B. ADAPTER LES DISPOSITIFS EXISTANTS AFIN DE MIEUX AIDER LES ENTREPRENEURS FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

1. Aider dans l'urgence
a) Pérenniser un fonds d'urgence pour les entrepreneurs et leurs familles : la proposition de loi adoptée par le Sénat le 29 juin 2020

À l'initiative de plusieurs sénateurs, dont votre rapporteur, le Sénat a adopté, le 30 juin 2020, une proposition de loi de Ronan Le Gleut portant création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger, victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs, dont le dispositif est destiné à répondre à la préoccupation exprimée par le présent rapport :

Article 1 er

Il est institué un fonds d'urgence en faveur des Français résidant habituellement hors de France et régulièrement inscrits au registre des Français établis hors de France qui, dans leur pays de résidence, sont exposés à des menaces sanitaires graves ou sont victimes de catastrophes naturelles ou de guerres civiles ou étrangères, de révolutions. Les crédits de ce fonds sont inscrits au budget général de l'État après consultation de l'Assemblée des Français de l'étranger.Ce fonds a pour mission d'aider sans délai ses bénéficiaires à faire face à la menace à laquelle ils sont exposés ou à subvenir à leurs besoins essentiels auxquels ils ne peuvent répondre en raison de circonstances mentionnées au premier alinéa. Les aides de ce fonds peuvent être financières ou matérielles et sont accordées sous condition de ressources.

Les conseils consulaires se prononcent, dans un délai de huit jours francs, préalablement à toute décision d'attribution de ces aides.Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article après consultation, dans un délai de quinze jours, de l'Assemblée des Français de l'étranger. Il précise les conditions dans lesquelles sont accordées et calculées les aides.

Article 1er bis (nouveau)

Les conseils consulaires sont consultés avant toute décision relative au versement d'une subvention de l'État versée à un organisme local d'entraide et de solidarité ou à un centre médico-social particulièrement en période de crise sanitaire, de catastrophe naturelle ou de crise politique grave. L'avis du conseil consulaire porte sur le montant et l'usage de la subvention.

La création d'un tel fonds avait été demandée par une résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée des Français de l'Étranger lors de sa 33 ème session, tenue du 5 au 9 octobre 2020.

Considérant, d'une part, que les entreprises françaises à l'étranger, pour la plupart des micro-entreprises ou PME, actuellement fortement impactées par la crise, contribuent à l'activité économique de la France par le biais de leurs achats de matières premières et de services, constituent un maillage important du réseau français d'exportation et contribuent au rayonnement de « l'Équipe de France de l'export », mais que, d'autre part, « les entrepreneurs français ayant fondé une société sans lien avec une entreprise immatriculée en France » n'ont pas accès au plan d'urgence de soutien aux entreprises exportatrices élaboré par le Gouvernement français, la résolution demande que « soit mis en place, de manière urgente, un Fonds de solidarité en faveur des EFE, prévoyant l'attribution de subventions exceptionnelles accordées, par des comités locaux, selon des critères d'éligibilité précis, qui sont à définir » .

Il appartient désormais à l'Assemblée nationale, saisie de cette proposition de loi, de prendre ses responsabilités .

Proposition 4 : créer un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger, victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs, susceptible d'aider les entreprises françaises à l'étranger en cas de crise sanitaire et économique exceptionnelle.

b) Aider les aidants : soutenir les opérateurs économiques extérieurs

Le réseau des CCI françaises à l'international (CCI-FI), en grande difficulté, doit être aidé. Il permet en effet à son tour d'aider les entrepreneurs français à s'implanter à l'étranger.

CCI-FI est une association loi 1901 reconnue d'utilité publique et qui s'autofinance à 99,4 %. Ce réseau ne reçoit aucune aide publique mais souffre actuellement énormément de la crise sanitaire. Leurs sources de revenus sont constituées des cotisations de leurs membres, de ressources liées à l'événementiel, ou à la mise à disposition de locaux dans des centres d'affaires et la fourniture de services d'appui aux entreprises françaises. Le ralentissement de l'activité économique entraîne de facto le ralentissement des activités de ce réseau et donc une diminution des recettes qu'elles génèrent.

Comme l'a indiqué M. Renaud Bentégeat, président de CCI France International lors de notre table-ronde du 19 novembre 2020, ce réseau « connaît des difficultés économiques car nous logeons moins d'entreprises, certaines ayant même renoncé à s'implanter durablement, et nous n'organisons plus d'événements payants. Nous avons demandé à l'État une aide d'urgence pour maintenir un réseau important ».

Les CCI françaises à l'international devraient pouvoir accéder aux prêts garantis par l'État.

Même si les prêts garantis par l'État sont réservés aux entreprises immatriculées en France, en application de l'article 6 de la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020, le recours à une entité basée sur le sol français pour permettre aux entités membres du réseau CCI FI qui sont en difficulté financière d'avoir accès au PGE est exigé.

Proposition 5 : rendre le réseau CCI-FI éligible aux prêts garantis par l'État, via l'entité nationale CCI France.

c) Aider les entreprises à accéder aux dispositifs d'aide locaux

Comme l'a rappelé M. Gabriel Cumenge, sous-directeur Financement international des entreprises de la Direction Générale du Trésor (DGT), lors de la table-ronde du 26 novembre organisée par la Délégation aux entreprises du Sénat, les services économiques des ambassades aident les entreprises françaises à l'étranger « à accéder aux dispositifs locaux d'aide face à la crise, qui existent dans l'ensemble des pays de l'OCDE. En Chine, le service économique de l'ambassade se mobilise pour aider des entreprises locales fondées et dirigées par des Français à accéder à des dispositifs normalement destinés à des Chinois ».

Cependant, l'information sur les aides nationales existantes n'est pas assez développée, comme le souligne Alain-Pierre Mignon, Mrésident de la Caisse des Français de l'étranger, dans la réponse au questionnaire adressé par la Délégation aux entreprises : « les informations sont insuffisantes, l'accès aux aides diverses n'est pas clair, la multiplication des informations crée une confusion douloureuse pour nos entrepreneurs dans le besoin. La gestion de l'information est à revoir ».

Proposition 6 : rendre plus accessibles, notamment aux TPE et autoentrepreneurs, les aides nationales en direction des entreprises françaises à l'étranger et les aides existant, le cas échéant, dans les pays étrangers.

2. Mieux faire connaître les dispositifs existants pour mieux les utiliser
a) Le dispositif ARIZ de l'Agence française de développement

ARIZ est une garantie en perte finale proposée par l'AFD aux institutions financières pour couvrir 50 % à 75 % d'un prêt individuel ou un portefeuille de prêts aux PME et aux institutions de microfinance

Elle permet aux entreprises, de l'artisan à la PME structurée d'accéder à des crédits d'investissement, aux institutions de microfinance de se financer et de déployer leur activité de prêts, et enfin à nos partenaires financiers de partager le risque de crédit, de réduire le niveau de sûreté exigé, d'être accompagné dans le développement d'une stratégie et d'offres PME, d'accroître leur capacité d'intervention grâce à l'amélioration de leur ratio de solvabilité et la signature de l'AFD.

Dans sa version « garantie individuelle », ARIZ permet de couvrir un prêt spécifique (jusqu'à l'équivalent de 300 000 euros), généralement à hauteur de 50 %. Dans sa version « garantie de portefeuille », ARIZ constitue une enveloppe de garantie accordée à une banque sur laquelle celle-ci impute de nouveaux prêts répondant aux critères convenus (prêts entre 10 000 et 300 000 euros).

Si 90 % de l'activité d'ARIZ est concentrée en Afrique, le produit est déployé dans d'autres géographies d'intervention du Groupe dont le Proche et Moyen-Orient, l'Asie et l'Amérique latine. Les partenaires bancaires du groupe AFD pour le déploiement du produit sont, pour plus de la moitié, des filiales de banques françaises.

En complément des solutions classiques de liquidité, ce produit de garantie est une solution particulièrement pertinente dans la période actuelle. Il permet de soutenir les institutions financières afin qu'elles maintiennent et renforcent leur activité de financement des TPE et PME, y compris celles de nos compatriotes.

En réponse au questionnaire qui lui a été adressé par la Délégation aux entreprises du Sénat, le 4 décembre dernier, Proparco n'exclut pas d'augmenter la quotité couverte de manière temporaire en réponse à la crise .

Un tel mécanisme complémentaire a été mis en place qui porte la quotité garantie à 80 %, mais il est limité à quelques pays d'Afrique comme évoqué précédemment. En outre, la mise en oeuvre pratique du dispositif est longue puisqu'elle suppose la signature d'accords avec BPI France et le Trésor, souligne M. Alain Bentéjac, président du Comité national des conseillers du commerce extérieu, lors de son intervention devant la Délégation aux entreprises le 19 novembre. Il conviendrait d'aller plus vite compte-tenu de l'urgence économique.

Proposition 7 : étendre temporairement la garantie d'un prêt ARIZ de l'Agence française de développement via Proparco au-delà de 50 ou 75 % et au-delà de certains pays africains.

b) Le crédit fournisseur

Le crédit fournisseur est un crédit accordé à un acheteur par un fournisseur dans le cadre de son contrat commercial. Lorsque ce crédit peut être assorti d'une garantie par une entité publique, la banque se substitue à l'entreprise pour ce qui concerne la créance sur le client étranger. Grâce à cette solution l'entreprise préserve sa trésorerie et représente un argument commercial non négligeable.

Cette partie d'activité concernant les garanties publiques a été transférée, fin 2016, de la COFACE à Bpifrance Assurance Export, structure spécifique de Bpifrance désormais dédiée à cette tâche.

BpiFrance propose des solutions financements aux clients étrangers des entreprises françaises qui exportent. Dans cette situation, le crédit fournisseur concerne les exports de biens d'équipement ou de prestations de services proposées par des entreprises en France. Les prêts octroyés sont libellés en euro uniquement. Leur durée est de moyen/long terme, entre 3 et 10 ans.

BpiFrance propose deux produits :

- le crédit acheteur, qui est directement octroyé par BpiFrance au client étranger d'une entreprise française exportatrice, compris entre 5 et 25 millions d'euros en prêteur seul et jusqu'à 75 millions (part BpiFrance) en cofinancement ;

- le crédit fournisseur, quant à lui, est octroyé par l'exportateur à son client, puis racheté par BpiFrance à l'entreprise ; il est compris entre 1 et 25 millions d'euros.

Pour M. Pedro Novo, Directeur exécutif Export à Bpifrance, avec le rachat de crédit fournisseur « nous rendons possible un crédit à une entreprise africaine qui souhaiterait investir, se développer en s'associant à des entrepreneurs français ou en s'équipant auprès de fournisseurs français. Bpifrance n'intervient normalement pas dans des opérations inférieures au million d'euros, mais s'il y a une récurrence de financement avec un acheteur nous étudierons la faisabilité d'opérations de montants inférieurs » et cette coopération avec les banques locales « permet d'apporter des solutions pour des montants inférieurs, malgré tout à l'échelle, puisque, selon les banques, les tickets d'entrée varient de 500 000 à 1 million d'euros » 11 ( * ) .

Une telle solution est donc hors de portée des TPE ou des auto-entrepreneurs.

Proposition 8 : rendre la garantie publique sur le crédit-fournisseur temporairement accessible aux TPE françaises à l'étranger dès lors qu'un lien économique significatif existe avec la France.

c) La difficile consolidation de la trésorerie

Il s'agit d'une priorité pour M. Marc Villard, conseiller du commerce extérieur de la France au Vietnam, Président de l'Assemblée des Français de l'étranger : « Les entreprises en difficulté n'ont pas de trésorerie ; pour reprendre l'activité quand la situation s'améliorera dans leur pays, il faut leur permettre de passer des commandes. Quand on fait cette demande aux organismes appropriés aujourd'hui, ils nous répondent qu'il faudrait 500 000 euros ; il faut réadapter les outils à la taille des besoins des entreprises dans l'urgence, qui ont plutôt besoin d'avance de l'ordre de 10 000 euros ».

Cependant, il ne s'agit pas d'aides directes, mais de garanties, comme le précise M. Alain Bentéjac, Président du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France : « Nous ne demandons pas que les entrepreneurs à l'étranger bénéficient des mêmes aides que les entrepreneurs en France. Nous parlons de garanties, ce qui serait, dans le meilleur des cas, à coût zéro. Même s'il y aura évidemment un coût, il sera limité. C'est une façon de prendre en compte cette considération légitime d'un traitement différent ».

Les engagements financiers de l'État français qui sont déjà assurés en faveur des entreprises privées du continent africain devraient pouvoir concerner d'autres continents.

En effet, le dispositif Garantie Choose Africa Resilience , inspirée du PGE français, mobilisera 65 % des garanties de l'État pour inciter des banques locales à prêter aux TPE et PME africaines.

Concrètement, l'État, via le Groupe AFD et Proparco, couvrira 80 % du risque pris par la banque locale dans le cadre de prêts consentis à des entreprises en difficulté du fait de la crise. Ce dispositif est ouvert aux entreprises de droit local (y compris les entreprises détenues par des Français de l'étranger ), de moins de 200 salariés, qui ont subi une perte de plus de 20 % de leur chiffre d'affaires par rapport à l'année antérieure, et qui respectent au 31 décembre 2019 des ratios financiers démontrant une situation économique saine avant la crise. 2 000 entreprises pourraient ainsi être soutenues.

L'entreprise qui respecte les critères pourra demander à sa banque un prêt, d'une maturité comprise entre 12 et 48 mois, dans la limite de 25 % de son chiffre d'affaires 2019. Ce prêt bancaire est garanti à 80 % en cas de défaillance de l'entreprise, la banque gardant les 20 % restants à sa charge. La décision de crédit relève donc in fine de la banque locale, comme pour le PGE déployé en France par Bpifrance.

Le déploiement de cette garantie ciblera en priorité l es pays dans lesquels l'AFD est juridiquement en mesure de proposer des garanties, où peu de dispositifs similaires existent déjà et dans lesquels Proparco travaille déjà avec des partenaires bancaires. Les pays répondant à ses critères sont par ailleurs souvent ceux parmi lesquels la présence de ressortissants français est importante .

Comme l'indique Proparco à la Délégation aux entreprises du Sénat, dans sa réponse écrite du 4 décembre au questionnaire qui lui a été adressé, une extension géographique n'est nullement exclue et « le déploiement de la Garantie Choose Africa Resilience au-delà de ces pays sera également étudié au regard des ressources disponibles ».

Proposition 9 : élargir le champ du dispositif de Garantie Choose Africa Resilience , en fonction des ressources disponibles, des entreprises essentielles aux intérêts français situées en dehors du continent africain.


* 11 Entretien à AfricaPress, 6 décembre 2020.

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