ANALYSE
DES OUVERTURES
ET ANNULATIONS DE CRÉDITS
Le présent projet de décret d'avance prévoit des ouvertures et annulations de crédits pour un montant total de 5,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
Soumis pour avis à la commission des finances, il lui a été notifié le 25 mars 2022.
Conformément à l'article 13 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), « la commission chargée des finances de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret ».
La loi organique prévoit qu'un décret d'avance doit respecter trois conditions de fond . Les ouvertures par décret d'avance ne doivent pas excéder 1 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale. Un décret d'avance ne peut être pris qu'en cas d'urgence. Enfin, il ne doit pas détériorer l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances, ce qui implique des annulations à due concurrence des ouvertures ou la constatation de recettes supplémentaires.
En outre, l'article 14 de la loi organique dispose que « le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article 1 ( * ) et de l'article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours » . Le montant des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours correspond au montant des crédits ouverts par la loi de finances initiale, aucune loi de finances rectificative n'ayant encore été promulguée au titre de 2022.
Aucun décret d'avance ou portant annulation de crédits n'ayant encore été pris au titre de l'exercice 2022, il suffira d'examiner le dispositif du présent projet de décret pour vérifier le respect des conditions prévues par la loi organique.
I. OBJET DES OUVERTURES ET DES ANNULATIONS DE CRÉDIT
Le projet de décret prévoit l'ouverture et l'annulation de crédits d'un montant égal à 5,9 milliards d'euros.
Ouvertures et annulations du décret d'avance
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir du projet de décret
A. FACE À LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET AUX CONSÉQUENCES DE LA GUERRE EN UKRAINE, DES OUVERTURES DE CRÉDITS PERMETTENT DE COUVRIR DES MESURES NOUVELLES
1. Des crédits sont ouverts à hauteur de 3,0 milliards d'euros afin de limiter l'impact de la hausse des prix des carburants pour les consommateurs (programmes 345 et 149)
a) Une flambée inédite des prix des carburants se traduit par une hausse des recettes de TVA mais risque de conduire à une contraction du PIB
Entre le mois de janvier 2021 et la seconde moitié du mois de mars 2022, les prix à la pompe, toutes taxes comprises (TTC), du gazole et du supercarburant SP-95 ont respectivement progressé de 52 % et de 40 %.
Évolution des prix des carburants à la
pompe (TTC)
entre janvier 2021 et mars 2022
(en euros par litre)
Source : commission des finances, d'après la base de données des prix des carburants et combustibles en France
Depuis seulement le début de l'année 2022 , le prix à la pompe TTC du gazole a progressé de 29 % et celui du SP95 de 21 % . L'un comme l'autre ont franchi la barre symbolique des 2 euros au milieu du mois de mars, avant de diminuer légèrement.
Évolution des prix des carburants à la
pompe (TTC)
depuis le début de l'année 2022
(en euros par litre)
Source : commission des finances d'après la base de données des prix des carburants et combustibles en France
Le rapporteur général a interrogé le Gouvernement sur les éventuels surplus de recettes occasionnés pour l'État par cette situation . En s'appuyant notamment sur les bases taxables issues des données de l'INSEE, le Gouvernement estime qu'en retenant l'hypothèse d'un maintien, tout au long de l'année 2022, des prix des carburants constatés le 11 mars 2022, la majoration des recettes de TVA constatée au cours de l'année du fait de la hausse des prix du carburant 2 ( * ) consommé par les particuliers , serait de 3,7 milliards d'euros , à raison de 1,6 milliard d'euros au premier semestre et 2,1 milliards d'euros au second semestre. Dans le détail, les majorations de recettes de TVA dues à la hausse du prix des carburants atteindraient 1,8 milliard d'euros au cours de l'année 2022 pour le gazole, 0,9 milliard d'euros pour l'essence et 0,9 milliard d'euros pour le fioul.
S'agissant de la consommation de carburant des professionnels , la hausse prévisionnelle des recettes de TVA est estimée par le Gouvernement à 0,9 milliard d'euros en 2022.
Au total, si l'on ajoute les consommations professionnelles et des particuliers, le Gouvernement anticipe ainsi une hausse des recettes de TVA de 4,6 milliards d'euros en 2022 en raison de la hausse du prix des carburants.
Hausse prévisionnelle des recettes de TVA en
2022
liée à l'augmentation du prix des carburants
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Par ailleurs, pour l'année 2021 , le Gouvernement évalue à 1,4 milliard d'euros la hausse du rendement de TVA liée à l'augmentation des prix des carburants constatés au cours de cette même année.
Toujours d'après les estimations fournies par l'exécutif et basées sur les données de l'INSEE, le rendement de la TVA affectée aux carburants serait stable entre 2019 et 2021. La hausse sensible constatée entre 2020 et 2021 s'explique quant à elle à la fois par les conséquences de la crise sanitaire sur la circulation et par la hausse des prix des carburants.
Recettes de TVA sur les carburants (2019-2021)
(en milliards d'euros)
Source : réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Toutefois, cette augmentation des recettes de TVA ne signifie pas que l'État s'enrichit à due concurrence lorsque les prix de l'énergie augmentent . Un raisonnement global conduit en effet à prendre en compte les effets indirects d'une hausse des prix de l'énergie sur les ménages et les entreprises, et donc sur les finances publiques. D'une part, la consommation de carburants pourrait diminuer quelque peu face à un coût devenu plus difficile à supporter (effet volume), même si la consommation de carburants paraît peu élastique à court terme. D'autre part et surtout, la hausse des coûts réduit les marges des entreprises, comme la consommation des ménages sur les autres produits , ce qui tend à diminuer par conséquent les recettes de l'État provenant d'autres impôts tels que l'impôt sur les sociétés ou la TVA.
D'après le modèle Mésange de la direction générale du Trésor et de l'INSEE, une hausse de 10 dollars du prix du pétrole se traduit ainsi par une contraction du PIB de 0,1 point au bout d'un an et de 0,24 point au bout de deux ans 3 ( * ) .
L'effet global de la hausse du prix de l'énergie, et en particulier des carburants, sur les recettes de l'État ne saurait donc être ramené à la simple observation des recettes de TVA sur les ventes de carburants. Il risque à terme de peser également sur les recettes de l'État.
b) Une remise de 15 centimes d'euros sur le prix hors-taxe des carburants
Face à cette augmentation des prix des carburants, le Gouvernement a annoncé une remise sur le prix des carburants de 15 centimes hors taxe (HT) par litre entre le 1 er avril et le 31 juillet 2022, pour les particuliers comme pour les professionnels. Cette mesure a un coût estimé de 2 990 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
Elle a d'ores et déjà fait l'objet d'un décret en date du 25 mars 2022 4 ( * ) . Il en ressort notamment, contrairement aux annonces initiales, que l'ensemble des carburants sont concernés 5 ( * ) , sauf les carburants aériens ainsi que les produits utilisés dans l'industrie.
L'aide s'applique aux acheteurs et aux distributeurs de carburants autres que les carburants aériens, en France métropolitaine, dans le Département de Mayotte, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion. Le bénéfice de l'aide est accordé pour les quantités fournies au titre de la consommation en France entre le 27 mars 2022 6 ( * ) et le 31 juillet 2022 ainsi qu'à celles fournies depuis les dépôts intermédiaires de stockage pendant cette même période.
Le montant de la remise est fixé à :
- 15 centimes d'euros par litre pour les gazoles et essences ;
- 15 euros par mégawattheure (MWh) pour le gaz naturel carburant ;
- 29,13 euros pour 100 kilogrammes net pour le gaz de pétrole liquéfié (GPL).
L'aide est versée par l'Agence de service et de paiement (ASP) 7 ( * ) aux metteurs à la consommation de carburants, qui sont les distributeurs les plus en amont du réseau de distribution de carburants, principalement les importateurs et raffineurs de pétrole qui vendent du carburant aux stations-service ou directement aux professionnels.
La répercussion de l'aide dans les prix payés par les consommateurs finaux doit être assurée par une charte d'engagement signée par les principaux acteurs du marché. Des dispositifs d'information spécifiques des acheteurs doivent être mis en place et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est chargée de veiller à l'application de la mesure et à la répercussion de la remise tout au long de la chaîne de distribution, jusqu'au consommateur final.
Afin d'éviter des difficultés de trésorerie, l'article 12 du décret prévoit la mise en place d' un dispositif d'avance pour les metteurs à la consommation . Ce dispositif, appliqué sur demande, permettra aux acteurs concernés de couvrir le décalage de trésorerie entre le moment où ils vendront leurs carburants remisés et la perception effective de l'aide versée par l'ASP 8 ( * ) .
Un dispositif d'avance complémentaire 9 ( * ) est également prévu au bénéfice des plus petites stations-service 10 ( * ) , souvent situées en zone rurale, afin de leur permettre de participer au dispositif. En effet, dans la mesure où elles ne renouvèlent leur cuve parfois que toutes les deux à trois semaines, certaines d'entre elles ne bénéficieraient pas de carburant remisé avant la fin du mois d'avril.
La remise de 15 centimes par litre portant sur le prix hors taxe, la remise sur le prix payé par le consommateur devrait être de 18 centimes en France métropolitaine , où la TVA sur les produits pétroliers est de 20 %, de 17 centimes environ en Corse où elle est de 13 % 11 ( * ) et de 15 centimes en outre-mer où les produits pétroliers ne sont pas soumis à la TVA 12 ( * ) .
A priori, les collectivités territoriales bénéficieront de la remise sur le prix des carburants au même titre que les autres consommateurs . Cependant, le décret d'avance présenté ne propose aucune mesure spécifique pour ces collectivités , elles-mêmes fortement confrontées à la hausse des coûts de l'énergie et de certains matériaux pour l'entretien, l'éclairage ou encore le chauffage des bâtiments publics, ainsi qu'aux autorités organisatrices de transports. Au regard de l'impact sur les finances locales qui sera identifié dans les semaines ou mois à venir, il conviendra d'en tirer les conséquences à l'occasion de prochaines lois de finances .
Nécessaire en raison des effets de la hausse brutale et inédite des prix des carburants sur les professionnels et les particuliers, cette mesure souffre d' une absence totale de ciblage . Pourtant, il est évident que tous les acteurs économiques ne sont pas logés à la même enseigne devant cette situation. L'automobiliste contraint pour des raisons professionnelles , et disposant par ailleurs de revenus modestes en zone rurale ou en zone périurbaine, est, parmi les consommateurs particuliers, le profil qui devrait être ciblé en priorité et de façon significative.
Au contraire, le Gouvernement propose une nouvelle fois, après l'indemnité inflation déjà très dispendieuse et peu concentrée, une mesure générale.
La hausse des prix du carburant et leurs fluctuations ne sont pourtant pas des phénomènes nouveaux et ils ont toutes les chances de perdurer.
Aussi est-il absolument indispensable que l'administration se donne les moyens de pouvoir enfin proposer des mesures d'aides ciblées sur les acteurs économiques, particuliers comme professionnels, les plus affectés par les épisodes de hausse des prix des carburants. À l'avenir, il conviendra de se mettre en position de ne plus se retrouver dos au mur et contraint d'adopter une mesure insatisfaisante et très coûteuse pour les finances publiques. Le rapporteur général note que le Gouvernement a annoncé que l'administration travaillait à un autre dispositif qui pourrait être opérationnel à compter du 31 juillet prochain. Il est crucial que le futur exécutif, quel qu'il soit, puisse s'appuyer sur un nouvel outil plus efficace.
c) Un dispositif spécifique pour les pêcheurs
Le décret d'avance prévoit une ouverture de crédits de 30 millions d'euros, sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour financer un soutien aux pêcheurs équivalant à 35 centimes par litre de carburant entre le 17 mars et le 31 juillet 2022, y compris la mesure générale équivalent à 15 centimes hors taxe dont bénéficient l'ensemble des consommateurs.
Selon le rapport de motivation du décret d'avance, les crédits doivent abonder la dotation de l'établissement national des invalides et de la marine (ENIM) , qui assurera une prise en charge des cotisations sociales patronales.
Cet établissement, opérateur du programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » de la mission « Régimes sociaux et de retraite », est en charge du régime spécial obligatoire de sécurité sociale des marins. Il exerce également une action sanitaire et sociale en mettant en oeuvre des aides individuelles et collectives. Dans le projet de loi de finances pour 2022, le financement de l'ENIM par le budget général est de 834,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, dont 791,3 millions d'euros en provenance du programme 197 et 43,0 millions d'euros versés par le programme 205 « Affaires maritimes » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Le décret d'avance introduirait donc un financement complémentaire en provenance du programme 149.
L'aide doit faire l'objet d'au moins deux versements successifs . En premier lieu, un acompte est versé pour un montant égal à 70 % des cotisations sociales patronales annuelles appelées pour l'année 2021, dans la limite du plafond de minimis 13 ( * ) ; ce plafond, qui est normalement de 30 000 euros sur trois années glissantes, a été augmenté de 35 000 euros supplémentaires par l'encadrement temporaire de crise décidé par la Commission européenne le 23 mars 14 ( * ) . Un complément d'aide , ayant pour objet d'aboutir à une aide totale de 35 centimes, doit être versé selon un mécanisme non encore défini 15 ( * ) .
2. Les mesures relatives au secteur agricole sont financées à hauteur de 550 millions d'euros (programme 149)
Deux dispositifs sont financés par le projet de décret d'avance au titre du secteur agricole, pour un montant total de 550 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
En premier lieu, une aide aux éleveurs doit les aider à prendre en charge une partie du surcoût alimentaire en compensant une partie de leurs pertes de marge, sur une durée de quatre mois, dans la limite des pertes de l'exploitation agricole. Les crédits ouverts s'élèvent à 400 millions d'euros .
Selon le Gouvernement, cette aide doit permettre d'accompagner les éleveurs dans l'attente de la mise en oeuvre des dispositions de la loi Egalim 2 16 ( * ) tendant à assurer la transmission à l'aval des hausses du coût de production des produits.
Les modalités d'attribution de cette aide au moment de la transmission du projet de décret d'avance restent encore très imprécises . Le rapporteur général a interrogé le Gouvernement sur ce dispositif : quelle sera la période couverte par l'aide ? Comment seront prises en compte les spécificités de chaque filière ? Quelles seront les conditions à remplir pour en bénéficier ? Comment l'aide sera-t-elle concrètement distribuée ? Aucune réponse ne lui a été apportée sur ces différents sujets.
En second lieu, la Mutualité sociale agricole (MSA) prendra en charge une part des cotisations sociales patronales pour un montant de 150 millions d'euros . De même, aucune information complémentaire n'a pu obtenue à ce sujet auprès du Gouvernement, qui a seulement indiqué au rapporteur général que la définition précise des critères d'éligibilité et des pièces justificatives à apporter était en cours.
3. Une aide est versée aux transporteurs routiers pour 400 millions d'euros (programme 203)
Le projet de décret abonde le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » à hauteur de 340,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement afin de financer, avec un complément provenant de l'annulation à hauteur de 59,5 millions d'euros de crédits mis en réserve, une aide d'un montant de 400 millions d'euros.
Cette aide, complémentaire à la mesure de diminution de 15 centimes du prix du carburant (voir supra ), doit être versée aux transporteurs routiers de marchandises pour compte d'autrui et aux transporteurs routiers par autocar . Elle devrait concerner 520 000 véhicules, avec un barème variant entre 300 euros pour des véhicules légers et 1 300 euros pour des tracteurs routiers 17 ( * ) .
4. Le secteur des travaux publics est soutenu à hauteur de 80 millions d'euros (programme 134)
Une ouverture de crédits de 1 548,1 millions d'euros, sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », complétée par des crédits de 31,9 millions d'euros prélevés sur la réserve de précaution, soit 1 580 millions d'euros au total , permet de financer, d'une part , une aide de 1,5 milliard d'euros en faveur des entreprises fortement consommatrices de gaz et d'électricité (voir infra ) et, d'autre part , une enveloppe de 80 millions d'euros destinée au secteur des travaux publics .
L'aide aux entreprises du secteur des travaux publics sera proportionnelle au chiffre d'affaires des entreprises en prenant en compte la part moyenne du gazole non routier (GNR) dans ce chiffre d'affaires. Cette aide paraît donc complémentaire à la mesure générale de diminution de 15 centimes par litre du prix des carburants (voir supra ), qui inclut le GNR selon le décret précité du 23 mars 2022.
Le rapporteur général constate que cette aide , prévue par le projet de décret d'avance, n'a pas été annoncée dans le cadre du plan de résilience 18 ( * ) et que son contour demeure fortement imprécis .
Le Gouvernement a précisé le 29 mars 19 ( * ) que cette aide, accessible aux petites et moyennes entreprises de travaux publics, sera versée en une fois et au prorata du chiffre d'affaires des entreprises éligibles. Elle aura pour objet de compenser en partie la hausse des prix du GNR, avec l'estimation que les coûts du GNR représentent en moyenne 2,5 % du chiffre d'affaire des entreprises du secteur. Cette estimation repose sur une hypothèse forte, la consommation de GNR pouvant difficilement être supposée identique, en proportion du chiffre d'affaires, pour toutes les entreprises du secteur . Elle présente toutefois l'avantage, par rapport à d'autres aides telles que la diminution de 15 centimes de carburants, de ne pas inciter à la consommation de carburant.
5. L'aide en faveur des entreprises fortement consommatrices de gaz et d'électricité représente un montant de 1,5 milliard d'euros (programme 134)
Une entreprise pourra bénéficier de l'aide si les dépenses de gaz et d'électricité représentent au moins 3 % de ses charges . L'aide est limitée à la moitié du surplus de dépenses énergétiques et 80 % des pertes d'exploitation , dans une limite de 25 millions d'euros 20 ( * ) .
L'aide exceptionnelle sera versée aux entreprises privées qui deviendraient déficitaires en 2022 et couvrirait la période allant du 1 er mars au 31 décembre de l'année en cours. Toutefois, il est à noter que l'enveloppe de 1,5 milliard d'euros ne permettra de couvrir que 5 mois , jusqu'au 31 juillet.
Ce régime d'aide se place dans le cadre de l' encadrement temporaire de crise adopté par la Commission européenne le 23 mars 2022 21 ( * ) , qui prévoit que les États membres pourront notamment indemniser partiellement les entreprises, en particulier les gros consommateurs d'énergie, pour les surcoûts dus à des hausses exceptionnelles des prix du gaz et de l'électricité. Si le montant de l'aide est en principe limité à 30 % des coûts admissibles jusqu'à un maximum de 2 millions d'euros par bénéficiaire, ce plafond peut être porté à 25 millions d'euros lorsque l'entreprise subit des pertes d'exploitation , et même 50 millions d'euros pour les entreprises exerçant des activités dans certains secteurs spécifiques 22 ( * ) .
6. L'accueil des réfugiés fuyant la guerre en Ukraine entraîne une ouverture de crédits de 400 millions d'euros sur les programmes consacrés à l'asile et à l'hébergement
En prévision de l'accueil de populations déplacées fuyant la guerre en Ukraine, des crédits sont ouverts au titre de deux dispositifs.
D'une part, 300 millions d'euros sont ouverts en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » , qui porte les crédits des dispositifs gérés par le ministère de l'intérieur pour l'accueil des demandeurs d'asile. Ces crédits devraient également couvrir les coûts d'accueil par les collectivités locales.
D'autre part, 100 millions d'euros sont ouverts en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires », concernant les coûts d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.
La ministre chargée du logement, Mme Emmanuelle Wargon, a indiqué le 27 mars que 30 000 réfugiés ukrainiens environ sont arrivés en France, dont la moitié pour un transit, l'objectif étant de mettre en place une capacité d'accueil de 100 000 personnes 23 ( * ) . Les modes d'hébergement retenus dans un premier temps sont des hébergements de court ou moyen terme tels que des hôtels ou centres de vacances.
Il convient de faire observer que les populations déplacées fuyant la guerre en Ukraine relèvent d'un dispositif spécifique de « protection temporaire », régime prévu par une directive européenne de 2001 24 ( * ) et activé le 3 mars dernier 25 ( * ) . Ils ne sont pas des demandeurs d'asile au sens habituel du programme 303, ni bien entendu des personnes sans abri ou mal logées qui constituent le public habituel du programme 177.
En pratique, des dispositifs de nature variée sont utilisés, tels que des hôtels financés par le programme 177, moyens qui ont également été mis en oeuvre lors de la mise à l'abri des personnes sans abri lors du premier confinement lié à la crise du Covid au printemps 2020. Ces solutions ne peuvent toutefois être que transitoires , compte tenu des limitations propres à ces modes d'hébergement : les hôtels utilisés pour l'hébergement sont généralement éloignés des zones de commerces et des écoles, alors même que de nombreux enfants font partie des réfugiés. En outre ils sont souvent difficiles d'accès pour les accompagnateurs sociaux ou juridiques dont les réfugiés ont besoin, et dépourvus d'équipements pour cuisiner.
Il est à craindre, d'autre part , que les crédits ouverts ne soient pas suffisants pour financer le dispositif d'accueil et d'hébergement jusqu'à la fin de l'année 2022. À titre de comparaison, le premier projet loi de finances rectificative pour 2021 prévoyait l'ouverture de 700 millions d'euros sur le programme 177 afin de financer, à titre principal, le maintien jusqu'à la fin de l'année de 40 000 places d'hébergement supplémentaires et l'accompagnement des personnes hébergées, soit un montant de 17 500 euros par place, alors que le présent décret n'ouvre que 400 millions d'euros pour l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement d'un nombre de réfugiés pouvant aller jusqu'à 100 000, soit 4 000 euros par personne. Il pourrait donc être nécessaire , si l'afflux attendu de réfugiés se produit d'ici à l'été, d'ouvrir rapidement de nouveaux crédits sur les programmes 303 et 177 .
7. Le plan de résilience annonce également de nombreuses mesures qui créeront une contrainte financière certaine pour le prochain Gouvernement
Le plan de résilience contient plusieurs mesures dont le financement devra être assuré dans un cadre autre que celui du présent décret d'avance 26 ( * ) .
Certaines correspondent à des dépenses budgétaires pour l'État ou d'autres administrations publiques.
C'est le cas de la prolongation des possibilités de recours à l'activité partielle de longue durée (APLD). Les accords APLD pourraient être négociés jusqu'au 31 décembre, alors que la date limite prévue jusqu'à présent était le 30 juin, et les accords déjà signés pourront être prolongés de 12 mois.
Le chèque relance export est prolongé au-delà du 30 juin 2022. Ce dispositif, financé à l'origine à hauteur de 33 millions d'euros dans le cadre du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » 27 ( * ) , finance, pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), jusqu'à 50 % des frais de participation à un salon international ou d'achat d'une prestation de projection collective ou individuelle. De même le chèque VIE (volontariat international en entreprise), également financé sur le programme 303 à hauteur de 17,4 millions d'euros, pourra être mobilisé au-delà du premier semestre. Les modalités de financement de ces prolongations ne sont pas précisées, mais pourraient prendre la forme d'une réallocation de crédits au sein du programme 363, celui-ci ne faisant pas l'objet d'une ouverture de crédits dans le présent décret d'avance.
Le plan de résilience annonce également le lancement d'un nouvel appel à projets dans le cadre du fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP), qui finance des études de faisabilité ou des démonstrateurs au bénéfice d'autorités publiques étrangères dans les pays en développement. Cet appel à projets, dont les modalités de financement ne sont pas précisées, doit soutenir des entreprises exportatrices de solutions innovantes en matière énergétique.
S'agissant des taxis, le plafond des tarifs, par exemple pour le transport de malade par taxi conventionné, sera actualisé afin de prendre en compte la hausse des prix des carburants, ce qui devrait accroître les coûts de remboursement par la Caisse primaire d'assurance-maladie.
Enfin, comme le prévoit le plan de résilience, des mesures de renforcement de la souveraineté énergétique devront être définies et appliquées, pour certaines, dès l'année 2022, avec en particulier la sécurisation de l'approvisionnement en gaz pour l'hiver 2022-2023. Le Gouvernement annonce également l' augmentation de 1 000 euros de l'aide MaPrimeRénov' à partir du 15 avril et jusqu'à la fin de l'année, pour l'installation d'un système de chauffage vertueux permettant de sortir du gaz ou du fioul.
D'autres mesures mettent en oeuvre la garantie de l'État ou correspondent à des mesures de trésorerie . Le montant du prêt garanti par l'État (PGE) est relevé de 25 % à 35 % du chiffre d'affaires. Le recours au report des obligations sociales et fiscales sera facilité pour les entreprises concernées.
En outre, une nouvelle facilité de liquidité garantie par l'État doit être mise en place au second semestre 2022 ; les modalités de cette mesure dépendent toutefois de discussions avec la Commission européenne.
Les garanties publiques sont également étendues à travers la prolongation du dispositif de réassurance Cap Francexport au-delà du 31 mars 2022.
L'ensemble de ces mesures , non chiffrées et pour certaines non encore définies dans leur modalité, auront un impact financier certain dépassant le cadre du présent décret d'avance, qui s'imposera de fait au Gouvernement qui sera désigné à l'issue des élections du printemps.
* 1 L'article 14 de la loi organique prévoit la possibilité de prendre des décrets d'annulation de crédits dans certaines circonstances, sans ouverture simultanée de crédits.
* 2 Et en prenant pour référence la moyenne des prix constatée en 2019.
* 3 INSEE, Le modèle macroéconométrique Mésange : réestimation et nouveautés , mai 2017.
* 4 Décret n° 2022-423 du 25 mars 2022 relatif à l'aide exceptionnelle à l'acquisition de carburants.
* 5 Le gazole, le gazole pêche, le gazole non routier (GNR), les essences (SP95, SP98-E5, SP-95-E10), le gaz pétrole liquéfié carburant (GPL-c), le gaz naturel véhicule (GNV) sous forme comprimée (GNC) ou liquéfiée (GNL), le super-éthanol (E85) et l'éthanol diesel (ED95).
* 6 Afin que la remise puisse être effective dès le 1 er avril, les metteurs à la consommation de carburant sont autorisés à vendre du carburant remisé aux stations-service à compter du 27 mars.
* 7 L'article 5 du décret précité détermine les missions effectuées par l'ASP dans le cadre du dispositif et prévoit qu'elles sont définies dans une convention signée par l'Agence et le ministre en charge de l'énergie.
* 8 Le décret précité prévoit que le versement effectif de l'aide doit intervenir avant la fin du mois suivant la fourniture des carburants.
* 9 Défini à l'article 13 du décret.
* 10 Qui vendent moins de 50 m 3 par mois de carburants et qui sont propriétaires de leur fonds de commerce.
* 11 b du 6° du 1 du I de l' article 297 du code général des impôts.
* 12 La TVA n'est pas applicable dans les collectivités de Guyane et de Mayotte (1 de l' article 294 du code général des impôts). Les livraisons et importations de produits pétroliers en sont également exonérées en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion (6° du 1 de l' article 295 du même code).
* 13 Une aide d'urgence pour les entreprises du secteur pêche , page d'information sur le site de l'ENIM, 24 mars 2022.
* 14 Commission européenne, Aides d'État: la Commission adopte un encadrement temporaire de crise afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie .
* 15 Plan de résilience économique et sociale : dispositif de remise aux pêcheurs sur le prix du carburant, foire aux questions , site du ministère, 16 mars 2022.
* 16 Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
* 17 Plan de résilience et Transport routier de marchandises : les organisations professionnelles obtiennent une aide directe de 400 millions d'euros à destination des entreprises du secteur , communiqué de presse de la fédération nationale des transports routiers (FNTR) et de l'Union des entreprises de transport et logistique de France, 18 mars 2022.
* 18 Gouvernement, Dossier de presse du plan de résilience économique et sociale , 16 mars 2022.
* 19 Ministère de l'économie, des finances et de la relance, « Mesures de soutien aux entreprises du bâtiment et des travaux publics », 29 mars 2022.
* 20 Gouvernement, Dossier de presse du plan de résilience économique et sociale , 16 mars 2022.
* 21 Commission européenne, Aides d'État: la Commission adopte un encadrement temporaire de crise afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie .
* 22 Le communiqué de la Commission européenne mentionne les secteurs de la production d'aluminium et d'autres métaux, de fibres de verre, de pâte à papier, d'engrais ou d'hydrogène et de nombreux produits chimiques de base.
* 23 Déclarations de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée en charge du logement ,sur France Info, le 27 mars 2022.
* 24 Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
* 25 UE-Ukraine : une « protection temporaire » pour les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine , sur vie-publique.fr.
* 26 Gouvernement, Dossier de presse du plan de résilience économique et sociale , 16 mars 2022.
* 27 Voir le projet annuel de performances de la mission « Plan de relance », annexé au projet de loi de finances pour 2021.