II. LES CLASSES MOYENNES AU CRÉPUSCULE
A. QUI SONT LES CLASSES MOYENNES ? (voir annexe de cette partie)
La notion de « classe moyenne » ou de « classes moyennes » probablement plus appropriée particulièrement caractéristique en Europe 174 ( * ) , apparaît avec les Trente glorieuses, ce qui n'est pas un hasard, puisque c'est un moment faste d'égalisation des revenus et où ceux du travail progressent plus que ceux du patrimoine.
Cette période est aussi, voire dès l'avant-guerre avec le début de l'exode rural, du développement de la fonction publique et des « cols blancs », puis la guerre qui favorisera la disparition des rentiers, une période de rapprochement des modes de vie de catégories sociales dont les écarts de revenus restent limités, en tous cas sans rapport avec celui qui sépare ces catégories « moyennes » des sommets de la pyramide sociale.
Ce qui caractérise ces strates imbriquées les unes dans les autres, si l'on suit le modèle de Mendras (voir annexe), tout autant qu'une relative proximité de revenu, en effet, c'est le mode de vie, l'aspiration à la promotion sociale pour soi et pour ses enfants, par le travail et l'éducation.
Or, ce sont ces deux leviers de promotion qui vont être remis en cause et la cohésion sociale avec eux.
Au final, la définition la plus parlante de cette nébuleuse rassemblée sous le nom de « classes moyennes », notion autant politique que sociologique, est celle que donne Louis Chauvel :
« La langue française, plus riche et précise, aime parler "des classes moyennes" au pluriel. La partie supérieure - les professions libérales ou les enseignants agrégés, par exemple - côtoie les élites, et la partie basse est faite notamment d'ouvriers très qualifiés, stables et reconnus. Mais cette pluralité a été unie par un ciment : le rêve collectif des "civilisations de classes moyennes" (Alexandre Koyré, 1954) qui ont émergé des décombres de 1945. Elles reposent sur sept piliers : le salariat stable, la société d'abondance, l'expansion des protections de l'État-providence où le patrimoine n'est plus la condition sine qua non de la sécurité, une croissance scolaire permettant la mobilité sociale ascendante, la croyance au progrès, la centralité politique des catégories moyennes et finalement la démocratie représentative, stable et rationnelle. Celle-ci contraste avec la vieille démocratie bourgeoise et les régimes autoritaires d'avant 1945. Aujourd'hui, le ciment qui tenait ces sept piliers se délite. » 175 ( * )
* 174 « La comparaison internationale montre comment l'Europe a été depuis soixante ans le continent des classes moyennes : les groupes proches du centre de la pyramide des revenus sont plus denses qu'ailleurs. La mobilité sociale européenne va avec une forte égalité des revenus, en particulier dans les pays scandinaves. Comme il est au centre des trajectoires ascendantes et descendantes, ce groupe social n'est pas homogène. » Louis Chauvel Entretien Le Figaro.fr du 15 février 2019.
* 175 Entretien Le Figaro.fr du 15 février 2019.