III. UN DIALOGUE POLITIQUE AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE DÉSORMAIS BIEN ÉTABLI, QUI RESTE NÉANMOINS PERFECTIBLE
Complémentaire des résolutions de l'article 88 4 de la Constitution, le dialogue politique entre le Sénat et la Commission européenne est essentiel au contrôle de la politique européenne. Parmi les 13 avis politiques adoptés au cours de la période allant du 1er octobre 2017 et le 30 septembre 2018, tous ont reçu une réponse de la Commission européenne, globalement mieux argumentée que par le passé. Il faut y voir le signe d'un dialogue nourri et régulier entre les deux institutions.
Néanmoins, la qualité des réponses de la Commission reste inégale et varie en fonction des sujets sur lesquels portent les avis politiques.
IV. LE CONTRÔLE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ : DES AMÉLIORATIONS QUI RESTENT À PÉRENNISER
• Le contrôle de subsidiarité : les avis motivés
La Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker avait décidé, dès 2014, de recentrer son activité législative sur quelques orientations politiques précises afin de mieux respecter le principe de subsidiarité, censé assurer que l'Union européenne n'empiète pas sur ce qui doit rester du ressort des États membres. Depuis 2009 et l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les parlements nationaux disposent de nouveaux outils dans le cadre du contrôle de ce principe essentiel. Il s'agit de s'assurer que l'Union européenne, en adoptant un projet d'acte législatif, n'outrepasse pas les prérogatives qui lui ont été assignées et respecte celles des États membres.
Le Sénat peut, de ce fait, adopter un avis motivé prenant la forme d'une résolution s'il estime qu'une proposition législative ne respecte pas le principe de subsidiarité. Si un tiers des parlements nationaux émet un avis motivé sur une même proposition législative, elle doit être réexaminée par l'institution européenne concernée : c'est la procédure du « carton jaune ». En outre, le Parlement européen et le Conseil devront vérifier, avant d'achever la première lecture, la conformité du texte au principe de subsidiarité. Si le Parlement européen, à la majorité des suffrages exprimés, ou une majorité de 55 % des membres du Conseil estime qu'il n'est pas conforme, la proposition législative est rejetée et son examen n'est pas poursuivi. C'est la procédure du « carton orange ». Le contrôle de subsidiarité peut aussi s'effectuer a posteriori, le Sénat pouvant former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen déjà adopté : c'est la procédure du « carton rouge ».
Néanmoins, le principe de subsidiarité reste imparfaitement pris en compte par la Commission européenne. Instituée le 1er janvier 2018, la task force de haut niveau intitulée « Subsidiarité, proportionnalité et faire moins mais de manière plus efficace » avait pour rôle d'analyser de manière approfondie le scénario 4 « Faire moins de manière plus efficace » retenu par le Livre blanc de la Commission de mars 2017 sur l'avenir de l'Europe. Cette task force a rendu son rapport le 10 juillet 2018, estimant qu'une subsidiarité plus active était nécessaire, à savoir une participation plus importante des différentes parties prenantes au cours de l'élaboration des politiques. La commission des affaires européennes du Sénat a d'ailleurs contribué aux travaux de la task force par un rapport d'information du 20 avril 2018.
Dans son 25e rapport annuel sur ses relations avec les parlements nationaux, la Commission note que « les parlements nationaux ont continué de recourir de manière intensive au mécanisme de contrôle de la subsidiarité, soumettant un grand nombre d'avis motivés ». Ainsi, en 2017, la Commission a reçu des parlements nationaux 52 avis motivés relatifs au respect du principe de subsidiarité, contre 65 l'année précédente. Le Sénat français, avec 7 avis motivés, soit 13,5 %, du total, est l'assemblée qui en a adopté le plus au sein de l'Union européenne.
• Les avis motivés adoptés par le Sénat
Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Sénat a adopté 30 avis motivés au titre du contrôle de subsidiarité, répartis de la façon suivante : 1 en 2011, 10 en 2012, 4 en 2013, 2 en 2014, 4 en 2016, 5 en 2017 et 4 en 2018. Après des débuts difficiles, une amélioration de la qualité des réponses de la Commission européenne aux avis motivés du Sénat est observable. Toutefois, trop souvent, ces réponses ne portent que sur le texte initial de la Commission, alors que les négociations au Conseil démontrent fréquemment, de façon rétrospective, le bien-fondé des positions sénatoriales.