N° 656
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2019 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) par le groupe de travail sur la Jordanie , clé de voûte de la stabilité d'un Moyen-Orient en crise ,
Par MM. Olivier CIGOLOTTI et Gilbert ROGER,
co-présidents,
Mme Isabelle RAIMOND-PAVERO et M. Jean-Pierre VIAL,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Robert del Picchia, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung . |
INTRODUCTION
Peu de pays ont fait preuve, dans l'adversité, d'autant de résilience que la Jordanie. Née sous des vents contraires, résultat du partage du Moyen-Orient entre la France et le Royaume-Uni après la Première Guerre mondiale, dans le cadre des accords secrets Sykes-Picot, ce pays est devenu le foyer de la dynastie hachémite après qu'elle eut été chassée du Hedjaz par les Al-Saoud. Cette famille, qui fait remonter ses ancêtres à l'aïeul du Prophète, exerçait la protection des Lieux Saints de l'islam. Après la perte du Hedjaz, elle s'est consacrée à la protection de Jérusalem, troisième Lieu Saint de cette religion.
Pays peu étendu et dépourvu de richesses naturelles, la Jordanie disposait de peu d'atouts pour survivre. Et pourtant, elle apparaît rétrospectivement comme un des pays les plus stables du Moyen-Orient. Cette longévité est déjà un indice de la capacité étonnante de ce pays à surmonter les épreuves qui se sont dressées devant lui.
Peut-être est-ce parce que la dynastie hachémite a toujours inscrit son action dans le temps long auquel la rattache son passé. Sans doute est-ce aussi parce qu'il était dans l'intérêt de ses voisins qu'il existe un havre presque préservé des troubles de la région. Sans doute enfin ce pays revendiquant une certaine modération a-t-il su tirer profit du soutien occidental, à commencer par celui du Royaume-Uni, puis des Etats-Unis.
Cette équation fragile faite de contraintes, du génie national jordanien et de convergences d'intérêts étrangers est peut-être plus prégnante que jamais dans un monde où la sécurité collective s'effrite au profit du libre jeu des puissances, où l'espoir d'une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens semble reculer, où la frustration des populations nourrit un fondamentalisme mêlant le nihilisme à la grande criminalité.
Le présent rapport entend rendre compte de l'immensité des défis auxquels ce pays fait face, et de l'impérieuse nécessité qu'il les surmonte si le monde ne veut pas voir cette région stratégique s'enfoncer un peu plus dans le chaos.