C. DES TAUX DE FINANCEMENT GLOBALEMENT ADAPTÉS
1. Un encadrement règlementaire
Le décret n°2009-1776 du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 31 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer prévoit dans son article 1 que les aides apportées par le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer ne peuvent excéder, en dehors des cas prévus à l'article 1 er du décret du 7 février 2001 40 ( * ) et pour les opérations réalisées dans les Terres australes et antarctiques françaises et les îles Wallis et Futuna, 80 % du coût total hors taxes des opérations.
Cependant, le décret n° 2001-120 du 7 février relatif aux subventions de l'État pour les projets d'investissements dans les départements d'outre-mer et les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte a été abrogé par décret du 25 juin 2018. Depuis cette date, les règles régissant les plafonds des aides allouées au titre du FEI sont précisées chaque année dans la circulaire du ministre des outre-mer relative à l'élaboration de la programmation du FEI.
Dans ce contexte, le ministère des outre-mer a proposé, en 2021, de modifier le décret régissant le FEI afin de prendre en compte les innovations introduites par le décret de 2018 tout en conservant certaines spécificités.
Dans l'attente de la publication du décret modificatif, il est précisé dans la circulaire ministérielle :
- qu'en cas de cumul d'aides de l'État en sus du FEI, le taux de subvention maximal du FEI est de 80 % du montant total HT des dépenses éligibles ;
- que ce taux peut cependant être porté à 100 % du montant total des dépenses HT éligibles dans des cas exceptionnels.
Dans ce contexte, il conviendrait d'adopter un décret modificatif rapidement.
En pratique, le niveau de crédits FEI alloué à chaque projet dépend de l'expression du besoin formulée par la collectivité ayant déposé la demande et il est rare que le montant alloué s'éloigne substantiellement de la demande initiale. Ainsi, le plancher et le plafond de la subvention répondent à une demande du maitre d'ouvrage, appréciée par le préfet au regard de la capacité contributrice de la collectivité. À cet égard, il convient de souligner que le financement maximum (80 %) est souvent accordé permettant ainsi :
- un réel effet levier ;
- une diminution du risque de non réalisation des projets retenus pour financement insuffisant ;
- une limitation des financements croisés générateurs de retards dans l'aboutissement des travaux.
2. Des taux de financement majoritairement adaptés malgré des améliorations possibles
En 2021, le taux moyen de financement des projets sélectionnés se situe à 71,6 %. Sur les 97 projets financés au cours de cette année, 9 l'ont été à hauteur de 100 % dont 7 à Wallis et Futuna (réhabilitation de fale fono 41 ( * ) notamment), un en Polynésie pour les opérations CRSD 42 ( * ) et un à Saint-Martin pour la réhabilitation d'une médiathèque en abri anticyclonique.
23 projets ont été financés entre 80 et 98 % et 55 projets ont été financés à moins de 80 % dont 19 à moins de 40 %. Dans ce dernier cas, les cofinancements en provenance soit de fonds européens soit d'une autre collectivité, en sus du maitre d'ouvrage ont une part prépondérante. Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux rappellent que lors du précédent rapport relatif au FEI publié en 2016, ils avaient formulé une recommandation visant à « privilégier les projets pour lesquels l'aide demandée représente au moins 40 % du coût total de l'opération afin d'éviter un saupoudrage des aides du FEI et de renforcer son effet déclencheur ». En 2021, les projets financés à hauteur de moins de 40 % représentent 19,6 % du total des projets sélectionnés. Les rapporteurs spéciaux considèrent donc cette recommandation comme mise en oeuvre même s'ils considèrent que le nombre de projets financés à moins de 40 % pourrait encore être diminué.
Par ailleurs, les rapporteurs ont constaté que quelques projets (5 en 2021) étaient financés à moins de 20 % (à titre d'exemple, la reconstruction d'un groupe scolaire en Guadeloupe ou le renforcement des berges en Guyane). Dans le cas de ces projets, le financement par le FEI représentait :
- une volonté de l'État de participer à des projets structurants pour les territoires concernés ;
- un effet levier pour faciliter l'obtention de financements européens représentant alors plus de 80 %.
Ce faible taux de financement se justifie pour certains dossiers dont le montant total représente plusieurs millions mais les rapporteurs insistent sur le fait que cette pratique doit demeurer exceptionnelle pour éviter notamment les risques susmentionnés liés aux financements croisés (non réalisation, retards...).
Les rapporteurs spéciaux notent cependant que dans plus de 90 % des cas, le taux de financement demandé est accordé (seulement 3 dossiers en 2021 ont été financés à des taux moindres) rendant ainsi sans objet la recommandation formulée dans le rapport de 2016 de « prévoir que les services de l'État justifient le montant proposé lorsque celui-ci diffère du montant demandé par la collectivité et prévoir une obligation similaire lorsque le montant notifié par le ministère des outre-mer diffère de celui recommandé par les préfectures et hauts commissariats afin de renforcer la transparence du dispositif ».
Exemple de projets financés à moins de 10 % par le FEI
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)
Par ailleurs, certaines collectivités ont fait remonter la nécessité d'une systématisation d'un financement à 100 % pour certains projets particulièrement sensibles et nécessaires. Il s'agit notamment des investissements permettant de rétablir dans des délais raisonnables des situations acceptables pour la population (secteurs de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des déchets) ou des investissements permettant d'assurer la sécurité des personnels dans les districts au sein des TAAF.
La DGOM, à cet égard, rappelle que certains projets sont déjà financés à hauteur de 100 % mais n'est pas favorable à une systématisation de ce taux de financement notamment pour les investissements relatifs au secteur de l'eau dont la compétence relève des collectivités. Les rapporteurs spéciaux invitent cependant la DGOM à entamer une réflexion sur les investissements qui pourraient bénéficier, de manière systématique, d'un financement à 100 %.
Enfin, malgré le possible versement d'avances, les collectivités les plus fragiles financièrement et celles disposant d'une très faible voire nulle capacité d'autofinancement ont fait part de leurs difficultés à démarrer les projets sélectionnés et estiment qu'une avance avant le commencement des travaux permettrait de lancer les projets plus rapidement.
En effet, il convient de rappeler que conformément aux dispositions de l'article 4 du décret n°2009-1776 du 30 décembre 2009, une avance peut être versée à une collectivité dès justification par cette dernière du commencement de l'exécution de l'opération. Le taux d'avance, normalement de 20 %, peut être porté à 50 % de manière exceptionnelle au vu de la capacité financière de la collectivité, de sa trésorerie et de l'importance de l'opération.
Si les rapporteurs spéciaux sont sensibles aux arguments des collectivités, ils soulignent néanmoins les difficultés, notamment règlementaires, pour mettre en place une avance avant le premier engagement juridique, de même que les difficultés budgétaires qui pourraient en résulter en cas de non commencement des travaux.
Il apparait donc que le niveau des avances de 20 %, pouvant être porté à 50 %, avec un versement après le premier engagement juridique, est satisfaisant en l'état. En revanche, l'information des collectivités concernant les possibilités d'obtention d'avances complémentaires par l'AFD, notamment, pourrait être améliorée.
* 40 L'article 1 du décret du 7 février 2001 prévoit que par dérogation aux dispositions de l'article 10 du décret du 16 décembre 1999 susvisé, le montant de la subvention de l'État peut : a) Être déterminé par l'application d'un barème fixé par arrêté pour les aides directes et mentionnées en annexe du présent décret. Le montant de la subvention de l'État ne peut toutefois excéder 100 % du montant prévisionnel de la dépense subventionnelle hors taxe ; b) Porter le montant des aides publiques directes jusqu'à 100 % du montant prévisionnel de la dépense subventionnable hors taxe dans les cas définis en annexe du présent décret.
* 41 Équivalent des maisons communales.
* 42 Contrat de redynamisation des sites de défense.