B. UNE INDISPENSABLE INITIATIVE INTERNATIONALE

1. Une mission de l'UNESCO

L'UNESCO a proposé, le 20 novembre 2020, d'envoyer une mission d'expertise indépendante sur place pour « dresser un inventaire préliminaire des biens culturels les plus significatifs, comme préalable à une protection effective du patrimoine de la région ».

Cette initiative a été portée dès l'origine par le Président de la République et par la directrice générale de l'UNESCO. Elle est soutenue par les trois pays qui assurent la co-présidence du Groupe de Minsk.

La Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, à laquelle l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont parties, constituerait le fondement juridique de cette mission. Son article 23 dispose en effet :

« 1. Les Hautes Parties contractantes peuvent faire appel au concours technique de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture en vue de l'organisation de la protection de leurs biens culturels, ou à propos de tout autre problème dérivant de l'application de la présente Convention et de son Règlement d'exécution. L'Organisation accorde ce concours dans les limites de son programme et de ses possibilités.

2. L'Organisation est habilitée à faire de sa propre initiative des propositions à ce sujet aux Hautes Parties contractantes ».

Une réflexion est en cours à l'UNESCO pour rendre ce dispositif plus opérationnel, sur la base du deuxième protocole relatif à la convention de 1954, en date de 1999. Cette réflexion, en vue de définir un cadre pour des missions d'expertise telles que celle envisagée au Haut-Karabagh, est bienvenue, alors que l'UNESCO n'a pu agir que de façon marginale, depuis 30 ans, s'agissant tant de la situation au Haut-Karabagh (dénoncée par l'Azerbaïdjan) que de celle au Nakhitchevan (dénoncée par l'Arménie).

Les négociations sur cette mission de l'UNESCO au Haut-Karabagh ont avancé. L'Azerbaïdjan en accepte le principe, proposant la visite de trois régions (Aghdam, Fizouli, Choucha). L'Azerbaïdjan attend de cette mission qu'elle évalue les dommages causés pendant 30 ans à ses biens culturels.

La mission reposerait sur un nombre limité d'experts, qui auraient pour tâche d'établir un pré-inventaire et disposeraient de garanties quant à leur libre déplacement sur le territoire. Il revient désormais à la partie arménienne de donner son accord. Des désaccords subsisteraient sur les sites visités, ainsi que sur la dénomination de la mission.

Cette mission de l'UNESCO, même imparfaite et limitée dans son champ, est une nécessité. Elle doit être mise en place rapidement pour profiter de la dynamique positive existante, afin d'enclencher un processus. Elle pourrait, en effet, constituer un préalable à d'autres missions. Les parties doivent rester raisonnables dans leurs prétentions respectives. C'est une occasion qu'il ne faut pas laisser passer d'impliquer davantage l'UNESCO dans la protection du patrimoine de la région.

2. Une communauté internationale mobilisée

L'inquiétude est grande à travers le monde, ce qui a donné lieu à des initiatives multiples. Le Metropolitan Museum of Art de New York a ainsi appelé, le 17 novembre 2021, à protéger les sites du patrimoine culturel arménien.

Le directeur du Musée de l'Ermitage a lancé un appel à Derbent, le 19 novembre 2020, proposant la création d'un système international de surveillance des monuments culturels et architecturaux du Caucase, s'agissant en particulier du Sud-Caucase (Transcaucasie), pour répondre à la gravité de la situation au Haut-Karabagh. Une coopération entre la France et la Russie sur ce sujet pourrait être fructueuse, ces deux pays étant parmi ceux qui ont, historiquement, le plus contribué à la recherche sur le patrimoine du Caucase du sud.

Les trois ambassadeurs co-présidents du Groupe de Minsk, qui ont déjà soulevé cette question essentielle, sont susceptibles de jouer un rôle au niveau politique et diplomatique, afin de permettre des rapprochements.

En France, l'Institut national du Patrimoine (INP) s'inscrit dans cette dynamique, en mettant en place un programme de formation des experts arméniens. Un dialogue pourrait également être engagé dans les prochains mois avec les experts azerbaïdjanais. Dans la mesure du possible, il serait utile de créer un groupe de contact impliquant des experts internationaux susceptibles de servir d'intermédiaires afin qu'un dialogue puisse s'engager entre les deux parties.

Le fonds Aliph (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit), créé en 2017 à l'initiative de la France et des Émirats Arabes Unis, pourrait également agir en finançant des projets concrets. Aliph finance actuellement 79 projets dans 22 pays, avec un budget de 31 M€. Ce fonds est peu présent au Caucase mais soutient néanmoins deux projets en Géorgie.

La mobilisation de la communauté internationale doit se poursuivre dans le temps, la situation actuelle étant probablement appelée à perdurer. Il est crucial de continuer d'attirer l'attention sur le patrimoine du Haut-Karabagh et sur les dangers qu'il encourt, afin que d'éventuelles destructions ne passent pas inaperçues, qu'elles aient un coût diplomatique. Ce travail de vigilance implique une bonne connaissance de ce patrimoine, donc un travail d'inventaire à poursuive au niveau multilatéral (UNESCO) ou par des coopérations bilatérales, en se fondant sur les nombreux inventaires et travaux de recherche déjà existants.

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