B. LOI N° 2017-1839 DU 30 DÉCEMBRE 2017 METTANT FIN À LA RECHERCHE AINSI QU'À L'EXPLOITATION DES HYDROCARBURES ET PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉNERGIE ET À L'ENVIRONNEMENT
La loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017, dite « Hydrocarbures » , a prévu l'arrêt de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures sur le territoire national d'ici à 2040 ainsi que d'autres mesures afférentes à l'énergie (régulation de l'accès au stockage souterrain de gaz naturel, encadrement de la pratique dite du « commissionnement » , évolution des règles de raccordement des installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable implantées en mer)
Sur 28 articles, 10 étaient directement applicables et 13 dispositions sur 18 le sont devenues avec la publication des décrets et arrêtés nécessaires.
Deux ans après la publication de cette loi, 17 mesures réglementaires sur 23 ont été prises, 1 ordonnance a été publiée, sur 1 article et 3 habilitations prévus, et 2 rapports sur 4 ont été transmis au Parlement par le Gouvernement.
Le taux d'application de cette loi est donc de 74 % pour les mesures règlementaires, 50 % pour les ordonnances 70 ( * ) et 50 % pour les rapports.
Sur l'année écoulée, la dernière mesure attendue dans le cadre de la réforme du gaz est intervenue avec la publication de l' arrêté du 17 décembre 2019 relatif à l'interruptibilité de la consommation de gaz naturel : il est regrettable qu'il ait fallu attendre deux ans pour en disposer.
Par ailleurs, 2 autres mesures règlementaires, portant sur le raccordement des installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable implantées en mer, sont encore en attente.
S'agissant des ordonnances , si une ordonnance n° 2018-1165 du 19 décembre 2018 a bien été publiée en matière de gaz naturel pour modifier les missions et obligations des gestionnaires, fournisseurs et opérateurs et définir les règles relatives au délestage de la consommation, elle ne comporte aucune disposition sur la contractualisation des capacités interruptibles ou la modification des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution applicables aux sites fortement consommateurs (2° et 3° du IV de l'article 12).
Enfin, pour ce qui est des demandes de rapports , ceux portant sur la prise en compte des objectifs de développement durable dans les marchés publics et l'impact environnemental des hydrocarbures n'ont pas été remis.
1. Les mesures d'application règlementaires
a) Une nouvelle mesure d'application a été prise
Une mesure d'application était encore attendue pour ce qui concerne l'application de l' article 12 du chapitre II de la loi consacré au stockage et à la consommation du gaz 71 ( * ) : elle est intervenue avec la publication de l'arrêté du 17 décembre 2019 relatif à l'interruptibilité de la consommation de gaz naturel.
Cet arrêté prévoit la possibilité de conclure un « contrat d'interruptibilité » (garantie ou secondaire transport ou distribution) entre le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel et le consommateur final.
Le contrat d'interruptibilité « garantie » permet au gestionnaire d'activer des capacités interruptibles, dans la limite de deux fois dans l'année et sur une période comprise entre 24 et 240 heures par an (article 11).
Le consommateur final s'engage à avoir une capacité interruptible au moins égale à 1 000 mégawattheures (MWh) par jour pour ce lieu de consommation, à répondre à un ordre d'activation dans un délai inférieur ou égal à 2 heures et à être disponible au moins 310 jours par an (article 12).
En contrepartie, le consommateur final bénéficie d'une compensation des sujétions de service public (articles 19 à 22).
En cas d'activation du contrat, la consommation de gaz naturel du lieu de consommation est inférieure ou égale à un niveau plafond (article 14).
Le gestionnaire doit procéder par appel d'offres sur la base de la compensation demandée par le candidat (articles 16 à 18).
Existent également des contrats d'interruptibilité secondaires « transport » - pour les consommateurs ayant une capacité ferme et interruptible par jour d'au moins 40 MWh et répondant à un ordre d'activation dans un délai de moins de 24 heures - et « distribution » - pour les consommateurs ayant une consommation annuelle supérieure à 5 000 MWh, une capacité interruptible par jour d'au moins 40 MWh et répondant à un ordre d'activation dans un délai de moins de 24 heures (article 24 et suivants dans le premier cas, article 36 et suivants pour le second).
b) Deux mesures d'application ont été modifiées
Sur l'année écoulée, deux mesures d'application ont été modifiées.
L' article 18 a défini les critères de durabilité des biocarburants et bioliquides , dont les émissions de gaz à effet de serre (GES) doivent être inférieures de 50 à 60 % à celles de carburants ou de combustibles fossiles (article L. 661-4 du code de l'énergie), selon des conditions d'application, et notamment des modalités d'assermentation des agents chargés leur vérification, définies par un décret en Conseil d'État (article L. 662-10 du même code)
En application de ces articles, un décret en Conseil d'État n° 2018-400 du 29 mai 2018 a été pris, dont certaines dispositions ont été modifiées par les décrets en Conseil d'État n° 2019-913 du 30 août 2019 et n° 2019-966 du 18 septembre 2019 : les articles R. 662-2 et R. 662-4 du code de l'énergie ont ainsi été ajustés pour tirer les conséquences de la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance au sein des tribunaux judiciaires, intervenue en application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
L' article 28 a soumis les distributeurs de fioul domestique aux obligations d'économies d'énergie, dès lors que leurs ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par un décret en Conseil d'État (article L. 221-1 du code de l'énergie).
Sur le fondement de cet article, un décret en Conseil d'État n°2018-401 du 28 mai 2018 a été pris, modifié depuis lors par le décret en Conseil d'État n°2019-1320 du 9 décembre 2019 : les quantités prévues à l'article R. 221-3 du code de l'énergie ont ainsi été modifiées, dans un souci de conformité avec une décision du Conseil d'État 72 ( * ) relevant le seuil d'assujettissement de l'ensemble des carburants autres que le gaz de pétrole liquéfié (GPL), de 1 000 à 7 000 mètres cubes à compter de 2019.
c) Plusieurs mesures d'application sont encore attendues
Au 1 er avril 2020, 5 mesures d'application, dont 3 sans justification compréhensible 73 ( * ) , sont encore attendues.
Le décret, prévu par l' article 9 , déterminant le mode de calcul de l'intensité des émissions de GES des hydrocarbures importés que les sociétés importatrices doivent rendre publique annuellement, n'a pas été pris.
La publication de ce décret se heurte à des difficultés méthodologiques.
S'agissant de l' article 12 , le décret en Conseil d'État précisant les conditions dans lesquelles les fournisseurs de gaz naturel sont tenus d'assurer la continuité de la fourniture de leurs clients (article L. 443-8-1 du code de l'énergie) est manquant.
Cependant, ainsi que l'a relevé la commission l'an passé, cette obligation est d'ores et déjà prévue par les articles R. 121-3 et R. 121-4 du code de l'énergie, institués par le décret n° 2004-251 du 19 mars 2004 et codifiés par un décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015.
Pour ce qui concerne l'article 15 , si un décret n°2018-222 du 30 mars 2018 a fixé le barème d'indemnisation prévu pour les installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable implantées en mer (articles L. 342-3 et L. 342-7-1 du code de l'énergie), deux mesures d'application règlementaires sont toujours attendues :
- d'une part, comme l'a souligné la commission l'an passé, le décret précité n'a pas fixé de montant maximal par installation en cas de dépassement du délai de raccordement au réseau d'électricité (4 ème alinéa de l'article L. 342-3 du code de l'énergie) ;
- d'autre part, l'arrêté définissant le pourcentage et le montant des indemnités dont est redevable le gestionnaire du réseau en cas de retard ou de limitation de production du fait d'une avarie ou d'un dysfonctionnement des ouvrages de raccordement n'a pas été publié (4° de l'article L. 341-2 du même code).
Quant à l' article 19, si un arrêté du 1 er juin 2018 a conditionné la distribution du carburants B10 à celle du carburant B7 dans les stations-service jusqu'en 2025, aucun arrêté n'a été pris s'agissant de la distribution de carburants pour les véhicules et engins roulants ne pouvant être facilitant modifiés et ne fonctionnant qu'avec ces carburants (articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de l'énergie).
Aucun carburant justifiant la publication de ce second arrêté n'a été identifié.
2. Les habilitations à légiférer par ordonnance
Pour ce qui concerne les ordonnances prévues par la loi « Hydrocarbures », seul 1 texte, sur 1 article et 3 habilitations , a été pris.
En effet, l' article 12 (IV) de cette loi a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de douze mois suivant sa promulgation, pour :
-°modifier les missions et les obligations incombant aux gestionnaires de réseaux de transport, aux fournisseurs, aux opérateurs d'infrastructures de stockage et de terminaux méthaniers (1°) ;
-°permettre la contractualisation de capacités interruptibles par les gestionnaires des réseaux de distribution, en rendant optionnelle la compensation financière versée aux consommateurs finals interruptibles (2°) ;
-°définir les règles relatives au délestage de la consommation de gaz naturel et modifier les tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel applicables aux sites fortement consommateurs (3°).
Or, comme relevé par la commission l'an passé, l' ordonnance n° 2018-1165 du 19 décembre 2018 , ne comprend aucune disposition sur le mécanisme d'interruptibilité (2°) ni les tarifs d'utilisation des réseaux (3°) 74 ( * ) .
3. Les demandes de remise de rapports
À ce stade, seuls 2 des 4 rapports prévus par la loi « Hydrocarbures » ont été remis par le Gouvernement au Parlement.
Ont ainsi été transmis les rapports mentionnés :
- à l' article 10 , sur les concours de l'État en soutien aux activités de recherche et d'exploitation des hydrocarbures à l'international, le 9 octobre 2019 ;
- à l' article 7 , sur l'accompagnement des entreprises et des salariés impactés par la fin des activités d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures ainsi que sur la reconversion des territoires concernés, le 10 avril 2019.
Sont encore attendus les rapports prévus :
- à l'article 8 , sur l'impact environnemental des pétroles bruts et raffinés et des gaz naturels mis à la consommation en France ;
- à l'article 22, sur la prise en compte des objectifs de développement durable, en particulier des objectifs d'amélioration de la qualité de l'air, lors de l'attribution des marchés publics.
Tous deux devaient être remis avant la fin du mois de décembre 2018 mais leur élaboration a achoppé sur des difficultés méthodologiques.
Depuis lors, l'article 26 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, dite « Énergie-Climat », a modifié l' article 8 de la loi « Hydrocarbures » :
- en décalant la date de remise du rapport sur l'impact environnemental des hydrocarbures précité du 31 décembre 2018 au 30 septembre 2019 ;
- en prévoyant que ce rapport « propose des pistes de modulation des garanties octroyées par l'État en soutien aux exportations de biens et services utilisés à des fins de production d'énergie à partir de ressources fossiles en fonction de leur impact environnemental » .
Malgré de décalage, ce rapport n'a toujours pas été transmis.
* 70 Ce taux de 50 % résulte du fait que 2 thématiques sur 4 de l'article d'habilitation ( article 12 ) sont effectivement couvertes par l'ordonnance prise.
* 71 Pour mémoire, avaient déjà pris, en application de l' article 12 :
- un arrêté du 13 mars 2018 sur le niveau des stocks minimaux de gaz nécessaires pour garantir la sécurité d'approvisionnement du 1 er novembre 2018 au 31 mars 2019 ;
- un décret n° 2018-221 du 30 mars précisant les modalités de constitution des stocks complémentaires ;
- un décret en Conseil d'État n° 2018-276 du 18 avril 2018, non prévu par la loi, modifiant la partie réglementaire du code de l'énergie relative à l'accès au stockage souterrain de gaz naturel ;
- un arrêté du 9 mai 2018 définissant la méthodologie de calcul de la valeur des stocks de gaz faisant défaut et fixant le niveau minimum de remplissage des capacités de stockage souscrites au 1 er novembre de chaque année ;
- un arrêté du 10 janvier 2019 définissant le taux de pris en charge (« réfaction ») des couts de raccordement aux réseaux publics de transport de gaz naturel pour les installations de biogaz, de 40 % dans la limite de 400 000 euros.
* 72 Conseil d'État, Décision n°426516, du vendredi 7 juin 2019.
* 73 Ces 3 mesures d'application sont celles relatives aux articles 9 et 15 .
* 74 En revanche, cette ordonnance comporte bien des dispositions relatives aux missions et obligations des gestionnaires, fournisseurs et opérateurs (1°) et au délestage de la consommation (2°).