REMERCIEMENTS
Cette étude est le fruit d'un immense travail. Au-delà de la compilation de plus de deux cents heures d'auditions, de nombreux échanges ont été nécessaires avec les personnes entendues pour obtenir des précisions sur certains chiffres, expliciter certaines affirmations, approfondir certaines hypothèses.
Vos rapporteurs tiennent à remercier toutes les personnes impliquées dans ce dialogue pour leur transparence, leur disponibilité et leur réactivité.
Ils sont particulièrement reconnaissants vis-à-vis de tous les chercheurs qui non seulement ont pris le temps de répondre à leurs multiples sollicitations, mais ont facilité le récolement de données scientifiques souvent éparpillées.
Enfin, ils remercient chaleureusement l'ensemble des personnes qui ont pris le temps de relire ce rapport afin d'en garantir la pertinence scientifique.
INTRODUCTION
Il est difficilement imaginable de concevoir un monde sans plastique. Son extrême polyvalence, sa légèreté associée à sa grande résistance, son coût particulièrement abordable, sa facilité d'entretien en font une matière prisée par les industriels et par les consommateurs. Ses qualités ont permis des innovations technologiques qui n'auraient pas vu le jour sans lui, que ce soit dans le secteur médical, le sport de haut niveau ou le domaine spatial.
Le plastique a considérablement allégé le poids des matériaux, contribuant ainsi à réduire significativement les consommations de carburant et les émissions de CO 2 . C'est la raison pour laquelle il est devenu incontournable dans le secteur du transport.
En garantissant la bonne conservation des aliments, notamment des produits frais, et en supprimant de nombreuses tâches liées à la préparation des repas, il est peu à peu devenu incontournable dans le secteur de l'alimentation, transformant considérablement nos modes de consommation.
Ces propriétés et ces utilisations ont produit son essor extraordinaire. En moins de cent ans, le plastique est devenu le troisième matériau le plus fabriqué au monde après le ciment et l'acier. 359 millions de tonnes ont été produites en 2018, chiffre qui grimpe à 438 millions de tonnes en tenant compte des plastiques présents dans les textiles et les caoutchoucs synthétiques. Au rythme actuel, cette production devrait doubler d'ici à 2050.
Toutefois, cet emballement de la consommation de plastiques a un coût pour l'environnement : chaque minute c'est l'équivalent d'un camion-poubelle de déchets plastiques qui se déverse dans les océans, où ils s'accumulent, des fosses océaniques aux mers les moins fréquentées, perturbant la pêche et le tourisme, menaçant les écosystèmes et la biodiversité (1,4 million d'oiseaux et 14 000 mammifères marins sont retrouvés morts chaque année en raison de l'ingestion de plastiques).
Compte tenu de l'ampleur des enjeux de la pollution plastique, notamment dans les océans, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a saisi, le 30 avril 2019, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques « afin de dresser un état des lieux des risques que cette pollution fait peser pour l'environnement et la santé humaine et animale ainsi que des choix scientifiques et technologiques envisageables pour réduire la production de plastique et éliminer ou recycler les déchets existants » .
Lors de sa réunion du 6 juin 2019, l'Office a nommé Philippe Bolo, député de Maine-et-Loire, et Angèle Préville, sénatrice du Lot, rapporteurs de cette étude.
En présentant une étude de faisabilité le 7 novembre 2019, les rapporteurs ont estimé nécessaire d'élargir le champ de la saisine initiale afin :
- de dresser un état des lieux des connaissances scientifiques sur la pollution plastique pour mieux comprendre son ampleur, sa nature et son origine ;
- d'examiner l'avancement de la recherche sur les impacts de la pollution plastique sur l'environnement, la chaîne alimentaire et la santé humaine.
Afin de réaliser cette étude, vos rapporteurs ont réalisé, entre le 11 septembre 2019 et le 17 juillet 2020, 140 auditions et 19 visites lors de 5 déplacements. Ils ont auditionné 459 personnes :
- associations environnementales ;
- chercheurs ;
- pouvoirs publics aux échelons européen, national et local, ainsi que leurs représentants ;
- Agence du développement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ; Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ; Agence de l'eau Loire-Bretagne ;
- représentants de l'ensemble des filières industrielles concernées par le plastique à toutes les étapes de son cycle de vie : de la production des polymères à la fabrication de matières plastiques recyclées, en passant par les metteurs en marché de produits plastiques, à la gestion de leur fin de vie ;
- éco-organismes.
L'épidémie de la Covid-19 a perturbé le mode de travail de vos rapporteurs, notamment en substituant des visioconférences aux rencontres avec les chercheurs dans leurs laboratoires. Par ailleurs, tous les déplacements prévus en Europe et en Chine ont dû être annulés. Toutefois, à l'occasion du colloque franco-américain sur la pollution plastique organisé par la ville du Mans en décembre 2019, vos rapporteurs ont eu l'occasion d'organiser deux tables rondes avec 11 chercheurs américains.
Au cours des auditions, il est rapidement apparu que la pollution plastique ne se réduisait pas à la vision dramatique mais réductrice de déchets plastiques rejetés dans les océans et ingérés par les animaux marins.
De la même manière qu'il existe une grande diversité des matériaux plastiques (I), la pollution plastique est en fait multiforme (II), avec une pollution visible par les macroplastiques, à laquelle s'ajoutent deux autres pollutions plus insidieuses mais tout aussi préoccupantes : la pollution par les microplastiques et la pollution par les nanoplastiques.
Ces pollutions se sont peu à peu disséminées dans tous les compartiments de l'environnement (III). Or, non seulement les plastiques diffusent de nombreuses molécules toxiques et agissent comme une source de pollution diffuse, mais ils servent également de vecteurs pour les polluants organiques persistants, les espèces invasives et les pathogènes : ils sont de plus en plus considérés comme une menace potentielle pour l'environnement et la santé humaine (IV).
Face à cette situation, un nombre croissant d'initiatives est pris par les pouvoirs publics, mais également par les entreprises, sous la pression des opinions publiques et des organisations environnementales, afin de mieux gérer la fin de vie des plastiques, de réduire leur fuite dans l'environnement et de limiter leur toxicité (V).
Toutefois, la lutte contre la pollution plastique reste encore trop axée sur l'amélioration de l'efficacité du recyclage au détriment d'une politique plus volontariste de réduction de la consommation et de développement du réemploi et de la réutilisation (VI).
À l'issue de cette étude, vos rapporteurs proposent huit séries de recommandations (VII) :
- sensibiliser, éduquer et impliquer les citoyens ;
- réduire la production de plastique ;
- prévenir la fuite des plastiques dans l'environnement ;
- favoriser le réemploi ;
- rendre le recyclage plus efficient ;
- soutenir l'acquisition de connaissances et la recherche ;
- évaluer et contrôler l'application des lois qui intègrent des dispositions relatives à la pollution plastique ;
- promouvoir de nouvelles actions à l'échelon européen et international.
I. LA GRANDE DIVERSITÉ DES MATÉRIAUX PLASTIQUES
A. LES PLASTIQUES : DÉFINITION
Les polymères sont des macromolécules de synthèse obtenues par polymérisation ou polycondensation de petites molécules, les monomères. La réaction de polymérisation donne naissance à des chaînes carbonées dont la structure (linéaire, ramifiée, réticulée), la longueur (nombre n d'atomes de carbone réunis de la formule chimique simplifiée CH3-(CH2) n -CH3) et l'assemblage forment des topologies qui déterminent leurs propriétés physiques et chimiques.
Plastique = polymère + charge + plastifiants + autres additifs
Ainsi, pour des plastiques de même nature chimique, il existe des centaines, voire des milliers de formulations différentes.
Tous les polymères ne sont pas synthétiques. De nombreux polymères naturels sont présents dans la nature : polypeptides (collagène, gélatine), polysaccharides (sucres) et polynucléotides (ADN, ARN). Le latex (caoutchouc naturel) est également un polymère naturel produit par l'Hévéa.