N° 127
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2019 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) relatif au déplacement d'une délégation de la commission en Nouvelle-Calédonie ,
Par MM. Hervé MAUREY, Guillaume CHEVROLLIER, Michel
DAGBERT,
Frédéric MARCHAND, Pierre MÉDEVIELLE et Michel
VASPART,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; M. Claude Bérit-Débat, Mme Pascale Bories, MM. Patrick Chaize, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, MM. Guillaume Chevrollier, Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Hervé Gillé, Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Pascal Martin, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Mmes Françoise Ramond, Esther Sittler, Nadia Sollogoub, Michèle Vullien . |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA DÉLÉGATION
Une délégation de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est rendue en Nouvelle-Calédonie du 30 août au 8 septembre derniers 1 ( * ) pour y étudier cinq politiques en particulier : la protection et la valorisation de la biodiversité dans ses composantes marine et terrestre, la gestion des déchets, l'exploitation du nickel, le développement des énergies renouvelables et la transition agricole. Les membres de la délégation ont rendu compte des enseignements de cette mission devant la commission le mercredi 13 novembre 2019.
La Nouvelle-Calédonie demeure un territoire spécifique dans la République, comme en témoigne son statut de collectivité territoriale sui generis issu d'une longue construction politique. Malgré sa distance à la métropole, plus de 17 000 km, elle entretient avec celle-ci des liens forts et particuliers , récemment marqués par la consultation référendaire de novembre 2018, prévue par l'accord de Nouméa (1998) dans le prolongement des accords de Matignon (1988) 2 ( * ) .
Sur le terrain, la délégation s'est intéressée à plusieurs sujets d'aménagement et développement durables , qui entrent traditionnellement dans le champ de ses compétences ou y sont connexes (biodiversité, économie circulaire, risques naturels et changements climatiques, exploitation minière, transition énergétique et agricole) et a pu en rencontrer les principaux acteurs, dans le cadre des compétences dévolues à chaque institution, aux provinces et aux communes ainsi qu'à l'État par la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie . L'étendue de l'archipel, notamment sa zone économique exclusive (ZEE) de 1,7 million de km 2 , son histoire et ses caractéristiques topographiques constituent autant de leviers que de défis à prendre en compte pour son développement durable.
Source : cartes des activités industrielles et de services de Nouvelle-Calédonie, éditions Hatier.
I. LA BIODIVERSITÉ CALÉDONIENNE
A. UNE RICHESSE INCOMPARABLE, UN POTENTIEL DE VALORISATION
La Nouvelle-Calédonie apparaît comme un sanctuaire de la biodiversité mondiale, avec un taux d'endémisme des espèces d'environ 80 % et un micro-endémisme remarquable 3 ( * ) . L'archipel est le second des 34 « hotspots » identifiés sur la planète.
Concernant la biodiversité terrestre , la Nouvelle-Calédonie abrite autant d'espèces que la métropole, notamment 3 261 espèces de végétaux , aux propriétés étonnantes. Pour certains groupes d'insectes, le taux d'endémisme monte à 90 %. Plus de 120 espèces d'oiseaux (cagou, pigeon vert, corbeau calédonien, émouchet bleu) sont présentes sur le territoire, notamment dans la mangrove, interface terre-mer qui couvre 79 % du littoral de la côte Ouest de la Grande Terre et 14 % de sa côte Est.
S'agissant de la biodiversité marine , la Nouvelle-Calédonie possède la deuxième plus longue barrière récifale du monde, qui abrite 20 % de la biodiversité mondiale et plus de 9 000 espèces marines dont notamment 400 espèces de coraux, 2 000 espèces de mollusques, 4 000 espèces de crustacés, 2 300 espèces de poissons, 26 espèces de requins, 12 espèces de serpents marins, 27 mammifères marins et 5 espèces de tortues. Certaines espèces sont particulièrement surveillées et font l'objet de plans d'actions dédiés comme les tortues marines ou les dugongs (« vache marine »).
La valeur financière consolidée de l'ensemble des services écosystémiques rendus par la biodiversité marine et récifale a été estimée en 2010 par l'Ifrecor entre 200 et 320 millions d'euros par an, le principal service identifié étant la protection du littoral contre la houle (60 %), suivi de la pêche (20 %) et du tourisme (10 %).
La Nouvelle-Calédonie a mis en oeuvre des projets importants, qui se sont traduits par des succès incontestables : ainsi il existe aujourd'hui une soixantaine d'aires marines protégées sur l'ensemble du territoire, et les lagons de la Nouvelle-Calédonie ont été inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2008 , démontrant le succès de l'initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor) active depuis 1999.
Autre exemple, les Lacs du grand Sud, qui s'étendent sur 44 000 hectares et abritent une grande variété de zones humides terrestres ainsi que des espèces exceptionnelles, ont été classés à la Convention de Ramsar , leur assurant une reconnaissance internationale.
Source : Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.
Un projet doit particulièrement être relevé : la création du parc naturel de la mer de Corail a été actée par arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en 2014. Il couvre la quasi-totalité de la ZEE du territoire, qui relève du gouvernement calédonien, mis à part les lagons qui relèvent de la compétence des provinces. Ses dimensions en font l'un des cinq plus grands parcs marins au monde , avec plus d' 1,3 million de km 2 en superficie et participera au respect, par la France, des objectifs d'Aichi. Au titre du programme « territoires d'innovation » dont les 24 lauréats ont été annoncés par le Premier ministre en septembre dernier, la Nouvelle-Calédonie devrait bénéficier de 15 millions d'euros pour la gestion du parc et sa surveillance.
Source : gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
L'enjeu de la surveillance de ce parc apparaît central . À terme, elle serait assurée par les forces-armées de Nouvelle-Calédonie (FANC), des outils de contrôle moderne (bouées intelligentes, drones etc.) et d'autres modes d'organisation faisant intervenir la solidarité des gens de mer. Lors du comité interministériel de la Mer de 2018, le Premier ministre avait rappelé l'engagement du Gouvernement pour la protection de la souveraineté maritime française. Avec ce parc, les eaux sous juridiction française incluses dans le périmètre d'aires marines protégées sont passées de 4 à 16 % en 2014 . Ce chiffre atteint aujourd'hui 22 %.
En outre, les trois provinces ont adopté leurs codes de l'environnement , qui permettent de créer un corpus unifié dédié à la spécificité de chaque territoire. Le code de l'environnement de la province des îles Loyauté prend par exemple en compte le droit coutumier de façon importante et a conféré une personnalité juridique à la nature .
Au-delà, d'autres perspectives existent pour la valorisation de la biodiversité . Dans sa déclaration de politique générale du 22 août dernier, le président du gouvernement, Thierry Santa, a d'ailleurs évoqué les opportunités de croissance induites par le bio-mimétisme et les biotechnologies dans des secteurs tels que la santé, la cosmétique, l'agroalimentaire, l'agriculture ou encore l'industrie textile 4 ( * ) .
La délégation a relevé une vraie détermination des autorités locales, et de l'État sur la question écologique en Nouvelle-Calédonie. La préservation et la valorisation de la biodiversité calédonienne passent également par une meilleure association des acteurs du territoire aux négociations concernant les engagements internationaux de la France en matière de développement durable .
* 1 La délégation était composée de : MM. Hervé Maurey, Michel Vaspart, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Michel Dagbert et Pierre Médevielle.
* 2 Voir Annexe II - Cadre institutionnel.
* 3 Voir notamment les travaux de la Maison de la Nouvelle-Calédonie, de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) et des agences calédoniennes.
* 4 https://gouv.nc/sites/default/files/atoms/files/2019.08.22_declaration_politique_generale_du_16e_gouv.pdf .