II. L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE RENOUER LES FILS DU DIALOGUE PAR UNE MÉTHODE DE NÉGOCIATION ACCEPTÉE DE TOUS
A. LE DIALOGUE EST LE SEUL CHEMIN VIABLE
À l'issue de leurs travaux, la conviction des rapporteurs s'est trouvée confortée : bien que des divisions demeurent quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, un consensus se dégage au sein de la population comme parmi les acteurs politiques, institutionnels, économiques et sociaux en faveur de la recherche d'un accord entre les parties calédoniennes pour garantir la stabilité du territoire et son développement économique, social et culturel.
Inauguration de la place de la Paix à Nouméa en présence des rapporteurs
Extrait du message de Gérard Larcher,
Président du Sénat,
lu par François-Noël Buffet,
président de la commission des lois,
au cours de l'inauguration de la
place de la Paix à Nouméa le 26 juin 2022
« Cette poignée de main symbolisant la reconnaissance réciproque de deux légitimités nous contraint à consacrer toute notre énergie à poursuivre et approfondir le dialogue qui seul permettra de définir le chemin du futur ».
Les conditions du dialogue entre les parties doivent maintenant être rétablies, sans nouveau retard. Aucune réponse consensuelle et durable ne pourra être imaginée pour construire l'avenir calédonien sans la mise en oeuvre, par des actions concrètes et régulières, d'une méthode de négociation adaptée aux enjeux.
B. LA NÉCESSAIRE OUVERTURE DE NÉGOCIATIONS FRANCHES ET CONSTRUCTIVES SUR LES SUJETS DE DÉSACCORD
Selon les rapporteurs, l'« après-Nouméa » doit se construire sur un nouveau cycle de négociations qui, s'il ne peut ignorer l'héritage des accords de Matignon et de Nouméa, ne saurait être la simple actualisation de ceux-ci .
Une telle position implique de la part des parties à la négociation le respect d'une règle commune, condition sine qua non d'un dialogue renouvelé : n'exclure par principe aucun sujet de l'agenda des négociations , au risque d'empêcher les discussions d'avancer vers une solution d'avenir pacifique et consensuelle.
C. RÉUNIR SANS NOUVEAU RETARD LES MOYENS DE NÉGOCIER SEREINEMENT L'AVENIR INSTITUTIONNEL DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
À l'issue des échanges conduits avec les parties prenantes de l'avenir calédonien, les rapporteurs proposent des points de méthode pour que les négociations appelées de leurs voeux par toutes les personnes rencontrées revêtent un caractère serein et fructueux pour définir l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
• Rétablir un lien de confiance entre les parties prenantes en réaffirmant l'impartialité et le rôle moteur de l'État
L e bon déroulement de ces négociations exige de l'État une action volontariste mais impartiale . Ainsi, l'État ne saurait se résigner ni à une position attentiste, qui se bornerait à enregistrer le moment venu un accord politique conclu en dehors de lui, ni, à l'inverse, à une action unilatérale, qui ne saurait fonder une solution durable. C'est ainsi que l'État, garant de la concorde civile, trouvera les moyens de prendre toute sa part à la création des conditions indispensables à l'émergence d'une solution politique équilibrée, consensuelle et durable quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
• Dépasser le strict débat institutionnel en élargissant le champ des discussions
Les rapporteurs rappellent qu'au-delà des enjeux juridiques et institutionnels dont il revient aux parties de discuter, ces négociations ne pourront s'extraire des grands défis d'avenir du territoire auxquels elles devront contribuer à apporter des réponses . Dès lors, c'est bien sur la totalité des défis que la population calédonienne devra ensemble relever que doivent porter les nouvelles négociations.
• Élargir les discussions à de nouveaux acteurs afin de renforcer l'acceptabilité sociale des équilibres issus des négociations
Les échanges et auditions des rapporteurs ont montré que les acteurs économiques, religieux, coutumiers, sociaux, environnementaux et les représentants de la jeunesse calédonienne sont des relais des besoins et préoccupations concrètes des populations calédoniennes et ont des propositions pragmatiques et diversifiées quant à l'avenir du territoire à partager . Dès lors, les initiatives visant à écouter et consulter ces acteurs doivent être amplifiées et systématisées .
En outre, les maires de Nouvelle-Calédonie n'ont, de toute évidence, pas été suffisamment consultés lors de l'élaboration des accords de Matignon et de Nouméa , alors que leurs « retours de terrain » auraient permis d'utilement nourrir la construction institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. C'est pourquoi, les rapporteurs appellent à mieux associer aux prochaines négociations les maires de Nouvelle-Calédonie, forces de propositions pragmatiques et concrètes .
• Associer pleinement le Parlement aux discussions
Indépendamment de l'issue des négociations sur le fond, de nombreuses évolutions statutaires pour la Nouvelle-Calédonie ne pourront intervenir qu'après d'importantes évolutions constitutionnelles et législatives . Dès lors, il apparaît indispensable que le Parlement soit associé aux négociations ainsi qu'aux réflexions sur les projets constitutionnels et législatifs qui pourraient être envisagés, et pleinement informé de l'évolution de l'ensemble de ces discussions.
• Conduire des discussions politiques éclairées par des considérations juridiques
Il ne fait aucun doute que les spécificités de la Nouvelle-Calédonie, pour lesquelles le Conseil constitutionnel a admis des dérogations importantes aux principes constitutionnels, justifient l'exploration de l'ensemble des voies de droit existantes et, le cas échéant, des innovations juridiques spécifiques afin de traduire les équilibres politiques résultant des négociations entre les parties . Les rapporteurs insistent toutefois sur la particulière attention qui doit être portée aux considérations juridiques au cours des négociations , afin qu'aucun équilibre ou compromis souhaité par les parties ne soit entravé par la suite dans sa mise en oeuvre en raison de la faiblesse de leur fondement juridique ou par un défaut d'anticipation des traductions juridiques afférentes.