C. CONTAMINATION DE CERTAINS VÉGÉTAUX
La chlordécone présente dans les sols peut être transférée dans certains végétaux. La concentration en chlordécone dans les plantes est proportionnelle - mais toujours inférieure - à la concentration mesurée dans les sols. Deux processus différents expliquent cette contamination : d'une part, une absorption par les racines de la molécule, d'autre part, une adsorption - c'est-à-dire une fixation - de la molécule sur la surface des racines et des tubercules 38 ( * ) . En raison de la très faible volatilité de la chlordécone, il n'y a pas de contamination aérienne. Si la chlordécone absorbée peut être transportée via le flux de sève, cette dernière se décharge rapidement lors de son ascension. Ainsi, seuls les organes des plantes en contact direct avec le sol se retrouvent contaminés.
La capacité de concentration diffère selon les espèces de végétaux : par exemple, les dachines accumulent la chlordécone de manière plus importante que les ignames ou les patates douces 39 ( * ) . La nature du sol a également un impact sur le transfert de la chlordécone vers les plantes : les andosols induisent une moins grande contamination des végétaux que les nitisols 40 ( * ) . Enfin, il convient de rappeler qu'en raison de la faible mobilité de la chlordécone, une importante hétérogénéité de la contamination peut être observée à l'intérieur d'une même parcelle et se traduire par une certaine variabilité de la contamination des végétaux cultivés.
Ces observations ont permis à l'équipe de Mme Magalie Lesueur-Jannoyer de construire un outil de gestion, indiquant les familles de plantes susceptibles d'être cultivées sans risque selon le niveau de pollution du sol 41 ( * ) . Les plantes produisant un aliment qui pousse en hauteur (arbres fruitiers, solanacées...) peuvent être cultivées quelle que soit la contamination du sol, sans risque de dépasser la limite maximale de résidus. Les aliments qui poussent sur le sol et en contact avec celui-ci (cucurbitacées, cives, laitues...) ne doivent être cultivés que dans des sols modérément contaminés (moins de 1 mg/kg de sol sec). Enfin, les racines et les tubercules ne doivent être cultivés que dans des sols très faiblement contaminés (moins de 0,1 mg/kg de sol sec). Les agriculteurs et les jardiniers peuvent ainsi organiser leur production en fonction de la contamination de leurs parcelles, l'agriculture hors sol permettant également de produire certaines cultures sensibles, dès lors que la terre utilisée n'est pas contaminée.
* 38 a) Y. M. Cabidoche et al., Pedosphere 2012, 22, 562 ( https://doi.org/10.1016/S1002-0160(12)60041-1 ) ; b) F. Clostre et al., Sci. Total Environ. 2015, 532, 292 ( https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2015.06.026 ) ; c) C. Letondor et al., Chemosphere 2015, 118, 20 ( https://doi.org/10.1016/j.chemosphere.2014.03.102 ) ; d) F. Clostre et al., Environ. Pollut. 2017, 223, 357 ( https://doi.org/10.1016/j.envpol.2017.01.032 ).
* 39 F. Clostre et al., Chemosphere 2015, 118, 96 ( https://doi.org/10.1016/j.chemosphere.2014.06.076 ).
* 40 T. Woignier et al., J. Hazard. Mater. 2012, 241, 224 ( https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2012.09.034 ).
* 41 F. Clostre et al., Environ. Pollut. 2017, 223, 357 ( https://doi.org/10.1016/j.envpol.2017.01.032 ).