D. LOI N° 2020-105 DU 10 FÉVRIER 2020 RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE ET À L'ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Au 31 mars 2020, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire n'était promulguée que depuis moins de deux mois . Ce texte, très récent, n'entre donc pas dans les statistiques officielles de l'exercice annuel réalisé par la commission sur le bilan quantitatif et qualitatif de l'application des lois concernant son champ de compétences. Néanmoins, elle a estimé indispensable de rappeler les grandes lignes qui guideront, dans les mois qui viennent, le suivi rigoureux de l'application de cette loi importante, que le Sénat a largement contribué à enrichir et à améliorer, depuis son dépôt le 10 juillet 2019 jusqu'à la commission mixte paritaire conclusive qui s'est tenue le 8 janvier 2020.
1. Une attention particulière devra être portée, dans le contexte de la crise sanitaire, au maintien des ambitions environnementales collectivement votées tout en assouplissant certaines procédures d'élaboration des textes réglementaires
Un important travail transpartisan a été conduit au Sénat à l'occasion de l'examen de ce texte, afin de lui donner une plus grande envergure et une véritable ambition environnementale. Les apports du Sénat ont notamment concerné la lutte contre l'ensemble des déchets plastiques, la lutte contre le gaspillage, le développement du réemploi et de la réparation, ou encore l'amélioration de la gestion des déchets du bâtiment et la lutte contre les dépôts sauvages. La commission veillera au maintien de ces avancées exigeantes permises par le législateur, qui devront être confortées par les mesures d'application qui seront prises.
En revanche, la crise sanitaire actuelle et les difficultés rencontrées par un très grand nombre de secteurs économiques va nécessiter un accompagnement adapté de tous les acteurs concernés , les entreprises et les collectivités territoriales notamment, afin de leur donner la possibilité et les moyens concrets leur permettant d'atteindre les objectifs ambitieux fixés par la loi. Certains acteurs attendent ainsi de la souplesse, notamment dans le cadre des procédures qui les associent à la préparation des décrets. Les modalités de consultation et de concertation requises dans ces cas-là doivent pouvoir être assouplies ou réorganisées au mieux afin de leur permettre d'être consultés dans les meilleures conditions possibles. Interrogée par la commission, la secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire a indiqué que ces difficultés seraient prises en compte.
En outre, un examen au cas par cas doit pouvoir être conduit afin d'évaluer les conditions de mise en oeuvre des dispositions de la loi les plus adaptées pour chacun des secteurs rencontrant des difficultés particulières. Un suivi fin devra ainsi être conduit par la commission.
Enfin, la commission constate que les difficultés actuellement rencontrées par l'industrie du recyclage du fait de la chute du prix du pétrole, érodant la compétitivité de la matière recyclée par rapport à la matière vierge, souligne l'intérêt majeur d'une disposition introduite à l'article 62 de la loi , qui donne à l'éco-organisme la responsabilité de prendre en charge les risques financiers liés aux fluctuations des cours des matières premières recyclées 224 ( * ) .
2. Sur le sujet de la consigne, des moyens substantiels devront être mis à la disposition des collectivités territoriales pour la généralisation à tout le territoire de l'extension des consignes de tri
La commission sera particulièrement attentive à la mise en oeuvre de l'article 66 de la loi , qui fixe des objectifs de taux de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique permettant d'atteindre les objectifs européens, mais qui conditionne la mise en oeuvre par le Gouvernement d'un système de consigne (pour recyclage ou réemploi) à la non-atteinte par les collectivités territoriales, en juin 2023 (sur la base des performances réalisées en 2022) des performances cibles définies et évaluées annuellement par l'Ademe.
C'est grâce au Sénat que le texte initial du Gouvernement, qui prévoyait la possibilité d'une mise en place immédiate et sans conditions d'un système de consigne, a finalement évolué afin de laisser aux collectivités territoriales le temps et l'opportunité de montrer qu'elles peuvent atteindre les objectifs ambitieux fixés au niveau européen sans mettre en place de système de consigne , notamment grâce à l'extension des consignes de tri.
La commission a rappelé la vigilance qui sera la sienne sur les moyens qui seront donnés aux collectivités pour atteindre ces objectifs.
3. La mise en place des filières de responsabilité élargie du producteur créées ou étendues par la loi constituera un autre enjeu important du suivi de l'application du texte
Une attention particulière sera portée aux nombreuses créations et extensions de filières de responsabilité élargie du producteur (REP) prévues par l'article 62 de la loi . Elles devront permettre une meilleure application du principe pollueur-payeur , une amélioration des performances de prévention et de recyclage et une réduction de la charge aujourd'hui supportée par les collectivités territoriales.
La loi prévoit en particulier la création ou l'extension de quatre filières REP pour 2021 : emballages professionnels utilisés par les activités de restauration ; déchets diffus spécifiques (DDS) non-ménagers susceptibles d'être collectés par le service public de gestion des déchets ; équipements électriques ou électroniques associés aux dispositifs médicaux perforants ; mégots de cigarettes.
Les cahiers des charges de ces filières devront être fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement avant la fin de l'année. La commission exercera son plein contrôle sur le respect de ce calendrier .
4. La réforme des filières REP : des objectifs ambitieux à fixer
La commission sera également vigilante à l'application de la réforme des filières REP, indispensable à l'amélioration des performances environnementales des secteurs concernés. La commission rappelle à cet égard que de nombreuses dispositions relatives au fonctionnement des REP ont été inscrites dans la loi à son initiative.
En particulier, de nouveaux objectifs visant à prévenir la constitution des déchets en amont (objectifs distincts de réduction des déchets, de réemploi, de réutilisation, de réparation) sont prévus par l' article 62 de la loi et devront être fixé par les cahiers des charges des éco-organismes ou des systèmes individuels agréés. Il revient désormais à l'État - qui devra approuver par arrêté les cahiers des charges - de faire preuve d'exigence en fixant des objectifs élevés aux filières. L'article 61 de la loi prévoit d'ailleurs un nouveau régime de sanctions rendant ces objectifs pleinement contraignants .
La commission portera une attention particulière à la filière REP sur les déchets du bâtiment qui devra être mise en place en 2022 et au décret en Conseil d'État qui devra définir ses modalités d'application ainsi que les conditions minimales du maillage des points de reprise. L'article 72 de la loi précise qu'il reviendra à l'éco-organisme de la filière d'établir ce maillage territorial, en concertation avec les collectivités territoriales ; son cahier des charges devra notamment préciser la contribution de la filière à l'ouverture de nouveaux points de reprise ainsi qu'à l'extension des horaires d'ouverture des points de reprise existants. L'application de ces dispositions sera cruciale pour limiter la constitution de dépôts sauvages , particulièrement coûteux pour les territoires.
5. Le suivi des habilitations à légiférer par ordonnance
Grâce au travail sénatorial, de nombreux éléments essentiels qui devaient à l'origine faire l'objet d'habilitations à légiférer par ordonnance ont pu être inscrits dans le texte à l'issue du débat parlementaire. Tel est notamment le cas des sanctions associées au principe de responsabilité élargie du producteur, inscrites à l'article 61 de la loi. Tel est également le cas des nouvelles dispositions relatives à la lutte contre les dépôts sauvages , qui font l'objet d'un titre à part entière, composé de 14 articles 225 ( * ) .
En rejetant l'option des ordonnances, la navette parlementaire a donc manifestement enrichi le texte, tout en donnant aux acteurs de terrain, et notamment aux élus locaux, les moyens d'agir dès à présent.
Bien qu'ayant donc réduit son champ, le Parlement a maintenu, dans l'article 125 de la loi, plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance. Pris sur le fondement de cet article, un projet d'ordonnance relatif à la prévention et à la gestion des déchets vise notamment à préciser les modalités selon lesquelles l'État assure la communication inter-filières et à transposer, en complément des dispositions déjà adoptées dans la loi, les directives européennes relatives à la prévention et à la gestion des déchets 226 ( * ) . La commission s'assurera que le point de vue des territoires et l'ambition du législateur soient fidèlement retranscrits dans ce projet et dans celui ou ceux qui pourraient suivre.
* 224 Obligation inscrite au II de l'article L. 541-10-6 du code de l'environnement.
* 225 Titre V (Lutte contre les dépôts sauvages), articles 93 à 106.
* 226 Les directives (UE) 2018/850 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets (directive « mise en décharge »), (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets (directive cadre déchets), (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement (directive « plastiques à usage unique »).