaz, co-rapporteur. - Merci pour votre éclairage, madame la Ministre. Nous ne sommes pas de la même génération, et je n'appartiens pas à celle de la « méthode Coué », dont je me méfie beaucoup par mon expérience d'élu local. L'autosatisfaction peut conduire rapidement à un échec, quand la réalité diffère de la perception des choses.

Concernant le guichet unique, j'estime la réponse peu satisfaisante. Même après des explications données par l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), il est possible de comprendre toute la problématique, mais il n'est pas possible de conclure que la méthode utilisée a permis de considérer les chambres consulaires comme des partenaires. Elles ont été regardées comme des acteurs, et n'ont sans doute pas été associées suffisamment pour la réussite de ce guichet unique. Il ne suffit pas de mettre sous forme informatique un formulaire. Lorsqu'il fallait effectuer des formalités auprès de la chambre de l'artisanat et des métiers, un employé aidait l'entrepreneur à remplir ce formulaire, et répondait à toute une série d'interrogations. L'entrepreneur aujourd'hui se trouve face à un écran avec ce même formulaire, informatisé, mais ne dispose de personne pour l'aider à répondre.

Nous pouvons donc considérer que cela n'a pas été une réussite. Nous notons les efforts réalisés par les ingénieurs de l'INPI pour y remédier, mais je pense qu'existe un problème culturel. Cet organisme doit considérer ceux pour lesquels il est en train d'oeuvrer, non pas comme des pions ou des acteurs, mais comme des partenaires, et les associer. Cette démarche évoluera, elle subira des modifications, et pour que ces modifications aboutissent, il faut associer ceux à qui elles vont bénéficier, et poursuivre cette intention dans le temps. Je n'ai pas noté cette volonté, et j'ai à ce sujet une série de questions.

Je pense comme vous : la norme n'est pas forcément un concept mauvais. Par exemple, nous pouvons regretter l'absence de normes pour les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS, de l'anglais per- and polyfluoroalkyl substances) qui polluent actuellement le Rhône. Il ne faut donc pas répéter systématiquement que toute norme est mauvaise. En revanche, en participant à cette mission, j'ai constaté qu'à un moment donné le cumul de normes touchant une entreprise pouvait être difficilement gérable, d'autant plus quand l'entreprise est une TPE ou une PME. Une plus grosse entreprise dispose de moyens pour recruter du personnel et y répondre.

Nous n'abordons pas pour la première fois ce thème de la simplification des normes, puisque je crois qu'un rapport du Conseil d'Etat a été publié dès 1990, et d'autres depuis. Ma première question est la suivante : quels sont selon vous les obstacles au contrôle par une autorité indépendante de la qualité des études d'impact ? Pourquoi ne pas recourir à des tests auprès des PME avant de lancer une norme ou une politique publique concernant toutes les entreprises ? Il me semble également que nous pourrions nous poser la question du développement d'une culture de l'accompagnement des entreprises au sein des administrations ; comment l'administration pourrait mieux appréhender la culture des entreprises. Enfin, comment renforcer l'évaluation et l'efficacité des lois votées par le Parlement dans le domaine économique ?

Nous avons observé, notamment en Europe du Nord, des méthodes intéressantes mises en place. L'Allemagne y réfléchit. Vous avez parlé de l'Europe, et les Pays-Bas sont prêts également à évaluer les méthodes d'organisation des autres pays européens. Ces démarches nous semblent intéressantes, et nous devrions nous en inspirer.

M. Serge Babary, président. - J'ajouterai à la remarque de Gilbert-Luc Devinaz, concernant le cumul des normes pour une même entreprise, qu'existe une difficulté supplémentaire lorsque, en plus ce cumul, cohabitent des normes opposées dans leurs exigences. Nous rencontrons des chefs d'entreprise qui se retrouvent devant des échéances d'application avec l'incapacité matérielle de résoudre le paradoxe de normes antagonistes. Nous l'avons vu dans de très grandes entreprises, en particulier dans le domaine de l'emballage. Je me souviens d'une visite d'une entreprise de 600 salariés dans le Jura, où la direction ne savait pas si elle pourrait continuer à développer son produit, se plaignant d'une liste de normes et de réponses divergentes selon les ministères. Le cumul constitue un problème, mais l'antagonisme entre certaines normes en est un autre.

Mme Olivia Grégoire, ministre. - Merci M. le Président Babary. Monsieur le sénateur Devinaz, je ne suis ni une partisane ni de l'autosatisfaction, ni de la « méthode Coué », à commencer par mon appréciation du guichet unique. Je n'ai jamais nié les difficultés, et je ne vais pas commencer ce matin. L'une des difficultés concernant le guichet unique tient à son insertion dans une loi qui s'appelait la loi Pacte. Je connais bien les articles 1 et 2 concernés, puisque j'ai contribué à les écrire. Cette loi a été promulguée en mai 2019 et si elle peut présenter des défauts, elle a au moins vu l'intégralité de ses décrets d'application publiée dans l'année suivant la promulgation, ce qui est rare. Cette loi étant donc pleinement applicable au printemps 2020.

En 2020, j'ai achevé de porter cette loi, avant d'entrer au sein du Gouvernement au service de l'économie sociale et solidaire. J'ai alors remarqué l'une des choses les plus délétères de notre organisation. Parfois, un sujet évolue grâce à une réforme législative, pendant une période de dix-huit ou vingt-quatre mois. J'estime que nous n'avons pas porté assez d'attention à l'exécution et à la mise en oeuvre du guichet unique. Ce sont des sujets très massifs, avec le transfert de six centres de formalités des entreprises (CFE) en ligne pour faire converger des opérateurs publics aux cultures différentes, accompagné d'une importante masse de données, de problèmes d'interopérabilité du système d'informations. Ces projets sont très sensibles, et je pense qu'il y a eu une déficience d'attention et de suivi pendant douze ou dix-huit mois. J'étais aux côtés de Bruno Le Maire à l'été 2022, en plein pré-déploiement, car des « tests PME » ont eu lieu en 2022, avec la bascule de toute une partie des formalités.

J'ai maintenant aujourd'hui le plaisir de répondre soit à des questions d'actualité, soit à des questions d'audition, fortes de votre insatisfaction légitime, et je la comprends. Mais je pense véritablement que la défaillance réside dans le suivi de la mise en oeuvre et de l'exécution de cette loi PACTE en 2020, sur ce sujet précis du guichet unique.

Je récupère ce dossier qui n'est pas bien engagé. Je ne vous rappelle pas l'objectif du guichet unique, vous le connaissez mieux que moi. Des dysfonctionnements sont constatés, et j'entends les critiques. Je tente de pallier ces dysfonctionnements le plus vite possible, avec le soutien du ministre de l'Économie. Nous avons ainsi partiellement rouvert Infogreffe le temps que le guichet soit pleinement opérationnel. Puis la voie papier a été autorisée en complément de la voie dématérialisée. L'assistance téléphonique aux côtés des entrepreneurs, des indépendants, des artisans, répond à un taux de couverture d'un peu plus de 95 %. Nous constatons toujours une sollicitation forte, ce qui démontre la nécessité d'un accompagnement humain, avec 6 000 appels par jour en moyenne. Un audit technique très récent a permis à l'INPI d'améliorer l'efficience de l'architecture d'ensemble du projet. Les mandataires sont associés à des réunions hebdomadaires pour identifier et corriger les bogues techniques. Une décision va être prise très prochainement par le Gouvernement sur le maintien possible des solutions dites de secours Infogreffe et Guichet-entreprises, principalement pour les formalités de modification, le temps de stabiliser le fonctionnement du guichet.

Je partage ces chiffres avec vous : début juin, nous constatons un peu plus de 600 000 créations, 25 000 cessations, dont 70 % d'entre elles sont finalisées et inscrites au registre national des entreprises (RNE). Nous comptons également 36 000 dépôts de compte, sujet sur lequel j'ai apporté une attention certaine depuis des mois, en lien avec la présidente de l'ordre national des experts-comptables. Le taux de validation par les greffes dépasse aujourd'hui 80 %, et les formalités de cession sont ouvertes depuis le 1er mai. Nous en comptons un peu plus de 700 par jour. Concernant le dépôt des comptes réalisable depuis le 1er mai en ligne, nous en comptons près de 1 000 par jour, et les formalités de modifications sont ouvertes depuis fin mai pour les personnes physiques. Ce sera le cas en juin pour les personnes morales.

Mon objectif, loin de l'autosatisfaction, est de faire en sorte que les procédures fonctionnent malgré tout. Je suis sans doute la seule à Bercy à avoir pratiqué des formalités de création d'entreprise, et la constitution de mon entreprise indépendante a été très complexe. Je ne savais pas où aller, ni quel CFE ou quel statut choisir. À la chambre de commerce et d'industrie (CCI), il m'a été répondu que les dossiers des indépendants n'y étaient pas traités. Même réponse à la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA). L'ancien système, même s'il fonctionnait, ne se révélait pas idéal. Le guichet unique constitue un projet massif ayant connu un suivi un peu lacunaire, et il est important que nous réussissions dans les mois qui viennent à disposer enfin d'un guichet création, modification, sécession, qui soit, malgré les difficultés, plus aisé d'utilisation pour les créateurs d'entreprises, ou pour les entrepreneurs qui souhaitent modifier ou céder.

Nous partions d'une situation assez complexe, et qu'il ne faudrait pas décrire aujourd'hui comme étant parfaite, car elle ne l'était pas. Donc nous continuons à travailler de notre mieux, avec Bruno Le Maire, pour parvenir à réaliser nos engagements sur le guichet unique.

Concernant le « test PME », j`y suis évidemment acquise, mais il s'agit en réalité d'un sujet européen. Aujourd'hui, et je l'ai dit hier à Bruxelles, cela n'est pas assez systématique, et pas déployé avec suffisamment d'ampleur pour les « tests PME » réalisés dans le cadre de la législation européenne. Mais je vous rappelle qu'il n'y a pas un texte, un décret, une négociation où je ne porte pas ce test. Sur chacun des textes réglementaires ou normatifs, soit les PME sont exclues, comme dans les renégociations commerciales ou le pacte de solidarité commercial mis en oeuvre avec les distributeurs en fin d'année, soit les PME sont concernées, mais avec une temporalité, une progressivité, une proportionnalité à laquelle je veille chaque jour.

Concernant les chambres consulaires, comme j'ai aussi l'honneur de travailler avec eux, je le redis : ils siègent, à commencer par les CMA, au comité de pilotage mis en place par Bruno Le Maire à l'époque, et ce depuis le début du projet sur le guichet unique.

Concernant l'accompagnement administratif, je dispose de quelques exemples à partager avec vous. Tout d'abord, je porte depuis des mois le programme ETIncelle, qui a pour objectif d'embarquer des PME de croissance pour devenir des ETI. Nous développons une vraie politique au service des industries et des ETI, au service de la French Tech et des sociétés technologiques, et il ne faut pas oublier celles qui forment 95 % de nos entreprises, c'est-à-dire les PME, dont les PME de croissance. En réponse à vos questions sur l'accompagnement des entreprises, ce programme ETIncelle s'y consacre exclusivement. Le constat est assez simple, et il est partagé par les entrepreneurs sollicités : il y a 15 ou 20 ans, nous avions énormément de problèmes de financement, et il en demeure un certain nombre, mais une partie de ces problèmes sont résolus, notamment par le truchement de BpiFrance. L'enjeu est aujourd'hui l'accompagnement. Le financement existe, comme je le vois par exemple dans les 140 aides à la transition écologique pour les entreprises. La réalité aujourd'hui est que l'entrepreneur ne manque pas d'aides, mais ne sait pas où les chercher, comment les déclencher, et comment se faire accompagner pour les obtenir.

Il existe également un certain nombre de PME de croissance dont l'État lui-même grève le développement, par des normes, par des problématiques de fiscalité, par des embûches à l'export, par des problèmes de visa. Sans en faire état dans les médias, j'ai mis en place au sein de l'administration des correspondants ETIncelle dans près d'une soixantaine d'administrations, de BpiFrance à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP), du ministère de la Transition écologique au ministère de l'Alimentation, sans oublier bien sûr Bercy, pour que les PME de croissance puissent avoir des correspondants au sein même de l'État afin de les aider à déblayer des normes, des obstacles, qui les empêchent de croître.

Il fallait dans un premier temps mettre en oeuvre ce programme et le construire, et je l'annoncerai dans les prochaines semaines ou prochains mois. Ce programme ETIncelle est consacré à l'accompagnement depuis l'intérieur de l'État à l'endroit de ces PME de croissance. Nous assumons ainsi qu'il existe un problème d'accompagnement, et qu'il est nécessaire de la pallier. D'autres correspondants sont présents dans tous les ministères pour certains sujets, et il est indispensable que nous en ayons pour les PME, pour gérer un certain nombre de problèmes réglementaires ou normatifs. J'ajoute qu'au-delà de mon action, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) pilote en ce moment même France Expérimentation, qui permet la mise en oeuvre beaucoup plus aisée de dérogations à titre temporaire et expérimentale, pour donner lieu à des modifications législatives ultérieures. Je ne voudrais pas oublier les acteurs publics, parmi lesquels les sous-préfets référents à France 2030, les sous-préfets à la relance, qui ont accompagné incroyablement nos entreprises pour aller chercher des financements liés au plan de relance, les conseillers départementaux à la sortie de crise, avec lesquels je suis en contact quasiment quotidiennement pour accompagner par la main des dizaines de milliers d'entreprises, notamment dans le cadre de la crise énergétique que nous avons vécue. Vous parliez des CMA : ils ont appelé, comme je le disais au Parlement mardi, des dizaines de milliers de boulangers, en présence des conseillers départementaux à la sortie de crise, pour apporter à chacun de ces artisans des réponses et des solutions. Donc l'accompagnement mis en place au niveau local se poursuit, à hauteur de TPE et PME, pas au niveau national. Et il ne faudrait pas oublier non plus les commissions aux restructurations et prévention des difficultés des entreprises (CRP), qui interviennent aussi sur des entreprises de taille un peu supérieure, mais qui ont été extrêmement mobilisées durant la crise énergétique.

Je termine en vous rappelant que nous avons récemment annoncé le déploiement d'un service d'accompagnement spécifique pour les PME sur les sujets fiscaux, qui va être déployé dans 36 directions départementales, autour d'un interlocuteur fiscal spécifiquement dédié aux PME. L'objectif est de renforcer l'accompagnement des entreprises dans les territoires, et de mieux accompagner nos PME. Donc la culture de l'accompagnement, au même type que la confiance, ne se décrète pas, elle se pratique. Nous avons encore une fois certainement des progrès à accomplir au niveau national, et je tente modestement d'y contribuer avec le programme ETIncelle, qui est un programme d'efficience plus que de communication. Mais je veux aussi saluer, et vous dire le plus simplement du monde, que sans l'aide des services déconcentrés et de l'ensemble des acteurs économiques que je viens de citer, nous n'aurions pas pu accompagner, et continuer d'accompagner nos TPME dans les difficultés à la fois inflationnistes et énergétiques.

M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Madame la Ministre, concernant l'INPI, nous avons eu l'opportunité d'auditionner à la délégation aux Entreprises Stanislas Niox-Chateau, président-fondateur de Doctolib, qui compte 20 millions de connexions par mois, une remise à jour trois fois par jour, avec tous les bogues réglés rapidement. Cela fait quelques mois que nous parlons des difficultés de l'INPI, et nous devrions nous poser des questions au regard de la réussite de Doctolib et de la puissance publique de l'État.

Je voulais également, madame la Ministre, vous parler des études d'impact. Vous les avez évoquées par des exemples concrets. Trop souvent, il est proposé au Parlement des dispositions qui ont un coût pour les entreprises, certain et direct, sans qu'il soit estimé sérieusement, voire pas du tout. Je prendrai deux exemples concrets récents.

Le premier est celui de l'index senior, dans le projet de la loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, disposition censurée car considérée comme « cavalier social » par le Conseil constitutionnel. Mais si je prends l'étude d'impact de l'article 2, elle était tout simplement muette sur le coût de la mise en oeuvre pour chaque entreprise dans son élaboration. Je cite l'alinéa : « impacts sur les assurés et les redevables, notamment en termes de démarches, de formalités ou de charges administratives, réponse : sans objet ».

L'étude d'impact était également elliptique sur son aspect économique, cantonné à des dimensions macroéconomiques tenant en une seule ligne : « Impacts économiques : la mesure a pour objectif d'améliorer l'insertion et le maintien des seniors dans l'emploi et ainsi diminuer le taux de chômage et augmenter l'activité parmi les travailleurs seniors ». En termes d'étude d'impact, nous pouvons mieux faire.

Pourquoi le guide méthodologique pour calculer l'impact économique et financier de la norme de novembre 2019, élaboré par le Secrétariat général du Gouvernement, n'a-t-il pas été utilisé ? Il comporte pourtant en page huit un tableau de calcul de la durée des tâches correspondant à la construction d'une obligation d'information telle que cet index senior. Ce tableau permet de calculer une durée théorique de la tâche administrative, qui peut être considérée par l'administration comme « facile », « modérée » ou « complexe ». Cette durée théorique est-elle corroborée par une confrontation avec la réalité en interrogeant des entreprises ? La réponse est : jamais. Pourquoi l'administration ne demande-t-elle pas aux entreprises leur vécu en chiffrant le coût réel ?

Mon deuxième exemple, madame la Ministre, est tiré du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, dont le Parlement sera sans doute saisi un jour, et de son article 2 qui met à la charge de l'employeur une obligation de formation à la langue française. Quel sera le coût final de cette obligation pour l'entreprise ? Quel sera le coût de l'impact sur son organisation lorsque le salarié sera en formation, et qu'il faudra le remplacer à son poste de travail ? Là encore, l'étude d'impact est dramatiquement muette, et se contente de considérations générales. Je prends la phrase qui m'a le plus frappé dans cette étude : « les formations linguistiques qui seront proposées par les employeurs dans le cadre du plan de développement des compétences pourront faire l'objet de prise en charge financière prévue, ainsi le coût de la formation pourra être pris en charge par l'entreprise directement ». Fermez le ban.

La conclusion, madame la Ministre, est que l'étude d'impact n'a même plus pour fonction de justifier le recours à la norme, ni même de chiffrer son coût pour l'entreprise. Elle ne sert à rien, car sa pertinence n'est contrôlée par personne. Le problème est structurel, il fait de la France un cas isolé. Je reprends votre expression, madame la Ministre : « quand je me vois, je me désole, quand je me compare, je me console ». Sur le sujet, quand je me vois, je me désole, quand je me compare, je fais des cauchemars.

Nous avons eu l'occasion dans cette mission d'auditionner et de nous déplacer aux Pays-Bas, à la Commission européenne, qui a mis en place une structure d'évaluation des études d'impacts, en Suisse, en Allemagne. Nous étions encore à Londres vendredi dernier. Tous ont mis en place, pour certains depuis dix ans, des évaluations desétudes d'impact, en relation directe avec les entreprises, ayant permis des économies financières significatives. Je pense ainsi aux Pays-Bas, avec 2,5 milliards d'euros d'économies sur les entreprises, à l'Allemagne avec 12 milliards, la Suisse avec 1 à 1,5 milliard d'économies annuelles. Tous, et notamment les pays de la Communauté européenne, appellent à ce que la France mette en place un tel dispositif, alors qu'elle ne le fait pas. Ils considèrent en effet que la France serait d'un poids capital au niveau de la Commission européenne, mais aussi qu'elle attirerait des pays comme l'Italie ou l'Espagne. Partout en Europe, l'étude d'impact est sérieuse, chiffrée, validée par une institution indépendante. Où est le blocage ? Qui s'oppose à ce que les études d'impact chiffrent les coûts réels de la norme pour nos entreprises ?

Mme Olivia Grégoire, ministre. - J'ai un avis assez proche du vôtre monsieur le sénateur, et j'ai conscience qu'il sera difficile de répondre facilement. Il existe deux options. Oscar Wilde disait : « je suis moi-même, les autres sont déjà pris ». Je suis restée trois ans et demi au Parlement, et j'ai en tête en vous écoutant cet amendement, l'un des premiers que j'ai portés sur les actions gratuites pour abaisser la fiscalité. Nous devions être fin 2017, et je me souviens de ce moment de solitude lorsque l'opposition me questionnait sur le coût de la mesure. À l'époque, j'étais député, et nous étions quelques-uns autour d'Amélie de Montchalin, Jean-Noël Barrot et Laurent Saint-Martin. Je m'étais dit qu'il n'était pas possible que j'effectue mon travail de parlementaire dans une telle obscurité, parce qu'il n'est pas normal de ne pas savoir si un amendement coûte 3 millions, 30 millions ou 300 millions. Je n'ai pas changé en 2023, et je ne vais pas prétendre que les problèmes n'existent pas. Cela ne correspond pas à ma nature.

Je pense que les problèmes sont multiples, et vous avez mentionné l'enjeu structurel. Je vais essayer d'ouvrir quelques pistes. Il s'agit déjà d'un problème du côté de l'action gouvernementale, mais je pense aussi que c'est un sujet qui concerne les parlementaires. Avec Jean-Noël Barrot et mes autres collègues parlementaires à la commission des finances à l'Assemblée, nous avions essayé à l'époque d'imposer une autorité, un lieu, un budget, pour pouvoir mieux étayer les propositions. Nous avons mis en place LexImpact, un logiciel qui permet d'évaluer les amendements, et aux députés de travailler un peu mieux l'impact budgétaire de leur proposition. C'était tout à fait nécessaire, mais cela n'est pas suffisant. À défaut de disposer d'études d'impact ou d'éléments étayés en amont, nous avions promu le Printemps de l'évaluation, qui existe toujours, et qui permet aussi d'évaluer des mesures, certes ex-post, mais ayant parfois des coûts budgétaires bien plus importants que ceux qui avaient été envisagés. Je ne peux qu'encourager à maintenir et surtout à continuer à donner du sens au Printemps de l'évaluation. Je pense qu'il s'agit d'un moment important de la relation entre le Parlement et l'Exécutif, et que nous devons rendre compte de notre action. Aujourd'hui, vous l'avez mentionné, un guide méthodologique pour chiffrer l'impact de la norme a été mis en place. Il a le mérite d'exister, mais la réalité est qu'il n'y a pas d'obligation d'utilisation, de référence obligée, et son utilisation dépend des bonnes volontés, donc cela n'est pas satisfaisant.

Pour mesurer le coût d'une contrainte nouvelle, il existe deux méthodes distinctes qui sont utilisées : la méthode des coûts réels, et la méthode des coûts standards. Aujourd'hui, je pense qu'il serait en effet intéressant d'étudier d'autres méthodes qui marchent peut-être mieux dans d'autres pays. Cela m'intéresse d'échanger sur les Pays-Bas dont je ne connais pas la situation. En revanche, nous regardons de près ce qui se fait en Allemagne, avec le Conseil national de contrôle des normes (NKR), qui existe depuis quinze ans. Il assure le caractère compréhensif de la nouvelle réglementation, et identifie les coûts à chaque nouvelle réglementation.

Nous disposons grâce à vous d'une instance consultative, la CCEN, qui est devenue le Conseil national de l'évaluation des normes en 2013, chargé de se prononcer de manière obligatoire sur les textes ayant un impact sur les collectivités territoriales. Nous pourrions élargir le périmètre du Conseil national d'évaluation des normes au-delà du territorial. L'instance allemande a défini une méthodologie très précise, fondée sur les coûts directs dont je vous parlais, et l'investissement en temps que vous mentionniez page huit du guide méthodologique. Si une industrie, par exemple, doit acheter des filtres à particules, ou si un type d'éleveur agricole doit engager des frais pour la santé des animaux, les coûts sont alors estimés, chiffrés et intégrés. A contrario, les coûts de fiscalité, par exemple, ne sont pas estimés, ni l'analyse des bénéfices des entreprises.

En France, la compétence d'estimation des coûts techniques et financiers revient au Conseil national d'évaluation des normes. Si la délégation aux Entreprises, dans le cadre d'une étude approfondie de la méthodologie mise en place par le NKR allemand, formule des suggestions pour améliorer l'étude d'impact pour les entreprises, j'y serai plus qu'attentive.

M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Juste une petite précision, si vous permettez madame la Ministre : le NKR allemand s'est inspiré au départ du système existant aux Pays-Bas.

Mme Olivia Grégoire, ministre. - Le président Babary a pointé un sujet sur lequel je n'ai pas répondu : le « one in, one out ». Comme nous aimons surtransposer, nous avons fait « one in, two out », et je vous propose « one in, many out ». Je trouve cela intéressant, mais je trouve cela également restreint en termes de périmètre. Nous en reparlons quand vous le souhaiterez dans le cadre de vos suggestions. Mais au regard des échanges qui se sont tenus hier sur « one in, many out » avec nos collègues européens, l'idée d'un élargissement au-delà du pouvoir réglementaire pourrait être intéressant.

M. Jean-Pierre Moga, co-rapporteur. - Mes collègues ont abordé pas mal de sujets dont celui notamment des études d'impact. Nous avons effectivement eu l'occasion de nous rendre à l'étranger pour observer d'autres méthodes, et nous constatons en France, après les auditions que nous avons menées, que les fonctionnaires, les représentants des ministères, etc., connaissent très bien le problème. Ils ont lu avec beaucoup d'attention tous les rapports, mais nous attendons toujours les solutions.

Je souhaiterais aborder deux autres sujets. Tout d'abord, en France, nous mettons deux ou trois fois plus de temps pour créer une entreprise. Nous parlions tout à l'heure du rapport avec l'administration. Je crois qu'il faut améliorer les rapports entre les entreprises, les porteurs de projets et l'administration. Je pense que demeure un problème de pédagogie et de rapport de confiance. Lorsque l'administration vient vous voir, vous vous demandez toujours ce qu'elle va trouver, et ce qu'elle est venue chercher. J'ai été maire d'une commune, avec des projets, et il ne faut pas non plus aborder tout avec pessimisme, mais l'administration est souvent mal perçue, et ne fait peut-être pas toujours ce qu'il faut pour être bien perçue. Pensez-vous qu'il serait possible d'améliorer ces rapports ?

Par ailleurs, concernant l'application de certaines normes, le travail s'effectue dans certains pays pendant un temps au cours duquel plusieurs actions sont menées parallèlement. En France, lorsque quelqu'un souhaite par exemple construire une usine avec une installation classée, tant que le problème de l'installation classée n'est pas résolu, il n'est pas possible de déposer le permis de construire. Le délai nécessaire est d'au moins un an, donc l'entrepreneur va perdre un an, alors qu'il serait possible parallèlement de mener d'autres actions. Ne pensez-vous pas qu'un travail est nécessaire au niveau de l'administration pour améliorer la méthodologie, et parvenir à réaliser ce qui est possible dans d'autres pays, c'est-à-dire aboutir à un processus d'un an ou un an et demi, là où aujourd'hui cela prend trois ans ? J'ai conscience qu'un travail est effectué sur ce point, mais je pense qu'il faudrait l'accentuer. Concernant les normes, je pense également qu'il faudrait corriger nos propres défauts, à l'Assemblée nationale comme au Sénat : lorsque sont présentés 2 000 ou 3 000 amendements pour modifier une loi, je ne suis pas sûr que les parlementaires aillent dans le sens de la simplification. Nous devrions peut-être travailler ensemble sur nos règlements pour tenter de consolider certaines choses, et regarder les conséquences. Nous nous trouvons certes quelquefois en procédure accélérée, mais cela mériterait de prendre le temps de regarder l'impact de nos actions.

J'attends donc vos réponses concernant la possibilité de l'amélioration de la culture de l'accompagnement des entreprises, l'amélioration de la pédagogie, et peut-être l'utilité d'expliquer l'intérêt de la normalisation, par exemple les normes ISO, qui sont très contraignantes pour les entreprises mais qui sont mises en place de manière justifiée. Nous pourrions peut-être tenter d'expliquer que certains textes, certaines normes sont rédigées pour des raisons précises, et qu'elles sont mises en place car elles présentent un intérêt.

Mme Olivia Grégoire, ministre. - Je trouve qu'il y a quelque chose qui est assez difficile, pour ne pas dire ingrat, mais qui se vérifie toujours sur l'accompagnement aux entreprise : n'est remonté que ce qui ne va pas. Pourtant, un très grand nombre de TPE et de PME sont accompagnées une à une, par des sous-préfets, par des conseillers départementaux à la sortie de crise, par les CRP, par les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Tous les vendredis, je prends le train ou l'avion : je ne suis pas à Paris. Cela a donc représenté 55 ou 60 déplacements sur l'année qui vient de s'écouler. Je vois ces entreprises et les personnes qui les accompagnent ne sont pas des adresses électroniques. Je peux vous en citer, j'en connais beaucoup sur le territoire.

Mon cabinet est en contact tous les jours avec les services déconcentrés, en lien et en organisation de liens entre l'administration centrale et les services déconcentrés, pour trouver des solutions pour les entreprises au bout de la chaîne. Je ne nie aucunement le sujet de confiance et je vais y revenir, mais beaucoup plus que les trains qui n'arrivent pas à l'heure, ne remonte toujours que ce qui ne va pas. Cela est encore plus vrai pour les TPE, les PME, les entreprises, alors que des dizaines de milliers d'agents réalisent un travail remarquable.

Chaque entreprise en très grande difficulté mentionnée dans la presse quotidienne régionale est contactée par les services déconcentrés. Nous avons mis en place une procédure. J'ai lu mardi un article dans la presse quotidienne régionale à propos d'une boulangère victime de crises d'angoisse en raison de ses rapports avec l'administration : nous avons appelé tout de suite le sous-préfet, le conseiller départemental à la sortie de crise, nous faisons le lien avec la direction départementale des finances publiques (DDFIP), avec la DREETS. Le simple fait de contacter cette dame, d'aller vers elle, a permis de diminuer une partie de l'angoisse. Ce n'est pas à elle de trouver le bon numéro, le bon mail, le bon sous-préfet, car tout cela est très flou pour les gens. Mais le fait de l'appeler a permis d'apaiser la situation.

Je souhaite donc avoir une pensée pour toutes ces personnes qui accompagnent tous les jours dans les préfectures, dans les services déconcentrés, des PME, des TPE, et dont on ne parle jamais. La situation est identique dans la justice : il n'est jamais question des acquittements, des non-lieux ou des solutions trouvées.

Je pense que la situation s'améliore, mais que la solution se trouve à hauteur d'entreprise, et pas au 139, rue de Bercy si nous souhaitons être efficace. Il faut entrer en contact avec le chef d'entreprise en difficulté qui n'a peut-être pas ouvert sa boîte aux lettres, pas payé les cotisations de l'Urssaf ou de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (CIPAV), ou lorsqu'il est en retard sur les négociations obligatoires dans l'entreprise. Lors de ces moments, ce n'est pas à la ministre de l'appeler, car cela ne résoudra pas son problème. L'intervention doit être effectuée à hauteur de territoire, et je pense de plus en plus que l'accompagnement, avec les soutiens financiers qui vont avec, doit être délégué à hauteur de TPE. Les dispositifs nationaux sont en effet beaucoup moins efficients.

Certains sujets n'évoluent pas suffisamment, je vous le concède monsieur le sénateur. Je vous donne l'exemple du site impôts.gouv.fr. Vous y déclarez en tant que particulier ou en tant qu'entreprise vos revenus, et vous y établissez vos comptes fiscaux. J'ai veillé, car il fallait bien trouver une solution, à mettre les aides à l'énergie sur la page d'accueil du site. Mais avez-vous déjà croisé un entrepreneur consultant le site des impôts pour se faire aider ? Il existe un frein psychologique, et pas de réflexe d'y aller chercher de l'information. Cela n'a rien à voir avec la qualité des travaux réalisés par nos agents, il s'agit d'une question de culture, et cela va prendre très longtemps pour qu'un entrepreneur ne craigne plus d'aller sur ces sites. Je suis persuadée que beaucoup d'entrepreneurs n'ont pas demandé cette aide car elle se trouvait sur ce site.

Un entrepreneur n'a pas le réflexe d'appeler l'Urssaf pour se faire aider, et c'est une erreur car l'Urssaf peut aider en étalant ou en décalant les cotisations. Dans ces situations, je trouve la présence d'une ancienne entrepreneure à Bercy positive. La psychologie ne se lit pas dans les études d'impact. Il ne s'agit pas d'une question de personne, mais de réflexe personnel. Un petit entrepreneur n'est jamais tranquille lorsqu'il doit appeler les impôts ou sa banque. Cela n'a rien à voir avec la qualité du banquier ou de l'agent des impôts. Il s'agit d'une question d'état d'esprit, et son évolution prend du temps, beaucoup plus que pour faire évoluer des formulaires. Cela se joue à de tels détails.

Je suis attentive aux réactions du sénateur Devinaz, car cela ne doit pas se transformer en guichet unique, mais nous pourrions également créer un site « aides.gouv.entreprises ». Un certain nombre d'entrepreneurs seraient sans doute plus enclins à le consulter. Cela relève du détail, mais l'importance des détails et de l'exécution fait partie des leçons que j'ai apprises en politique. Tout le monde connaît le site des impôts, mais est-ce une raison suffisante ? J'essaie d'avoir le réflexe de soulever le sujet, quitte à me faire contre-arbitrer.

Par ailleurs, je pense que plusieurs choses fonctionnent. Je souhaitais par exemple revenir sur la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), l'une des premières lois portées lors du précédent mandat, et sur laquelle je ne sais pas si une évaluation a été conduite. Son idée principale instaurait l'État comme un partenaire de confiance pour les entreprises. Très concrètement, avant un contrôle, les entreprises peuvent régulariser spontanément leur situation fiscale en bénéficiant d'une réduction de 50 % du taux d'intérêt de retard pour les entreprises de bonne foi, réduction portée à 30 % si la régularisation est réalisée pendant le contrôle. L'entreprise a également la possibilité de solliciter ex-post des délais de paiement en cas de difficultés de trésorerie pour payer les impositions supplémentaires. Les déclarations correctives spontanées en 2022 ont augmenté de 65 % par rapport à 2019. Et plus de 40 % des contrôles en 2022 se sont conclus par acceptation des contribuables, ce qui représente une hausse de 70 % par rapport à 2019. En termes monétaires, cela représente 1,17 milliard de droits, et 34 millions d'euros d'intérêts de retard.

Voilà typiquement une politique mise en oeuvre en 2018, qui n'est pas très médiatisée, mais qui très concrètement, pour plus d'un milliard de droits et pour 34 millions d'euros d'intérêts de retard, fournit des effets pour plus d'une entreprise sur deux. Nous pouvons donc constater certaines évolutions positives, même si la route est longue, et que ce chemin est en partie psychologique.

Je terminerai avec cette constatation, qui fait appel soit à la beauté, soit à l'ingratitude du geste. En face de milliers d'entreprises, qui ont le droit à l'erreur, ont pu étaler leurs paiements, ont pu bénéficier des aides à l'énergie, ont pu décaler leurs cotisations Urssaf, bénéficient d'une relation de confiance, il suffit d'une entreprise pour que tout ce qui a été fait soit remis en question, par le biais d'un article dans la presse quotidienne régionale évoquant un contrôle tâtillon. J'ai un exemple très concret, avec une entreprise ayant demandé un crédit d'impôt, qui a reçu une réponse positive mais a attendu six mois pour le recevoir, se retrouvant entretemps en défaut de paiements de salaires, avant de s'entendre dire qu'elle n'avait finalement plus le droit au crédit d'impôt. Cette situation peut s'avérer fatale pour un entrepreneur, pour son envie de gérer son entreprise et de continuer. Il est nécessaire d'être très attentif à ces situations. Il suffit parfois d'un industriel dans un bassin d'emploi, mal accompagné, ayant subi trop de contrôles, ou injustement récriminé, pour que l'ensemble du travail réalisé pendant des mois, voire des années par les services déconcentrés, s'écroule. J'ai conscience que nous avons devant nous encore beaucoup de travail.

Concernant la réindustrialisation verte et les questions précises sur les délais, je souhaite partager avec vous une bonne nouvelle. Les procédures de délivrance administrative des autorisations prennent théoriquement environ neuf mois, alors que le délai constaté est de dix-sept mois. Nous allons donc proposer de raccourcir les processus, avec comme objectif des délais réels compris entre six et neuf mois. Nous allons également mettre en place une procédure exceptionnellement simplifiée pour les projets d'intérêt général. Pour ces projets, les différentes procédures peuvent rallonger les délais d'obtention des autorisations de vingt-quatre mois. Si les parlementaires se prononcent positivement, une procédure spéciale sera pilotée par l'État et mise en place pour des projets identifiés par des décrets du Premier Ministre, pour accélérer les installations.

Sachez que vous me retrouverez lors des débats parlementaires consacrés à l'article 11 de ce projet de loi Industrie verte. Il serait dommage de bénéficier d'un texte, d'un véhicule législatif, pour améliorer et accélérer les procédures au bénéfice de l'implantation d'industries vertes, et de ne pas en profiter pour accélérer et simplifier les procédures que vous connaissez sûrement, mais que j'avoue avoir découvertes il y a un an, qui portent le nom de « GOU ». Pour ces Grandes Opérations d'Urbanisme, le maire doit confier, pour des raisons procédurales, le permis de construire aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ce qui crée les problèmes que vous connaissez, et met à mal des pans entiers de rénovation de zones ou de friches commerciales. De manière très opérationnelle, j'émettrai des propositions au sein de cet article 11, pour, au-delà de l'industrie, travailler sur les enjeux d'offre commerciale.

Enfin, je vais évoquer l'empilement des normes. Des contrôles successifs, pour ne pas dire concomitants, entraînent une démoralisation. Certaines entreprises enchaînent les contrôles sur une période de deux ou trois mois. Cela impacte l'activité et le moral de l'entrepreneur. Et cela impacte également les cessations volontaires d'activité qui augmentent, par manque d'envie. L'entrepreneur crée de la valeur, de l'emploi, de la vie, il travaille le week-end, il ne dort plus, et finit par exprimer sa volonté d'arrêter. Je réfléchis et je vais me battre pour essayer de proposer et de mettre en oeuvre l'idée d'un contrôle unique pour les petites entreprises, et par conséquent l'absence de contrôles en sédimentation. Un contrôle fiscal et un contrôle social qui s'enchaînent en moins de six mois sur une TPE de sept salariés peuvent être létaux. L'entreprise doit fournir des réponses aux inspecteurs, ce qui entrave la production, les ventes et le développement. Je travaille donc, avec j'espère votre soutien, pour que ces contrôles qui touchent de très petites entreprises disposant de très peu d'équivalents temps plein soient convergents et uniques. Mon cabinet le mentionnait récemment, et cela rejoint nos échanges de ce matin : si les normes ne sont pas trop nombreuses et pas trop lourdes, il est tout à fait possible de mettre en place un contrôle unique. Mais si les normes sont trop lourdes ou trop complexes, et empêchent ce contrôle unique, alors elles doivent être identifiées. Cela permet également d'évaluer la nécessité et la portée de la norme. Si les normes qui touchent une TPE de quatre ou sept salariés sont trop nombreuses pour un contrôle unique, ce sera un véritable problème. Il s'agit d'un dossier sur lequel je travaille, et sur lequel je ferai des propositions dans les mois qui viennent.

M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Ceci explique cela, madame la Ministre. Vous disiez tout à l'heure que les chefs d'entreprise ne s'adressent jamais aux services des impôts ou à l'Urssaf pour demander de l'aide, car cela se passe mal neuf fois sur dix. Donc parvenir à un contrôle unique serait intéressant.

Mme Olivia Grégoire, ministre. - J'évoque à nouveau les entreprises de toute petite taille de moins de dix salariés, qui représentent la majorité du tissu économique. Il s'agit également d'une question de psychologie. Je pense que la politique au sens noble du terme doit prendre en compte la psychologie. Être confronté à un seul être humain pour répondre aux questions sociales, fiscales, est bien moins anxiogène que de faire face à douze personnes.

M. Gilbert-Luc Devinaz, co-rapporteur. - Je ne souhaite pas relancer le débat. Merci de vos explications et de vos propositions, mais puisque vous parlez de psychologie, je ne suis pas sûr que généraliser les procédures informatiques soit le meilleur moyen de faciliter la psychologie et la compréhension.

Tout à l'heure, mon collègue a fait des comparaisons, et comparaison n'est pas raison. Je souhaite simplement que l'INPI puisse adapter ses besoins en personnel ou en collaborateurs comme a pu le faire Doctolib, qui présente 2 800 salariés.

Mme Olivia Grégoire, ministre. - Je vous entends, mais si vous souhaitez embaucher autant de salariés que Doctolib, les remous risquent d'être importants lors de la discussion du prochain projet de loi de finances.

M. Gilbert-Luc Devinaz, co-rapporteur. - Je répète que comparaison n'est pas raison. Il s'agit d'un souhait, mais je suis aussi réaliste. Cela dit, mon collègue a souvent cité la situation en Europe du Nord. Vous avez parlé d'état d'esprit, et je pense qu'il faut s'interroger sur les divergences entre les actions menées en Europe du Nord, et pas en Europe du Sud. Je reviens à ma première question : il me semble que des rapports ont été rédigés par le passé, et un secrétaire d'État, Thierry Mandon, avait émis des propositions, et il est nécessaire de s'interroger pourquoi existe en France un obstacle empêchant d'établir une autorité indépendante sur ces aspects de normes, et sur ces aspects d'études d'impact. Au moment de la prise de conscience, la seule réaction est qu'il faudrait agir. Il faut être volontaire pour poser les questions et lever les obstacles.

Mme Olivia Grégoire, ministre. - J'entends bien, sénateur Devinaz. L'autorité indépendante existe, et est efficiente pour les collectivités territoriales. La question de son champ peut être regardée. Personnellement, je crois beaucoup au réflexe obligatoire TPE et PME dans tous les textes normatifs. Je crois beaucoup plus à l'obligation que nous pourrions faire nôtre de mettre en place un « test PME » sur les projets ou propositions de lois. Cela dit, il faut maintenant l'écrire, mais je crois beaucoup à une sorte de collège informel, comme je le fais pour aborder des textes normatifs ou réglementaires, au sein duquel j'échange avec des chefs d'entreprise au-delà des organisations professionnelles, avec lesquelles le dialogue existe bien sûr également, ce qui permet d'affiner et d'améliorer la portée de la proposition. Il faudrait systématiser cette procédure, comme nous systématisons de plus en plus la considération de l'impact sur la terre, ou celle de l'impact écologique. Il faut prendre en compte, dans chaque texte de lo,i les spécificités des petites entreprises.

M. Michel Canévet, sénateur. - Je vais formuler une observation et une interrogation. Une observation pour revenir, sans rouvrir le débat sur ce que Gilbert-Luc Devinaz évoquait tout à l'heure, à savoir le guichet unique. Nous avions effectivement prévenu dès l'année dernière qu'il rencontrerait des difficultés, mais le dispositif présente un avantage : il fait disparaître 50 centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratif (CERFA), ce qu'il ne faut jamais oublier. Nous sommes là dans la simplification effectivement concrète.

Mon interrogation porte sur le grand débat actuel concernant la question des chaudières au gaz. Toute une filière performante dans notre pays, composée de PME, d'entreprises artisanales dans le domaine de l'installation du chauffage et de la fabrication de chaudières au gaz, s'interroge. En effet, l'ambition du tout-électrique risque de présenter des conséquences très négatives, car nous ne sommes pas capables de produire toute l'électricité dont nous aurons besoin demain, et nous engageons dès à présent un débat qui risque de fragiliser beaucoup d'entreprises. Ce sont des PME. Lundi, j'en ai visité une de 900 personnes à Morlaix, et une autre rassemblant 200 personnes non loin, dans le Finistère. Les inquiétudes sont grandes, car nous disposons d'une filière performante qui fabrique en France, et l'objectif est de s'orienter vers une filière de production de pompes à chaleur, dont les composants viennent quasi exclusivement d'Asie. Nous allons donc déséquilibrer la balance commerciale française, alors que celle-ci est améliorée par la production nationale. Je souhaitais donc attirer votre attention sur ce point. Nous constatons que des normes sont instituées au nom de belles idées comme la lutte contre le réchauffement climatique, mais la réalité économique doit aussi être prise en compte en fonction du terrain. Il est nécessaire que les ministères économiques soient également saisis du sujet, pour éviter d'augmenter les difficultés. Comment le chauffagiste possédant des compétences pour installer des chaudières va-t-il installer des pompes à chaleur ? Va-t-on pouvoir en produire suffisamment ? Toute une série d'interrogations se posent concernant ces nouvelles normes.

M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Je me permets de préciser que nous encourageons de plus la production de gaz vert, et que nous n'allons pas nous en servir.

Mme Olivia Grégoire, ministre. - Cher Sénateur, je vous ai bien entendu, et en vous écoutant je pensais en effet qu'il s'agit d'un domaine sur lequel les ministères économiques doivent être vigilants. Ces transitions à long terme, qui supposent une évolution des compétences et des entreprises, représentent des sujets complexes. Je vais vous parler de mon cas personnel. Mon beau-père a fait installer une pompe à chaleur aux granulés de bois. J'ai suivi cette installation, et j'ai parlé avec l'artisan qui m'a par ailleurs sermonnée sur les zones à faible émission (ZFE) et sur l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN). Donc je comprends votre questionnement pour lequel je n'ai pas de réponse, mais je le note. J'ai participé à un débat au Sénat pour lequel je n'étais pas du tout qualifiée mais bien accompagnée, et qui m'a permis de m'instruire notamment sur le sujet des garages automobiles, et de la transition à l'aune de l'évolution vers des véhicules électriques. Je ne vais pas vous apprendre que ces évolutions comportent parfois des opportunités pour les entreprises. Je pense ainsi par exemple au rétrofit -pratique consistant à électrifier un véhicule thermique, qui permet de créer une activité complémentaire assez rémunératrice, sur laquelle les garages devraient se positionner aujourd'hui, avec l'accompagnement de l'État. Cette constatation ne permet pas de convertir le garagiste au rétrofit, mais il peut s'agir d'une feuille de route pour l'accompagnement des petits acteurs économiques. Je suis d'accord avec vous : sous couvert de bonnes intentions sincères, et d'objectifs plutôt louables, nous devons rester vigilants sur nos importations et notre balance commerciale. Vous faites bien, sénateur Canévet, de rappeler ce sujet.

M. Serge Babary, président. - Madame la Ministre, merci. Il me revient de conclure, car nous avons des obligations dans l'hémicycle avec l'examen du projet de loi de réforme de la justice. Merci à chacun d'entre vous pour ces échanges très riches, et les réponses qui alimentent nos réflexions. Nous ne manquerons pas de vous remettre le rapport, et de vous le présenter dès qu'il aura été examiné le 15 juin prochain.

Merci aux uns et aux autres, merci beaucoup madame la Ministre pour votre simplicité dans nos échanges. Nous l'apprécions. Nous avons eu l'occasion de parler amplement avec vos collaborateurs, et il sera intéressant de revenir sur beaucoup de sujets déjà évoqués.

Mme Olivia Grégoire, ministre. - Merci à vous président Babary. Je souhaite comme dernier point vous faire part aujourd'hui d'un événement, plutôt que vous ne le découvriez dans la presse : je vais annoncer dans les prochains jours les premiers lauréats du fonds commerce rural. J'en avais parlé la dernière fois. La méthode est assez simple : ce sont les préfectures et les sous-préfets, et non Bercy depuis Paris, qui ont choisi des projets de rénovation ou de réhabilitation de commerces dans la ruralité. Nous avons ensuite validé une première sélection de 80 projets qui vont être financés, et qui vont se déployer dès cet été.

En complément de cette procédure simple, une somme de 5 000 euros pour accompagnera les porteurs de projets ne disposant pas d'ingénierie ni de compétences pour monter un dossier. Des financements sont toujours possibles, comme de nouveaux lauréats, et le dépôt de candidature est aisé. N'hésitez pas à solliciter les acteurs autour de vous et communiquer sur ce dispositif.

Par ailleurs, vous m'entendrez fin juin ou début juillet parler de l'article 11 que je porte dans le cadre du projet de loi « Industrie verte », autour de la rénovation des friches et zones commerciales. J'ai obtenu un budget l'an passé pour monter des projets pilotes, des expérimentations autour de quatre ou cinq rénovations-reconversions de zones commerciales. L'appel à manifestation d'intérêt pour les zones candidates sera lancé fin juin, début juillet. Si vous avez dans vos circonscriptions, dans vos communes ou autour de vous, des zones pouvant faire l'objet de ces expérimentations et de ces projets-pilotes n'hésitez pas : cela constituera une bonne partie de mon actualité estivale.

Pour le reste, je vous le redis : je suis totalement disponible, ainsi que mes équipes, pour traiter, comme je le fais tous les jours, des dossiers de TPE-PME en difficultés dans le cadre de leurs factures d'énergie. Donc n'hésitez jamais. Parfois, il s'avère heureusement qu'il ne s'agit pas du tout d'un problème d'énergie, mais dans le doute, nous sommes à votre disposition. Merci.

Les thèmes associés à ce dossier