C. DES ENGAGEMENTS ET FINANCEMENTS AU SUIVI PEU LISIBLE
1. Des appuis financiers aux collectivités
a) Un appui pluriel de l'État aux collectivités
Le financement de la reconstruction, pluriel, ne s'appuie pas sur un fonds ad hoc et les engagements financiers de l'État à l'égard des collectivités ont été de différents ordres à la suite de l'ouragan Irma.
Pour Saint-Barthélemy, l'appui à la collectivité s'est limité à l'exonération de la dotation globale de compensation, soit 2,9 millions d'euros 88 ( * ) .
Pour Saint-Martin, le premier volet du protocole prévoyait :
- un versement anticipé des dotations sur l'année 2017 ;
- une compensation sur 2017 du dégrèvement des taxes foncières ;
- une dotation exceptionnelle de fonctionnement et, le cas échéant, des concours en trésorerie, et ce pour 2017, 2018, 2019 et 2020. Des ajustements devaient être réalisés selon l'évolution de la situation financière et des rentrées fiscales de la collectivité. Des prêts ont également été faits à la collectivité. Selon le Gouvernement 89 ( * ) , l'aide attribuée à Saint-Martin était de 12,2 millions d'euros pour 2017 et 50 millions pour 2018. La collectivité de Saint-Martin 90 ( * ) indique n'avoir perçu pour 2018 que 25 millions d'euros sur les 50 millions d'euros prévus. Un litige persiste entre l'État et la collectivité sur le versement complémentaire.
b) Un appui important en ingénierie
L'État est également intervenu auprès de la collectivité de Saint-Martin pour pallier ses déficiences en matière d'ingénierie , comme cela était prévu dans le cadre du protocole de novembre 2017.
L'Agence française de développement a ainsi été mobilisée pour fournir des experts capables, dans le cadre d'une assistance à maîtrise d'ouvrage , d'appuyer la collectivité dans la conduite de son fonctionnement et de l'organisation de la reconstruction.
c) Un recours aux financements européens attribué en priorité à Saint-Martin
Le ministère des outre-mer 91 ( * ) explique que la solidarité européenne s'est exprimée à travers trois principaux canaux d'intervention :
- la sollicitation d'une enveloppe spécifique du fonds de solidarité (FSUE) ;
- la plus forte mobilisation des fonds européens structurels d'investissement déjà attribués ;
- la poursuite de la dynamique de la programmation des fonds européens de Saint-Martin.
(1) Une mobilisation du FSUE
À la suite des ouragans Irma et Maria dans les Antilles, la France a sollicité auprès de l'Union européenne l'activation du Fonds de solidarité (FSUE). Le dossier, transmis deux mois après le passage de l'ouragan, a été présenté à la commissaire en charge de la politique régionale, au titre de la région Nuts 2 de la nomenclature statistique de l'Union européenne, comprenant la Guadeloupe (ouragan Maria) et Saint-Martin (ouragan Irma) 92 ( * ) .
La commission européenne a ainsi attribué 48,96 millions d'euros à la France, dont 46 au titre d'Irma, pour les Îles du Nord.
Le montant de l'aide est fixé selon un pourcentage (2,5 %) des dégâts publics et privés. L'aide européenne a d'abord fait l'objet d'une avance représentant 10 % du montant final attribué.
La mobilisation du fonds de solidarité de l'Union européenne Le règlement du fonds précise les dépenses éligibles. Elles doivent concernées des actions d'urgence et de première nécessité : - remise en fonctionnement des infrastructures de base , telles que l'énergie, l'eau, la santé et l'enseignement ; - mesures d'hébergement provisoire et coûts liés aux services d'urgence destinés aux besoins immédiats ; - sécurisation des infrastructures de prévention, comme les digues ; - mesures de protection du patrimoine culturel ; - opérations de nettoyage . Les dommages causés à la propriété privée ou la perte de revenus, qui sont considérés comme assurables, ne sont pas pris en compte . Ainsi, l'aide européenne ne couvre que les dépenses engagées par les autorités publiques . Elle est versée à l'État-membre via un fonds de concours qui en assure la répartition entre les bénéficiaires (administrations centrales, collectivités, opérateurs publics..) en fonction de la répartition des dépenses éligibles couvertes. |
Source : Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs
Lors du comité interministériel de mars 2018, le Premier ministre a annoncé le souhait de donner une priorité dans le remboursement des dépenses engagées à la collectivité de Saint-Martin et ses opérateurs. Un « droit de tirage exclusif » a donc été donné à la collectivité jusqu'au 1 er septembre 2019 . Au-delà de cette date, les factures de la collectivité ne seront plus prises en compte et l'État sollicitera le fonds pour ses factures propres, particulièrement les dépenses des ministères dans le cadre de la gestion de la crise en 2017.
L'ensemble de l'aide doit en effet être consommé dans les 18 mois suivant la date de versement du montant total attribué, soit, dans le cas présent, avant le 20 janvier 2020. La France devra ensuite transmettre un rapport de mise en oeuvre dans les 6 mois suivants.
La préfecture 93 ( * ) de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin indique qu'en juillet 2019, la collectivité de Saint-Martin et ses établissements publics (EAESM, établissement portuaire) avaient notifié à l'État 25,8 millions d'euros facturés. À cette date, l'État leur a versé 11,874 millions d'euros ; les 12,9 millions d'euros restant correspondent à des dossiers en attente de pièces complémentaires. La collectivité de Saint-Martin a fait état de blocages persistants concernant ces dossiers 94 ( * ) .
Une mobilisation du fonds européen de développement FED dans la région Dans le cadre de l'aide post-urgence, une enveloppe de 15,04 millions d'euros, provenant de crédits non alloués au titre du 11 e FED a été mobilisée en 2018 pour les territoires du bassin géographique de Saint-Martin : Anguilla (2,8 millions) ; Montserrat (0,32 million) ; Sint-Maarten (7 millions) ; Îles Vierges britanniques (2 millions) et aux Îles Turques et Caïques (2,92 millions). De plus, l'office de l'aide humanitaire de la commission européenne (ECHO), qui finance les ONG, a annoncé le déblocage d'une aide de deux milliards d'euros pour les territoires touchés par le cyclone Irma dans la Caraïbe. |
Source : Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs
(2) Un nouvel axe dédié à la reconstruction
Le programme opérationnel du fonds européen de développement régional (FEDER) , mis en oeuvre par la préfecture, a été modifié et s'est vu compléter par un axe dédié à la reconstruction.
Le ministère explique ainsi que les montants non programmés dans les différents axes ont été mobilisés, dans le cadre d'un axe 12 révisé, pour soutenir des opérations de reconstruction 95 ( * ) . Cet axe bénéficie en outre d'un taux de cofinancement plus important (95 %) que les autres axes du PO (maximum 85 %).
L'axe est doté de 7 millions d'euros de crédits de l'Union européenne pour des opérations éligibles à la date du passage de l'ouragan ; il est prévu prioritairement pour l'accompagnement des entreprises.
Le fonds social européen (FSE) a également pu être davantage mobilisé à destination de Saint-Martin. La préfecture a en effet procédé à l'ouverture au bénéfice des habitants de Saint-Martin, sans crédits complémentaires, des deux axes du PO Guadeloupe (axe 1 chômeurs et travailleurs et axe 2 entrepreneuriat). Un abondement de 5 millions d'euros a ainsi été prévu pour les 3 axes du territoire : axe 5 formation des jeunes (3 millions d'euros) ; axe 6 ouverture des ateliers de chantiers d'insertion (0,2 million d'euros) ; axe 7 accompagnement contre la lutte contre l'échec scolaire (1,8 million d'euros).
Le FSE spécifique à Saint-Martin a pu ainsi passer de 15,7 millions d'euros à 20,8 millions d'euros.
(3) Une dynamique de la programmation
Concernant la dynamique de la programmation des fonds européens à Saint-Martin, le ministère souligne un taux de programmation « honorable » de 46 % sur le programme opérationnel FEDER/FSE de Saint-Martin, et ce alors que des opérations programmées avant Irma ont dû être annulées. Aussi, le ministère signale qu'il n'a pas été procédé à des dégagements d'office pour l'année 2018, la clause de force majeure ayant été activée 96 ( * ) .
2. Un suivi complexe des engagements
a) Un suivi des réalisations délicat
D'une pratique peu habituelle, le protocole conclu entre l'État et Saint-Martin prévoyait la présentation annuelle , à l'occasion du projet de loi de finances, d'un état financier de la reconstruction devant les délégations parlementaires aux outre-mer .
Si cette disposition n'a pas été suivie, la délégation sénatoriale aux outre-mer a cependant assuré un suivi de l'après Irma au sein de la présente étude, tant par des auditions que par le biais de questionnaires écrits et d'un déplacement dans les Îles du Nord.
L'encadré ci-dessous, établi selon les données transmises par le ministère des outre-mer, dresse un suivi de la réalisation des engagements par ministère et thématique.
Suivi des engagements dans la cadre de la reconstruction Ministère de la transition écologique et solidaire Abris anticycloniques : 3 millions d'euros sont inscrits en 2019 et pour l'année 2020. Élimination des bateaux hors d'usage (170 épaves) : La collectivité a lancé un marché public le 15 janvier 2019 relatif à l'enlèvement, le stockage et la déconstruction des navires abandonnés, épaves et autres débris divers présents sur et dans le plan d'eau sous sa gestion (DPM). Le nombre de sites identifiés avoisine 140. Le financement associé correspond à des fonds européens (issu du PO Coopération transfrontalier européen pour les épaves du lagon et du FSUE pour toutes les autres situations). La collectivité a retenu l'entreprise Koole le 13 mai 2019. Le marché apparaît fragile et pourrait être contesté devant les tribunaux par les candidats non retenus. Urbanisme et environnement Construction d'hébergement en zone dangereuse : Dispositif en place, mais une collectivité non réactive. Les signalements de la DEAL dans le cadre du comité opérationnel des polices de l'environnement et de l'urbanisme (COPOLENU) ne sont plus suivis de visites et de rédaction de procès-verbaux de la part de la collectivité. 80 procès-verbaux non transmis au procureur par la collectivité. Pour pallier cette défaillance, la procédure de substitution de l'État en matière d'AIT a été mis en oeuvre : 3 AIT ont été signés en 2018 et 2 en 2019. Zones les plus à risque, destruction d'immeubles et relogements (fonds Barnier/Letchimy) : La résidence Sunrise II est le premier dossier emblématique. Une demande de dérogation auprès du directeur général de la prévention des risques a été formulée ; il faudrait 50 % de remboursements par les assurances, il manquerait aujourd'hui 37 000 euros par maison. Une cible de 10 habitations en première approche est fixée. Ministère de la cohésion des territoires Logement social : Concernant la mise en oeuvre de la convention FUL : une convention a été préparée par les services de l'État avec les bailleurs sociaux de Saint-Martin (SIG - SIKOA SEMSAMAR), et a été transmise pour accord au président de la collectivité par le préfet de Guadeloupe par courrier du 7 mars 2019. Les 3 bailleurs ont signé les conventions fin juin 2019. Le ministre de la cohésion des territoires et le ministre de l'action et des comptes publics préparent l'arrêté demandant à la caisse des dépôts et consignations de verser les fonds (3 millions d'euros correspondant à 50 % du montant total) sur proposition d'ordre de paiement du préfet. Accompagnement de la COM pour son plan d'aménagement touristique du centre-ville de Marigot (plan de requalification urbaine) : La collectivité, compte tenu de son statut, n'est pas éligible aux dispositifs du type AMI contre-bourgs déployés par le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Pour contourner cette difficulté, la DHUP, qui a accepté de répondre à la sollicitation du préfet de Guadeloupe de mettre en place un atelier des territoires pour aider la collectivité à établir un projet de territoire, et partant, son plan d'aménagement et de développement, intègrera dans son cahier des charges la problématique de la requalification urbaine du centre-ville de Marigot. Pour l'atelier des territoires, le bureau d'études retenu pour une étude de préfiguration s'est rendu à Saint-Martin fin juin. Gestion des copropriétés dégradées : la DHUP a demandé au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de réserver dans son programme de travail un créneau pour pouvoir mener une mission d'expertise sur la gestion des copropriétés dégradées, conjointement avec le ministère de la Justice, conformément au bleu de la RIM d'octobre 2018. Ministère de l'éducation nationale Écoles La rénovation des écoles se poursuivra jusqu'à la rentrée 2019. École maternelle Siméon Trott : Le chantier progresse et la livraison de l'immeuble est attendue pour septembre 2019. Ce chantier est le plus important qui subsiste dans le premier degré. Il représente 1,2 million d'euros d'investissements. Les crédits engagés sur le premier degré portent sur plus de 4 millions d'euros. Il manque 1,4 million d'euros si le délai du FSUE est maintenu au 31 août. Collèges Reconstruction du collège Mont des Accords et du lycée professionnel : les opérations progressent à un rythme soutenu. Les marchés publics pour la phase 3 des travaux ont été attribués. L'objectif de mise en service de toutes les classes en septembre 2019 est maintenu. Les travaux de finition et les immeubles affectés à la vie scolaire seront achevés à la Toussaint 2019 pour le lycée professionnel. Une partie des opérations est décalée dans le temps afin de permettre une ouverture complète en septembre 2019. Le dossier technique d'ouverture du concours d'architecte pour le collège du Quartier d'Orléans est achevé. Il sera publié prochainement. Projet de nouveau collège 900 : 15 millions d'euros à parité entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère des outre-mer. Le chantier devrait pouvoir être engagé en début d'année 2020 et livré pour la rentrée 2021 Le budget prévisionnel de ce collège dépasse cependant cette contribution de 15 millions d'euros, ce qui soulève la question du bouclage de son plan de financement, qui devrait faire logiquement appel à une contribution de la collectivité. Il est par ailleurs précisé que ce collège pourrait servir d'abri-anticyclonique, et à ce titre de bénéficier de l'apport de 3 millions d'euros prévu sur la programmation FEI 2019. Les problématiques foncières sont en cours de règlement. La convention sera signée en juillet. Le projet de construction de 14 salles de classe algécos à la cité scolaire : la phase 2 des travaux est en cours de finalisation avec les entreprises (toitures, plateaux sportifs, gymnase, façades). Le marché a été attribué le 27 juin 2019. L'achèvement complet des travaux est attendu pour octobre-novembre prochain. Ministère des solidarités et de la santé Construction du futur pôle médico-social à Saint-Martin (pôle gérontologique) : la fin des travaux est prévue au premier trimestre 2019. Mise en oeuvre de l'accord de coopération avec la partie néerlandaise sur les conditions d'accès aux soins et financement : des groupes de travail sont en place et devraient rendre leurs conclusions à la fin du premier semestre 2019. Ministère des sports Plateaux et équipements sportifs (PPI) - Financement au titre de 2019 : au niveau sportif, 400 000 euros ont été inscrits dans le cadre du CNDS mais l'enveloppe risque d'être sous consommée en raison de la difficulté à faire émerger et porter des projets concrets et à identifier de bons porteurs de projets. Ministère de la justice Actuellement les effectifs sont au complet dans les deux juridictions. La chambre détachée du tribunal de grande instance de Basse-Terre et du tribunal d'instance représentant au total 6 magistrats, 13 personnels de greffe (5 emplois créés en 2018, 2 en 2019). La présence judiciaire sur l'île a été renforcée par souci d'une justice de proximité et de qualité. Ministère de l'économie et des finances Dispositif d'aides aux micro entreprises : ce dispositif n'a pas fonctionné. Le préfet de Guadeloupe a proposé de réorienter ce dispositif vers les « Guest House » et demande que le projet de circulaire soit signé par le ministre de l'économie et des finances à la mi-juillet 2019. Travaux d'enfouissement des réseaux (électricité, téléphone) Sur le périmètre du réseau électrique, EDF avait déjà commencé les travaux début 2019 pour procéder à l'enfouissement du réseau électrique, afin de permettre la construction des fourreaux supplémentaires pour les opérateurs télécoms mais la mutualisation semble de fait abandonnée. La collectivité étudie avec la Caisse des dépôts et consignations la mise en place d'une société dédiée à la reconstruction du génie civil numérique. Le statut de SAS permettrait une agilité et une rapidité de réalisation plus grandes. L'objectif est de réaliser une infrastructure mutualisée ouverte à tous les opérateurs FTTx. La banque des territoires (CDC) sera la garante de la neutralité du réseau et du respect de l'intérêt général. La création de la société et le lancement des études terrain étaient prévues sur T2/T3 2019. A priori un peu de retard a été pris. - Schéma directeur d'aménagement numérique : la collectivité a lancé au printemps un appel d'offres pour la réécriture de son tenant compte de la situation post-Irma avec l'objectif de finaliser les travaux en 2022 ; - Génie civil numérique : concernant les 5 millions d'euros fléchés pour la reconstruction, il y a une incertitude sur le fait que cette subvention puisse être utilisée par la collectivité pour doter en capital la SAS dédiée. Selon l'Agence de développement numérique (Adn), le SGPI semblait prêt à doter la SAS à partir d'autres fonds, ce qui permettrait de libérer tout ou partie de ces 5 millions d'euros pour la Guyane. Le SGPI organise des réunions à partir de juillet pour traiter le dossier de financement. Ministère de l'intérieur Construction de la nouvelle préfecture, cité administrative - Cité administrative provisoire 1 Suite à Irma, la préfecture de Saint-Martin a été placée dans une cité administrative provisoire. Cette cité composée d'algécos posés au sol est une construction temporaire qui n'est plus utilisée. - Cité administrative provisoire 2 Une seconde cité administrative également de construction temporaire, plus résiliente au vent fort mais potentiellement inondable, abrite actuellement les services de l'État, dont la préfecture hormis le cabinet. - Cité administrative 3 Sa création, pour un coût estimé entre 17,5 et 32 millions d'euros en fonction de la superficie finale, a été décidée lors du cinquième comité interministériel pour la reconstruction du 12 mars 2018. Elle a pour objectif est de regrouper sur le même site les 16 implantations de l'État à Saint-Martin. La RIM du 21 novembre 2018 a validé un projet regroupant, outre la préfecture, les 16 implantations de l'État dispersées sur le territoire. À ce stade, seule l'option d'une construction sur l'ancien site de la gendarmerie à Marigot a été identifiée. - Ex-préfecture La déconstruction de l'ancienne préfecture est prévue pour août 2019 avec un coût de 212 000 euros. Ce chantier ne présente pas de retard. - Bâtiment cabinet Le cabinet de la préfecture et le COD sont abrités dans un bâtiment à part, qui est en cours de consolidation pour un coût estimé de 52 000 euros. La phase préparatoire aux travaux est en cours (devis, prolongation du bail). - Délégation de Saint-Barthélemy et résidence Les bâtiments de la délégation comprennent des bureaux et la résidence. Leur réfection se porterait à 127 000 euros. Les travaux sont à l'état de projet. |
Source : Tableau transmis par le ministère des outre-mer en réponse au questionnaire des rapporteurs
b) Une lisibilité difficile des efforts financiers de l'État
(1) Des chiffres globaux peu finement appréciables
Le suivi budgétaire des engagements financiers de l'État ou de la collectivité dans la reconstruction est également complexe. Pourtant, ce suivi est une nécessité : il permet de constater le réel effort consenti par la solidarité nationale au service de la reconstruction ainsi que la destination des dépenses et, partant, d'en évaluer leur pertinence.
(a) À l'issue de la première année, un chiffre avancé de 500 millions d'euros
À la fin de l'année 2018, le chiffre de 500 millions d'euros mobilisés par l'État à destination de Saint-Martin et Saint-Barthélemy a été fortement relayé par le Gouvernement au moment de la visite du Président de la République, présentant l'effort à hauteur de 11 000 euros par habitant.
Aides et subventions pour la reconstruction immédiate
(chiffres globaux au 12 mars 2018 - en euros)
Dispositif d'urgence pour les Îles du Nord |
163 millions |
Soutien économique aux entreprises, aux particuliers et aux deux Collectivités |
140 millions |
Contribution exceptionnelle de l'État et de ses opérateurs à l'investissement de la Collectivité de Saint-Martin |
66,4 millions |
Droit de tirage exclusif de la Collectivité de Saint-Martin sur le FSUE |
46 millions |
Prêt bonifié à la Collectivité de Saint-Martin |
60 millions |
Projet immobiliers de l'État pour la réinstallation de ses services |
18,2 millions |
TOTAL |
493,6 millions |
Source : Réponses de la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin au questionnaire des rapporteurs
Il faut ici souligner que ce montant important recouvre en fait des réalités très diverses : sont mis sur le même plan les interventions d'urgence de 2017, les mesures d'aides économiques et l'appui à la collectivité ; sont aussi comptés de manière intégrale des prêts à la collectivité ainsi que la totalité du droit de tirage. Or, le caractère opérationnel d'une exonération de charge et celui d'un prêt bonifié ne sont pas identiques et la charge pour l'État du dispositif d'urgence et de la priorité laissée sur le droit de tirage ne sont pas les mêmes.
Ces chiffres pris dans leur globalité sont donc en réalité trompeurs et la communication gouvernementale qui en a été faite a donné l'impression d'une somme colossale déjà injectée dans la reconstruction, pour des résultats qui étaient encore en 2018 loin d'être concrétisés.
Ces montants appelleront à être révisés pour en établir la consommation réelle définitive, notamment en 2020 à l'issue du droit de tirage sur le FSUE.
(b) Des investissements sur le temps long plus dispersés
La préfecture des Îles du Nord a également transmis un état des lieux des investissements de l'État dans le cadre de la reconstruction du territoire sur le temps long. Ils figurent dans le tableau ci-après, qui ne couvre manifestement pas de manière exhaustive les efforts interministériels.
N'ont pas été retranscris dans ce tableau les aides liées au redémarrage économique ou issues des fonds européens, déjà mentionnés dans le précédent rapport 97 ( * ) .
Aides et subventions pour le développement et la résilience du territoire (2018-2019) Logement Signature de la Convention FUL (Fonds Unique pour le Logement) entre la COM, l'État et les 3 bailleurs sociaux de Saint-Martin - SIG, SIKOA et Semsamar) : premier acompte de 50 % soit 3 millions d'euros prochainement (solde versé en 2020 après vérification de la réalisation effective des engagements prévus dans la convention). Établissements scolaires Le collège de Quartier d'Orléans va connaître d'importants travaux de rénovation. Financé par le FEDER à hauteur de 7,7 millions d'euros, le nouveau collège fera l'objet d'un concours d'architecte en 2019 pour une livraison des bâtiments attendue en 2020. Un nouveau collège (900 places) à la Savane devrait être livré en septembre 2021. Enfouissement des réseaux EDF a bénéficié d'une aide de l'État (fonds d'amortissement des charges d'électrification - FACE) à hauteur de 80 % du montant global des travaux (12,37 millions d'euros). Les 20 % restants sont pris en charge par le fonds de péréquation de l'électricité - FPE. Le 13 juin 2019, la Collectivité de Saint-Martin sollicite une subvention complémentaire d'un montant de 5,6 millions d'euros. Pour les réseaux télécoms et numériques, l'État contribue financièrement à hauteur de 5 millions d'euros et de 1 million d'euros de FEDER. Hôpital Le montant global estimé des dommages consécutifs à 2017 s'élève à 9 403 398 d'euros. Le total des sommes versées par les indemnisations s'élève au 31 décembre 2018 à 6 118 686 d'euros (avec une franchise à hauteur de 1 773 130 d'euros). Des négociations sont encore en cours entre l'hôpital et son assurance. |
Source : Réponses de la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin au questionnaire des rapporteurs
(2) Une nécessaire lisibilité budgétaire des engagements financiers de l'État
Si les données transmises par les services déconcentrés de l'État et par le ministère des outre-mer permettent un premier suivi des actions de l'État, elles apparaissent cependant lacunaires et, souvent, dispersées. Un document de suivi unifié et consolidé , public, semble nécessaire.
Il en va une fois encore de la sincérité de la démarche de l'État et de la clarté de l'action publique que de permettre une lecture et un suivi aisés des efforts financiers que celui-ci consent pour les territoires et les populations sinistrés. Une reconstruction d'une telle ampleur ne peut se satisfaire d'une stratégie de communication : l'effort de l'État est indéniable mais celui-ci doit être quantifiable, son examen et son contrôle doivent être accessibles. Il en va, également, de la possibilité d'un contrôle parlementaire fin sur le bon emploi des fonds engagés au titre de la solidarité nationale .
Sollicité par la délégation pour fournir un état des lieux des fonds publics engagés pour la reconstruction, leur niveau de consommation et l'affectation des dépenses, le ministère des finances 98 ( * ) n'a pas été en mesure d'apporter de réponse et a indiqué qu'« il conviendrait de se rapprocher de l'ensemble des ministères compétents pour fournir une réponse exhaustive à cette question » .
Aussi, au-delà des réflexions précédentes quant à l'opportunité de la structure de pilotage de la reconstruction, c'est bien également la structure du financement qu'il convient de repenser dans le cas de nouvelles catastrophes majeures .
En effet, les rapporteurs considèrent qu'un fonds budgétaire dédié aurait permis un suivi annuel par les parlementaires, lors de l'examen de la loi de finances et de la loi de règlement, des efforts projetés puis réalisés par l'État.
Une telle inscription au sein d'une seule unité budgétaire , éventuellement rattachée à la mission « outre-mer » du budget général, aurait permis une meilleure traçabilité de la mobilisation des fonds publics et de leur destination, plutôt qu'un éparpillement entre ministères. À défaut , des engagements financiers interministériels majeurs à destination d'un territoire sinistré doivent être réunis au sein d'un document de politique transversale . Preuve de cette lacune, le document de politique transversale « outre-mer » ne procède lui aussi qu'à un relevé éparpillé des actions de prise en charge des suites de l'ouragan Irma en les mêlant même au plan d'action pour Mayotte 99 ( * ) .
Recommandation n° 3 : En cas de catastrophe majeure, envisager de recourir à un fonds budgétaire spécifique permettant un pilotage financier plus rapide au suivi et contrôle plus transparent. |
En tout état de cause, il reviendra au Gouvernement de dresser, lors des rendez-vous budgétaires de 2020 que sont l'examen de la loi de règlement pour 2019 et de la loi de finances initiale pour 2021 , un bilan complet des transferts financiers réalisés, et de l'utilisation des fonds investis dans la reconstruction des Îles du Nord. Il conviendra de distinguer les engagements des crédits consommés par période.
Recommandation n° 4 : Lors de la présentation des lois de finances en 2020, annexer aux documents budgétaires un bilan détaillé des fonds engagés par l'État au service de la reconstruction des Îles du Nord. |
c) Une phase 2 de la reconstruction, sans pilote ?
L'exposé des motifs du décret portant suppression du délégué interministériel indique qu' « après une première phase qui nécessitait un délégué interministériel pour définir, animer et coordonner cette politique de reconstruction, s'ouvre une nouvelle phase où le relais doit être pris par chaque ministère compétent pour poursuivre sur le long terme la reconstruction des deux îles. Il a donc été décidé de supprimer la fonction de délégué interministériel tout en conservant le comité interministériel pour la reconstruction » 100 ( * ) .
Alors que la reconstruction est loin d'être achevée , particulièrement à Saint-Martin, la suppression du délégué interministériel dix-huit mois seulement après Irma apparaît comme un signal surprenant .
En effet, si Philippe Gustin demeure préfet de la Guadeloupe et donc représentant formel de l'État dans les Îles du Nord, il perd sa mission expresse de coordination et de pilotage de la reconstruction .
La reconstruction se doit d'être envisagée dans le temps long et la continuité des instances de pilotage territorial aurait été, selon les rapporteurs, un atout dans la gestion et le suivi des engagements de l'État.
* 88 Dossier de presse du Gouvernement - novembre 2018.
* 89 Ibid.
* 90 Réponses de la collectivité de Saint-Martin au questionnaire des rapporteurs.
* 91 Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs.
* 92 En application de l'article 2 du règlement permettant le déclenchement au titre des catastrophes régionales.
* 93 Réponses de la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin au questionnaire des rapporteurs.
* 94 Réponses de la collectivité de Saint-Martin au questionnaire des rapporteurs.
* 95 Modification au titre de l'article 120, paragraphe 8 du règlement (UE) n° 1303/2013.
* 96 Article 87.2 B du règlement 1303/2013.
* 97 Rapport n° 688 (2017-2018), de MM. Guillaume Arnell, Mathieu Darnaud et Mme Victoire Jasmin, sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer (volet relatif à la prévention et à la gestion de l'urgence).
* 98 Réponses du ministère de l'économie et des finances au questionnaire des rapporteurs.
* 99 L'ouragan Irma est même parfois mentionné dans ce document comme « tempête Irma », ce qui permet de douter de la bonne appréciation par certaines administrations centrales de l'ampleur exceptionnelle de cette catastrophe.
* 100 Décret n° 2019-353 du 24 avril 2019 instituant un délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer et modifiant le décret n° 2017-1335 du 12 septembre 2017 portant création du comité et du délégué interministériel pour la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.