C. UNE COUVERTURE DÉFAILLANTE DU RISQUE
En l'état, le territoire, ses populations et les habitations sont-ils correctement défendus au titre de la DECI ? À cette question aussi élémentaire qu'essentielle, la réponse ne va pourtant pas de soi . Aucun suivi statistique consolidé n'est en effet à ce jour tenu : vos rapporteurs n'ont pu obtenir aucune évaluation de la part des services de l'État ou des SDIS. Ce manque doit bien évidemment surprendre. Afin d'y pallier, vos rapporteurs ont donc souhaité au travers de leur enquête par questionnaire prendre la mesure de ce taux de couverture. Même si cette démarche ne peut prétendre à l'exhaustivité, son caractère indicatif demeure néanmoins éclairant sur les limites actuelles de l'organisation de la DECI.
1. Près d'une habitation sur trois n'est pas protégée
Une première approche de la couverture du risque incendie peut utilement s'opérer en se situant au plus proche du territoire, c'est-à-dire au niveau communal. À l'interrogation « votre commune est-elle en conformité avec le RDDECI », les maires ont répondu « non, partiellement » à 81 % et « oui totalement » à 19 %.
Quand ils faisaient état d'une conformité partielle, les maires pouvaient préciser ce taux de conformité. De leurs réponses, il ressort pour ces communes un taux moyen de 58,2 % .
Encore ces données doivent-elles être relativisées dans la mesure où les communes ne disposent pas d'outils statistiques fiables pour suivre ce taux et se fondent principalement sur une approximation empirique, évidemment sujette à caution. Il n'en reste pas moins que cette estimation dessine une tendance problématique demandant à être confirmée.
C'est pour cette raison que vos rapporteurs ont également interrogé les SDIS, dont l'approche consolidée au niveau départemental présente un intérêt complémentaire. Ces services ont donc été questionnés sur le taux de couverture des habitations conformément au RDDECI. Une fois encore, la méconnaissance très fréquente de cette donnée, pourtant majeure, apparaît : 56 % des SDIS répondent ne pas être en capacité de la fournir . Parmi les raisons les plus fréquemment invoquées figurent l'absence de commande politique sur le sujet ou une méconnaissance des arrêtés (ou schémas) communaux.
Les réponses apportées par les 44 % des SDIS en capacité de produire une estimation (même approximative) du taux de couverture des habitations contre le risque incendie conformément au RDDECI font toutefois ressortir un taux de 71 %. En d'autres termes, cela signifie que près d'une habitation sur trois serait donc hors champ de la couverture jugée réglementairement nécessaire selon les SDIS . Encore convient-il d'observer que ce taux de 71 % est probablement surestimé. On peut en effet imaginer que les 44 % de SDIS ayant été en mesure de donner un ordre de grandeur correspondent aux départements les plus avancés en matière de DECI (mises en conformité engagées, schémas communaux réalisés...). On serait donc ainsi plus proche du taux moyen évoqué supra par les maires.
Combien d'habitants en marge des règles de la DECI ?
En partant de l'estimation selon laquelle une habitation sur trois serait hors champ de la couverture imposée réglementairement pour la DECI, il est intéressant de s'interroger sur le nombre d'habitants concernés. Les données statistiques de l'INSEE permettent d'approcher ce nombre.
Le recensement de la population réalisé par l'INSEE en 2017 fait apparaitre qu' un tiers de la population vit dans une commune rurale : 32,8 % ventilés entre les communes peu denses (29,2 %) et les communes très peu denses (3,6 %).
Pour l'année 2021, la population atteint 66 732 538 habitants selon l'INSEE, ce qui signifie qu'environ 22,2 millions d'habitants vivent en zone rurale.
En partant du ratio d'une habitation sur trois non couvertes par la DECI en zone rurale et même en tenant compte du taux national de résidences secondaires et de logements vacants (9,5 %, selon l'enquête Logement de l'INSEE au 1 er janvier 2017), on peut donc estimer un nombre d'habitants de l'ordre de 6 à 7 millions qui ne seraient pas couverts de manière satisfaisante au regard des normes de la DECI.
Pris avec les réserves méthodologiques qui s'imposent et rappelées par vos rapporteurs, ce taux, sans doute en réalité plus élevé , ne peut toutefois manquer d'interroger . Il renvoie d'ailleurs, pour partie, à l'une des spécificités de la réforme de 2011 qui prévoit que les règles de DECI ne trouvent à s'appliquer, à compter de l'entrée en vigueur du RDDECI, qu'aux constructions nouvelles et n'ont guère eu d'effet sur les constructions préexistantes.
2. Les capacités d'adaptation des SDIS
La situation mise en évidence supra doit être relativisée par la capacité d'adaptation des SDIS à parer au mieux aux sinistres et sauver les vies.
Depuis 2017 et comme par le passé, les SDIS font bien souvent preuve d'une démarche pragmatique pour compenser les carences de DECI dans les secteurs sous-équipés .
Dans ses réponses à vos rapporteurs 19 ( * ) , la DGSCGC souligne que l'effort d'adaptation empirique des SDIS porte notamment sur les départs d'engins . Lorsqu'une carence en DECI est connue, la variable d'ajustement consiste en un départ de camions-citernes d'eau, ou d'autres types d'engins, en complément des moyens d'intervention usuels. Ces envois complémentaires se produisent, y compris en cas de carences temporaires de la DECI (travaux sur le réseau ou indisponibilité, par exemple), lorsque celles-ci sont signalées au SDIS.
De facto , se mettent donc en place des adaptations visant à suppléer les manques et les imperfections du RDDECI et de son application.
Vos rapporteurs reviendront infra (cf. partie III. C. 3.) sur l'optimisation des moyens matériels et humains liés à l'adaptation des SDIS dans le contexte de la DECI.
* 19 Réponse de la DGSCGC à vos rapporteurs, le 4 mars 2021.