EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 novembre 2021, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Michelle Gréaume et de M. Olivier Cigolotti, sur les crédits de la préparation et de l'emploi des forces.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure - Les crédits de la préparation et de l'emploi des forces progressent cette année encore. Mais deux questions se posent : la remontée de la préparation et de l'activité opérationnelles n'est-elle pas trop lente dans la perspective de l'ambition 2030 de la haute intensité ? Et les services de soutien, notamment le service de santé des armées (SSA), durement éprouvés par les attritions budgétaires des précédentes périodes de programmation, sont-ils en mesure de maintenir le haut niveau d'engagement nécessaire ?

S'agissant de l'activité opérationnelle des forces, elle reste inférieure aux objectifs fixés de près de 10 %. En 2022, la situation se détériore pour deux indicateurs d'activité opérationnelle, contre quatre en 2021. Pour l'armée de terre, depuis le déploiement de l'opération Sentinelle, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle par militaire n'a plus été atteinte. Depuis 2017, la préparation opérationnelle de l'armée de terre stagne à 81 jours, notamment en raison du nombre élevé d'OPEX. Le taux d'entraînement des équipages des cinq parcs majeurs de l'armée de terre - chars Leclerc, AMX 10 RC, VBCI, VAB, Caesar - atteint 64 % de la norme fixée par la loi de programmation militaire (LPM).

Pour l'armée de l'air et de l'espace, on note un déficit de formation des plus jeunes équipages, 25 % de l'activité aérienne des unités étant réalisés en opérations. De plus, l'annulation de la majeure partie des exercices en 2020 a fragilisé les compétences de niveau d'expertise dite « haut du spectre ».

Pour la Marine nationale, les difficultés concernent principalement l'activité des pilotes de chasse, qui a souffert en 2020 de la crise sanitaire et de l'absence de pilotes qualifiés à l'appontage de nuit durant un mois. Pour les autres domaines de l'aéronavale, la prévalence de l'entraînement des équipages opérationnels s'est faite au détriment de la formation des équipages ab initio , notamment pour l'hélicoptère Caïman.

Le report à la fin de la période de programmation des objectifs de remontée de l'activité opérationnelle paraît peu satisfaisant dans un monde caractérisé par la multiplication des affrontements.

Concernant le SSA, ce ne sont pas 100, mais 125 médecins qui manquaient en juillet 2021, soit 88 médecins des forces, essentiellement en région parisienne et dans le Grand Est, et 37 praticiens hospitaliers en chirurgie viscérale, anesthésie, réanimation, biologie, radiologie et médecine interne.

La sur-projection des personnels qui en découle, notamment celle des équipes chirurgicales, ajoutée à la concurrence du secteur privé, favorise les départs anticipés du service. L'écart de rémunération qui existait avant la crise sanitaire entre les praticiens des armées et leurs pairs de la fonction publique hospitalière s'est à nouveau creusé depuis juillet 2020 et la mise en oeuvre des premières mesures du Ségur de la santé. Les mesures décidées pour remédier au déficit de personnel, ouvrant la possibilité de recruter dans le corps des internes des hôpitaux des armées des étudiants inscrits en troisième cycle des études médicales, peinent à convaincre ; les 36 postes ainsi ouverts semblent, de toute façon, insuffisants pour résoudre les difficultés rencontrées.

Nous devons rester vigilants sur la bonne santé des services de soins des armées, en veillant à ne pas fermer des lits ou des hôpitaux, comme c'est notamment le cas aujourd'hui à l'hôpital d'instruction des armées Legouest.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur - Les crédits de paiement (CP) de la préparation et de l'emploi des forces augmentent de 462 millions d'euros, soit une hausse de 4,47 % par rapport à l'an dernier, essentiellement pour financer l'effort en faveur de l'entretien programmé du matériel (EPM).

Concernant la disponibilité technique opérationnelle, la situation paraît fragile pour l'armée de terre ; sur sept indicateurs, deux sont en diminution - pour les VAB et VBCI - et deux autres stagnent - pour l'hélicoptère Tigre et le canon Caesar.

Pour la Marine nationale, l'indisponibilité de l'une des frégates multi-missions (Fremm), de patrouilleurs de service public, de chasseurs de mine tripartite et de patrouilleurs de haute mer explique les faibles résultats des indicateurs de disponibilités. Sur sept indicateurs, trois sont en baisse et deux stagnent.

Enfin, pour l'armée de l'air et de l'espace, des difficultés spécifiques aux flottes Caïman NH 90, Mirage 2000 et C-130H ont nécessité la mise en place de plans d'action dédiés. Ainsi, l'amélioration de la disponibilité des matériels, tout en restant éloignée des cibles de 2023, est globalement limitée aux matériels aéronautiques qui ont bénéficié de la mise en oeuvre de contrats « verticalisés ».

Ces contrats donnent déjà des résultats positifs. Le contrat Ravel, relatif à l'EPM de la flotte Rafale, a prévu de rééquiper des Rafale pour pallier les effets de l'exportation vers la Grèce. L'augmentation de la disponibilité sera portée de quatre appareils en 2021 à dix en 2022.

La verticalisation appelle deux remarques. Tout d'abord, la tentation existe de rechercher un optimum économique arbitrant entre l'activité et la disponibilité technique. Toutefois, le raisonnement visant à réduire une supposée « sur-disponibilité » pour financer plus d'heures d'activité ne paraît pas rationnel ; il conduirait à une « sur-usure » des équipements et à l'érosion plus rapide du capital technique de nos armées. La commission sera attentive à ce que la disponibilité technique ne devienne pas la variable d'ajustement, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile à tenir à partir de 2023 - année où une augmentation conséquente des crédits est prévue par la LPM.

Enfin, le plan de charge du service industriel de l'aéronautique (SIAé) doit être l'objet d'une attention particulière. Il est, en effet, important qu'il obtienne la pleine responsabilité de la maintenance des dix C-130J de la nouvelle unité franco-allemande d'Évreux.

Dans le PLF pour 2022, l'EPM représente 57 % des autorisations d'engagement (AE) et 41 % des CP de la préparation et de l'emploi des forces, soit 4,448 milliards d'euros au total. Pour respecter la LPM, le PLF 2023 devra donc prévoir une augmentation de 850 millions d'euros sur l'EPM, le PLF 2022 n'ayant réduit que de 50 millions d'euros l'écart constaté entre les objectifs et la réalisation de la programmation militaire depuis 2019.

Or, une telle accélération ne se décrète pas. Il faudra s'assurer qu'elle soit compatible avec les rythmes de réalisation des contrats « verticalisés ». Surtout, elle accroît encore l'effort budgétaire décisif, qui doit porter les dernières annuités de la période de programmation à une accélération inédite de consommation de crédits d'EPM, soit une augmentation initiale prévue par la LPM de 2,1 milliards par an par rapport aux premières années de programmation.

La commission donne acte de leur communication aux rapporteurs et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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