EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 14 octobre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu les conclusions du groupe de travail sur les coûts et le financement du Grand Paris Express.
M. Claude Raynal , président . - Dans le cadre de son programme de contrôle adopté le 22 janvier dernier, la commission des finances avait décidé la création d'un groupe de travail consacré aux coûts et au financement des infrastructures de transport collectif en Île-de-France rassemblant nos collègues Julien Bargeton, Arnaud Bazin, Vincent Capo-Canellas, Emmanuel Capus, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Remi Féraud, Roger Karoutchi, Christine Lavarde, Sébastien Meurant, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli et Sophie Taillé-Polian.
À l'issue de sa réunion constitutive, ce groupe de travail avait désigné comme Président Vincent Éblé et comme rapporteur Christine Lavarde.
Lors de cette réunion, le groupe de travail avait également décidé de resserrer le champ de son contrôle aux coûts et au financement du Grand Paris Express (GPE) et à l'établissement public chargé de le porter, la Société du Grand Paris (SGP).
Aucun membre du groupe de travail n'étant soumis au renouvellement sénatorial du mois de septembre, il a été décidé qu'il pouvait rendre ses conclusions au mois d'octobre. Le seul changement dans sa composition résulte du départ de notre collègue Julien Bargeton pour une autre commission.
Je cède la parole à Christine Lavarde, rapporteur, qui va nous présenter les conclusions du groupe de travail sur ce projet d'infrastructure de grande ampleur lourd d'enjeux pour nos finances publiques.
Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Je m'exprime au nom du groupe de travail qui s'est réuni hier soir pour approuver les propositions du rapport.
Le GPE est un projet qui a débuté, dans sa réflexion, dans les années 1970 et qui est devenu une réalité avec la loi du 3 juin 2010 créant la Société du Grand Paris. Le tracé définitif a été finalisé en 2013 et les premiers travaux ont commencé en juin 2016. Ce chantier représente 200 kilomètres de voies ferrées dont 90 % en souterrain, 68 gares, 6 centres d'exploitation et 5 lignes automatiques à terme. La ligne 14 existe déjà et sera prolongée et 4 lignes nouvelles vont apparaître, les 15, 16,17 et 18.
La fin des travaux est estimée en 2030. Aujourd'hui, 130 sites sont en chantiers.
La SGP a été créée pour mettre en oeuvre ce projet. Elle comptait en 2016 199 équivalent temps plein (ETP) seulement contre 750 ETP aujourd'hui, lesquels s'appuient sur 7 000 intervenants extérieurs. Fin 2022, la SGP comptera 1 100 ETP, lesquels auront pour mission de contrôler jusqu'à 15 000 prestataires extérieurs en 2024.
Le groupe de travail a formulé trois types de propositions.
Les premières propositions sont liées aux coûts du Grand Paris Express (GPE), et visent, d'une part, à contenir la fuite en avant de ce projet et, d'autre part, à apporter une meilleure information au Parlement à son sujet.
Le coût total du projet était estimé à 22,6 milliards d'euros (en euros 2012) en mars 2013, à 28,9 milliards d'euros en mars 2017, avant d'être réévalué à 35,1 milliards d'euros en septembre 2017. En juin 2020, les estimations disponibles les plus récentes faisaient état d'un coût de 35,6 milliards d'euros. Ce coût semble donc aujourd'hui relativement stabilisé. Certains des interlocuteurs que nous avons auditionnés ont estimé que le bond constaté entre mars et septembre 2017 correspondait à un simple « recalage » mais pour la Cour des comptes, que nous avons également entendue, cette évolution résultait d'un effort de « sincérisation » du projet devenu indispensable.
La pandémie du Covid-19 va avoir un impact sur les coûts du Grand Paris Express (GPE), estimé a minima à 20 millions d'euros. Elle devrait également entraîner un décalage dans le temps de la réalisation des travaux, ce qui retarderait la livraison de certaines lignes qui étaient censées être achevées avant les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024.
Les montants que je viens de présenter excluent certains coûts qui n'appartiennent pas au Grand Paris Express (GPE) stricto sensu , et notamment l'interconnexion du GPE avec les lignes de métro existantes. Or, le coût global de ces interconnexions est estimé entre un milliard et 1,5 milliard d'euros. Pour le financer, seuls 450 millions d'euros sont pour l'heure inscrits au budget d'investissement de la SGP...
La SGP essaye de faire des économies en utilisant, avec le soutien du Gouvernement, des outils de la commande publique plus adaptés à ses besoins, en particulier les marchés de conception-réalisation. Dans le cadre du projet de loi accélération et simplification de l'action publique (ASAP) en cours d'examen par le Parlement, un amendement prévoyant d'élargir le recours à ces marchés pour des projets connexes de valorisation immobilière autour des gares du GPE a été voté la semaine dernière par nos collègues députés.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, il a été demandé que le Parlement soit informé des dépenses et des recettes de la Société du Grand Paris (SGP) dans le cadre d'un rapport annuel. Ce rapport pourrait être utilement complété par une analyse des retards et des surcoûts engendrés par la pandémie de Covid-19. Nous souhaitons aussi que ce rapport présente chaque année une évolution du coût et du calendrier de réalisation en distinguant ligne par ligne, car toutes les lignes ne sont pas au même stade de réalisation.
Nous avons également adopté un certain nombre de propositions qui concernent la gouvernance de l'établissement. Le législateur a décidé en 2010 de créer une société dédiée à la réalisation du Grand Paris Express (GPE), à savoir la Société du Grand Paris (SGP), alors même qu'il existait déjà deux opérateurs investissant dans les infrastructures de transport en Île-de-France, la RATP et la SNCF.
La SGP disparaîtra au moment où la dette constituée pour la réalisation du GPE aura été intégralement remboursée. Pendant 40 ans nous aurons donc un opérateur qui sera uniquement là pour porter une dette, l'extinction de celle-ci étant prévue pour 2070.
Au cours des années, l'État est venu confier des tâches supplémentaires à la SGP, dont le financement d'une partie de la modernisation du réseau existant, avec, par exemple le projet Éole de prolongement de la ligne E du RER à l'ouest.
La SGP est dirigée par un directoire composé de trois personnes dont un président nommé par le Président de la République, par un conseil de surveillance de 21 membres rassemblant des représentants de l'État et des collectivités territoriales et par un comité stratégique de 182 membres qui regroupe les élus locaux concernés par le projet.
La tutelle de l'État sur la SGP, qui a été lâche au début du projet, a été renforcée depuis 2017 avec la mise en place d'un comité des tutelles. Fin 2018, un comité d'audit et des engagements a également été créé pour mieux contrôler la SGP et éviter de nouvelles dérives des coûts. Un rapport d'avancement spécifique est désormais présenté lors de chaque réunion du conseil de surveillance.
Les membres du groupe de travail estiment qu'il faudrait encore améliorer la gouvernance de la SGP en créant une meilleure articulation avec Île-de-France Mobilités (IDFM), l'établissement public régional qui sera à terme chargé de l'exploitation du GPE, en désignant un représentant ès qualité d'IDFM au conseil de surveillance de la SGP. La représentation de la région Île-de-France n'est en effet pas suffisante à elle seule.
Nous préconisons également la signature rapide d'un contrat d'objectifs et de performance (COP) entre l'État et la SGP. Il nous paraît indispensable que celle-ci intervienne au cours du premier semestre 2021 au plus tard. Il est, nous dit-on, en cours d'écriture !
Cet équipement à vocation nationale est pour l'heure financé uniquement par une fiscalité francilienne, alors même que les gains attendus pour l'économie nationale sont significatifs : entre 10 et 20 milliards d'euros de richesses supplémentaires par an pourraient être créées quand le projet sera en service. Les recettes fiscales attendues pour l'État et les collectivités sont estimées à 4 milliards d'euros par an. Par ailleurs, les externalités positives du projet, et en particulier la diminution de la congestion dans la région Île-de-France, sont estimées à 10 milliards d'euros par an.
A l'occasion des lois de finances pour 2019 et pour 2020, le Gouvernement a fait voter par le Parlement des taxes supplémentaires applicables uniquement dans la région Île-de-France pour apporter des recettes supplémentaires à la SGP. Entre 2017 et 2020, la fiscalité francilienne se sera ainsi alourdie de 150 millions d'euros. Malgré tout cette augmentation ne suffit toujours pas à couvrir les besoins de financement de la Société du Grand Paris (SGP) tels qu'ils avaient été estimés par notre collègue député Gilles Carrez dans son rapport de 2018 au Premier ministre sur les ressources de la SGP.
Notre groupe de travail souhaite affirmer, à travers plusieurs propositions, que l'État devra à l'avenir financer tous les surcoûts du Grand Paris Express (GPE) dont il serait responsable.
Les recettes propres de la SGP sont insuffisantes : elles représentent 0,2 % des recettes globales du projet, ce qui est infime, alors même que des pistes ont été envisagées, notamment l'utilisation des tunnels pour développer un réseau de fibres. Il est nécessaire de les développer.
Enfin, nous pourrions envisager d'allonger la durée d'amortissement de la dette de la SGP. Les projections font état d'une fin d'amortissement en 2070. Or, le modèle est sensible aux évolutions de taux. Nous sommes sur des investissements de long terme aussi ne serait-il pas choquant, le cas échéant, de relâcher la contrainte financière pour éviter de faire porter la fiscalité uniquement sur les acteurs économiques d'aujourd'hui.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je voudrais saluer le travail du groupe. Je souhaite insister sur le fait que l'État doit être au côté de la SGP pour des raisons d'équité. Si tel n'était pas le cas, le Grand Paris Express (GPE) serait le seul équipement d'intérêt général de portée nationale, voire internationale, qui ne serait payé que par les contributeurs d'un seul territoire.
Les propositions du groupe de travail me semblent bien rappeler cet enjeu, les difficultés rencontrées par la SGP témoignant par ailleurs d'une absence de maîtrise dans le dialogue entre l'État et les collectivités.
M. Philippe Dallier . - A l'origine, lorsque Nicolas Sarkozy a lancé le projet, l'État devait apporter à la Société du Grand Paris (SGP) 4 milliards d'euros. Finalement les 4 milliards d'euros se sont transformés en 2 milliards d'euros, puis en 0 car l'État, estimant que le démarrage du projet était très lent, a récupéré les 2 milliards d'euros qu'il avait investis. Il n'y a donc eu aucune participation de l'État alors que ce dernier devait contribuer au projet à hauteur de 4 milliards d'euros. Les régions hors de l'Île-de-France ne paient rien, c'est uniquement les particuliers franciliens qui contribuent via la taxe spéciale d'équipement et les entreprises franciliennes, à travers notamment des taxes croissantes sur les bureaux et les parkings.
La contribution de l'État au financement de la Société du Grand Paris (SGP) va être au centre du débat qui va s'ouvrir. Par ailleurs, si l'on peut espérer que le coût du Grand Paris Express (GPE) est désormais globalement stabilisé, la question de l'équilibre financier de l'exploitation demeure pour sa part sans réponse.
Le Grand Paris Express (GPE) n'est pas une infrastructure d'intérêt seulement régional car la compétitivité de la région Île-de-France est aussi celle du pays tout entier. Les transports en commun de la région capitale sont calamiteux et vient s'y ajouter une congestion du trafic routier savamment organisée, ce qui rend la vie insupportable aux entreprises et aux particuliers !
M. Roger Karoutchi . - J'espère ne pas être trop optimiste en parlant d'un coût final du Grand Paris Express (GPE) de 50 milliards d'euros. Entre 2012 et 2020, on est passé de 16 à 36 milliards d'euros alors que seulement 15 % des chantiers sont ouverts. Donc tous les aléas de chantier, toutes les difficultés que l'on va rencontrer, c'est maintenant et dans les années qui viennent qu'ils vont apparaître. Je n'ai aucune illusion sur le coût final.
Je partage totalement ce que vient de dire mon collègue Philippe Dallier. Le Gouvernement a présenté le projet du GPE comme un projet d'intérêt national et non pas régional parce qu'à terme il rapportera globalement 4 milliards d'euros de fiscalité à l'État chaque année. Et l'État ne met pas un centime en attendant ! Et en plus il a la main sur la structure. C'est absolument inadmissible.
On a le sentiment depuis quelques années d'avoir affaire à un État impécunieux, qui s'est totalement désengagé mais qui veut conserver la décision par l'intermédiaire de la préfecture de région. Et quand on lui parle de dérive des coûts, il considère qu'il n'y a pas de problème car on va augmenter les taxes sur les particuliers et les entreprises d'Île-de-France. Au début, c'était environ 400 à 500 millions d'euros pour rembourser les emprunts, puis entre 700 et 800 millions d'euros et on envisage de passer au milliard d'euros ! On a l'impression que c'est facile. C'est un beau projet mais qui pâtît d'une gestion aberrante dans la mesure où les acteurs locaux n'ont pas la main sur une infrastructure qu'ils sont les seuls à payer.
Je redis à nos amis hors Île-de-France que le Grand Paris Express (GPE) ne leur coûte pas un centime d'euro. C'est un vrai sujet pour les finances publiques de l'Île-de-France mais pas pour celles de l'État !
Il faut changer la gestion de la SGP et maîtriser la dérive des coûts.
M. Claude Raynal , président . - Pour l'instant, le financement de la SGP repose uniquement sur les contribuables franciliens mais le groupe de travail estime qu'une contribution de l'État serait légitime.
M. Gérard Longuet . - Le Grand Paris Express (GPE) est un projet d'envergure nationale destiné à renforcer le potentiel de Paris et de la région parisienne. Je suis complètement d'accord pour que cette région joue le rôle de locomotive pour le reste du territoire français dans l'espace européen, voire mondial.
Peut-on retrouver dans le rapport les clés de financement de la Société du Grand Paris (SGP), le rôle des fonds propres, le type d'endettement ? Et sur l'exploitation, quelles sont les perspectives de recettes pour participer à l'entretien du réseau et à son fonctionnement, ainsi qu'à l'amortissement des travaux initiaux ?
Nous aimerions une continuité de service entre les TGV et le GPE grâce à une meilleure articulation entre les réseaux qui semble actuellement insuffisante. J'ai l'impression d'un isolement de la SGP qui n'a pas d'ouverture vers sa clientèle provinciale. Tout cela manque de cohérence.
Historiquement, le métro parisien a été créé pour afficher l'identité de chaque ligne en négligeant volontairement l'articulation avec le chemin de fer et en opposant le métro avec les lignes de banlieues et de tramways. Nous ne devons pas reproduire cette erreur.
Puisque l'on met beaucoup d'argent, que cet argent soit utile à une meilleure articulation entre l'Île-de-France et le reste du territoire.
M. Philippe Dominati . - Je salue le consensus trouvé par le groupe de travail sur un certain nombre de points. Je crains la bombe que représente financièrement la SGP pour le futur.
Je souhaite élargir le contexte. Nous sommes dans la seule région en Europe où l'État s'immisce et commande de telle manière les transports publics. On n'entend pas les collectivités territoriales. Dans cette zone, les usagers ont l'habitude de la confrontation des grandes sociétés étatiques. Tous les grands projets franciliens que j'ai connus ont vu des dépassements budgétaires multipliés par 2, voire 2,5. C'est cette confrontation qui a créé la gabegie.
Nous parlons ce matin des éventuels dysfonctionnements de la Société du Grand Paris (SGP), mais nous pourrions en évoquer bien d'autres. Je pense par exemple au Charles-de-Gaulle Express.
Je tiens à signaler le caractère très spécifique de la SGP, qui ne résout pas le problème des lignes de RER gérées par la SNCF, et qui n'apporte pas non plus de solutions à la gestion erratique de la RATP. En réalité, l'État transfère des dettes d'une société d'État à une autre. Dans tout cela, l'usager est pénalisé. Les entreprises et l'activité économique paient. Les entrepreneurs et les particuliers franciliens n'acceptent plus de financer davantage un système qui les pénalise de la sorte.
Mme Christine Lavarde , rapporteur . - En réponse à Gérard Longuet, le modèle financier de la Société du Grand Paris (SGP) est bien décrit dans le rapport.
Globalement, l'établissement public s'est vu affecter par l'État de la fiscalité francilienne pour lui permettre de lever de l'emprunt. La SGP souscrit principalement des emprunts verts, avec en particulier 6 milliards d'euros souscrits la semaine dernière. Aujourd'hui, la dette de la SGP est de l'ordre de 15 milliards d'euros, soit environ 50 % du besoin de financement.
La fiscalité francilienne a vocation à perdurer tant qu'il y aura de la dette à rembourser pour le financement de l'investissement.
Concernant l'exploitation, on sait qu'elle représentera un coût d'environ un milliard d'euros par an. C'est IDFM qui viendra la financer. Comment ? La question reste posée. Dans le modèle de financement de la SGP, il était prévu une redevance d'exploitation versée par IDFM à la SGP. Mais cette solution risque d'augmenter le déficit d'exploitation d'IDFM...
Sur les articulations avec le réseau TGV, hors Paris, je vois la gare de Massy et celle de Chessy. Seule la première est intégrée dans le réseau du Grand Paris Express (GPE), de même que les deux aéroports Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly.
M. Hervé Maurey . - Je voudrais rappeler le rapport très sévère de la Cour des comptes de décembre 2017 qui a mis le doigt sur les dérives budgétaires de la Société du Grand Paris (SGP) et sur le fait que le Grand Paris Express (GPE) risquait de provoquer l'apparition d'une dette perpétuelle. Nous n'avons aucune garantie d'arriver à rembourser cette dette quelque en soit la date. Nous sommes dans une situation inquiétante et je rejoins les interventions de mes collègues Philippe Dominati et Roger Karoutchi. Nous devons exercer une pression constante sur l'État pour obtenir une vraie transparence et des assurances que le Gouvernement fera preuve de plus de rigueur sur les coûts et sur le calendrier du projet. Certaines lignes devaient être prêtes pour les JOP et ce sera loin d'être le cas. J'incite à une très grande vigilance et à une très grande rigueur sur ce dossier.
M. Rémi Féraud . - Je salue l'esprit de synthèse et de consensus du rapporteur. Je regrette que ce groupe de travail n'ait été composé presque que de franciliens car l'enjeu est national. Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de projets structurants aussi essentiels pour notre pays dans les décennies qui viennent.
Ce projet est déterminant pour l'attractivité et l'organisation de la métropole. Mais c'est le pays dans son ensemble qui en a besoin. C'est dans cet esprit que le projet a été lancé. Puis l'État s'en est désengagé tout en restant pilote de sa mise en oeuvre. Je ne sais pas s'il y a eu une dérive des coûts ou s'ils ont été sous-estimés au départ. Du coup, il y a un financement national insuffisant, une durée d'amortissement également insuffisante et il faut remettre de la cohérence entre le financement et la gouvernance. C'est ce que propose le rapport. Il faut également remettre du suivi budgétaire et du contrôle parlementaire dans la conduite de ce chantier qui va être long.
M. Éric Bocquet . - J'ai deux questions techniques sur un dossier que je découvre. Quel est le montage financier ? Quels sont les partenaires, quelles collectivités locales, quelle est la part de chacun ?
Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Il n'y a aucune sollicitation directe des collectivités.
M. Éric Bocquet . - Avez-vous un début d'analyse sur les causes de cette explosion des coûts ?
M. Vincent Éblé , président . - Lors de la mise en place du groupe de travail, nous avons réfléchi au champ des sujets à traiter et nous avons exclu de revisiter le programme de travaux que s'est fixé la Société du Grand Paris (SGP), à la fois hors de notre champ de compétence et sur lequel existe par ailleurs un consensus régional assez large.
Néanmoins nos auditions nous ont permis de voir que les questions d'interconnexions du nouveau réseau avec les lignes existantes n'étaient pas intégrées dans le programme de financement. Or cette question est déterminante.
J'ai souvent dénoncé cet état de fait. Si nous finançons une grande infrastructure en boucle qui n'aurait pour seule vocation que de faire bouger de façon circulaire les franciliens sans les mettre en communication avec les réseaux essentiellement radians qui existent, nous ne sommes pas à la hauteur de l'enjeu. Il faut financer ces aménagements des gares d'interconnexion de façon à permettre des déplacements « origine-destination » qui raccourcissent les temps de mobilité des franciliens à l'intérieur de notre réseau de transport ainsi agrandi.
Cette question essentielle l'est aussi pour une part des contributeurs, les résidents et les entreprises de la grande couronne qui sont sollicités alors que le tracé passe parfois très loin de chez eux. L'infrastructure est utile à condition d'avoir les interconnexions. Nous devons traiter cette question et intégrer ces coûts supplémentaires car sinon le projet n'a pas de sens.
Sur la question du financement de l'infrastructure du Grand Paris Express (GPE), je suis satisfait que nous ayons retenu parmi nos propositions l'allongement de la durée de l'amortissement de la dette de la Société du Grand Paris (SGP). La durée de vie d'un tunnel est bien plus longue que la durée de remboursement traditionnel des emprunts et donc je pense qu'il faut imaginer des dispositifs qui permettent d'acter cet amortissement de très longue durée pour des infrastructures lourdes.
Sur l'exploitation, y a-t-il des gains en recettes à attendre ? Je pense qu'ils sont limités. La mobilité des franciliens ne va pas être augmentée en volume. Or l'essentiel de cette mobilité se finance par des abonnements. La réalisation de cette infrastructure ne devrait pas beaucoup augmenter le nombre d'abonnements, même si les temps de transports se trouvent raccourcis et l'accès à de nouvelles zones renforcées. Cette question de l'exploitation n'a jamais vraiment été traitée et toujours repoussée. Or, c'est un sujet majeur.
M. Patrice Joly . - Je vous remercie de cette présentation claire d'un sujet que les non-franciliens ne maîtrisent pas forcément.
Je voudrais savoir, si compte tenu de la situation actuelle, il y a une démarche pour revisiter le calendrier déjà glissant et les bases des perspectives d'exploitation et donc le modèle économique des équipements concernés au regard des nouvelles stratégies que peuvent avoir les entreprises et les ménages. Y a-t-il un début d'approche sur ce sujet, ce qui n'est pas neutre sur les équilibres globaux, sur les financements de l'investissement et de l'exploitation du Grand Paris Express (GPE) ?
Mme Christine Lavarde , rapporteur . - En réponse à Éric Bocquet, les causes de l'explosion des coûts du projet sont bien identifiées : l'une des principales tient au fait que dans le chiffrage initial, les provisions pour risques et aléas étaient très faibles, si bien que la SGP parvenait à un coût du kilomètre de ligne inférieur à celui de la RATP.
L'enveloppe financière d'aujourd'hui prévoit désormais pour chaque ligne une provision pour risques et aléas plus proche de ce que l'on doit avoir pour des chantiers de cette nature.
Il y a eu aussi des évolutions dans le projet, le nombre de gares a augmenté.
En outre, il avait été envisagé au départ de réaliser tout le projet en même temps, ce qui aurait nécessité des moyens humains et techniques impossibles à obtenir. Il aurait fallu mobiliser tous les tunneliers d'Europe en même temps ! Les projections de coût confrontées à la réalité du marché du génie civil, ont révélé des coûts plus élevés qu'espéré.
Pour répondre à Patrice Joly, le groupe de travail avait pris le parti de ne pas réinterroger le tracé des lignes. Notre objectif était de voir si l'enveloppe de coûts connue était amenée à augmenter et si le Gouvernement allait demander au Parlement de voter de nouvelles recettes fiscales comme il l'avait fait depuis deux ans.
Faut-il réinterroger globalement le schéma de transport au regard de l'évolution des zones d'implantation ? Cette question relève de la prospective, laquelle ne peut faire l'objet d'un contrôle budgétaire. Mais c'est un thème qu'il faudra regarder attentivement à l'avenir.
M. Claude Raynal , président . - Je vous remercie pour cet exposé très clair et intéressant. Le groupe mériterait de continuer son travail, en particulier en veillant à ce que l'État rende les rapports qu'il doit remettre au Parlement en temps et en heure.
La commission des finances a autorisé la publication de la communication du groupe de travail sur les coûts et le financement du Grand Paris Express sous la forme d'un rapport d'information.