N° 503

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juin 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l'enquête de la Cour des comptes sur le pilotage stratégique par le ministère de l'Europe
et des affaires étrangères des opérateurs de l'
action extérieure
de l'État et sa déclinaison au niveau des
postes diplomatiques ,

Par MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Un pilotage stratégique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères dont la nature et le niveau varient en fonction des opérateurs

L'action extérieure relève d'un grand nombre d'organismes.

Quatre opérateurs sont financés sur le programme budgétaire 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », rattaché à la mission « Action extérieure de l'État » : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Atout France, l'Institut français et Campus France.

Business France, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre international de recherche agricole pour le développement (CIRAD) sont également des opérateurs qui oeuvrent pour l'action extérieure de la France.

Enfin, le MEAE participe étroitement à la gouvernance d'acteurs qui ne sont pas des opérateurs au sens de la loi organique relative aux lois de finances : l'Agence française de développement (AFD), France Médias Monde (FMM), Expertise France et France Volontaires.

Or la nature et le niveau du pilotage stratégique exercés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) varient considérablement selon le statut et l'histoire de chacun de ces acteurs.

Localement, le réseau des opérateurs est coordonné par l'ambassadeur, qui réunit un comité des opérateurs. La Cour des comptes indique que ce comité est considéré globalement comme un instrument utile mais qu'il ne semble pas s'être imposé. Les rapporteurs spéciaux avaient déjà souligné, dans leur rapport d'information consacré à la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères 1 ( * ) , que l'ambassadeur jouait un rôle charnière et que ses responsabilités de gestionnaire devaient être renforcées. Ils voient dans le constat réalisé par la Cour une confirmation des observations qu'ils avaient formulées.

Dans son rapport, la Cour souligne que la coordination est particulièrement délicate en matière culturelle. Elle indique que le ministère semble favorable à une clarification de l'action de l'Institut français à l'occasion d'une révision des textes législatifs et réglementaires le concernant et à une réforme de l'identification du réseau des instituts français à l'étranger en leur attribuant une appellation fortement symbolique, à l'instar des réseaux Cervantès espagnol, Confucius chinois ou Goethe allemand. Les rapporteurs spéciaux sont convaincus de la nécessité de renforcer le réseau culturel français à l'étranger, qui doit être d'autant plus soutenu qu'il a beaucoup souffert de la crise du Covid-19.

2. Une administration centrale à renforcer et revaloriser

La direction générale de la mondialisation (DGM) est chargée de la tutelle des 12 opérateurs. Elle s'appuie sur ses directions sectorielles et sur sa délégation des programmes et des opérateurs (DPO), responsable des activités de coordination transversale et de pilotage administratif et financier. Celle-ci assure en principe le secrétariat du comité ministériel des opérateurs, censé réunir l'ensemble des opérateurs et partenaires qui contribuent à l'action extérieure de la France. Toutefois, il semble que le comité ministériel ne s'est réuni qu'à deux reprises, la dernière fois en octobre 2016.

Ce constat témoigne de l'insuffisance de moyens de l'administration centrale pour exercer cette tutelle et peser sur les décisions des opérateurs. L'exercice de la tutelle administrative et stratégique implique en effet le déploiement de ressources humaines cohérentes et suffisantes, plus stables en administration centrale.

Les rapporteurs spéciaux ont fait des observations dans leur rapport d'information précité qu'ils retrouvent dans cette enquête de la Cour des comptes. Ils avaient notamment souligné la nécessité de revaloriser le travail fait par les agents d'administration centrale et montré que l'écart de rémunérations entre l'administration centrale et l'étranger s'était creusé durant les dix dernières années et que la France, à l'inverse de l'Allemagne, n'avait pas fait le choix d'augmenter les moyens alloués à son administration centrale. Or la Cour des comptes souligne bien le sujet de l'attractivité des postes en administration centrale . Elle indique que le manque d'attractivité, l'instabilité des postes, voire les départs réguliers de contractuels de l'administration centrale vers les opérateurs sous tutelle posent de nombreux problèmes. Elle précise également que la majorité des effectifs de la direction générale de la mondialisation (DGM) est désormais constituée de détenteurs de contrats à durée déterminée (CDD). Pour répondre à ces difficultés, elle propose que soit menée une réflexion sur la nature des postes pouvant être confiés à des contractuels et sur le renforcement du nombre de titulaires au sein de la DGM pour revaloriser la fonction de tutelle, auquel les rapporteurs spéciaux souscrivent.

3. Un renforcement souhaitable de la coordination entre opérateurs

Enfin, la Cour constate que l'exercice de la co-tutelle sur certains opérateurs n'est pas concerté . Elle souligne que la capacité d'orientation stratégique semble rester largement dans la main du ministère financeur à titre principal, alors même qu'un certain nombre de décisions, sectorielles ou géographiques en particulier, devraient être prises en commun.

Elle souligne qu'au sein même du réseau, il faut parvenir à concilier la logique d'autonomie des ambassadeurs et des chefs de poste avec la nécessité de disposer d'établissements agissant comme des têtes de réseaux. Ce constat fait écho aux observations que les rapporteurs spéciaux avaient faites , dans leur rapport d'information précité, sur la difficulté de concilier les directives ministérielles, l'autonomie des chefs de poste et la logique sectorielle poursuivie par chacun des établissements.

Enfin, c'est également entre opérateurs qu'il faut rechercher plus d'échanges. La Cour des comptes souligne le besoin de cohérence accrue, entre départements ministériels (avec la culture, l'éducation nationale, l'enseignement supérieur), mais aussi entre opérateurs, ainsi que la nécessité d'opérer des arbitrages structurants, portant sur la nature et les objectifs stratégiques de l'action menée dans ces différents secteurs. De nombreux chantiers semblent à ce titre devoir être menés : la réflexion sur la place de l'Institut français dans le dispositif culturel ; les objectifs de croissance forte et rapide des effectifs scolarisés assignés à l'AEFE, dans le contexte de crise actuelle qui la touche fortement, ainsi que le renforcement de la gouvernance des acteurs de la coopération universitaire. Les rapporteurs spéciaux reviendront d'ailleurs plus précisément sur ce dernier sujet, et en particulier sur les modalités d'octroi et de suivi des bourses universitaires.

4. Une tutelle à réaffirmer sur l'Agence française de développement (AFD)

Dans le cadre des orientations fixées par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), l'Agence française de développement (AFD) tend à devenir l'acteur central de la politique de développement et sa force d'initiative principale. L'élargissement successif de ses sphères de compétence lui confère en effet un rôle majeur de conception dans ce domaine, à la fois comme financeur et comme pilote stratégique.

Face à cet acteur, le rôle d'orientation stratégique des tutelles ministérielles s'affirme désormais plus difficilement.

Aussi la Cour des comptes estime-t-elle que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères doit profiter de la définition des prochaines orientations stratégiques dans le contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 et de la refonte de la convention-cadre entre l'État et l'AFD pour renforcer sa capacité d'orientation stratégique de l'Agence. Les rapporteurs spéciaux partagent cette recommandation.


* 1 Rapport d'information n°729, « La masse salariale du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères », septembre 2019.

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