EXAMEN EN DÉLÉGATION
La Délégation aux entreprises s'est réunie le jeudi 8 juillet 2021 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation, le débat suivant s'est engagé :
« M. Serge Babary, président . - Merci à nos trois rapporteurs, je vais désormais ouvrir le débat. Je précise que ces 15 propositions ne vont pas en rester là. Nous aurons à coeur de leur donner une traduction effective, soit législative, soit pratique, pour continuer ce travail en profondeur au regard des auditions nombreuses et du temps passé. Je laisse la parole à nos collègues.
Mme Marie-Christine Chauvin . - Je vais être un peu hors sujet par rapport à la présentation de ce rapport, mais cela concerne tout de même la Délégation aux entreprises. J'ai reçu ce matin une alerte de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) sur l'annulation de l'agrément à l'OPCO Constructys. Cette annulation d'agrément provoque beaucoup d'inquiétude. Qui va continuer à assurer cette formation, cette sensibilisation ?
Je tiens par ailleurs à remercier et féliciter les rapporteurs pour l'excellent travail qu'ils ont commis. Merci également au président et à son équipe, puisque nous avons vécu une année de travail dense. Les entreprises ont doublement besoin de sentir que les élus sont présents à leurs côtés.
M. Serge Babary, président . - Merci Marie-Christine pour ces propos, ce n'est pas hors sujet, car nous avons cité les OPCO à plusieurs reprises dans la matinée. Nous allons nous rapprocher de la CAPEB pour voir effectivement ce qu'il en est. C'est l'exemple même des petites entreprises où le personnel, mais aussi les dirigeants, qui sont souvent issus de formations techniques, et qui ont créé leur activité à partir de leur savoir-faire, ont besoin de formation. L'indication que nous recevons à l'instant est inquiétante, et nous allons nous y intéresser. Merci pour cette information.
M. Fabien Gay, rapporteur . - Je souhaiterais faire une remarque personnelle, et qui n'est pas dite en tant que rapporteur. Je vous remercie sincèrement pour ce travail, pour ce rapport avec beaucoup d'éléments chiffrés, qui sont le recueil des échanges avec les 45 personnes que nous avons rencontrées, et je trouve qu'il est extrêmement intéressant. Nous avons aussi une diversité politique des rapporteurs, c'est bien, c'est aussi cela la force du Sénat : pouvoir avoir des personnalités différentes qui travaillent ensemble. Personnellement, cela m'a enrichi, j'ai pris du plaisir à travailler avec mes co-rapporteurs. Mais je vais faire un pas de côté. Je n'invalide pas le rapport, il a une cohérence, mais cette cohérence n'est pas la mienne.
Je vais prendre deux exemples.
Sur le travail indépendant, la partie présentée par Michel Canévet, nous avons un débat qui va se poursuivre. Je sais qu'il y a des auditions avec Martine Berthet et mon collègue, Pascal Savoldelli, dans le cadre de la mission commune d'information sur l'ubérisation de la société, mais je pense que nous avons par ailleurs besoin de continuer à travailler sur ce sujet à la Délégation aux entreprises. Nous l'avons vu, personne n'a la solution. Je le dis avec humilité, je n'ai pas non plus la solution adéquate, même si je ne partage pas les axes proposés dans le rapport.
Je vais pousser la proposition n° 3, si vous me le permettez monsieur le Président. Je trouve qu'il faut que nous allions au bout de cela : la définition de ce qui est indépendant et de ce qui ne l'est pas. Une fois que nous aurons cette définition juridique, nous pourrons parler des indépendants et des autres. S'ils ne sont pas indépendants, comment organisons-nous la société ? Les livreurs et les chauffeurs sont une première étape à l'ubérisation de beaucoup d'autres métiers, et nous le voyons déjà. Pour l'instant, la situation n'est pas satisfaisante et la question que j'ai beaucoup posée lors de nos travaux, et dont on n'a pas trouvé la solution est la suivante : comment offre-t-on aux travailleurs une protection sociale et une meilleure rémunération, sans salaire et sans cotisation, c'est-à-dire s'ils ne sont pas reconnus comme des salariés ? Aujourd'hui, on ne parvient pas à répondre à cette question. Il y a la recommandation n° 6 du rapport qui offre une réponse cohérente si on ne partage pas ce que je dis, et qui propose de passer à un système assurantiel. Mais c'est encore autre chose. Je pense donc que nous n'avons pas encore trouvé la solution à ce débat. J'espère que la mission présidée par Martine Berthet continuera à apporter du grain à moudre à ce sujet. Je pense qu'il faut que nous parlions collectivement de la proposition n° 3. Mais je ne peux pas voter certaines des propositions de ce rapport, alors que je dis l'inverse toute l'année, cela serait un peu compliqué.
Je pense par ailleurs que la question de l'emploi des séniors va revenir sur la table, notamment avec la réforme de l'âge de départ à la retraite cette année, mais aussi dans le cadre du débat présidentiel. Pour moi, on ne peut pas parler de continuer à faire travailler les gens jusqu'à 64 ans alors que plus de 40 % des plus de 57 ans sont déjà hors du travail. Je le dis comme ça, mais un allègement des cotisations sociales à l'embauche, cela fait 30 ans qu'on porte cela, cela fait 30 ans que c'est mis en application. Je n'ai pas envie de dire que cela fait 30 ans que cela ne marche pas, mais enfin, il y a des difficultés.
Je n'invalide pas ce rapport mais je m'abstiendrai lors du vote pour son adoption finale. Je préfère être franc et je vous remercie d'avoir pu avoir cette liberté, avec Michel Canévet et Martine Berthet. Et, je le redis, cela m'a enrichi, je pense que c'est une de nos forces, et qu'il faut continuer à faire vivre cette diversité. Enfin, je remercie Monsieur le président.
M. Serge Babary, président . - Cher Fabien Gay, merci pour ce propos. Effectivement, votre travail en commun se concrétise par un rapport dense, volumineux, documenté, détaillé et illustré. Nous comprenons bien, à la Délégation, l'existence de sensibilités politiques différentes et nous partageons tous l'intérêt de cette approche. L'important est d'avoir la capacité d'échanger dans le respect des uns et des autres. C'est la qualité que nous avons entre nous et qu'il faut préserver. Il y a, à ce propos, une contribution du groupe CRCE qui sera intégrée à la fin du rapport. Il y a une cohérence dans cette démarche, puisque cela ne s'apparente pas non plus à un retrait quant au travail qui a été fait collectivement. C'est ce qui est important et qui est satisfaisant pour tous.
Nous allons mettre en oeuvre dès maintenant les propositions les plus saillantes de ce rapport, pour recueillir d'avantage d'informations et faire évoluer les choses. Nous tenterons d'amener, à notre modeste niveau, un changement, soit dans la législation, soit dans les façons de faire, soit sur le regard porté sur ces sujets qui évoluent rapidement. Le ressenti que nous avions concernant les indépendants n'est plus le même aujourd'hui qu'il y a quelques semaines, car nous avons travaillé le sujet, nous avons entendu des experts et cela a enrichi notre vision des choses.
M. Michel Canévet, rapporteur . - J'ai beaucoup apprécié cette approche pluraliste de l'examen de ce sujet, nos débats furent particulièrement ouverts. Il est vrai que rapidement, nous nous sommes confrontés à l'examen de la question statutaire et, effectivement, même la jurisprudence affiche des décisions discordantes. Quelle approche devait-on avoir entre ceux qui prônent le maximum de salariat pour obtenir le maximum de protection sociale, et ceux qui considèrent au contraire que l'esprit d'entreprise doit prévaloir, d'autant plus que cet esprit d'entreprise est souhaité par une bonne partie des interlocuteurs ? Dans ce débat, nous avons pris le parti, c'est vrai, de permettre cette approche pluraliste, c'est à dire de considérer que les deux réflexions avaient du sens, mais qu'il ne fallait pas forcément privilégier un axe par rapport à un autre. On voit bien que certains acteurs comme Just Eat, dans le domaine de la livraison de repas à domicile, décident de salarier leurs collaborateurs et d'avoir un plan de développement et de recrutement extrêmement ambitieux. Toutefois, d'autres font le pari d'une position différente. Nous avons considéré que nous sommes dans un secteur où, par nature, les activités évoluent rapidement, les formes d'activités aussi, et que le fait de se replier sur le salariat n'aurait sans doute pas permis que ce secteur puisse évoluer comme il le fait aujourd'hui. Finalement, il y a un esprit d'innovation fort et de nouveaux services qui apparaissent face à ce nouveau paradigme, et cela ne peut se poursuivre qu'à travers des dispositifs permettant de développer l'esprit d'entreprise. C'est un peu le sens des travaux que nous menons depuis longtemps à la Délégation aux entreprises, pour, à la fois permettre que la création d'activité soit prospère dans notre pays, et à tous ceux qui y contribuent de pouvoir bénéficier d'une protection sociale solide, telle que mise en place depuis plusieurs décennies.
En ce qui concerne le « plan sénior », il est vrai qu'il résulte aussi d'observations que nous avons déjà faites lors d'autres travaux de la Délégation aux entreprises, à l'occasion desquels nous avions constaté à la fois le problème de l'intégration d'un certain nombre de jeunes, mais aussi de séniors dont l'activité s'interrompt prématurément alors qu'ils ont un potentiel, notamment en ce qui concerne la transmission des savoirs, qui est essentielle. Combien de métiers aujourd'hui ne sont plus assurés dans notre pays parce que nous avons perdu des compétences dont nous disposions antérieurement ? Il faudrait restaurer ces compétences et dépasser ce paradoxe, qui laisse coexister un grand nombre d'inscrits à Pôle emploi, même si cela diminue, et beaucoup d'entreprises qui peinent à recruter les collaborateurs dont elles ont besoin. À ce paradoxe aussi il faut que nous apportions des solutions.
Mme Martine Berthet, rapporteure . - Ce rapport que nous avons présenté ce matin dresse un bilan d'une situation qui a évolué très vite lors de ces 18 derniers mois, avec des situations qui sont multiples. Il est difficile d'apporter une solution, « La » solution, on le voit bien. Cependant, nous proposons 15 recommandations, selon 4 axes, qui permettent déjà d'apporter un début de solution. Là aussi, il s'agit d'une base de travail à prolonger, et je suis d'accord avec Fabien Gay sur ce point. Ce n'est pas une solution miracle que nous apportons d'un seul coup, mais un ensemble d'axes à travailler, ainsi que des propositions immédiates, mais il y a encore beaucoup à faire. Je suis d'accord sur ce point avec mes deux co-rapporteurs.
M. Jean-Pierre Moga . - À mon tour, je voudrais féliciter les trois rapporteurs pour dire que le travail fait est extrêmement intéressant et je partage certaines craintes de Fabien Gay par rapport à ces nouvelles formes de travail. Il y a des évolutions technologiques, et c'est normal que le travail évolue. Cela peut être intéressant pour tout le monde, tant pour les employeurs que pour les employés. Cependant, je souhaiterais mettre l'accent sur cette forme d'ubérisation qui, à première vue peut paraître pour certains comme une forme de liberté, de flexibilité dans le travail sans les contraintes qu'impose le code du travail. Cette forme est aussi un risque d'échapper à une couverture sociale. Ainsi, quand on est jeune, souvent, on ne se préoccupe pas de sa retraite, on est en bonne santé, et je crois que les législateurs que nous sommes doivent veiller à ce que le code du travail évolue en même temps que les formes de travail, de façon à protéger, malgré eux, certains salariés qui vont vers ces formes de travail, et qui ne se soucient pas de leur couverture sociale. Je crois que c'est quelque chose de très important, nous devons tous y être très sensibles et veiller à ce que tout le monde puisse y avoir droit, même si parfois, cela paraît un peu contraignant.
M. Serge Babary, président . - Merci cher collègue, pour ces paroles de sagesse. On comprend bien qu'il y a un équilibre à trouver.
M. Didier Mandelli . - Je remercie les trois rapporteurs et je serais tenté de dire que bien du chemin a été parcouru depuis la loi d'orientation des mobilités.
Je me souviens que l'article 20 de cette loi qui prévoyait la mise en place d'une charte entre les plateformes, sur la question des indépendants et des relations avec leurs donneurs d'ordre. Nous avions, à l'époque, relevé à la fois qu'un certain nombre de personnes, qui étaient des « prestataires », ne souhaitaient pas avoir un statut particulier, et qu'en même temps, il existait des individus mal intentionnés qui prenaient plusieurs inscriptions et sous-traitaient à des personnes sans papiers. Je me rappelle à ce propos d'une affaire judiciaire à Nantes. Il y avait donc déjà à l'époque des dérives, des abus considérables à ce sujet. Je ne suis donc pas loin de partager les propos de Fabien Gay sur la question : il faut trouver des équilibres. Cependant, je le répète, beaucoup de chemin a été parcouru depuis 3 ans. À l'époque, nous n'avions pas validé cette charte qui n'avait aucune valeur juridique et aucun fondement, et je me réjouis qu'aujourd'hui le sujet soit partagé par tous. Je crois qu'il y a une ligne à trouver, qui préserverait les intérêts des individus et permettrait également le développement d'activités qui peuvent être utiles à nos concitoyens, en préservant, je le répète, à la fois la dignité humaine et la protection des salariés. On ne peut pas accepter des dérives telles que celles qu'on on a connues. Si demain on arrive, grâce au travail des rapporteurs, et de la mission qui est en cours, à trouver la bonne formule, je crois que chacun pourra s'en réjouir.
M. Daniel Salmon . - Je me joins aux remerciements pour le travail effectué par nos rapporteurs. Ce rapport sur les nouveaux modes de travail est essentiel, car nous vivons une espèce de révolution. Ces sujets ont évolué très vite ces dernières années avec de nombreux écueils. Je rejoins les propos de mes collègues, car, qui dit évolution ne dit pas forcément progrès. Effectivement, de nombreuses analyses à ce sujet sont court-termistes et il faut absolument prévoir des encadrements, une régulation, car sinon demain nous aurons des personnes qui n'auront pas cotisé et qui seront sujettes à des difficultés quant à leur bien-être au travail. Si la santé au travail est essentielle, le sens au travail l'est également. On parle souvent aujourd'hui d'emplois qui ne trouvent pas preneur : sans doute il-y-t-il dans ce cas un questionnement à avoir sur le sens au travail. On voit bien que les jeunes qui sont sur le marché du travail ne réagissent plus du tout comme on le faisait il y a encore quelques années, pendant les « 30 glorieuses », où chacun s'inscrivait dans un parcours assez linéaire, majoritairement celui du salariat. Aujourd'hui, ces nouveaux modes de travail qui nous interpellent, mais qu'il faut vraiment prendre en compte, doivent être encadrés car ils peuvent donner lieu à des dérives et à une certaine précarisation, jusqu'alors synonyme de chômage. Encore merci pour ce rapport qui selon moi est un début, puisque nous sommes face à des phénomènes qui évoluent très rapidement.
Mme Anne Chain-Larché . - Bravo aux trois rapporteurs pour leur travail sur un sujet on ne peut plus d'actualité. Je voudrais revenir sur des leçons que nous pouvons déjà tirer de cette pandémie, correspondant notamment à la partie du rapport présentée par Fabien Gay.
D'une part, j'ai été particulièrement impressionnée par ce que vous avez dit, M. le Président Babary, lors du bilan des travaux 2020-2021 de la Délégation cette année, quand vous avez mentionné qu'un grand nombre d'entreprises n'auraient toujours pas accès au haut débit. C'est un véritable sujet ! Alors que les collectivités et les pouvoirs publics prennent conscience des évolutions nécessaires dans ce domaine, je pense qu'il faut vraiment que le Sénat porte très haut la voix de ces entreprises.
D'autre part, parmi les leçons que l'on peut tirer de ces derniers mois, on constate un rapport au travail qui est différent. Fabien Gay le disait dans son intervention, passer des heures dans les transports pour se retrouver devant un écran paraît aujourd'hui une ineptie. Il faut donc faire évoluer les entreprises et les collectivités. À la région Île-de-France, nous avons mis en place au début du mandat deux jours de télétravail possible pour les employés. Permettre cette évolution est une chose essentielle. Et je reviens aux propos de notre collègue Jean-Pierre Moga, il y a une forte appréhension maintenant chez les jeunes à aller vers le monde de l'entreprise, et cette appréhension est liée justement aux difficultés que les uns et les autres rencontrent pour se rendre à leur travail, pour subir, quelque part, quelque chose qui leur est imposé et qu'ils ont du mal à vivre. On voit de plus en plus de burn-out, on voit de plus en plus de reconversions très importantes, alors qu'il s'agit parfois de personnes avec des bac+6, bac+10. Nous parlions tout à l'heure de précarité, moi je parle de fragilité. Par conséquent, le soutien que l'on peut apporter aux entrepreneurs indépendants me paraît extrêmement important parce que beaucoup de jeunes s'orientent vers une forme d'indépendance au travail, tant ils éprouvent l'anxiété du travail en entreprise. Nous, la Délégation aux entreprises, nous devons vraiment nous emparer du sujet, et faire remonter toutes les conclusions qui pourront être apportées. Merci encore pour ce travail qui me paraît essentiel.
M. Fabien Gay, rapporteur . - Je ne vais pas relancer le débat, mais je pense que personne n'a la solution. Parmi ces travailleurs, certains souhaitent garder leur indépendance ou leur autonomie, d'autres souhaiteraient du salariat, d'autres encore souhaiteraient une meilleure protection sociale sans savoir selon quelles modalités. Globalement, tous souhaiteraient une meilleure rémunération, comme l'ensemble des salariés de ce pays. Je remarque cependant un manque, partagé par tous les groupes de travail, y compris le nôtre : on ne donne pas suffisamment la parole à ces jeunes. C'est vrai qu'il est difficile d'aller les rencontrer et il est vrai qu'il faut évidemment écouter aussi les plateformes parce qu'il s'agit d'un business model. Nous l'avons bien entendu lors de nos travaux : si on en change le modèle économique, une partie de ces activités peut tomber. Mais dans le même temps on ne va pas à la rencontre de ces jeunes, on ne leur demande pas leur avis.
Je pense qu'il faudra qu'on essaye, dans les dix-huit prochains mois, de trouver un format qui nous permette d'aller chercher ces jeunes, dans leur diversité, pour leur donner la parole, et pour confronter cette parole et leurs besoins, avec tous les travaux que nous avons réalisés jusqu'ici. Je pense que cela pourrait contribuer à alimenter le débat dans les prochains mois.
M. Serge Babary, président . - C'est une bonne suggestion que je note dans les perspectives de travail de notre Délégation.
M. Michel Canévet, rapporteur . - Je souhaiterais rebondir sur les propos d'Anne Chain-Larché et revenir sur la question de la couverture du territoire en très haut débit. C'est quelque chose d'essentiel si l'on veut que tous puissent accéder aux outils numériques : les entreprises d'une part, mais aussi tous ceux qui, par obligation ou par choix, décident de télétravailler. Il faut que l'on trouve des solutions. Fabien Gay a évoqué tout à l'heure un certain nombre de pistes relatives à des structures collectives, comme les espaces de coworking, que nous encourageons dans le rapport, car ils évitent les situations d'isolement. Cela relève de la santé au travail.
Dans Le Monde daté d'aujourd'hui, il y a justement une carte sur l'équipement de la France en très haut débit. Nous étions à 17 % début 2016 et nous sommes à 51 % actuellement, c'est-à-dire à la fin du 1er trimestre 2021. Quand vous regardez cette carte de France, seuls 14 départements ont un taux de couverture de 80 % et plus. Ce sont surtout les zones blanches qui sont largement prédominantes : c'est dire tout le chemin qui reste à parcourir, alors même que les besoins sont quasiment immédiats ! En effet, le développement du travail avec le support numérique arrive partout. Nous devons donc continuer à faire preuve de vigilance pour qu'il n'y ait pas certaines zones où le numérique peut se développer, et les emplois s'installer, et puis d'autres secteurs laissés pour compte, souvent les secteurs ruraux par ailleurs.
Mme Marie-Christine Chauvin . - Je voulais également rebondir sur ce qui vient d'être dit sur le télétravail qui fait parfois l'objet d'une obligation ou parfois d'un choix. Je crois qu'il est très important de ne pas basculer du « très peu de télétravail » au « quasi tout télétravail ». Cela ne correspond forcément pas à chaque salarié, et le risque d'isolement, combiné à la difficulté de séparer dans ce cadre vie privée et vie professionnelle peut être difficile à gérer et mal vécu. Il faut donc trouver le bon dosage. Je pense que cela peut également être très différent en fonction des territoires, selon qu'on est en milieu très urbain ou en milieu très rural. Il y a donc une analyse « cousue main » à réaliser pour déterminer le juste équilibre pour la santé des salariés. Il faut donc redoubler de vigilance pour ne pas basculer du tout au tout.
M. Serge Babary, président . - Merci de cette réflexion. Nous avons déjà quelques éléments de réponse à ce sujet puisque l'ANDRH, que nous avons entendue, indique que jusqu'à deux jours de télétravail par semaine, ce serait un rythme bénéfique. Au-delà, cela peut commencer à poser des problèmes.
Mme Marie-Christine Chauvin . - Je crains que dans certaines entreprises on soit tenté de passer au tout télétravail car cela serait source d'économie : plus de frais d'achat ou de location de bureaux par exemple.
M. Serge Babary, président . - Cela fait en effet partie des points de vigilance à avoir en tête lors de la suite de nos travaux et de nos réflexions.
Mme Martine Berthet, rapporteure . - Je voudrais rappeler à nos collègues que nous avons mis une plateforme en ligne dans le cadre de la mission d'information sur l'ubérisation de la société, pour récolter des témoignages, notamment de jeunes qui travaillent pour des plateformes. Je remercie mes collègues de bien vouloir relayer cette initiative autour d'eux.
M. Serge Babary, président . - Peut-être y trouverons nous des interlocuteurs intéressants afin de poursuivre les discussions sur ce sujet, comme évoqué par Fabien Gay tout à l'heure.
Mes chers collègues, je vous demande maintenant d'adopter ce rapport en vous précisant son titre : « Évolution des modes de travail, défis managériaux : comment accompagner entreprises et travailleurs ? ». Il a-t-il des oppositions à l'adoption de ce rapport ? Je n'en note aucune. Y a -t-il des absentions ? J'en note deux et considère donc que les autres membres de la Délégation présents dans cette salle donnent leur accord. Ce rapport est donc adopté. Merci aux collègues qui se sont abstenus d'avoir expliqué leur positionnement, vos explications sont évidemment tout à fait honorables et respectables.
Merci à nos trois rapporteurs pour ce travail énorme et apprécié par nos collègues de la Délégation ; je pense qu'on ne referme pas le dossier, au contraire, nous allons nous servir des 15 propositions pour avancer sur ce sujet. Je lève la séance et vous remercie de votre présence. »