N° 707

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur : « Une LPM qui laisse de nombreux enjeux capacitaires
en suspens »,

Par M. Cédric PERRIN et Mme Hélène CONWAY-MOURET,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal, vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury, secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard.

L'ESSENTIEL

Le projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030 prévoit une augmentation conséquente des budgets de la défense. Dans le domaine des équipements, les crédits consacrés aux programmes à effet majeur (PEM) augmenteront de 70 %. Dans l'hypothèse où la dissuasion continuerait à représenter environ 12 % du montant total, ses crédits s'élèveraient à environ 50 Md€, incluant l'effort de modernisation et de renouvellement des deux composantes.

Compte tenu de l'inflation, et du coût accru de technologies de plus en plus complexes, cet effort significatif pour le budget de la nation ne permet toutefois pas de répondre à l'ensemble des enjeux.

Le financement de l'effort militaire paraît confronté à un problème de synchronisation : en reportant des programmes, année après année, le bon séquencement du renouvellement des capacités a été perdu. Il faut donc aujourd'hui enclencher de façon concomitante le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire ainsi que du porte-avions, tout en modernisant et en accroissant les volumes dans le domaine conventionnel. Ce pari est difficilement tenable en l'état actuel des finances publiques, alors que le montant des intérêts de la dette publique dépassera, au cours de la période, le montant du budget de la mission défense.

La LPM prévoit, en conséquence, des aménagements de calendrier, dont certains s'apparentent à des renoncements. Des cibles sur des programmes cruciaux sont reportées à 2035, soit plus d'une décennie. Or qui peut dire comment le contexte stratégique aura évolué d'ici là et si les formats actuels, qui sont, pour l'essentiel, reconduits, seront suffisants ?

Le projet de LPM 2024-2030 programme une augmentation significative du budget de la mission défense. Celui-ci passera de 47 Md€ en 2024 à 69 Md€ en 2030. L'enveloppe totale, sur sept ans, s'élève à 400 Md€ de crédits budgétaires, complétés par 13,3 Md€ de ressources supplémentaires, en partie hypothétiques, pour financer des besoins totaux évalués à 413,3 Md€. Cette enveloppe augmente de 40 % par rapport à celle de la LPM 2019-2025 (295 Md€). Pour le seul agrégat « équipement » (incluant le P146 mais aussi des crédits des trois autres programmes de la mission défense), l'augmentation est de 56 % entre les deux LPM. Cette augmentation des crédits s'accompagne toutefois d'incertitudes importantes.

LPM 24-30 : une augmentation de 40 % des crédits

LPM 19-25

LPM 24-30

 
     

I. UNE ABSENCE DE PRIORISATION DES ENJEUX STRATÉGIQUES QUI CONDUIT LOGIQUEMENT À UNE LPM DE CONTINUATION PLUTÔT QUE DE TRANSFORMATION CAPACITAIRE

A. UNE ANALYSE STRATÉGIQUE QUI MANQUE DE RELIEF

1. Une Revue nationale stratégique dans la continuité de la précédente

Élaborée en vue de la LPM, la Revue nationale stratégique présentée par le Président de la République le 9 novembre 2022 a pour objet de présenter l'environnement de défense et de sécurité de la France et d'identifier les principaux enjeux dans ce domaine à l'horizon 2030. Son principal apport a été d'introduire d'une nouvelle fonction stratégique - l'influence - ce qui est en effet judicieux au regard du contexte de guerre d'influence au niveau mondial. La RNS réaffirme, par ailleurs, le rôle de la France au sein de l'OTAN, ce qui est essentiel.

Néanmoins :

Ø La RNS réaffirme les postulats précédents, sans que la pandémie de covid-19, la guerre en Ukraine ou le recul de la France en Afrique ne semblent constituer des chocs majeurs appelant un tournant dans la politique de défense. Ces événements sont considérés comme validant des constats qui figuraient déjà dans la Revue stratégique de 2017. Pourtant, la guerre qui a démarré en 2022 en Ukraine est considérée par beaucoup d'observateurs comme un tournant comparable à celui de la fin de la guerre froide.

Ø L'analyse se concentre sur les modalités d'action par fonctions stratégiques, et au regard des principes d'autonomie stratégique, de souveraineté européenne, ou encore la nécessité d'être un « allié exemplaire »... Les finalités, c'est-à-dire les menaces à traiter, ne sont qu'au second plan.

2. Trois problématiques principales à prendre en compte

Les auditions réalisées mettent en évidence trois problématiques principales auxquelles la France est confrontée :

Ø Un accroissement de l'instabilité en Afrique, dans un contexte de défiance croissante vis-à-vis de la France. Or la France continue d'avoir de nombreux intérêts sécuritaires et économiques en Afrique où elle doit protéger ses ressortissants, comme l'a illustré, récemment, l'opération Sagittaire au Soudan.

Ø La matérialisation du retour de l'affrontement entre État puissances en Europe depuis l'agression russe en Ukraine. L'armée russe est, certes affaiblie, mais elle conserve la possibilité de remonter rapidement en puissance. Les événements récents font craindre, de nouveau, une possible escalade dans ce conflit dont l'issue continue d'être difficilement prévisible.

Ø Le basculement vers l'Indopacifique, où la France est présente et où elle doit défendre ses intérêts en tenant compte de ce qu'il est convenu d'appeler la « tyrannie des distances » entre l'Hexagone et les outre-mer.

A ces problématiques s'ajoutent des enjeux transversaux tels que la dégradation du climat.

Entre la RNS et la LPM, il manque un cadrage global de nos ambitions opérationnelles, et donc capacitaires, sur la base de différents scénarios d'engagement des armées à l'horizon de la fin de la prochaine décennie.

B. UNE LPM DE CONTINUATION PLUTÔT QUE DE TRANSFORMATION CAPACITAIRE

1. La poursuite du modèle complet...

Les sujets capacitaires ne sont qu'effleurés par la RNS, y compris lorsqu'il s'agit de tirer les enseignements de la possibilité d'un conflit de haute intensité, qui avait pourtant été envisagée par le ministère des armées dès avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.

La LPM 19-25 comportait quelques lignes directrices : l' « Ambition 2030 », ou encore la volonté d'agir « à hauteur d'homme ». En comparaison, le texte aujourd'hui proposé par le gouvernement est plus terne : malgré des budgets en forte hausse, le projet reporte une partie de l' « Ambition 2030 » à 2035, c'est-à-dire à un horizon relativement lointain. La LPM rééchelonne l'effort pour le rendre financièrement soutenable. La précédente LPM a probablement été trop optimiste.

Le modèle complet d'armée est reconduit. Ce modèle est fondamentalement centré :

Ø sur la dissuasion nucléaire : c'est la clef de voûte de notre système de défense. Un effort majeur est donc réalisé, à juste titre, pour en renouveler les deux composantes.

Ø sur des forces « expéditionnaires » : depuis la fin de la guerre froide, nos forces armées sont formatées d'une part, pour protéger le territoire national (postures permanentes, Sentinelle etc.) et, d'autre part, pour pouvoir se projeter rapidement à l'étranger dans des opérations en situation de supériorité aérienne.

Ce modèle est fondé sur un renouvellement qualitatif des équipements, plutôt que sur l'acquisition de masse supplémentaire, et sur la poursuite du développement d'un large spectre de technologies parmi les plus avancées.

Comme le résume un éditorial récent de l'IFRI, à propos de la LPM, « le projet de loi pérennise essentiellement un format hérité de l'après-guerre froide visant à conserver des capacités sur tout le spectre, au prix d'un échantillonnage des moyens conventionnels qui n'est soutenable qu'en temps de paix. »1(*).

2. ... s'accompagne d'une réflexion sur l'économie de défense

Le projet de LPM s'accompagne d'un chantier de modernisation de l'économie de défense, dite démarche d'« économie de guerre ». Ce slogan est en décalage avec la réalité de l'effort sur le plan capacitaire. Mais la démarche recouvre néanmoins un effort bienvenu de simplification et d'accélération des procédures d'acquisition et des processus de production.

Les termes d' « économie de guerre » ne recouvrent pas ici, comme on l'entend habituellement, une réallocation des ressources et une réorganisation des capacités de production pour contribuer à un effort militaire.

Il s'agit plutôt de simplifier les procédures, de raccourcir et d'optimiser les cycles de production, pour pouvoir produire plus, et plus vite, si cela devenait nécessaire. Ce chantier, lancé par le Président de la République en juin 2022 à Eurosatory, permet de faire un bilan de la réactivité de l'appareil productif afin d'anticiper une éventuelle montée en puissance future.

Il s'agit moins d'entrer dans une économie de guerre que de sortir des « routines » du temps de paix, dans lesquelles la question des délais est parfois secondaire.

La concertation entre État et industriels vise à déterminer les gains d'efficience possibles pour chaque acteur dans son périmètre. Deux grands objectifs sont poursuivis :

Ø Du côté de l'État : une réduction de 20 % des exigences documentaires des programmes d'armement est recherchée, ainsi qu'une simplification de l'expression des besoins. Il s'agit de trouver la juste performance nécessaire au regard du coût des programmes en analysant précisément la valeur du besoin.

Ø Du côté des industriels : l'accent doit être mis sur l'optimisation des cycles de production dans l'hypothèse où un engagement majeur imposerait une accélération. Cela passe, pour les grands maîtres d'oeuvre, par une revue approfondie des entreprises de leur supply chain et de leurs sources d'approvisionnement.

Le chantier de l' « économie de guerre »

Approvisionnement

* Élaboration de plans d'action sous-traitant par sous-traitant

* Constitution de stocks de matières premières ou de pièces détachées, notamment celles soumises à un long délai d'approvisionnement

* Relocalisations pour faciliter l'approvisionnement

Normes

* Réflexion à partir du dispositif américain de « priorisation » : capacité, en cas de besoin, de prioriser les commandes défense par rapport aux commandes civiles

Financement

* Encouragement à la constitution/la consolidation de fonds spécialisés dans la souveraineté : encourager la constitution d'ETI de défense

* Travail en cours avec Bercy sur l'épargne des particuliers

Deux points de blocage majeurs, régulièrement pointés par les rapporteurs, affectent la résilience de la base industrielle et technologique de défense.

Pour y remédier, une mobilisation interministérielle est nécessaire et, au-delà, une prise de conscience, par l'ensemble de la société, de la nécessité de soutenir les activités de souveraineté.

Ø D'une part, la question récurrente du financement : malgré la guerre en Ukraine, l'industrie de défense reste confrontée au durcissement des conditions d'accès au financement des banques et fonds d'investissement. Or le soutien des acteurs financiers privés est indispensable pour passer à l'échelle de l' « économie de guerre », ce qui implique une vigilance particulière vis-à-vis des initiatives réglementaires européennes en matière environnemental, social et de gouvernance (ESG) et de taxonomie. Cela passe d'abord par une mobilisation des acteurs financiers, indispensable à la montée en puissance du tissu industriel. La mobilisation de l'épargne des particuliers est souhaitable, non seulement pour lever des financements, mais aussi pour contribuer à faire évoluer l'image de l'industrie de défense dans l'opinion, ce qui est fondamentalement la question majeure à traiter. Le constat est simple : nos démocraties, nos valeurs et nos modes de vie seraient tôt ou tard remis en cause si nous ne disposions pas de moyens souverains pour les défendre.

Ø D'autre part, la question cruciale des compétences : c'est, fondamentalement, la même question sociétale que la précédente. Patrice Caine, PDG de Thalès, indiquait récemment dans une interview qu' « il faudrait deux fois plus d'ingénieurs en France ». Le même constat pourrait être fait, s'agissant des techniciens et ouvriers spécialisés. Bien que les métiers de l'industrie aient beaucoup évolué, leur image subit toujours l'influence de stéréotypes anciens : pénibilité, risques supposés pour la santé, emplois considérés comme mal rémunérés, déclin du secteur au profit des services... A ces stéréotypes vient s'ajouter, pour l'industrie de défense, la défiance précédemment évoquée vis-à-vis du secteur. Cette image ne rend pas justice au dynamisme de cette industrie, profondément transformée par l'innovation, la robotisation, et offrant aujourd'hui des perspectives de rémunération et des carrières attrayantes. Un travail de fond doit être effectué pour promouvoir l'attractivité des métiers de l'industrie de défense, notamment en direction des jeunes et des femmes.

II. UN EFFORT IMPORTANT MAIS AUSSI DES INCERTITUDES ET QUELQUES PARIS POUR L'AVENIR

A. UN EFFORT IMPORTANT CONSTRUIT AUTOUR DU RENOUVELLEMENT DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE

1. Un effort important poursuivant celui de la LPM précédente

Les crédits d'équipement ont connu une accélération significative dans le cadre de la LPM actuelle. Entre 2019 et 2023, les crédits du P146 sont passés de 10,9 Md€ à 15,4 Md€ annuels.

Évolution des crédits du P 146 en Md € courants

La LPM 2024-2030 poursuit cette dynamique, pour continuer les grands projets de renouvellement et de modernisation en cours, qui concernent les trois armées.

Les rapporteurs ne sous-estiment pas l'ampleur de l'effort financier proposé, qui permettra le renouvellement de capacités essentielles, telles que les deux composantes de la dissuasion nucléaire, le porte-avions et l'ensemble des flottes de la marine, les capacités de combat de l'armée de terre (SCORPION) etc. Mais le bon séquencement du renouvellement des capacités n'a-t-il pas été perdu, à force de reports et d'étirements des programmes ? Même en consentant un effort significatif, celui-ci reste insuffisant pour non seulement renouveler l'existant en le modernisant, pour conserver notre avance technologique, mais aussi accroître la masse dans le domaine conventionnel après trois décennies de réduction des formats.

LPM 24-30 : une augmentation de 56 % de l'agrégat Équipement
(P146 et autres programmes)

LPM 19-25

LPM 24-30

 
     
2. La dissuasion nucléaire au coeur de la construction de la LPM

Au coeur de cette LPM se trouve la question du renouvellement des deux composantes des capacités de la dissuasion nucléaire, qui sont l'assurance-vie de la nation.

Les besoins financiers à cette fin ne sont pas précisés dans le texte. la LPM 2019-2025 indiquait pour sa part, dans son rapport annexé, que l'effort au profit de la dissuasion s'élèverait à environ 25 Md€ courants sur la période 2019-2023, au sein d'une enveloppe LPM totale de 197,8 Md€ (soit 12,6 %), « afin d'engager le renouvellement des deux composantes tout en garantissant la tenue de la posture permanente de dissuasion ».

En 2023, la dissuasion représente 5,6 Md€, soit 12,8 % du montant de la mission défense (hors pensions). Sur ce montant, les crédits inscrits au P146 représentent 4,65 Md€.

Les crédits de la dissuasion en 2023

Si le rapport annexé au projet de LPM ne précise pas l'enveloppe financière de la dissuasion, il est néanmoins établi que « le pourcentage du budget de la future LPM consacré à la dissuasion devrait probablement rester aux alentours de 12 %.»2(*), ce qui représenterait donc près de 50 Md€ sur la période 2024-2030 soit, en moyenne, 7 Md€/an environ.

Il s'agit, concrètement :

Ø Pour la composante océanique (force océanique stratégique), de préparer la prochaine génération de sous-marins (SNLE 3G à horizon 2035) et de poursuivre les évolutions du missile M51 ;

Ø Pour la composante aéroportée (force aérienne stratégique, force aéronavale nucléaire), qui nécessite de poursuivre l'évolution du Rafale (standard F5) et les travaux sur le Scaf, de mettre en place les missiles ASMP-A rénovés et de préparer la génération suivante de missiles hypervéloces (ASN4G).

Ø De poursuivre aussi la modernisation des transmissions nucléaires, autre volet capital (qui passe par exemple par un travail sur la cryptographie quantique).

La dissuasion est vitale mais son existence ne doit pas conduire à sous-estimer l'importance de la question de la masse dans le domaine conventionnel. Les rapporteurs soulignent la complémentarité des deux approches : les forces conventionnelles épaulent les forces nucléaires dans leur fonction stratégique. Elles permettent de ne pas être confronté trop rapidement au choix du nucléaire, face à une menace de faible ampleur (c'est-à-dire à un « contournement par le bas » de la dissuasion). Les volumes limités de forces induisent, par ailleurs des effets de mutualisation, des capacités telles que le porte-avions et son groupe aéronaval, le Rafale ou encore le MRTT étant par nature polyvalentes. Mais la dissuasion est prioritaire - c'est l'une des conditions de sa crédibilité - ce qui peut gêner la mise en oeuvre des autres fonctions si les moyens sont globalement insuffisants. C'est l'une des questions posées par la réduction à 137 du nombre de Rafale de l'armée de l'air en 2030 (au lieu de 185), alors qu'un certain nombre d'entre eux doivent être consacrés à la tenue, à tout instant, de la posture permanente de dissuasion nucléaire.

Répartition des crédits de l'agrégat équipement
(P146 uniquement) en 2023 (Md€)

 

PEM : programmes à effet majeur (56 %)

DIS : Dissuasion (30%)

AOA : autres opérations d'armement (9 %)

INFRA : infrastructures de défense (4%)

EPA : environnement des programmes d'armement (1%)

Total équipement (P146) 15,4 Mds€

B. UNE QUESTION EN SUSPENS : CELLE DE LA MASSE DANS LE DOMAINE CONVENTIONNEL

1. Masse et technologie : un équilibre à trouver sous contrainte financière

La question de la masse se pose dans les mêmes termes pour toutes les armées technologiquement avancées : elle se heurte à l'augmentation continue du coût des programmes induite par le progrès des technologies.

Ø D'après une étude de l'IFRI3(*), la progression moyenne du coût des programmes est estimée entre 3 et 5 % au-dessus de l'inflation. La « seizième loi » de Norman Augustine, ancien PDG de Lockheed-Martin, prévoit le quadruplement des coûts des programmes d'armements tous les 15 ans, ce qui implique une contraction inexorable des formats. D'après cette « loi », « si les méthodes du Pentagone et l'évolution des coûts ne changent pas, le budget du Pentagone autour de 2050 servira à acheter un seul avion tactique ».

Ø La question se pose aussi du bon équilibre entre les choix capacitaires fondés sur une analyse de la menacethreat based ») et ceux fondés sur l'examen des capacités existantescapacities based ») dans un contexte de ressources limitées. Les deux perspectives sont complémentaires mais elles doivent intégrer aussi la contrainte financière. Celle-ci peut venir déséquilibrer les choix, conduisant à privilégier la modernisation de l'existant au détriment de l'acquisition de capacités nouvelles destinées à répondre aux menaces émergentes. Ce risque est d'autant plus grand que l'analyse stratégique n'a pas énoncé de priorités bien définies qui viendraient guider les choix capacitaires.

2. De nombreuses incertitudes

Le projet de LPM comporte des « patchs » d'efforts prioritaires : munitions (16 Md€), souveraineté outre-mer (13 Md€), innovation (10 Md€), espace (6 Md€), drones et robots (5 Md€), défense surface-air (5 Md€), renseignement (5 Md€), cyber (4 Md€), forces spéciales (2 Md€).

Il s'agit de regroupements parfois contestables de crédits très divers, susceptibles de porter sur de très gros objets masquant la place réelle des plus petits objets : par exemple, s'agissant des « drones et robots », quelle est la place de l'Eurodrone ? Et celle du système de drones tactiques (Patroller) ? Quel sera, dès lors, l'effort réel dans le domaine des munitions télé-opérées, des véhicules sous-marins autonomes ou encore des robots terrestres, et dans quels délais ? Sera-t-il possible d'aller, à un horizon pas trop lointain, au-delà de capacités échantillonnaires dans tous ces domaines ?

On note que les munitions téléopérées, dont le coût sera probablement marginal à l'échelle du budget total, sont comptées deux fois dans les « patchs » : d'une part, au titre des « drones et robots » et, d'autre part, au titre des « munitions ». Cette méthode des « patchs » créé un effet d'optique favorable. Mais les volumes ne sont pas précisés. Un « socle » de 1800 MTO a été évoqué l'an dernier. Il ne figure pas dans la LPM. Les programmes Colibri et Larinae, qui avaient pourtant bien démarré, risquent déjà de prendre du retard. « Ils ne comprennent pas la phase d'acquisition, donc le passage à l'échelle, des différents matériels », a indiqué le Délégué général de l'armement à la commission4(*).

Les MTO françaises

En 2022, la Direction générale de l'armement (DGA) et l'Agence de l'innovation de défense (AID) ont lancé deux appels à projets pour développer des munitions téléopérées (MTO) françaises, selon une méthode innovante laissant aux industriels un degré accru de liberté quant aux moyens proposés pour réaliser les objectifs qui sont les suivants :

- Larinae porte sur la recherche d'un système bas coût de neutralisation et à « longue élongation », soit au-delà de 50 km à partir de son point de mise en oeuvre ;

- Colibri porte sur la recherche d'un système bas coût de neutralisation de cibles, dans la zone de contact, soit au-delà de 5 km à partir de son point de mise en oeuvre.

Les marchés ont été attribués à des consortiums formés autour des industriels Nexter, MBDA, Delair et EOS Technologie.

S'agissant des petits drones en général, étant donné le rythme de l'innovation, les rapporteurs estiment qu'il faut mettre en place des procédures contractuelles permettant d'être beaucoup plus réactif, par exemple en présélectionnant, ou en labellisant, un certains nombres d'appareils qui pourraient ensuite être acquis rapidement sur catalogue en fonction des besoins.

Dans le domaine de la défense surface-air, la lutte anti-drones (LAD) est également l'objet d'incertitudes. Des démonstrateurs ont été engagés pour tester les différents modes d'action envisageables. Le projet de LPM prévoit l'équipement de 12 véhicules Serval avec des systèmes de LAD en 2030 - horizon lointain - ainsi que 9 systèmes Parade supplémentaires (cible à 15) et 17 systèmes de LAD navale (cible à 20). La proximité des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) a imposé une accélération dans ce domaine. À ce sujet, le délégué général pour l'armement a indiqué à la commission : « Parade est le système principal du ministère des armées pour détecter et neutraliser les drones. Le système a été développé en douze mois et il est en phase d'opération et de vérification. Nous avons un retard de trois mois lié à des difficultés d'approvisionnement et de qualification industrielle de sous-systèmes, mais je suis confiant dans la tenue du calendrier ».

La guerre en Ukraine illustre l'importance des feux dans la profondeur dans une guerre de haute intensité. La LPM programme, à ce titre, l'acquisition de 13 lanceurs pour assurer le remplacement des LRU (lance-roquettes unitaire) d'ici à 2030 (et 26 à l'horizon 2035). Les rapporteurs sont favorables à une solution souveraine, qui puisse être développée rapidement étant donné l'insuffisance du parc actuel (11 unités). Dans ce cadre, une réflexion sur un éventuel allongement de portée, c'est-à-dire la capacité à lancer plusieurs types de munitions, serait bienvenue.

Une attention particulière devra être portée au bon déroulement des programmes d'infrastructures du P146. Cet aspect, peu développé par le projet de LPM, est pourtant nécessaire à la cohérence d'ensemble.

Enfin, si le projet de LPM prévoit une augmentation significative de l'enveloppe des programmes à effet majeurs (PEM), de 59 milliards d'euros dans l'actuelle programmation, à 100 milliards d'euros (+70 %), les autres opérations d'armement (AOA) n'augmenteront que beaucoup plus modestement, de l'ordre de 18 % (passant de 11 milliards d'euros à 13 milliards d'euros). Les AOA sont moins visibles que les PEM, mais elles sont essentielles à la cohérence des forces dans l'exercice de leurs missions. Elles constitueront un point d'attention sur la durée de la prochaine programmation.

3. Des paris pour l'avenir

Le tableau capacitaire proposé dans la LPM 2024-2030 fait apparaître un recul - et même la disparition de la notion d'« Ambition 2030 », qui n'est plus désignée ainsi. Plusieurs programmes voient leurs cibles reportées à 2035, ce qui est un pari pour l'avenir, dans la mesure où il est très difficile d'anticiper l'évolution du contexte stratégique à cet horizon.

Ø C'est le cas, notablement, pour le programme Scorpion : la cible Griffon baisse de 30 %, de même que les cibles Jaguar et Serval. L'Assemblée nationale a toutefois revu plusieurs cibles à la hausse : la baisse n'est plus que de 21 % pour le Griffon et le Jaguar ; elle est inchangée pour le Serval. Des incertitudes sur les délais de livraison du véhicule Jaguar ont été exprimées par le ministre des armées. Or ces livraisons viennent compenser le don de véhicules AMX10-RC à l'Ukraine. Quant à la cible des chars Leclerc rénovés, elle passe de 200 à 160, ce qui est peu si l'on considère que la Russie a déjà perdu environ 2000 chars dans la guerre en Ukraine. Quelles sont les hypothèses d'emploi des 200 chars français qui vont constituer une capacité marginale en Europe en l'absence de « club Leclerc » ? Par ailleurs, la LPM n'évoque pas la transition entre le char Leclerc et le programme franco-allemand de système principal de combat terrestre (MGCS), qui peine lui-aussi à démarrer.

Ø Le programme Rafale est aussi en recul (de 185 à 137 Rafale « air » en 2030) : Or il est établi5(*) que 225 appareils au moins seraient probablement nécessaires pour la seule armée de l'air, pour pouvoir assurer sereinement ses multiples missions : dissuasion, protection de l'espace aérien national, projection de forces. 24 appareils sont prélevés au bénéfice de la Grèce et de la Croatie, conduisant à un plancher alors que les livraisons reprennent tout juste depuis la fin 2022.

Ø Dans le domaine aérien, le recul de la cible des A400M (de 50 à 35) implique un pari à l'export. Celui-ci devient en effet plus que jamais indispensable à la viabilité économique et industrielle du programme et à la préparation des futures capacités européennes de transport tactique (FMTC). Le projet de LPM table sur 11 livraisons à l'étranger d'A400M.

Ø La marine n'est pas épargnée :

o La LPM n'assure pas le remplacement des Rafale marine. Le parc est maintenu à 41. Or, pour aligner 24 Rafale marine sur le porte-avions, tout en répondant aux exigences de formation et d'entraînement, un renouvellement partiel n'aurait pas été superflu. Le vieillissement du parc pourrait avoir un impact sur le format de la capacité dans la mesure où une partie des appareils seront immobilisés pour des rétrofits.

o Si la cible de 15 frégates de premier rang est inchangée, deux frégates de défense et d'intervention (FDI) sont décalées, dans l'espoir d'un export. C'est là aussi un pari et un risque sur le financement de la LPM. Si l'export espéré n'a pas lieu, les frégates devront en effet être rachetées sur l'enveloppe de la programmation.

o Le programme de système de lutte antimines futur (SLAM-F) sert lui aussi de variable d'ajustement. Les capacités destinées à remplacer les chasseurs de mine d'ancienne génération à l'horizon 2030 sont reportées à 2035. Entre temps, la technologie continue d'évoluer. Or il convient de rappeler que c'est une capacité qui accompagne la dissuasion, et que les cibles ne sont pas excessives puisque la LPM prévoit 6 bâtiments de guerre des mines en 2035 : c'est autant que la Belgique et les Pays-Bas, pour un espace maritime beaucoup plus vaste... et nous n'en aurons que 3 en 2030.

Ø Certains programmes ne figurent pas dans la LPM :

o Le véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE), qui doit succéder au véhicule blindé léger (VBL), ou encore l'engin du génie de combat (EGC). Ces programmes se poursuivent, mais sans cibles inscrites en LPM, il sera difficile d'en contrôler le bon déroulement.

o Le remplacement des poids lourds de l'armée de terre n'est pas non plus évoqué. La précédente LPM mentionnait pourtant un successeur pour les véhicules 4-6 tonnes. La question de la logistique est fondamentale, comme le montre le « retex » de la guerre en Ukraine. C'est aussi une question de cohérence.

o Le passage à un nouveau standard de l'hélicoptère de combat Tigre (mk3), en coopération avec l'Espagne, est passé sous silence : il est fait état de 67 hélicoptères, mais combien seront rénovés ? Quelles seront les caractéristiques du nouveau standard, dit « mk2+ », car il a semble-t-il été revu à la baisse par rapport au « mk3 » ? Quelles sont les conséquences de cette révision du standard sur le programme de missile haut de trame (MHT : 8 km), supposé équiper le Tigre mk3 ? Quel est l'état de la réflexion sur l'avenir de l'hélicoptère de combat, très avancée aux États-Unis ?

Évolution de la « masse » dans les armées françaises6(*)

* Après une diminution importante de la masse, post-guerre froide, les grands formats se stabilisent. Le projet de LPM programme, pour 2035 : 200 chars de combat, 225 avions de combat, 15 frégates de premier rang (+3 porte-hélicoptères amphibie et un porte-avions).

En conclusion, malgré les montants financiers importants programmés, le projet de LPM laisse de nombreuses questions importantes en suspens. « Le retour d'expérience de la guerre en Ukraine n'est qu'un élément de la réflexion parmi d'autres », avons-nous entendu à de multiples reprises au cours de nos auditions : certes, mais cet argument ne doit pas servir à minimiser les enjeux stratégiques et capacitaires, alors que le continent européen connaît un tournant géopolitique.

Alors que la France renouvelle et modernise ses capacités, sans modifier fondamentalement ses formats, certains de nos partenaires européens ont engagé un effort de réarmement conventionnel beaucoup plus conséquent, avec l'aide de fournisseurs américains ou de pays particulièrement réactifs et compétitifs tels que la Corée du sud. Le risque est d'aboutir, dans ce contexte, à une certaine marginalisation de la France sur les plans diplomatique et économique. Sur un an, la France se place au huitième rang des pays donateurs d'aide militaire à l'Ukraine, après les Pays-Bas, le Canada et l'Italie7(*). Qu'il s'agisse du canon CAESAR, du LRU, ou des systèmes de défense sol-air, on voit bien que notre aide à l'Ukraine trouve vite ses limites dans la faiblesse de nos propres stocks. Les délais de recomplètement sont, en outre, allongés pour des raisons tant juridiques (délais procéduraux) que financières (contraintes budgétaires).

Par ailleurs, la Méditerranée et l'Indopacifique, dont la France est riveraine, sont des sources de tensions croissantes. Ces régions pourraient revenir rapidement au-devant de la scène internationale, sans que la situation en Ukraine et à l'est de l'Europe ne soit pour autant stabilisée.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 juin 2023, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport d'information du groupe de travail sur le programme 146 « Équipement des forces », dans la perspective de la loi de programmation militaire (M. Cédric Perrin et Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteurs).

M. Christian Cambon, président. - Trois rapports d'information sont présentés ce matin dans la perspective de la loi de programmation militaire. Nous commençons par celui sur le programme 146 « équipement des forces ». La parole est aux rapporteurs, Cédric Perrin et Hélène Conway-Mouret.

M. Cédric Perrin, rapporteur. - Le projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030 prévoit une augmentation conséquente des budgets de la défense. L'agrégat consacré aux équipements augmentera de 56 %. Les crédits consacrés aux programmes à effet majeur (PEM) représenteront au total 100 milliards d'euros, soit une augmentation de 70 % par rapport à la LPM actuelle.

Compte tenu de l'inflation, et du coût accru des technologies, cet effort ne permet toutefois pas de répondre à l'ensemble des enjeux.

Le financement de l'effort militaire paraît confronté à un problème de synchronisation : en reportant des programmes, année après année, le bon séquencement a été perdu. Il faut donc aujourd'hui enclencher en même temps le renouvellement de la dissuasion nucléaire et du porte-avions, tout en modernisant et en accroissant les volumes dans le domaine conventionnel. Ce pari est difficilement tenable en l'état actuel des finances publiques, alors que le montant des intérêts de la dette publique dépassera, au cours de la période qui vient, le montant du budget de la mission défense.

Hélène Conway-Mouret va d'abord vous présenter le cadrage de cette LPM. Puis je reviendrai sur les incertitudes et les paris proposés dans ce texte qui laisse de nombreux enjeux capacitaires en suspens.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Cette LPM présente le défaut majeur de donner l'impression d'avoir été élaborée dans l'urgence, sans priorisation des enjeux stratégiques.

Pourquoi une telle précipitation, alors que la LPM actuelle courait encore jusqu'en 2025 ? Pourquoi se lancer dans cet exercice complexe et structurant pour les décennies à avenir, sans tirer tous les enseignements de la guerre en Ukraine, ou de la fin de l'opération Barkhane, et de la restructuration en cours des bases françaises en Afrique et des nouvelles missions qui leur seront assignées, et donc de l'incidence sur les besoins capacitaires tout autant qu'en ressources humaines ? C'est ce que ce texte ne fait pas.

Il n'est, en outre, plus question d' « Ambition 2030 », ni de vision « à hauteur d'homme et de femme » : l'élan de la LPM 2019-2025 semble s'être perdu.

Le projet modifie des curseurs entre programmes, sans socle conceptuel bien défini. Budgétairement, pour ce qui est des deux prochaines années, cette programmation ne fait pas mieux que la loi actuellement en vigueur. Elle fait même moins bien, si l'on considère l'impact de l'inflation.

Nous sommes donc perplexes tant sur la méthode que sur le calendrier du gouvernement.

Nos partenaires européens ont, eux aussi, du mal à saisir notre vision et nos objectifs. Cette LPM engage notre crédibilité diplomatique, alors que la France promeut une défense européenne et qu'elle porte toujours la notion d'autonomie stratégique et de souveraineté européenne qui commence à être adoptée par nos partenaires.

Le projet que nous propose le gouvernement est assez paradoxal.

Il prolonge la LPM précédente et confirme notre modèle d'armée, sans inflexion majeure, à un moment où le continent européen connaît pourtant un tournant stratégique tel qu'il n'en a pas connu depuis la fin de la guerre froide. Le retour d'expérience de la guerre en Ukraine n'est pas complètement ignoré, mais il est marginal dans le texte. Il est par ailleurs notable que le mot « terrorisme » ne figure qu'une seule fois dans le rapport annexé, alors que ce phénomène demeure la menace majeure à laquelle la France est confrontée. Ces constats révèlent un manque de profondeur et de perspective.

En plus des auditions de la commission, nous avons réalisé, avec Cédric Perrin, une dizaine d'auditions et un déplacement. Nous avons questionné les industriels et les chercheurs. Il est apparu, à chaque fois, que la méthode d'élaboration de la nouvelle programmation capacitaire était source d'interrogations.

Les capacités se déduisent, normalement, d'une analyse approfondie de la menace. La définition d'objectifs capacitaires pour la prochaine décennie nécessite donc au préalable une solide analyse des enjeux. En découlent d'abord des scénarios d'engagement, puis des besoins opérationnels et enfin, une ambition capacitaire.

Je ne doute pas que ce travail ait été réalisé par les états-majors. Mais il est passé sous silence, tant dans la Revue nationale stratégique (RNS) que dans le rapport annexé à la LPM.

La RNS s'est concentrée sur les modalités d'action par fonctions stratégiques. Elle développe en particulier les principes d'autonomie stratégique, de souveraineté européenne ainsi que la nécessité d'être un allié exemplaire au sein de l'OTAN. Mais les finalités recherchées, c'est-à-dire les menaces à traiter, sont au second plan.

Toutes nos auditions montrent que la France est confrontée à trois problématiques principales :

- l'accroissement de l'instabilité en Afrique ;

- le retour de l'affrontement entre États puissances en Europe ;

- et le basculement géopolitique vers l'Indopacifique.

Pour analyser les conséquences de ce constat en termes capacitaires, il nous manque un cadrage global de type « Livre blanc », définissant précisément les contrats opérationnels des armées en fonction de différents scénarios et les besoins capacitaires qui en découlent.

Dans ce contexte, la LPM qui nous est proposée est une LPM de continuation plutôt que de transformation. Elle renouvelle un modèle complet d'armée, fondamentalement centré sur la dissuasion nucléaire et sur la fonction expéditionnaire. Depuis la fin de la guerre froide, en effet, nos forces armées sont formatées d'une part, pour protéger le territoire national et, d'autre part, pour être capable de se projeter rapidement à l'étranger dans des opérations en situation de supériorité aérienne.

Les équipements sont renouvelés sur un plan qualitatif. L'effort financier est réel. Il permettra le renouvellement de capacités essentielles dont les deux composantes de la dissuasion, l'ensemble des flottes de la marine, ou encore les capacités de combat de l'armée de terre. Mais la contrainte financière ne permet pas d'aller plus loin en traitant le problème de la masse.

Le projet de LPM s'accompagne d'un chantier de modernisation de l'économie de défense. Le slogan d' « économie de guerre » est en décalage avec la réalité de l'effort capacitaire. La démarche recouvre néanmoins un effort bienvenu de simplification et d'accélération des procédures d'acquisition et des processus de production.

Mais il s'agit en réalité moins d'entrer dans une économie de guerre que de sortir des routines du temps de paix, dans lesquelles les questions de délais sont parfois secondaires.

Deux points de blocage majeurs restent à traiter :

- Il s'agit, d'une part, de la question récurrente du financement de l'industrie de défense, dont nous avons souvent parlé ici en commission ;

- Il s'agit, d'autre part, de la problématique cruciale des compétences.

Ces deux volets nécessitent une mobilisation interministérielle et, au-delà, une prise de conscience sociétale. C'est le moins que l'on puisse faire pour justifier l'expression désormais communément admise d' « économie de guerre ».

Mon dernier point porte sur le renouvellement de la dissuasion nucléaire, qui constitue probablement le volet le plus solide de cette LPM. L'information du Parlement reste limitée sur ce sujet pourtant capital, qui constitue l'assurance-vie de la nation.

Dans la LPM précédente, l'effort au profit de la dissuasion était évalué à environ 25 milliards d'euros sur la période 2019-2023 soit 12,6 % du budget de la mission défense. Le projet de LPM 2024-2030 n'apporte aucune précision de cet ordre. Il semble néanmoins établi que la future LPM consacrera, elle aussi, 12 % à 13 % de son enveloppe à la dissuasion, soit près de 50 milliards d'euros, ce qui représenterait 7 milliards d'euros par an environ.

Il s'agit, concrètement :

- Pour la composante océanique, de préparer la prochaine génération de sous-marins SNLE 3G, à horizon 2035, et de poursuivre les évolutions du missile M51 ;

- Pour la composante aéroportée, de mettre en place les missiles ASMP-A rénovés et de préparer la génération suivante de missiles hypervéloces ASN4G.

- Enfin, la modernisation des transmissions nucléaires est le dernier volet de cette modernisation. Elle passe, par exemple, par un travail sur la cryptographie quantique.

M. Cédric Perrin, rapporteur. - Toutes les armées technologiquement avancées sont confrontées au dilemme entre la technologie et la masse, du fait de l'augmentation du coût des programmes. D'après une étude de l'IFRI, la progression moyenne de ce coût est estimée entre 3 et 5 % au-dessus de l'inflation. Un ancien industriel américain résumait ainsi la situation : « si les méthodes du Pentagone et l'évolution des coûts ne changent pas, le budget du Pentagone autour de 2050 servira à acheter un seul avion tactique ».

Par ailleurs, un budget sous contrainte conduit à un biais en faveur de la modernisation de l'existant, au détriment de l'acquisition de capacités nouvelles destinées à prendre en compte les menaces émergentes.

Or, si la modernisation, en particulier de la dissuasion nucléaire, est évidemment vitale, elle ne doit pas conduire à sous-estimer l'importance de la masse dans le domaine conventionnel. Les deux approches sont évidemment complémentaires, et nous l'avons mesuré dans un certain nombre de nos auditions.

Dans ce contexte, le projet de LPM comporte des incertitudes et quelques paris.

Des incertitudes, tout d'abord.

Les « patchs » d'efforts prioritaires sont des regroupements parfois contestables de crédits. De très gros objets masquent la place réelle des plus petits : par exemple, s'agissant des « drones et robots », quelle est la place de l'Eurodrone, dont le coût en phase de réalisation est estimé à 3 milliards d'euros ? Que restera-t-il réellement pour les munitions télé-opérées, les véhicules sous-marins autonomes ou encore les robots terrestres, et dans quels délais ? Je rappelle que la masse budgétaire consacrée aux drones dans cette LPM est de 5 milliards d'euros, mais nous ne savons absolument pas comment elle est ventilée.

Les effets d'optique sont importants : ainsi, les munitions téléopérées (MTO) dont le coût sera probablement marginal à l'échelle du budget, sont comptées deux fois : d'une part, au titre des « drones et robots » et, d'autre part, au titre des « munitions ». Cela donne l'impression que les MTO sont très présentes, mais en fait, chacun de ces patchs comporte des objets beaucoup plus significatifs.

Un socle de 1800 MTO avait été évoqué l'an dernier. Il ne figure pas dans la LPM. Les programmes Colibri et Larinae, qui avaient pourtant bien démarré, sont déjà en train de prendre du retard, pour ce qui est du passage à l'échelle. Or l'objectif initial était de mener rapidement ces appels d'offre.

S'agissant des petits drones de surveillance, il faudrait pouvoir labelliser un certains nombres d'appareils offrant les garanties nécessaires. Ceux-ci pourraient alors être acquis rapidement sur catalogue en fonction des besoins. Dans le domaine de la défense surface-air, la lutte anti-drones (LAD) est également l'objet de grandes incertitudes. La LPM prévoit l'équipement de 12 véhicules Serval avec des systèmes de LAD en 2030. C'est un horizon lointain. 15 systèmes Parade et 20 systèmes de LAD navale sont programmée. Mais il y a urgence compte tenu de la proximité de grands événements.

La guerre en Ukraine illustre l'importance des feux dans la profondeur. La LPM programme, à ce titre, l'acquisition de 13 lanceurs pour assurer le remplacement des LRU d'ici à 2030 (et 26 peut-être à l'horizon 2035). Nous sommes évidemment favorables à une solution souveraine, qui puisse être développée rapidement étant donné l'insuffisance du parc actuel. Je rappelle qu'il y avait 13 unités au départ. Un certain nombre a été donné à l'Ukraine. La LPM est très floue sur les spécifications et le calendrier d'acquisition de cette capacité.

Notre rapport signale d'autres points d'attention tels que les infrastructures, ou encore les autres opérations d'armement (AOA), nécessaires à la cohérence d'ensemble.

Outre les incertitudes, la LPM comporte aussi quelques paris.

Plusieurs programmes voient leurs cibles reportées à 2035. Mais qui saurait anticiper l'évolution du contexte stratégique à cet horizon ?

C'est le cas, notablement, pour le programme Scorpion même si l'Assemblée nationale a revu plusieurs cibles à la hausse : la baisse est désormais de 21 % pour le Griffon et le Jaguar ; elle est inchangée (30 %) pour le Serval. Le calendrier des livraisons du Jaguar, en compensation du don de véhicules AMX10-RC à l'Ukraine, est incertain. Quant à la cible des chars Leclerc rénovés, elle passe de 200 à 160. Je rappelle que la Russie a déjà perdu environ 2000 chars dans la guerre en Ukraine. Quelles sont les hypothèses d'emploi des 200 chars français, qui vont constituer une capacité marginale en Europe en l'absence de « club Leclerc » ? Par ailleurs, la LPM n'évoque pas la transition entre le char Leclerc et le programme franco-allemand MGCS, qui peine lui-aussi à démarrer.

Le programme Rafale est lui aussi en recul, à 137. Or 225 appareils seraient probablement nécessaires pour permettre à l'armée de l'air d'assurer sereinement ses multiples missions.

Dans le domaine aérien également, le recul de la cible des A400M (de 50 à 35) implique un pari à l'export puisque cette cible suppose 11 livraisons à l'étranger.

La marine n'est pas épargnée : La LPM n'assure pas le remplacement des Rafale marine alors qu'une partie des appareils seront immobilisés pour des rétrofits.

Si la cible de 15 frégates de premier rang est inchangée, deux frégates de défense et d'intervention (FDI) sont décalées, également dans l'espoir d'un export. C'est un risque sur le financement de la LPM. Si l'export espéré n'a pas lieu, les frégates devront être rachetées sur l'enveloppe de la programmation.

Je mentionnerai aussi quelques programmes oubliés par LPM : c'est le cas du véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE), qui doit succéder au véhicule blindé léger (VBL), ou encore de l'engin du génie de combat (EGC). Le remplacement des poids lourds de l'armée de terre n'est pas non plus évoqué alors que la question de la logistique est fondamentale. C'est aussi une question de cohérence.

En conclusion, nous avons souvent entendu, lors de nos auditions, que « le retour d'expérience de la guerre en Ukraine n'est qu'un élément de la réflexion parmi d'autres ». C'est une évidence. Nous l'avons souligné dans le rapport que nous avons présenté avec Jean-Marc Todeschini il y a quelques mois. Mais cet argument ne doit pas servir à minimiser les enjeux stratégiques et capacitaires du contexte géopolitique actuel. Alors que la France renouvelle et modernise ses capacités, sans modifier fondamentalement ses formats, certains de nos partenaires européens ont engagé un effort de réarmement conventionnel beaucoup plus conséquent, avec l'aide de fournisseurs américains ou de pays particulièrement réactifs et compétitifs tels que la Corée du sud. Le risque est d'aboutir, dans ce contexte, à une certaine marginalisation diplomatique et économique de notre pays. Sur un an, la France se place au huitième rang des pays donateurs d'aide militaire à l'Ukraine, après les Pays-Bas, le Canada et l'Italie. Qu'il s'agisse du canon CAESAR, du LRU, ou des systèmes de défense sol-air, notre aide trouve vite ses limites dans la faiblesse de nos propres stocks.

Or la Méditerranée ou l'Indopacifique, dont la France est riveraine, pourraient revenir rapidement au-devant de la scène internationale, sans que la situation en Ukraine et à l'est de l'Europe ne soit pour autant stabilisée. Serons-nous alors prêt ?

M. Christian Cambon, président. - Merci pour ce rapport qui constitue un éclairage très utile dans le contexte de l'examen de la LPM.

M. Rachid Temal. - Je salue le travail des rapporteurs. La modernisation de la dissuasion nucléaire, qui est la clef de voûte de notre défense, vous paraît-elle suffisamment financée ? Quel est l'impact réel des décalages subis par certains programmes sur nos capacités de défense ?

M. François Patriat. - Les rapporteurs estiment que cette LPM n'est pas une loi de transformation. Or c'est une loi sans précédent, qui fait suite à une autre loi sans précédent. Je souhaitais marquer mon désaccord sur ce point.

M. Cédric Perrin, rapporteur. - Nous avons, historiquement, peu d'information sur la dissuasion, en raison de la sensibilité du sujet. Mais il est évident que la dissuasion reste la clef de voûte de notre défense. J'ai récemment déclaré qu'elle ne devait pas devenir une nouvelle « ligne Maginot », eu égard au fait que le conventionnel devait aussi être mis en avant. Je pense, à titre personnel, que ce serait une erreur de considérer que le territoire français ne sera jamais attaqué. Négliger le domaine conventionnel ne risque-t-il pas d'abaisser le seuil nucléaire ? C'est un sujet essentiel au coeur de nos réflexions.

Le ministre des armées invoque la notion de cohérence : s'il est utile d'accroître les volumes de matériels, encore faut-il que ces matériels soient convenablement entretenus. C'est un fait. Mais ce raisonnement devrait conduire à une augmentation des crédits du programme 178, qui ne se vérifie pas.

Le dilemme entre la technologie et la masse demeure. C'est un débat philosophique qu'il faut avoir.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Pour revenir sur la dissuasion nucléaire, l'effort est bien là. Les seuls éléments dont nous disposons concrètement sont ceux que j'ai évoqués. Cette LPM présente, de façon générale, des blocs financiers sans préciser les priorités ni le cadencement chronologique.

M. Cédric Perrin, rapporteur. - La LPM 2018-2025 se terminait par une bosse budgétaire, dont une partie devait être consacrée à la modernisation de la dissuasion. Or, la guerre en Ukraine a généré une inflation importante qui a réduit les moyens réels. Un effort important devra donc encore être réalisé sur la durée de la prochaine LPM. Le budget de la défense progresse de manière considérable. Mais tout le défi de cette LPM est d'expliquer qu'avec une augmentation de 40 % du budget, nous avons une baisse de 30 % de certaines cibles capacitaires.

Compte tenu du contexte géopolitique, cette réduction des cibles est problématique. Nous avons bien conscience que, depuis 30 ans, des investissements ont été reportés. Ces reports risquent d'avoir un effet d'éviction sur les petits programmes.

M. François Patriat. - En audition, le chef d'état-major des armées a jugé le texte équilibré. Je suis étonné d'entendre le contraire aujourd'hui.

M. Olivier Cadic. - La situation actuelle est le résultat de trente ans de diminution du budget de la défense. Il faudrait insister aussi sur la direction que nous prenons : où voulons-nous aller ? Notre pays doit faire des choix. Il est important de faire des projections pour l'avenir.

M. Bruno Sido. - J'approuve les conclusions des rapporteurs. Contrairement aux parlementaires des États-Unis, nous disposons d'une information très parcellaire. Le secret de la défense plane en permanence sur nos débats.

Les évolutions des technologies entraînent des changements majeurs. La discrétion des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins pourrait, par exemple, être remise en cause. La défense anti-missile progresse. L'aviation est contestée par les défenses anti-aériennes. Nous manquons d'information sur ces questions.

M. Christian Cambon, président. - Nous déposerons des amendements à la LPM pour renforcer le contrôle parlementaire. Personne n'est capable de dire quel sera l'état du monde en 2030. La LPM prendra corps, chaque année, en loi de finances. C'est alors que nous devrons veiller à sa mise en oeuvre, dans un monde qui évolue très rapidement.

M. Pierre Laurent. - Les crédits de dissuasion nucléaire sont peu documentés. Le Ministre des armées nous dit qu'ils correspondront à 13 % de la LPM, soit 54 milliards d'euros, ce qui correspond à en moyenne 7,7 milliards d'euros par an, alors que nous sommes à 5,6 milliards d'euros aujourd'hui. Ce saut important mérite un débat politique.

M. Cédric Perrin, rapporteur. - La LPM actuelle consacre en effet, annuellement, 5,6 milliards d'euros de crédits à la dissuasion nucléaire, dont 4,6 milliards d'euros au titre du programme 146. Ce sont des chiffres sur lesquels nous sommes peu renseignés mais il nous a été dit que cette enveloppe continuerait à être de l'ordre de 13 % de l'effort total dans la prochaine LPM.

M. Jean-Marc Todeschini. - Je remercie les rapporteurs. Comme l'a indiqué le Président Christian Cambon, nous sommes dans une loi de programmation, qui est, par nature, une loi d'intention. Les analyses passées ont amené tous les gouvernements à réduire les formats. Il s'agit aujourd'hui de rehausser l'effort pour se mettre à niveau de la menace, se projeter vers l'avenir.

Les chefs d'état-major ne peuvent pas tout dire. Nous ne sommes pas dans un régime où les pouvoirs s'équilibrent comme aux États-Unis. Nous sommes dans un régime devenu présidentiel, où le secret de la défense prédomine.

Comment avez-vous travaillé, pour élaborer ce rapport, alors que nous ne disposons pas d'un bilan précis de l'exécution de la LPM actuelle ?

M. Christian Cambon, président. - Le Parlement doit pouvoir continuer à jouer son rôle. Or un certain nombre de documents, auparavant accessibles, sont maintenant classifiés, ce qui soulève de réelles difficultés.

M. Pascal Allizard. - Le travail des rapporteurs apporte un éclairage utile sur ce texte paradoxal. Nous n'avons pas eu de Livre blanc mais une revue nationale stratégique a minima. Ce document ne nous permet pas de comprendre les arbitrages stratégiques du Gouvernement.

Nous avons récemment reçu un courrier du Ministre des armées qui nous explique que le besoin sera financé par des non-dépenses ! Ce genre de réponse ne concourt par à la confiance. C'est d'autant plus regrettable que l'effort budgétaire est réel.

Nous avons un travail à mener sur la question de la protection, voire de la classification des informations car la doctrine de l'administration varie.

M. Christian Cambon, président. - Nous avons adressé un questionnaire au ministère des armées dans la perspective de la LPM. Certaines réponses sont en effet protégées. C'est un point sur lequel nous devons avancer.

M. Rachid Temal. - Sur le contrôle parlementaire, je rappelle qu'il y a eu, pendant la Première guerre mondiale, un contrôle parlementaire des commandes d'armes en comité secret. Il faut changer de dimension à ce sujet. Je serais favorable à ce que nous déposions collectivement un amendement pour avancer.

M. Christian Cambon, président. - Ce contrôle s'est alors mis en place sous un régime constitutionnel bien différent.

M. Olivier Cigolotti. - Nous avons besoin, en tant que parlementaires, d'avoir des indicateurs en matière de disponibilité technique et de disponibilité technique opérationnelle (DTO). La classification de ces informations serait motivée par la nécessité de la tenir à distance de nos compétiteurs. Sur la DTO, je ne vois pas ce qui justifie cette classification.

M. Christian Cambon, président. - Nous interrogerons le ministre à ce sujet. Je rappelle qu'en tant que parlementaires nous disposons de certaines prérogatives, notamment la possibilité de procéder à des contrôles sur pièces et sur place.

M. Jean-Pierre Grand. - La divulgation d'informations, tout comme la tenue de comités secrets, peuvent soulever certaines difficultés.

M. Mickaël Vallet. - Ne faudrait-il pas envisager la création d'un comité ad hoc en lui assignant un champ d'action précis ?

M. Christian Cambon, président. - Je ne suis pas très favorable, d'une manière générale, à ce genre de comité. Je me bats pour que nous puissions, tous, disposer, autant que possible, des informations dont nous avons besoin. Sur cette LPM, si une part de flou devait persister, alors nous pourrions déclencher un certain nombre de contrôles.

M. Cédric Perrin, rapporteur. - L'opportunité nous est donnée, avec cette LPM, d'améliorer le contrôle parlementaire. Les points d'étape doivent obliger le Gouvernement à revenir devant le Parlement, contrairement à ce qui s'est passé en 2021.

M. Christian Cambon, président. - Le Sénat pourra améliorer le texte de la LPM à cet égard.

M. Rachid Temal. - J'entends vos remarques mais les clauses de revoyure ne me paraissent pas suffisantes pour assurer un contrôle parlementaire adéquat.

M. Christian Cambon, président. - Je rappelle que nous avons refusé de participer aux groupes de travail constitués par le Gouvernement, afin que le Parlement puisse jouer son rôle. Cette LPM a été l'occasion d'un travail approfondi de chacun de nos rapporteurs.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Nous nous félicitons tous de l'effort budgétaire programmé. Mais, derrière les chiffres annoncés par le Président de la République à Mont-de-Marsan, le texte de la LPM est parcellaire. Alors même que ce texte a été adopté à l'Assemblée nationale, nous continuons à chercher des réponses à des questions que le projet de loi initial aurait dû éclaircir. Cette LPM a été élaborée de façon trop précipitée, à partir d'une Revue nationale stratégique insuffisamment prospective. Il en résulte une reconduction du modèle d'armée que nous connaissons, alors qu'il aurait fallu fixer des priorités pour les vingt prochaines années. Le débat s'est malheureusement concentré sur des éléments budgétaires, alors que la priorité aurait dû être de se projeter vers l'avenir.

M. Christian Cambon, président. - Je vous remercie.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte à l'unanimité le rapport d'information et en autorise la publication.

AUDITIONS DE LA COMMISSION

Mercredi 3 mai 2023

- Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des armées.

Mercredi 10 mai 2023

- Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l'armement.

Mercredi 17 mai 2023

- Audition conjointe de représentants de la Base industrielle et technologique de défense (BITD) :

M. Marc Darmon, président du GICAT ;

M. Guillaume Faury, président du GIFAS ;

M. Pierre Éric Pommellet, président du GICAN.

Mercredi 24 mai 2023

- Audition de M. Eric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation ;

Mardi 30 mai 2023

- Audition du Général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées ;

Mercredi 31 mai 2023

- Audition de l'amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la marine ;

- Audition du Général Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de terre ;

- Audition du Général Stéphane Mille, chef d'état-major de l'armée de l'air.

AUDITIONS DES RAPPORTEURS

Mercredi 22 mars 2023

M. Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Jeudi 13 avril et vendredi 14 avril 2023

- Visites d'Airbus Commercial, Airbus Defence and Space et Airbus Helicopters : rencontres avec M. Antoine Bouvier, directeur de la Stratégie et des Affaires publiques d'Airbus ; M. Philippe Coq, directeur des Affaires publiques France ; vice-amiral d'escadre (2S) Xavier Païtard, conseiller défense ; M. Olivier Masseret, directeur des relations institutionnelle d'Airbus France ; M. Florent Quérol, directeur des relations institutionnelles d'Airbus Opérations SAS ; M. Rémy Lambertin, directeur des relations institutionnelles pour les activités spatiales d'Airbus Defence and Space ; M. Matthieu Louvot, directeur des Programmes d'Airbus Helicopters ; M. Mickaël Peru, directeur des affaires gouvernementales France d'Airbus Helicopters ; M. Adrien Ricci, responsable Hélicoptères & Numérique au sein des Affaires Publiques France d'Airbus ;

Mardi 16 mai 2023

MM. Alexandre Ziegler, directeur des relations internationales et institutionnelles et Fabien Menant, directeur des affaires publiques du groupe Safran ;

M. Philippe Duhamel, directeur général adjoint Systèmes de Mission de Défense, général Bernard Barrera, conseiller Défense Terre et Mme Isabelle Caputo, vice-présidente relations institutionnelles, Thalès.

M. Ludovic Ouvry, président du Cluster EDEN ;

MM. Marc Fontaine, président, Antoine de Braquilanges, directeur général France de Helsing et Denis Mercier, directeur général adjoint de Fives.

Mercredi 24 mai 2023

MM. Nicolas Chamussy, directeur général, Alexandre Dupuy, directeur des Affaires Publiques, de la Communication et du Commerce France & Europe ; Alexandre Ferrer, responsable des Affaires Publiques France & Europe, Nexter ;

MM. Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l'IFRI et Philippe Gros, Maître de recherche, FRS.

Mercredi 31 mai 2023

MM. Éric Béranger, président-directeur général, Jean-René  Gourion, directeur général, amiral (2S) Hervé de Bonnaventure, conseiller défense et Mme Anne-Sophie Thierry-Bozetto, chargée des relations politiques et parlementaires, MBDA.


* 1 Élie Tenenbaum, « Armées françaises : les limites de la stratégie de club », Éditoriaux de l'Ifri, Ifri, 26 mai 2023.

* 2 Audition de M. Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA, Assemblée nationale, 18 janvier 2023. M. Salvetti ajoutait que « la part de la DAM oscille, d'une année à l'autre, entre 30 % et 40 % ». 

* 3 Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant et Michel Pesqueur, « La masse dans les armées françaises : un défi pour la haute intensité », Focus stratégique, n°105, Ifri, juin 2021.

* 4 Audition du 17 mai 2023.

* 5 Assemblée nationale, commission de la défense nationale et des forces armées, audition du 20 juillet 2022.

* 6Source des données : LPM et Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant et Michel Pesqueur, « La masse dans les armées françaises : un défi pour la haute intensité », Focus stratégique, n° 105, Ifri, juin 2021.

* 7 D'après le Kiel institute for the world economy (février 2023).

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