AVANT-PROPOS
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République comportait plusieurs mesures relatives au sport. L'article 104 en particulier a reconnu, dans son deuxième alinéa 1 ( * ) , le caractère partagé de la compétence « sport » entre les différentes catégories de collectivités tandis que l'article 28 de la loi a transféré aux régions la gestion des Centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) qui jouent un rôle important dans le développement de la haute performance. Par ailleurs, l'article 90 a prévu que par convention passée avec le département 2 ( * ) , la métropole exerce à l'intérieur de son périmètre, par transfert, en lieu et place du département, ou par délégation, au nom et pour le compte du département, les compétences relatives à la construction, l'exploitation et l'entretien des équipements et des infrastructures destinés à la pratique du sport.
Ce renforcement du rôle des régions et des métropoles aux côtés des communes et des départements - impliqués de longue date dans le financement du sport dans les territoires - accroît la capacité d'action de chaque niveau de collectivité. Pour autant, faute de véritable clarification sur le rôle de chacun, l'implication des acteurs dépend autant de leurs choix propres que de l'évolution des moyens à leur disposition . À cet égard, le bilan des Conférences territoriales de l'action publique (CTAP) semble mitigé comme l'a montré un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) 3 ( * ) . Si les CTAP peuvent jouer un rôle pour favoriser le dialogue sur les objectifs, elles n'ont pas encore permis aux élus locaux de coordonner leurs actions. Une clarification demeurait donc nécessaire .
Deux « menaces » ont ainsi été identifiées. Une première tient au risque que les interventions se chevauchent au détriment de la lisibilité et que les investissements ne bénéficient pas d'une répartition harmonieuse. Cette menace est ancienne et avait été évoquée à l'occasion du débat sur la loi de 2015. La seconde menace est plus récente et constitue l'exact opposé de la première puisqu'elle revient à redouter que le sport pâtisse d'une baisse des moyens que lui consacrent les collectivités territoriales , celles-ci étant amenées à se désengager de leurs dépenses « non obligatoires » pour assumer l'augmentation de leurs dépenses obligatoires.
Quelle est la réalité de ces deux « menaces », le chevauchement de projets et le saupoudrage des moyens d'une part et le désengagement d'autre part ? Comment limiter ces risques pour autant qu'ils correspondent à une réalité ? C'est en partant de ces interrogations que le bureau de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a décidé de créer une mission d'information consacrée aux politiques sportives territoriales.
Les travaux menés dans le cadre de la présente mission d'information ont très vite permis à vos rapporteurs d'identifier tout l'intérêt que pourrait représenter la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) pour organiser une nouvelle gouvernance des politiques locales du sport . Ce nouvel acteur qui se substitue au Centre national pour le développement du sport (CNDS) avec des compétences et des moyens nouveaux se veut également une réponse aux difficultés rencontrées au plan local pour instituer une gouvernance efficace entre les acteurs. Cependant, les modalités de fonctionnement de l'ANS demeuraient encore très incertaines quelques semaines seulement après son installation au printemps 2019 et beaucoup d'acteurs locaux auditionnés nous ont alors indiqué leur crainte que la mise en oeuvre de la gouvernance locale soit reportée à plus tard.
Afin de ne pas perdre de temps, vos rapporteurs ont saisi l'opportunité de l'examen du projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 déposé au Sénat le 12 juin 2019 afin de préciser les missions territoriales de la nouvelle Agence nationale du sport en s'appuyant sur les travaux engagés dans le cadre de la présente mission d'information. Le texte, largement enrichi par le Sénat, a ainsi pu faire l'objet d'un accord en commission mixte paritaire le 23 juillet dernier. La loi dont l'intitulé a été modifié pour faire référence à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et paralympiques de 2024 a été promulguée le 1 er août 2019.
Les modifications apportées à l'article 3 de la loi précitée ont permis de définir les principes de la gouvernance territoriale de l'Agence nationale du sport avec la création au niveau régional d'une conférence régionale du sport et, selon les spécificités territoriales, de conférences des financeurs du sport . Des dispositions réglementaires devront être adoptées afin de permettre la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions 4 ( * ) . Vos rapporteurs forment le voeu qu'elles interviennent au plus vite pour mettre en oeuvre la nouvelle gouvernance des politiques territoriales du sport.
La préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ne doit pas avoir pour conséquence de repousser au second plan le sport pour tous et les politiques territoriales du sport. Si la préparation de cette échéance essentielle mobilise légitimement l'attention des pouvoirs publics, elle ne saurait s'effectuer au détriment du sport de proximité comme l'évolution des crédits budgétaires a pu le laisser penser lors du débat de la loi de finances pour 2019. Afin de donner toute sa place à la politique territoriale du sport, votre mission d'information a formulé une douzaine de préconisations qui doivent permettre de conforter le caractère partenarial et dynamique de la nouvelle politique du sport.
Les dispositions de la loi « NOTRe » concernant le sport La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) comprenait plusieurs dispositions susceptibles de modifier les modalités de l'exercice de la compétence sport mais aussi l'équilibre des relations entretenues entre les différents niveaux de collectivités territoriales. • L'article 28 du projet de loi a prévu le transfert des CREPS aux régions . L'État conserve la charge de la rémunération de ses agents et celle des missions d'encadrement et de surveillance des sportifs et des stagiaires et des dépenses de fonctionnement directement liées à la pédagogie, à la recherche et au transfert d'expériences et de pratiques dans les domaines du sport, de la jeunesse et de l'éducation populaire. Il finance également l'acquisition et la maintenance des matériels informatiques et des logiciels. La région quant à elle reçoit la charge de la construction, de la rénovation et de l'entretien des bâtiments. Elle doit également organiser l'accueil, la restauration et l'hébergement. • L'article 90 de la loi a prévu le transfert automatique ou la délégation, par voie de convention, du département à la métropole, de compétences dans différents domaines, dont la jeunesse et les équipements sportifs . À défaut de convention au 1 er janvier 2017 prévoyant le transfert ou la délégation d'au moins trois des sept groupes de compétences visés par la loi (aides au logement, action sociale, insertion, aides aux jeunes en difficulté, actions de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture , personnes âgées, tourisme et exploitation et entretien des équipements et infrastructures destinés à la pratique du sport ou une partie d'entre eux ), l'ensemble des compétences est transféré à la métropole. Le transfert ou la délégation des compétences entraîne le transfert ou la mise à disposition de la métropole des services départementaux correspondants. À défaut de convention sur les modalités de ces transferts, le transfert des moyens est de plein droit. Comme l'avait rappelé notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication lors de l'examen du projet de loi, le transfert de la compétence sur la jeunesse et les équipements sportifs du département à la métropole est déjà une réalité dans de nombreux territoires et répond à un double principe de proximité et d'efficacité. • L'article 104 de la loi maintient le principe d'une compétence partagée entre les communes, les départements et les régions dans le domaine du sport . Dans son exposé des motifs, le projet de loi entendait prendre en compte la nécessité « au vu de la diversité des situations et du caractère transversal de ces domaines, de maintenir une possibilité d'intervention de chaque niveau de collectivité territoriale ». • L'article 105 de la loi ouvre la faculté de mettre en place un guichet unique pour l'ensemble des aides et subventions distribuées par les collectivités territoriales, dans un souci de simplification à l'égard de l'usager. Dans ces conditions, dans un domaine de compétence partagée, l'État, une collectivité territoriale ou un EPCI à fiscalité propre peut déléguer à une autre personne publique l'instruction et l'octroi des aides et subventions qui relèvent de sa compétence. La mise en place d'une instruction unique des dossiers de demande de subvention devait permettre de mieux coordonner les interventions croisées des collectivités territoriales et de rationaliser l'octroi de financements publics en limitant leur cumul, tout en facilitant les démarches des porteurs de projets. Près de quatre ans après l'adoption de cette disposition, force est de constater qu'elle n'a été que très peu utilisée. La mise en place de l'ANS pourrait permettre de substituer un dispositif obligatoire à un cadre facultatif et un guichet commun à un guichet unique. Par ailleurs, on peut rappeler que la loi NOTRe n'a pas prévu d'établir une commission thématique permanente dédiée au sport sur le modèle de celle créée pour la culture par l'article L 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales. |
I. LA CLAUSE DE COMPÉTENCE PARTAGÉE : PRINCIPE FONDAMENTAL DES POLITIQUES TERRITORIALES DU SPORT
A. UNE COMPÉTENCE RECONNUE PUIS CONFORTÉE PAR LES LOIS DE DÉCENTRALISATION
1. Une compétence des collectivités territoriales largement sollicitée
L'intervention des communes dans les politiques sportives repose sur la clause de compétence générale définie à l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ( « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ») .
Le même principe valait jusqu'à 2010 pour les conseils généraux (article L. 3211-1 du même code) issu de l'article 23 de la loi du 2 mars 1982 et pour les conseils régionaux (article L. 4221-1 du même code) issu de l'article 23 de la loi du 6 janvier 1986.
Cette liberté d'action des collectivités territoriales a permis leur très forte implication dans le financement des politiques du sport.
La dépense des collectivités locales en faveur du sport s'établit à 12,1 milliards d'euros en 2012 5 ( * ) . La contribution la plus élevée est celle du secteur communal estimée à 10,8 milliards d'euros (communes, groupements de communes, syndicats de communes, exceptés les syndicats à vocations multiples dont l'activité ne peut pas être ventilée, et les établissements publics de coopération intercommunale). Les dépenses du secteur communal sont principalement affectées au soutien à la construction et au fonctionnement d'équipements sportifs, scolaires notamment . Le secteur communal verse également des subventions aux associations sportives pour la réalisation de leurs projets, soutiennent des manifestations sportives et prennent en charge des services locaux chargés de la gestion sportive.
Les départements et les régions participent au financement d'équipements sportifs et au soutien d'associations et de manifestations sportives. Ils apportent également des aides au sport de haut niveau. En 2012, la dépense des départements est estimée à 730 millions d'euros (66 % en fonctionnement et 34 % en investissement). La dépense sportive des régions atteint 589 millions d'euros en 2012 , après 699 millions d'euros en 2011 (51 % en fonctionnement et 49 % en investissement).
2. Une « compétence partagée » depuis la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010
La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, qui a modifié l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, prévoyait de supprimer la clause de compétence générale, à l'exception de trois domaines dans lesquels la compétence est partagée. Le sport fait partie de ces exceptions : « les compétences attribuées par la loi aux collectivités territoriales le sont à titre exclusif. Toutefois, la loi peut, à titre exceptionnel, prévoir qu'une compétence est partagée entre plusieurs catégories de collectivités territoriales. Les compétences en matière de tourisme, de culture et de sport sont partagées entre les communes, les départements et les régions » .
L'article 104 de la loi NOTRe du 7 août 2015 s'est donc inscrit dans le prolongement de la loi de 2010 en modifiant l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir que : « Les compétences en matière de culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales et d'éducation populaire sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier ».
Ce même article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales a été modifié par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté qui a étendu l'application de la clause de compétence partagée à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes tout en la maintenant pour le sport 6 ( * ) .
On est donc passé au fil du temps d'une clause de compétence générale à une compétence partagée sur le sport et les subventions peuvent être accordées sans limitation de cumul . Cette situation est conforme au principe de libre administration des collectivités mais elle rend difficile la lisibilité et l'évaluation de leur action . C'est pourquoi le législateur de 2010 prévoyait la possibilité pour les départements et les régions de réaliser des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services permettant de fixer les délégations de compétences réciproques, d'organiser les interventions financières et de prévoir les conditions d'organisation et de mutualisation des services.
Les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) mises en place par les lois du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MATPAM) et du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République n'ont pas réussi selon un rapport de l'IGA 7 ( * ) « à faire émerger un pacte de gouvernance locale » . Leur composition est critiquée et leur fonctionnement considéré comme trop lourd. Si les élus ne demandent pas la suppression de la CTAP, le dispositif n'est pas considéré comme suffisant pour moderniser la gouvernance locale , en particulier dans le cadre d'une compétence partagée comme le sport.
* 1 « Les compétences en matière de culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales et d'éducation populaire sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier. »
* 2 Le même article 90 a prévu qu'à défaut de convention concernant au moins trois des compétences visées le transfert deviendrait obligatoire pour la plupart d'entre elles à compter du 1 er janvier 2017.
* 3 « Délégation de compétences, conférence territoriale d'action publique, de nouveaux outils au service de la coopération territoriale », rapport de l'IGA N°16119-R de mai 2017.
* 4 Le Gouvernement annonce la publication des décrets d'application pour le début 2020.
* 5 Données chiffrées extraites de l'avis n° 150 (2014-2015) de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 3 décembre 2014 sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
* 6 Article L 1111-4 du CGCT (deuxième alinéa) : « Les compétences en matière de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, de culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales et d'éducation populaire sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier ».
* 7 https://www.interieur.gouv.fr/Publications/Rapports-de-l-IGA/Rapports-recents/Delegation-de-competences-et-conference-territoriale-d-action-publique-de-nouveaux-outils-au-service-de-la-cooperation-territoriale.